Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Compagnon de la Libération le 20 janvier 1946

Par Olivier MATTHEY-DORET

Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"

Avec son aimable autorisation.

Maxime Guillot est né le 1er janvier 1900 à Bruailles dans le département de la Saône-et-Loire.

Depuis son plus jeune âge, il a un caractère déjà bien déterminé ; un de ses camarades d’école a dit : « il n’en faisait qu’à sa tête et n’avait son pareil pour faire rire la classe ».

Il obtient son Certificat d d’Études en 1912 et fait comme la grande majorité des jeunes à cette époque il part faire l’apprentissage de la dure vie de paysan.

Il est à la merci de iine patrons et ces derniers n’ont pas toujours un esprit bien fin...

Son apprentisage terminé, il rejoint l’exploitation de ses tantes et y restera jusqu’à l’appel du service militaire.

Pendant sa vie de jeune cultivateur, il trouve quand même le temps de pratiquer quelques sports (courses de vélos, football, un peu de boxe).

Il voudrait s’engager pendant la guerre 1914-1918 mais il ne le peut pas du fait de son trop jeune âge. Il voit les deuils s’abattre sur le petit village où il vit et déjà sa haine pour les Allemands germe dans son esprit.

La paix est signée et en 1919 il passe le conseil de révision. Il part sous les drapeaux en 1920. Il est au 35ème Régiment d’Infanterie de Belfort.

La vie de caserne ne lui convient pas car trop d’inaction. Il apprend qu’on se bat dans le sud marocain et il fait tout ce qui lui est possible pour être muté au 2ème Zouave. Et il y parviendra.

En 1922, il est démobilisé et revient sur sa terre natale qu’il abandonnera faute d’argent pour acheter une exploitation agricole le. Il se résigne à lâcher la terre et se dirige vers la S.N.C.F. ; il réussit le concours d’entrée et y est employé sans problème.

Il devient Manœuvre aux ateliers de Perrigny-les-Dijon le 1er mai 1923 et sera titularisé le 1er novembre 1924. Son ardeur au travail et son efficacité sont reconnues de tous.

Maxime Guillot se marie et a 4 enfants (3 filles et 1 fils - ce dernier mourra assez jeune-). Il acquiert un café qui, nous le verrons, jouera un grand rôle pendant la guerre.

En septembre 1939, il est mobilisé sur son lieu de travail, à Perrigny. Printemps 1940, les hordes nazies investissent la France, c’est la débâcle, Maxime Guillot se replie (sur ordre de ses supérieurs) dans le département du Rhône.

Le militant socialiste Maxime Guillot répond présent à l’appel radiodiffusé du Général de Gaulle, son café devient un lieu d’hébergement pour les prisonniers évadés du camp de Longvic-les-Dijon.

Il les cache dans les recoins de son café, il les nourrit (sa femme -Lucie- part chercher le « ravitaillement » à vélo), il les habille en civil (costumes récupérés auprès des fripiers de la rue Berbisey à Dijon).

Les contacts sont rapidement établis pour faire passer ces fugitifs en zone libre.

Dès 1941 il établit des liens très étroits avec les coordonnateurs du Mouvement Résistance-Fer ainsi qu’avec des membres des Corps-Francs.

Avec le Groupe Charlie (autrement connu sous le ncim de Groupe d’Action Immédiate) il attaque les câbles de transmissions et de télécommunications, sabote les locomotives et les convois de matériel ennemis pendant la nuit - alors qu’il doit les entretenir le jour-. Son pseudonyme est Julien Pacaud.

Fin 1942, il a tellement fait preuve d’audace, de hargne et d’ardeur dans la clandestinité qu’il est considéré comme un élément de premier ordre par les responsables de la Résistance dijonnaise. Ces derniers vont lui confier des responsabilités très importantes.

Il cherche à entrer en contact avec les responsables du Bureau des Opérations Aériennes (créé par Jean Moulin, Compagnon de la Libération en 1942).

L’objet principal de cette organisation est de livrer des armes et du matériel à la Résistance, grâce à des parachutages. Un parachutage nécessite un radio (c’est-à-dire un membre de la Résistance envoyé à Londres pour être formé puis parachuté en France) pour organiser les demandes des maquis (armes, argent, matériel,) et le parachutage envoyé par la France Libre en Angleterre.

Chaque radio a plusieurs points de chute afin de pouvoir se replier au cas où il aurait été repéré (les occupants utilisaient des camionnettes équipées pour intercepter le captage d’émission/réception d’ondes ; sans oublier de dire que des piétons à la solde des nazis achevaient le travail de repérage rapproché avec des écouteurs cachés sous un chapeau). Maxime Guillot a joué un grand rôle pour la protection des radios : il avait créé des chaînes d’asiles et organisé des équipes de protection pour les radios.

En mai 1943, le Bureau des Opérations Aériennes est mis en place dans la Région D (11 départements au total) et Maxime Guillot en est l’un des fondateurs.

Les responsables nationaux de ce Bureau furent très surpris par cette promotion car Maxime Guillot s’était officiellement engagé dans l’Organisation Civile et Militaire.

Il a donc pour fonction de diriger les opérations aériennes pour la Saône et Loire. Il doit trouver des terrains favorables aux parachutages (armes, argent, essence, matériel, munitions,). Maxime Guillot est nommé Officier, chargé de mission des Forces Françaises Combattantes.

Avec 190 missions aériennes tentées pour la Côte d’Or et le nord de la Saône-et-Loire, c’est le record tant pour les opérations réussies que pour les réceptions d’avions en zone nord. Sur ces 190 missions, 70 furent des échecs dûs aux mauvaises conditions atmosphériques, avions abattus à partir de 1944 (les Allemands furent dotés de radars à cette époque). Afin de mieux servir la cause de la libération de la France, Maxime Guillot se met en disponibilité de la S.N.C.F. le 31 octobre 1943 (malgré une femme et des enfants...).

Toutes ces activités font qu’il est vivement recherché par la gestapo ; à laquelle il échappe de justesse à plusieurs reprises entre novembre et décembre 1943. La première alerte eut lieu dans la nuit du 26 au 27 septembre 1943 : à 3 heures du matin, la gestapo arrive à son domicile pour l’arrêter ; par chance il n’y était pas.

Après cette aventure, il quitte le nom de Julien Pacaud et devient Roger Duchesne. Malgré les traquenards nazis, Maxime Guillot refuse d’abandonner ses fonctions car il voit que ses actions sont efficaces (sabotages sur sabotages ayant comme finalité la désorganisation et la panique des occupants).

Un exemple de l’organisation de Maxime Guillot et de son équipe : les messages radios et les messages de la B.B.C. anglaise. « D’Auguste à César- Le corbeau croasse- Trois Bourguignons viendront ce soir » ; ce qui en langage décodé signifie : pseudonymes des chefs du Réseau — le terrain Bourgogne à Saulx-le-Duc — trois hommes seront parachutés. Voici une forme de la Résistance.

Au début du mois de janvier 1944, Maxime Guillot est dans un café a Chagny. Deux hommes se présentent comme étant des « résistants venant d’être parachutés dans la région ».

Méfiant au début, il pense ensuite que leur histoire peut être vraie et que ce sont des camarades de lutte égarés en recherche d’une filière de Résistance. Il leur fait confiance et en les emmenant hors du café, Maxime Guillot se retrouve aussitôt encerclé par la gestapo.

Arrêté, il est conduit à un véhicule (la fameuse « traction avant » Citroën) ; devant baisser les mains pour s’y asseoir, il prend son pistolet (les Allemands avaient négligé de le fouiller) et tue deux policiers à la solde des nazis et en blesse un autre (qui mourra de ses blessures).

Certains soldats allemands soignent les leurs pendant que d’autres lui tirent dessus. Maxime Guillot a réussi à s’enfuir.

Son radio (et ami) raconte cette anecdote : «Maxime l’a échappé belle et c’est à lui que je dois de ne pas avoir été arrêté, cette fois au moins ».

En effet, deux mois plus tard le radio de Maxime Guillot se fait arrêter en Meurthe et Moselle et sera déporté.

Il reviendra de l’univers concentrationnaire. La souricière tendue à Maxime Guillot et à son radio viendrait d’un Résistant qui, à force de tortures, a craqué et a été « retourné » par les nazis (il aurait fait des aveux à la gestapo pendant ses supplices).

Maxime Guillot n’était pas le principal visé par cette souricière, mais lorsque les nazis ont vu qui ils ont laissé s’échapper, toute la région fut mise en alerte pour le retrouver. Les Allemands diffusent très largement le message suivant : «Maxime Guillot (alias Julien Pacaud ou Roger Duchesne), bandit très dangereux.

Capturez-le vivant ! ». Vivant car les ennemis savent qu’il détient de nombreux secrets sur l’organisation de la Résistance en Côte d’Or et ils veulent le « faire parler ».

Bien que se sachant brûlé, il parvient à passer plusieurs barrages allemands dans des circonstances frisant parfois l’inconscience.

Durant le mois de janvier 1944, Maxime Guillot est devenu l’ennemi n°1.

Le 29 janvier 1944, il est convoqué, avec plusieurs responsables du B.O.A. de Côte d’Or, à une importante réunion devant avoir lieu à 9 heures du matin dans un café de la rue Condorcet à Dijon.

Des représentants venant de Paris doivent également y assister. Brusquement, des camions allemands arrivent et s’arrêtent brutalement. Les soldats bouclent rapidement le quartier. Voyant le piège, Maxime Guillot s’enfuit et est sourd aux injonctions des Allemands (qui doivent l’arrêter vivant). Il leur tire 5 balles dessus (faisant 2 ennemis tués), et il est arrêté dans sa course par une rafale d’arme automatique qui l’atteint au ventre et dans une jambe.

Se voyant perdu, il avale des documents compromettants et se tire la sixième balle dans la tête. Les ennemis ne l’ont pas capturé vivant et cette fois encore, il a résisté aux nazis.

Comme il l’avait souvent répété, « les boches ne l’auront pas vivant ». J’ai retrouvé un rapport de police établi par un inspecteur de la sûreté daté du 29 janvier 1944 qui dit : «à 11 heures 10, j’ai été avisé par un passant que des coups de feu venaient d’être tirés place Blanqui...

J’ai constaté qu’un individu portant une blessure à la tempe droite gisait inanimé sur la chaussée...».

D’après un autre rapport que j’ai également retrouvé, établi par le commissaire central de police, sur la carte d’identité retrouvée par la sicherheitspolizei (police secrète de l’état allemand) les mentions qui y figurent sont : «Duchesne Daniel, né le 18 juillet 1899 à Nantes. Profession : agent.

Domicile : Chagny, 44 rue de la Liberté ». Carte d’identité n°2072 du 23 décembre 1943, établie à la Mairie de Chagny. Un autre rapport établi par un inspecteur-chef de police et daté du 30 janvier établi la véritable identité de Maxime Guillot suite à des investigations poussées.

De Dijon, la dépouille de Maxime Guillot est emmenée au cimetière de Chenôve ; des milliers de personnes assistèrent aux obsèques de ce Héros.

Y voyant un acte de résistance populaire, les Allemands interviennent à la sortie dudit cimetière et confisquent les papiers d’identité des hommes présents (plutôt que de retourner chercher leurs papiers, nombreux furent ceux qui rejoignirent le maquis).

Pour avoir ceint son écharpe tricolore lors de cette inhumation, le Maire de Chenôve est arrêté et sera déporté à Mathausen, d’où il ne reviendra pas.

Ce 2 février 1944, par delà sa mort, Maxime Guillot servait encore la cause de la Résistance.

Le 11 septembre 1944, les Alliés et les Français Libres entrent à Dijon. Plus jamais les pas nazis ne pourront souiller le sang versé par Maxime Guillot.

La citation portant attribution de la Croix de la Libération à titre posthume de Maxime Guillot est :

« Entré au B.O.A. en juillet 1943 après avoir depuis 1941 fait partie d’organisations de cheminots et de corps-francs et participé à d’importants sabotages, monte et dirige un réseau de terrains nombreux, effectue de périlleuses opérations.

Après avoir plusieurs fois échappé de justesse à la gestapo tombe entre ses mains en janvier et se libère en abattant trois officiers allemands.

Repris 15 jours plus tard tue encore 2 allemands mais tombe grièvement blessé aux jambes. Avale cependant un important document puis s’achève pour éviter de donner à l’ennemi le moindre renseignement.

Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec palme ».

Ce mémoire de proposition a été établi à Paris le 25 octobre 1945.

Par Olivier MATTHEY-DORET

Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"

Avec son aimable autorisation.



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