Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

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Mémoires de Marcel PUT_ Chapitre VI - L'attaque de la Citadelle de SISTERON
06-09-2012

  Mémoires de Marcel PUT

Ancien des maquis de BAYONS _04

Chapitre VI - L'attaque de la Citadelle

Chapitre VI - L'attaque de la Citadelle

Ce 21 juillet 1944, le maquis de BAYONS est endormi et, dans notre < palace pailleux > au cantonnement de Tavanon, tout est calme et ‘Ronronne’, quand une main me ‘tapote’ sur l’épaule et l’on me chuchote à l’oreille, c’est  Crosby, un des responsables du groupe qui vient me chercher. Je ne suis pas surpris, car ce n’est pas la première fois  que l’on vient me chercher de très bonne heure pour une mission.

En quelques secondes, je suis dehors. Je m’habille à l’extérieur pour ne pas réveiller tout le monde. Je me précipite vers la fontaine pour m’asperger le visage. L’eau fraîche me réveille complètement et ce n’est encore pas aujourd’hui que je ferai une vraie toilette.

Croby me presse et à ma demande sur le but de notre mission, la réponse est top secret, tu auras la réponse plus tard pour le moment silence complet.

Nous dévalons rapidement de notre refuge montagnard, pour rejoindre la place du village, un bon kilomètre plus bas. C’est une belle nuit d’été de Provence, le ciel est clair, éclairé par une multitude d’étoiles. Je ne saurais dire l’heure qu’il est lorsque nous arrivons sur la place du village, peut être 3 ou 4 heures du matin. Les montres bracelet à quartz de maintenant n’existent pas encore. Nous trouvons là, quelques camarades qui attendent déjà auprès de la camionnette du maquis. Pas un mot, silence respecté pour ne pas réveiller les villageois qui dorment encore et en cette saison toutes les fenêtres ouvertes pour profiter de la fraîcheur de la nuit. Encore quelques instants d’attente, les derniers participants pour former le groupe sont là, ce qui porte l’effectif à une dizaine, chauffeur compris.

Nous grimpons sur le plateau arrière de la camionnette et nous voilà partis direction Sud. Nous nous serrons les uns contre les autres, car avec la vitesse l’air est vraiment frais. Ces moments de silence pour une mission inconnue procurent certainement à chacun de  nous un certain stress, car les précautions prises, le silence, la sélection des participants, ne sont pas habituelles. Dans mes pensées je constate que je suis le seul Sisteronnais, alors que dans notre compagnie nous sommes plusieurs, est-ce délibéré ?

Nous longeons le Sasse à vitesse maximum, 50 ou 60 Kms heure. Il faut savoir qu’à l’époque les routes ne sont pas goudronnées, plus sinueuses et étroites qu’aujourd’hui.

Rapidement nous dépassons le village de Clamensane, et fonçons vers le village de Valernes sans rencontre. Il ne fait pas encore  jour, mais le ciel commence à s’éclairer. Au croisement en dessous du village de Valernes, nous bifurquons à gauche. Cela veut dire que nous allons ver Sisteron, ou au delà ?.Si nous avions tourné vers la droite, cela nous aurait conduit vers la route Nle 85 pour y effectuer une embuscade ou l’attaque d’un ouvrage stratégique.

Enfin à trois ou quatre kms de Sisteron, on y voit plus clair, et c’est à ce moment que Crosby nous informe et nous donne les consignes pour investir la citadelle de Sisteron et délivrer les  patriotes prisonniers. Nous savons que le gros des effectifs de la garnison allemande est en déplacement et que la citadelle n’est gardée que par un petit effectif de garde, mais de combien ?

Notre rôle sera de nous approcher le plus près possible de la porte d’entrée principale, au pied des hautes murailles, sans se faire repérer. Nous attendrons l’arrivée du groupe qui devra faire ouvrir la porte par la ruse. En cas de réussite de l’ouverture, nous devrons maîtriser le poste de garde, ensuite à travers la citadelle aller jusqu’aux baraquements des prisonniers et délivrer ceux-ci.

A présent je comprends pourquoi j’ai été choisi pour accompagner Crosby. Certainement à cause de ma connaissance de la ville et de la citadelle. (Terrain de jeux des enfants de Sisteron), Afin de guider mes camarades.

La camionnette arrive à Sisteron et prend la route basse le long de la rive droite de la Durance et nous dépose au quartier de Bourg Reynaud, rue de Font Chaude, au  pied de la longue andronne. C’est un passage de 2 m de large environ, montant sur 50à60 m, au sol carrelé avec des galets de Durance. Ce passage nous hisse en courant, au niveau supérieur, à la rue mercerie que nous parcourons aussi rapidement jusqu’aux quatre coins, c'est-à-dire au carrefour des rues mercerie, rue droite, rue saunerie et une petite andronne plus étroite identique à la grande pour arriver plus haut vers le quartier de la Coste.

Petit arrêt au carrefour, rien en vue, les rues sont désertes, nous nous engouffrons dans la petite andronne pour atteindre le niveau supérieur, vers la rue Notre Dame

Au sortir des maisons, c’est un grand talus qui s’offre à nous jusqu’au pied d’une grande muraille, premier ouvrage de la forteresse de Vauban. Nous empruntons un sentier montant en diagonale, qui nous conduit vers la route d’accès à la porte d’entrée de la citadelle.

 Au plus près de cette route, nous nous cachons parmi les broussailles et les grands mélèzes au pied de cette grande muraille. A présent il fait grand jour, nous attendons l’arrivée du petit groupe de résistants, composé de deux gendarmes, de deux gardiens de la citadelle et d’un prisonnier menotté. Ce sont ces cinq camarades qui ont pour mission de faire ouvrir la porte et nous permettre d’entrer en force sur leurs pas.

Il doit être vers les sept heures du matin, nos camarades passent près de nous, le grand moment est arrivé et la tension aussi. Vont-ils réussir ? Tout repose sur le succès de  cette ruse, à défaut, le dispositif s’écroule, il n’est d’autre moyen de forcer l’accès et adieu à la liberté pour nos patriotes emprisonnés.

A ce moment, le rythme cardiaque s’accélère, mais chacun est prêt à bondir au signal, les secondes paraissent bien longues, soudain le signal nous libère et c’est la course folle vers la porte ouverte par la réussite de la ruse.

Le groupe des gendarmes et les gardiens maîtrisent le poste de garde composé de sept ou huit soldats allemands, surpris, étonnés ne comprenant rien à ce qui leur arrive.

Pendant ce temps, notre groupe escalade les quelques marches qui nous séparent du 1er niveau des fortifications. Cette place est vide, nous la traversons en courant, seul un soldat allemand en chemise, les bretelles de pantalon pendant le long des jambes, en train de se raser devant son miroir, reste figé à notre passage.  Nous l’ignorons et poursuivons notre course vers le 2ème niveau.

Celui-ci est moins grand, bordé d’un côté par un bâtiment, probablement les cuisines au rez de chaussée et l’infirmerie à l’étage. En face, une grande muraille de quinze mètres environ de hauteur soutient le 3ème niveau où se trouvent les baraquements des détenus.

La place est vide, lorsque Crosby crie tout à coup, .Nous sommes déjà tous plaqués contre la muraille, impossible de s’abriter. Au lieu de nous attaquer avec son fusil mitrailleur, il fait de grands gestes avec son casque à bout de bras. Heureusement pour nous, ce soldat était en fait un Polonais, incorporé de force dans l’armée allemande, montrant ainsi sa non belligérance envers nous. Connaissant bien les lieux, avec un camarade, nous nous précipitons immédiatement vers les escaliers au fond de la cour menant au 3eme étage pour l’intercepter. Nous traversons rapidement cet étage où sont logés les prisonniers et arrêtons le Polonais qui descendait tranquillement de son poste de guet, le fusil en l’air au dessus de sa tête.

Pendant ce temps, le groupe de réserve, était monté de la ville, prenant en charge les prisonniers allemands et dévalisant le dépôt d’armes et de munitions. Les patriotes libérés  et valides donnaient un coup de main, avant d’être évacués vers le camp à Bayons.

Pour notre groupe, notre action n’était pas terminée, nous sommes descendu en ville pour prendre position aux abords de l’hôtel de la poste, siège de la gendarmerie allemande. Ceux-ci à l’abri d’un mur de sacs de sable, ne tentait pas de sortie, mais attendait l’arrivée annoncée de renforts, venant des deux côtés nord et sud de la ville. Nous saurons par la suite que les troupes venant du sud avaient été retardées par une embuscade organisée par le maquis A.S. de Saint-Auban sur la Nle 85 au sud du village des Bons Enfants. Les renforts venant du Nord arrivaient trop tard, notre action était terminée, le maquis avait évacué la ville.

En ce qui me concerne, retardé quelques instants, par Mme LOUIS du bar-tabac de la rue de Provence, qui avait entr’ouvert son volet à mon passage, me tendait un paquet de cigarettes et un petit verre de rhum. M’accueillant par ‘ mon pauvre petit’, et refermait aussitôt son volet.

Je me dirigeais ensuite vers le pré de foires, rejoindre mes camarades, mais hélas trop tard, ils étaient tous partis. (Le pré de foires était le lieu où se trouve actuellement la mairie et les immeubles de la reconstruction après les bombardements du 15 août 1944)

Je décidais de rejoindre au faubourg de la Beaume, chez mon oncle, celui qui m’avait déjà accueilli lors de mon évasion des chantiers de jeunesse en 1943.

Au moment de traverser la Durance sur le pont de la Beaume, deux camarades résistants ‘légaux’ Mrs CHABAUD et TARQUIN, m’appelaient du haut de la ‘gardette’ ancienne porte du Dauphiné, en me faisant signe de les rejoindre.

Au courant du déroulement des évènements, le chauffeur du car de GAP-MARSEILLE avait jugé plus prudent de s’arrêter à l’entrée de la ville sur le cours Saint-Jeaume. Les troupes allemandes venant du nord l’ayant précédé, il avait préféré attendre que la voie soit libre.

 Le chauffeur du car ayant signalé à mes camarades la présence d’un milicien parmi les voyageurs, nous avons procédé à un contrôle d’identité. N’ayant rien détecté d’anormal, sur l’insistance du chauffeur, nous avons contrôlé à nouveau un suspect, affectivement celui-ci avait caché sa carte de membre de la milice dans son béret.

CHABAUD , qui était un des responsable du maquis, me donnait l’ordre de prendre en charge le prisonnier et le conduire au maquis, complétant son ordre par :’ tu sais comment faire’.

Ce n’était pas une mince affaire, d’abord il fallait partir au plus vite et quitter la ville, ensuite aller à Bayons situé à une trentaine de Kms, sans moyen de locomotion.

Nous voila partis tous les deux, je le suivais à deux pas derrière après lui avoir recommandé de ne pas faire de mouvement ou geste qui m’aurai obligé de lui tirer dessus. Pour autant que tu respectes la consigne il ne t’arrivera rien.

Tout en cheminant, je repensais à l’ordre de CHABAUD, lourd de sens, mois aussi, je savais que nous pourrions pas aller jusqu’au camp, trop loin en marchant. Sauf évènement exceptionnel, je devrais passer à l’acte, ce que je redoutais. Il me fallait trouver rapidement un endroit propice, peut être à 5 Kms au lieu dit « les sources », à cet endroit la Durance vient longer la route. Je pourrais passer à l’acte et basculer ensuite le corps par-dessus le petit parapet, dans le débit important et rapide de la Durance.

Passé les dernières maisons du faubourg de la Beaume, à un endroit où la route fait une courbe encaissée entre un mur et un haut talus, j’entend un bruit de moteur. Pris de court, impossible de se cacher, au réflexe je plaque mon prisonnier la face contre le talus, mon arme pointée sur son cou. Déjà la fourgonnette grise des P.T.T. est sur nous. Je suis sauvé, car je reconnais ce véhicule et je sais que ses occupants sont des amis. En effet ce sont Mrs GIRAUD et AMAYENC, tous les deux monteurs, amis de mon père, lui-même facteur au bureau de postes de Sisteron.

A mon signal, ils s’arrêtent, je leur explique rapidement la situation et leur demande de nous conduire à Bayons. Immédiatement nous embarquons à l’arrière et nous voila partis pour Bayons. Depuis son arrestation et jusqu’à Bayons mon prisonnier n’a pas prononcé une seule parole, j’étais curieux de savoir ce qu’il pense ce cette situation, mais il est resté muet, impassible, serein ou fataliste ? Cet homme la cinquantaine sonnée, était- il une victime de l’aura du maréchal PETAIN ? ou un membre de cette droite fasciste complice de la gestapo allemande, qui a tant fait de mal à la résistance et à tous nos compatriotes en général. De mon coté, je me sentais soulagé du déroulement de la situation, car les paroles de CHABAUD trottaient dans ma tête, , me rappelaient une situation que j’avais déjà connue. Il .m’arrive encore de ressentir ces retours de mémoire désagréables, et je n’arrive pas à chasser définitivement ces images de mon esprit.

Le parcours ne me paru pas très long, sur la place du village c’était l’allégresse, je remerciais mes sauveurs, après avoir conduit mon prisonnier aux chefs et fait mon rapport, je me dépêchais de rejoindre mon cantonnement de TAVANON.

J’étais fourbu, entre la fatigue physique et les émotions, je me suis couché sur ma paille et mes camarades m’ont gentiment laissé dormir jusqu’au lendemain.

Tous droits réservés Marcel PUT



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