Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Pierre ARCHAMBAULT

Portrait de Jack et Thierry VIVIER, Société Archéologique de Touraine, 1999

respectivement docteurs en médecine et en histoire,

ainsi que fils et petit-fils du Préfet de la Libération)

 

Si l’on examine les tout premiers groupes de Résistance en Tourraine, on petit distinguer parmi ceux-ci le groupe du Père de la Perraudière, groupe constitué d’un noyau très important de Chrétiens, à savoir le Père de la Perraudière, le Père de Sciages, tous deux issus de l’enseignement des Jésuites, Anne-Marie Marteau, Professeur de mathématiques à l'école Primaire Supérieure et de Pierre Archambault qui fut Directeur La Nouvelle République à la Libération et avait organisé, dès les années 1937-1938 on groupe de réflexion anti nazie à son domicile à Tours, rue Pasteur.

Ajoutez à cette première formation Marcel Ballon, instituteur public, Jean Meunier, député d'Indre et Loire, prisonnier de guerre et libéré en décembre 1940 comme appartenant au service de santé, Mme Mencau, économe de l’École Primaire Supérieure, Mlle Pradeau, professeur en ce même établissement scolaire et Pierre Verdier, professeur au lycée Descartes.

A l’initiative du Père de la Perraudière qui avait souhaité faire renaître les cercles Rivain des années trente, les participants à ce groupe se réunirent pour envisager ce qui pouvait être fait pour s’opposer la mainmise allemande sur les organisations françaises, pour venir en aide aux plus déshérités, pour permettre à ceux qui étaient recherchés par la police allemande, notamment aux prisonniers de guerre évadés, aux parachutistes anglais et aux agents de la France Libre de franchir clandestinement la ligne de démarcation, enfin d’entretenir l’espérance d’une prochaine libération et d’étudier les réformes à entreprendre pour la future République qui ne pourrait pas ressembler à l’ancienne.

On discutait ferme dans un esprit de grande concertation et d’ouverture sur la légitimité du gouvernement du Maréchal et on envisageait les solutions à adopter pour faire échec à l’occupant. Pierre Verdier lisait des textes de Péguy et les commentait avec verve et finesse. Bref, il semblait que les cercles Rivain revivaient à nouveau, rencontre de personnalités fort différentes, chacune ayant le souci de ne pas renoncer à sa propre croyance et d’exprimer son point de vue dans un climat de respect de la pensée des autres et dans un esprit de coopération pour bâtir ensemble. Tous et toutes voulaient bouter l’occupant hors de France et lutter pour recouvrer la liberté confisquée.

On n’est pas surpris de voir Pierre Archambault s’intégrer dans le groupe de Résistants du Père de la Perraudière. Il est dans le sillage de La Perraudière, férule souple et bienveillante, mais exigeante quant à la morale. N’est vrai chrétien aux yeux de ce prêtre que celui qui s’engage à servir, à affronter les épreuves dans le quotidien, et vivre la morale évangélique.

N’est véritable prière de chrétien que celle qui naît du plus profond de l’âme, sincère franche, avec la participation volontaire du suppliant, usant de son libre arbitre pour soutenir l’effort communautaire vers la Justice et la Vérité.

Faut - il rappeler que Pierre Archambault est agissant alors au sein de l’Action catholique des Jeunes de France dont le Père de la Perraudière est le principal animateur. C’est dire que Pierre Archambault pratique l’entraide, le secours aux personnes en détresse, dans un esprit d’amour et de charité ; et s’il décide d’être aux côtés de La Perraudière dans cette lutte du Bien contre le Mal, dans le combat pour la survie de l’esprit chrétien, c’est qu’il est très fortement croyant, sa foi est vive et est l’alma fides.

 

François Archambault, son fils, baptisé par B de la Peiraudière, en 1938, qui avait marié ses parents eu 1936, a raconté avec beaucoup de pudeur ce que fut l’éclosion spirituelle de 5son père. Élevé dans une famille de petits commerçants, il a fréquenté les écoles chrétiennes - Ecole Saint-Etienne de Tours, rue Biaise Pascal et a gardé le sens des valeurs religieuses. il a côtoyé plusieurs abbés, notamment l’abbé Auguste Desmolles, le Chanoine Labaurne, résistant déporté, Mgr Jacques Sadoux, recteur de la Basilique Saint - Martin et Vice-président de Touraine-Canada. Ce dernier écrit à son sujet “Je revois ce garçon éveillé, ouvert, participant à nos échanges avec facilité et franchise il resta fidèle jusqu'au bout à ce vicaire qui, à Saint-Etienne, l’avait préparé à sa communion solennelle et l'avait suivi lors de ses années d'adolescence’’.

Cette rencontre avec des prêtres, aux âmes de feu, épris de fidélité à la foi du Christ a marqué le jeune Pierre Archambault et lui a inculqué le sens du devoir, de la charité envers autrui, mais aussi l’espérance et un optimisme démesuré.

Voila donc Pierre Archambault au sein de la Résistance, il est porté vers la tempête, prêt à l’affronter psychologiquement et volontairement. Comme l’écrit Denis Crouzet dans son ouvrage "La Sagesse et le Malheur". "L'expérience évangélique est comme une révélation de ce que rien ne peut atteindre la foi de l'homme qui se confie à Dieu et qui également s'attache à aider Dieu".

Ainsi fut tissée la foi de Pierre Archambault, très prégnante. Prier certes pour lui, niais aussi travailler, participer à l’œuvre commune. Tel se justifie le combat de l'homme contre l’oppression nazie tel Pierre Archambault se dirige vers le combat de la nuit.

Si l’influence du Père de la Perraudiére est certaine dans sa formation, on ne peut oublier qu’il fut contraint, à la suite du décès de son père victime de séquelles de la Grande Guerre, de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, une mère veuve et deux jeunes frères...

Dès 1927, il entre donc à l’Agence HAVAS, agence d’information et de publicité, Belle école du courage, apprentissage de la vertu que l’école de la vie, mais ce premier contact avec le monde de l’information éveille en lin un très grand intérêt. Informer, métier des plus nobles à ses yeux, mais avant d’informer convient-il de connaître, de savoir et d’acquérir. C’est à cette tâche devenue passion que se livre Pierre Archambault.

Il s’instruit, il suit les cours de journalisme de l'École Universelle et de gestion de l’École d’Organisation Scientifique du Travail, il approche au plus près de la vérité pour ensuite diffuser, enseigner et éclairer, afin de bâtir tin inonde meilleur, plus clément pour tous et pour toutes, avec plus de justice et d’humanité. Dans le combat de l’heure, du moment qui est celui de briser les chaînes et de recouvrer la liberté, la liberté la plus complète, la plus totale, et surtout celle de s’exprimer et de pouvoir écrire.

Pierre Archambault est au premier rang.

Il accomplit son service militaire, puis il devient correspondant de L‘Ami du Peuple, de L’Avenir de Touraine, de Paris-Soir et de Paris-Midi. La Maison Manie l’accueille en 1931. I1 apprécie ces premiers pas dans la carrière journalistique, d’autant qu’il assume un reportage sur un prestigieux mariage, celui du Duc de Windsor qui se déroule en Touraine au Château de Candé.

Tout en poursuivant son activité de militants dans les rangs de la mouvance catholique, il est mobilisé dans le cadre du 13 eme Régiment de tirailleurs Algériens, à Châtellerault. Il avait été Zouave en Algérie dans les années trente, et en était très fier.

Juin 1940, l’armistice est signé.

Mais déjà affluent les prisonniers de guerre évadés, les juifs victimes des lois d’exception (le Vichy et de persécution nazies.

Pierre Archambault contribue au passage clandestin de la ligne de démarcation pour tous les traqués, les poursuivis, les exclus, les gaullistes et les résistants.

II est proche de Jean Meunier, il est chargé du renseignement et fait partie de la Confrérie Notre-Dame du Colonel Rémy, comme agent PI, puis P2, sous le pseudonyme de Beauchamp.

Il s’inscrit à Libération-Nord dont Jean Meunier est le responsable départemental. Libé-Nord est formé de socialistes et de modérés d’aspiration chrétienne.

C’est Pierre Archambault qui réalisa la prise de contact de Jean Meunier avec les Pères Jésuites, de la Perraudière et de Solages. Ainsi se constitue une cellule de Résistance, de réflexion, de débats, de controverse, mais plus encore d’action dirigée contre l’occupant.

Les discussions portent (témoignage de Mile Marteau) de la légitimité du gouvernement de Pétain, de ce que serait la révolution. l’espoir revivait alors et prenait essor.

Le problème qui se posa avec le plus d’acuité fut l'aide apportée aux prisonniers de guerre évadés : fausses cartes d’identité à établir, passages à organiser, vêlements à fournir, et souvent remise de quelque argent à tous ces déshérités fuyant vers la zone non occupée. Mais, ajoute Anne-Marie Marteau ‘‘A nos réunions très fermées se substituaient parfois des réunions plus large, où on lisait les beaux textes de la littérature, de la Résistance, de zone libre ou d'ailleurs. P Verdier ; l'abbé Froger, Albert Montenay, le Dr Desbuquois, le Dr Arnaud étaient des nôtres tout prêts à apporter leur aide inconditionnelle passage de renseignements ou d'hébergement de cas difficiles “.

Anne-Marie Marteau conclut ‘‘ Rien ne nous rendra l'atmosphère de 1940, 41 et 42, quand nous étions un tout petit nombre, qu'aucune ambition n'était devant nous et qu'il n y avait que la foi et le dévouement à une cause librement choisie dans l’obscurité, le danger et l‘amitié...”.

Si longue peut apparaître cette narration d’activités (le cette cellule (le Résistance, elle nous semble toutefois utile, elle souligne le climat de solidarité et d’amitié qui soudait entre eux les Résistants.

Pierre Archambault, infatigable, est toujours sur la brèche, au courant de toutes les activités du groupe de Résistance et y participant pleinement. Collecteur de renseignements civils et militaires, il contribue à la création du commandement militaire de l’armée secrète. Nous savons par la voix de M. Page, négociant en lis-- sus, résidant rue Georges Sand à Tours, aujourd’hui décédé, que Pierre Archambault recevait souvent le général Lugand, notamment 51 rue Georges.Sand où la Gestapo a failli l’arrêter avec toute sa famille, à quelques minutes près...

Lorsque le danger se précisait, Pierre Archambault s’éloignait et c’était M. Page qui accueillait le général et l’accompagnait à la gare, et servait de boite aux lettres à Pierre Archambault.

N’omettons pas en fin l’intervention de Pierre Archambault dans le cadre de la désignation des responsables pour les nouveaux pouvoirs créés à la Libération. Clandestin dès le début de 1944, caché à Fondettes qu’il quitte le 6juin 1944 - date du débarquement - il se fixe à Semblançay, où les Américains débarqués prennent contact avec lui, forme un groupement de FFI, enfin gagne Saint-Antoine-du-Rocher et Neuillé-Pont-Pierre.

Il prend contact avec les différentes formations militaires de Beaumont- la-Ronce et de Château- la-Vallière dont beaucoup ont subi des coupes sombres exercées dans leurs rangs par la Gestapo. “Balzac”, soit le commandant Bourgouin lui rend visite ; il renoue des relations avec Michel Debré commencées dans les années 1938, il rencontre des officiers américains au Mans.

De Courcel, Directeur du Cabinet du Général de Gaulle, le reçoit ; il est alors chargé des fonctions préfectorales le 18 août par Michel Debré, commissaire de la République à Angers pour la partie Nord du département d’Indre-et-Loire libérée.

Ce n’est pas un mince travail que de veiller au maintien de l’ordre public, d’assurer le ravitaillement, de maintenir en bon état ponts et voies de communication Avec l’aide du Commandant Cochard, il s'installe à la mairie de Neuillé-Pont-Pierrre et s’efforce de répondre aux besoins vitaux de la population. Michel Debré vient en personne le conforter dans ce difficile travail. N'est-il pas tenu de reconnaître le charnier de Saint Symphorien, de suppléer à la défaillance de certaines municipalités trop serviles et favorables au régime de Vichy et d’éviter les exécutions sommaires ?

Il aurait pu à l’invitation de Michel Debré, poursuivre dans la voie préfectorale, mais poussé par la passion du journalisme, il décline cette offre.

Dans son rapport en date du 24 avril 1956, Anne-Marie Marteau signale que consultée par Jean Meunier, sur ce que serait la future organisation du département, elle demanda à ce dernier que soit confiée à Pierre Archambault une responsabilité dans le 1oumal qui serait créé, dit-elle “J'appris ainsi, à l’été 1943, à Meunier les aspirations de Pierre Archambault au journalisme, aspirations que Meunier ignorait alors"

Quoi qu’il en soit, Pierre Archambault, bien que peu attiré par la politique n’entendait pas se dérober, il faisait partie de l’équipe municipale de Tours formée par Jean Meunier, comme adjoint à la Culture et aux Sports.

Appelé selon ses vœux à la direction de La Nouvelle République, il est nominé directeur du journal par Préfet Vivier, nomination confirmée par décret gouvernemental, signé Teitgen, au nom du Général de Gaulle.

Prodigieuse carrière III ne cesse d’exercer de hautes responsabilités. Secrétaire-adjoint du Syndicat des quotidiens Régionaux, puis Vice-président de la Presse Démocratique, il fonde le Syndicat National de la presse Quotidienne Régionale, dont il est le Président pendant plus de vingt années.

Administrateur de la Caisse de Retraite de la Presse Française, il participe au Centre de Formation des journalistes, créé par Philippe Viannay, fondateur de “Défense de la France” ; il est membre du comité de direction de l’institut Français de Presse. Il représente la presse écrite au Conseil d’Administration de l’O.R.T.F., à la demande personnelle de de Gaulle. il est de plus membre du Haut Conseil de l’Audiovisuel. Ses activités sont multiples et sa compétence reconnue.

Pierre Archambault est Président des Amis de Marie de l’incarnation en août 1961 ; il a toujours été fort intéressé par l'œuvre d’apostolat et d’enseignement de Marie Guyart, et soucieux d’assurer la pérennité de celle-ci, ainsi que de la présence et de l’épanouissement de la culture française sur la vieille terre française de “Nouvelle France”. Sa photographie figure d’ailleurs dans la chapelle du Carmel, des Ursulines à Tours.

Nombreuses décorations lui sont attribuées et témoignent de son dévouement, des services rendus à la muse publique. Il a été nommé Commandeur du Ouissam Alaouite par Si Mohamed V, lui-même Compagnon de la Libération Humaniste, Cœur généreux et fidèle à ses engagements politiques, Pierre Archambault laisse le souvenir d’un croyant sincère, d’un homme de bien soucieux de servir et de bien servir.

C’est en tant que Président du Rotary Club de 1967 à 1968, puis comme Gouverneur du 172” district tu Rotary (1972-1973), qu’il continue à œuvrer dans maints domaines et principalement dans la voie journalistique et les œuvres sociales.

Conclusion : Chrétien résistant dès les premières heures de l’occupation, Pierre Archambault s’est distingué par sa fidélité à sa foi première et l’a toujours pleinement vécue tout au long de son parcours terrestre. Il laisse le souvenir d’un homme de bien et personne ne peut oublier son dévouement et sa bienveillance.

Mort en 1988, il est enterré au cimetière de Tours Sainte -Radegonde.

Jack et Thierry VIVIER, Société Archéologique de Touraine, 1999 respectivement docteurs en médecine et en histoire, ainsi que fils et petit-fils du Préfet de la Libération)



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