Mon Colonel, Chef de Corps du Lycée Militaire d’Aix-en-Provence,
Monsieur le Proviseur du Lycée Militaire d’Aix-en-Provence,
Monsieur l’Adjoint au Maire d’Aix-en-Provence, représentant madame le Député-Maire d’Aix-en-Provence,
Mesdemoiselles et messieurs les élèves des Classes préparatoires aux grandes Ecoles militaires du Lycée Militaire d’Aix-en-Provence,
Mesdames et messieurs,
Prendre la parole en ces lieux au nom du général ( 2S) Robert Bresse, Président de la Fondation de la France Libre, de François Archambault, président de l’association Mémoire et Espoirs de la Résistance, de Gilles-Pierre Lévy, de la Fondation de la Résistance, de mon ami et modèle au Barreau de Marseille , Maître Raymond Alexander, Président de l’association Mémoire Vive de la Résistance, du médecin en chef ( R) du Service de Santé des Armées Bernard-François Michel, qui veille et entretient si fidèlement et si passionnément la flamme de la 1ère Division Française Libre, et enfin de mon camarade Patrick Brèthes, professeur d’histoire-géographie au Lycée militaire d’Aix-en-Provence, constitue pour moi un motif de fierté et de joie :
fierté de retrouver mes jeunes camarades des classes préparatoires aux grandes Ecoles militaires, joie de voir se concrétiser notre heureuse initiative, une de plus, de faire apposer cette plaque en hommage aux combattants de Bir Hakeim, sur les murs de cet établissement fameux qui en sauvegarde déjà solennellement la mémoire.
Il est heureux que le Lycée Militaire d’Aix-en-Provence ait souhaité graver mieux encore dans sa mémoire le souvenir des 3723 soldats de la 1ère Brigade Française Libre ( BFL) : du 27 mai au 11 juin 1942, ils résistèrent victorieusement aux troupes allemandes et italiennes à Bir Hakeim, sur le front lybien, stratégique dans la bataille de la Méditerranée.
Cette plaque est apposée sur ce bâtiment qui porte, depuis plusieurs décennies déjà, la magnifique inscription de « Bir Hakeim ». C’est un peu comme si les combattants de la 1ère BFL avaient confié au Lycée Militaire d’Aix-en-Provence la garde de leur mémoire et de la reconnaissance qui leur est due.
Mais vous connaissez la formule de Périclès, le stratège athénien : « Ce ne sont pas les pierres mais les hommes qui constituent les meilleurs remparts des cités. »
Je vois donc dans le dévoilement de cette plaque un acte d’espérance et de confiance :
Espérance, cette vertu théologale chère au poète Charles Péguy, ancien élève de khâgne, comme Alain-Fournier et Maurice Genevoix, le héraut de « Ceux de 14 », au très réputé Lycée Lakanal de Sceaux, lieutenant de réserve d’infanterie Mort pour la France dès le début de la Grande Guerre et dont les vers célèbres de sa « Prière pour nous autres charnels » résonnent ici intensément:
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce soit pour une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle… »
Espérance, disais-je, car la jeunesse, cette 2e Compagnie des classes préparatoires aux grandes écoles, aux ordres du Capitaine Laurent Milesi, est ici rassemblée devant nous, enthousiaste et déterminée, à l’image de tout le Lycée Militaire d’Aix-en-Provence, et ce en dépit de l’intense préparation des oraux d’admission à l’Ecole de Saint-Cyr, à l’Ecole navale et à l’Ecole de l’Air, après les écrits d’admissibilité.
Confiance car les élèves de cet établissement sont chaque année aux avant-postes du succès au Concours national de la Résistance et de la Déportation.
En effet, dans notre pays qui cède trop souvent non à l’oubli mais bien plus encore à l’abandon de l’Histoire, celle-ci a cette vertu qui consiste à donner du sens à ce qui , de prime abord, pourrait apparaître futile et incohérent.
Par conséquent, cette cérémonie doit être bien plus qu’un acte pieux de souvenir ; elle doit constituer une source d’enseignements pour notre jeunesse.
Regardons ensemble l’épopée de cette 1ère Brigade Française Libre ( 1ère BFL) : elle était avant tout riche d’hommes, et aussi de valeurs et de sentiments :
Riche d’hommes : la 1ère BFL était composée de combattants français et étrangers, venus du monde entier : Français d’Afrique du Nord et de métropole, Africains d’Afrique noire et d’Afrique du Nord, Tahitiens, Néo-Calédoniens, Guyanais, Antillais, Asiatiques, Malgaches, Libanais, Syriens, Juifs de Palestine, légionnaires allemands antinazis et italiens antifascistes… Une fraternité d’armes rehaussée par une mentalité de vainqueurs animait tous ces soldats, légionnaires, fantassins, marsouins, artilleurs ou marins.
Comment ne pas se souvenir ici, dans ces murs, de deux héros de Bir Hakeim, parmi tant d’autres de tous grades et de toutes origines :
En tout premier lieu le lieutenant-colonel Félix Broche, désormais entré dans la légende du LMA. En effet, une plaque rappelle, apposée et dévoilée à mon initiative, que, jeune soldat sans grade, il fit ses premières armes ici, à la caserne Miollis. Le lieutenant-colonel Broche, Commandant du Bataillon du Pacifique où il était vénéré comme un père par ses soldats, fut tué à Bir Hakeim, avec son adjoint, le capitaine Gaston Duché de Bricourt. La plaque qui lui est dédiée fut dévoilée ici, en 2010, en présence de l’amiral François Flohic, ancien aide de camp du général de Gaulle, par Pierre Simonet, Compagnon de la Libération, héros de Bir Hakeim. Pierre Simonet avait tenu à faire le déplacement au Lycée Militaire d’Aix-en-Provence, en dépit de son grand âge : fils de polytechnicien, Pierre Simonet fit ses études au lycée Thiers à Marseille ; élève de « Mathématiques supérieures et spéciales », il n’hésita pas à interrompre son cursus pour s’engager comme simple soldat au 1er Régiment d’artillerie. Promu aspirant, il s’illustra notamment, après Bir Hakeim, dans les combats de la Libération de Toulon.
C’est dire si cette première victoire de la France Libre est riche d’hommes mais également de valeurs : Bir Hakeim, ce fut donc un combat livré par des Français et des amis de la France, venus de tous les continents, pour écrire une page de l’histoire, non seulement de la France mais du monde, unis par un même attachement à notre nation, à nos valeurs et à notre culture, et par une même volonté de rétablir la France dans sa fierté.
La diversité des soldats de Bir Hakeim illustre la célèbre définition de la Nation donnée par l’historien Jules Michelet évoquant « ce mystère admirable où éclate la grande âme de la France ». Comme nous l’enseignent avec autant de talent que de passion les grands professeurs de droit public et d’histoire des idées politiques tant à la Faculté de droit et de sciences politiques d’Aix-en-Provence et de Marseille qu’ à l’Institut d’études politiques – Sciences Po Aix-en-Provence, les professeurs Joël-Benoît d’Onorio di Méo, Jacques Bourdon, Julien Broch, Frédéric Colin, Rostane Mehdi et Jean-Claude Ricci, il s’agit bel et bien de la conception révolutionnaire, volontariste, presque romantique de la Nation reprise par l’écrivain Ernest Renan dans sa célèbre Conférence de la Sorbonne en 1882 : « Une nation, c’est une âme, un principe spirituel ; deux choses constituent cette âme : l’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs, l’autre est le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. »
Le rayonnement de Bir Hakeim s’est propagé comme une traînée de poudre, jusque dans les maquis , éclairant même d’une aube nouvelle la désespérance de nombreux internés et déportés dans la nuit et le brouillard.
Prennent dès lors tout leur sens et toute leur portée les mots célèbres du général de Gaulle, le 18 juin 1942, que je mets toujours un point d’honneur à lire et à relire, puisqu’ils sont gravés dans le marbre de l’imposante et magnifique stèle du rond-point Bir- Hakeïm à Toulon, face à mon domicile, où nous nous recueillons toujours et encore avec l’Amiral Yann Tainguy, Maire-Adjoint de Toulon, ancien Préfet maritime de la Méditerranée : « Quand, à Bir Hakeim, un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats, le monde a reconnu la France. »
On ne dira jamais assez que la France Libre et la Résistance sont à l’image de la République Française, « une et indivisible », comme l’était déjà le Royaume de France.
Conservons à l’esprit ces mots du général de Gaulle, si instructifs pour toute la jeunesse de France, du Lycée Militaire d’Aix-en-Provence au lycée Lakanal de Sceaux sans oublier le lycée Carnot- président Habib Bourguiba de Tunis, ce lycée de Tunis où mon ami Philippe Séguin, Aixois éminent, étudia et dont la mémoire est fidèlement perpétuée par le directeur et professeur Rostane Mehdi à Sciences Po Aix avec la place et l’espace Philippe Séguin à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence :
« La Résistance, c’est-à-dire l’espérance nationale, s’est accrochée à deux môles qui ne cédèrent point ; l’un était un tronçon d’épée, l’autre la pensée française ; la véritable école du commandement est donc la culture générale… » ( Charles de Gaulle)
Il revient donc au premier chef à la jeunesse du Lycée Militaire d’Aix-en-Provence de perpétuer la glorieuse tradition de ces hommes et de ces femmes. De la 1ère Brigade Française Libre à l’Armée des ombres dirigée par Jean Moulin, ils ont tant fait pour que vive, de nouveau, la France. De ces Français Libres et de ces Résistants, soyez les héritiers et les continuateurs. Ceux de Bir Hakeim ont écrit une page de l’histoire du monde. Puisse leur souvenir durer autant que la France, et la France autant que le monde.
Valéry CHAVAROCHE