Actualité générale

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Salon-de-Provence : Mémorial Jean-Moulin/ 27 mai 2013 _ Allocution de François-René CRISTIANI-FASSIN
27-05-2013

 Salon-de-Provence / Mémorial Jean-Moulin/ 27 mai 2013


Allocution de François-René CRISTIANI-FASSIN,                                      

  président du Comité régional du Mémorial Jean-Moulin

 

Nous venons de loin. Nous revenons de loin. Chaque jour, les anciens déportés rentrés des camps de concentration s'en souviennent dans leur chair et leurs cauchemars. Comme le savent bien aussi les résistants encore parmi nous qui ont réussi à échapper aux tenailles de la Gestapo, de la police de Vichy et du maréchal, ou de la Milice et qui, inlassablement, continuent de témoigner, jusqu'au bout de leurs forces, auprès des jeunes générations.

Car on a bien failli ne jamais se trouver réunis ce soir à célébrer le 70ème anniversaire de la 1ère réunion du Conseil national de la Résistance, sous la présidence d'un ex-plus jeune préfet de France, limogé par Vichy : Jean Moulin. En effet, le 17 juin 1940, Moulin, alors préfet de Chartres, a bien failli réussir sa tentative de suicide, obsédé qu'il était par l'idée qu'il pourrait, sous la torture, céder aux ignobles injonctions de l'envahisseur nazi. Et, plus tard, Moulin, chef clandestin de la Résistance française, a bien failli mourir dans un bête accident d'avion alors qu'en février-mars1943 il était allé voir de Gaulle à Londres.

Dans la nuit du 13 au 14 février, son départ pour l'Angleterre par un vol clandestin s'était bien passé. Ayant obtenu l'assentiment du général pour consacrer, par la création d'un Conseil de la Résistance, le retour sur le sol français, et dans la clandestinité, de l'Etat républicain, Moulin ne souhaitait pas s'attarder à Londres. Son retour devait s'opérer dès la nuit du 24 au 25 février 1943, toujours par un vol clandestin. Un voyage top secret puisqu'il était l'unique passager du squadron leader Hugh Verity aux commandes d'un Lysander, ce petit avion de la Royal Air Force qui s'est tant illustré dans ces vols clandestins de nuit. Le pilote a raconté qu'il convoyait, je cite, "un Français de quelque autorité, à en juger par son maintien ; il ne portait pourtant qu'un costume et un pardessus quelconque et un feutre".

 

Objectif : le terrain "Marabout", non loin de Bourges. Problème : un épais brouillard s'était levé, le pilote n'avait aucun repère au sol. Seule solution : faire

demi-tour. Mais ce retour fut plus que mouvementé, d'abord en raison du brouillard persistant puis des projecteurs ennemis sur la côte nord de la France. Pour leur échapper, le pilote - et son passager - furent contraints à une soudaine descente en vrille et il paraît que ça secoue ! Arrivés au-dessus du terrain Royal Air Force de Tangmere, non loin de Chichester, le brouillard était encore plus dense et malgré les puissants projecteurs de la base, Hugh Verity dut faire onze tentatives d'atterrissage, en descendant "aux instruments" : ou c'était "trop haut" ou "pas dans l'axe". Alors il décida que la douzième approche se conclurait par un atterrissage. Il raconte : "le Lysander tomba dans un craquement formidable, le train d'atterrissage écrasé, la queue formant un angle de 45°, tandis que l'appareil baissait le nez et n'en finissait pas de glisser ; c'est un miracle qu'il n'ait pas pris feu". Et, entre le Britannique et le Français, le plus flegmatique n'est pas celui qu'on croit. Moulin parvint à s'extraire et à sauter de l'appareil avec l'aide de Verity. Ce dernier s'excusa, dans son meilleur français, d'"un voyage désastreux", alors que son passager, écrit-il, "n'aurait pu être plus charmant et alla même jusqu'à me remercier pour un vol très agréable" !

Si je vous raconte ces journées, c'est parce que deux amis britanniques sont avec nous ce soir, Martyn Cox et Martyn Bell, ont organisé fin février au terrain de Tangmere le 70ème anniversaire de cette nuit de tous les dangers.

On sait que Moulin réussit à rentrer en France presqu'un mois plus tard, sur un terrain tout proche de Melay, en Saône-et-Loire, commune qui a également célébré le 20 mars dernier le 70ème anniversaire de ce retour réussi, et dont M. le maire Jean Claude-Ducarre nous honore de sa présence.

Et c'est pourquoi plus de trois mois plus tard Moulin put présider la première réunion du CNR, réussissant à mettre d'accord 17 fortes têtes, pour poser les bases, enfin, d'un retour de l'Etat républicain et d'un programme qui allait avoir pour titre "Les jours heureux". En cette année 1943, très sombre et très meurtrière pour la Résistance, il fallait oser !

Nous reviendrons demain à l'Espace Charles-Trenet, devant plus de 800 collégiens et lycéens de la région, sur les acquis du CNR et aussi, hélas, à peine un mois plus tard, la tragédie de Caluire. Mais l'importance de cette journée du 27 mai, on le sait, n'a pas échappé à mon illustre prédécesseur Bernard Bermond et à ses amis résistants de toute la région PACA qui se sont battus pour l'édification en 1969 de ce beau monument, rendu encore plus formidable cette année grâce à la volonté de la Ville de Salon et de son maire.

Et je veux souligner que cette fidélité - unique parmi les villes de France - ne s'est jamais démentie : depuis 44 ans, ici même, le 27 mai et cette première réunion du CNR sont commémorés chaque année. Et, enfin, grâce aux efforts redoublés, depuis plus de vingt ans, de la plupart des associations d'anciens résistants, au premier rang desquelles l'ANACR et notre Comité régional, la loi va bientôt consacrer le 27 mai comme Journée nationale de la Résistance, ici même, comme partout en France. A une année des célébrations du 70ème anniversaire de la Libération (qui ne sera pas pour autant la fin de la guerre, on ne doit pas l'oublier), il n'était que temps. 1943-2013 : Il était même grand temps 



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