Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

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Témoignages sur les rafles de Marseille
26-03-2011

Propos recueilli par Marie Ciccarelli, lycée Périer

La Rafle de Marseille : juillet 1942

En juillet 1942, René Bousquet, Secrétaire Général de la Police de Vichy, prend la décision de livrer les Juifs étrangers de la zone non occupée (y compris les enfants).

Ces Rafles ont tout d’abord eu lieu dans les camps de transit (le camp des Milles) mais par manque d’effectifs, le gouvernement de Vichy demande à agrandir les lieux de rafle.

Marseille devient alors une véritable souricière où des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vont être livrés à l’occupant par la police française au cours de différentes rafles :

- 25-26 Août 1942

- 2 septembre 1942

- 29  septembre 1942

- 11 novembre 1942

 

• La Grande Rafle de Marseille 22-27 janvier 1943

Rafle de L’Opéra et destruction du quartier du Vieux- Port

« Le 18 janvier1943, les autorités de Vichy donnent pour instruction à la police d’appréhender « Les repris de justice, les souteneurs, les clochards, les vagabonds, toutes les personnes dépourvues de carte d’alimentation, tous les juifs, les étrangers en situation irrégulière, les expulsés, toutes les personnes ne se livrant à aucun travail légal depuis un mois. »

Le 24 janvier1943 : obligation d’évacuer le Vieux Port.

Quelques jours après, le plus vieux quartier de Marseille est dynamité. « Il a fallu moins d’un mois à une poignée d’hommes pour anéantir ce que des générations avaient mis des siècles à édifier »

 

Témoignage de Marcel CICCARELLI

« À l’époque, j’avais 10 ans, pas tout à fait, ça c’est passé en Janvier 1943 ; on habitait le quartier du Panier [cœur historique de la ville de Marseille]. Les gendarmes sont venus en pleine nuit [...] dans toutes les maisons pour rechercher des "voyous, des collaborateurs ".

Ils nous ont dit qu’on devait préparer toutes nos affaires pour 6h00 ; on devait être évacués.

Nous, on habitait rue Fontaine Rouvière, ma sœur Nine à Château Joli avec ses petits et mon frère Pierrot était rue des Femars avec son épouse.

On s’est retrouvé tous ensemble au Vieux Port, d’où des tramways nous ont conduits à la gare d’Arenc. Là, on a été embarqués dans des wagons à bestiaux : il n’y avait pas de couchette, pas de place assise ; on était tous debout les uns à côté des autres, Il y avait une petite fenêtre et deux grandes portes qui se sont refermées.

On s’est retrouvés à Fréjus, dans un camp militaire. Ils ont séparé les hommes des femmes. Mon frère avait 14 ans à l’époque ; il est donc allé avec les hommes. Moi j’étais petit alors je suis resté avec ma mère et mes sœurs. On a donc été dans des bâtiments séparés [femmes et enfants dans l’un, hommes dans l’autre].

Les Allemands nous empêchaient de nous voir mais, enfin, on se débrouillait toujours pour prendre des nouvelles ; on avait des combines, quoi ! Au fur et à mesure, on est passé devant des commissions ; ça a duré quelques jours et on nous a libérés petit à petit. Puis ça a été le tour des hommes.

 

Témoignage de Vincente PADOVANO (17 ans lors des faits)

« Le quartier a été fermé pendant huit jours. Au bout de trois, quatre jours, ils sont passés dans les maisons pour contrôler les papiers : ils recherchaient des juifs, des communistes.

Comme mon père était pêcheur, nous, on n’a pas été inquiétés.

Le 23 janvier, il y a eu des haut-parleurs qui disaient de prendre le nécessaire et d’aller sur le port [Vieux Port]. On est donc descendus à pied, toujours entourés par les Allemands (il y avait des Français aussi mais surtout des Allemands) ; ils nous ont menés à la gare d’Arenc.

Là, ils nous ont fait embarquer dans des trains à bestiaux et ont fermés les portes.

Nous sommes alors arrivés à Fréjus. Nous avons été séparés femmes et enfants ! Hommes, dans une caserne militaire. On couchait parterre ; je me souviens qu’il n’y avait qu’un cabinet tout le temps bouché...

Au bout de huit jours, il y a eu un recensement. La police nous questionnait puis nous envoyait en fonction dans une des deux files : d’un côté on rentrait à Marseille, de l’autre on était envoyé en Allemagne pour travailler.

À un moment j’ai eu une quinte de toux et l’officier allemand a cru que je me foutais de lui. Il m’a donc rangé dans la file qui devait partir pour l’Allemagne. J’ai expliqué que je tombais souvent malade mais il ne comprenait pas ; il s’est remis à ses papiers et ne s’occupait même plus de moi. Un policier français m’a écouté, alors il m’a fait un geste de la main pour me faire rejoindre ceux qui rentraient à Marseille.

Je me souviens de Mme S. Cette dame avait un premier fils député communiste qui était parti en Algérie car il était recherché. Du deuxième lit elle avait un fils de 20 ans. Il n’est jamais revenu de Fréjus. En fait, ils ne pouvaient pas avoir l’aîné alors ils ont pris son frère. [...]

Je me souviens aussi de voisins qui étaient juifs. Quand les policiers sont venus, le mari et le fils se sont enfuis par les toits. [...] Mais la femme, elle, est restée. On ne pensait pas qu’elle serait prise c’était une femme ! Personne ne savait ce qu’ils faisaient en Allemagne. Alors le père et le fils se sont enfuis mais elle est restée et ils l’ont prise. »

Recueilli par Marie Ciccarelli, lycée Périer



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