Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

L'ORA dans le VAUCLUSE par Boris de GUEYER
Année 1943

©  par Boris de GUEYER

Avec son aimable autorisation

Le Capitaine Lécuyer, Chef Régional ORA de la R2 doit, au début 43, trouver un responsable pour le département du Vaucluse.

Un peu par hasard il rencontre le Lieutenant Gautier chef du bureau militaire à la gare d'Avignon- qui lui semble pouvoir prendre ce poste.

Le Lieutenant Gautier accepte avec enthousiasme cette mission. Il se met en rapport avec le Capitaine Ceccaldi déjà engagé dans la Résistance (Mouvement Libération).

Cette double affiliation et son grade plus élevé l'ont parfois fait considérer comme chef départemental de l'O.R.A. En réalité le travail des deux hommes a été identique, et chacun depuis sa résidence (Avignon pour Gautier, Orange pour Ceccaldi) se consacre aux quatre tâches principales à savoir :

1) Recrutement.
2) Contacts avec les autres organisations de la Résistance.
3) Etude du plan d'opérations, d'après les instructions de Lécuyer.
4) Recherches de complicités auprès des autorités en place.

Le recrutement est important dans le milieu rural, moyen dans les villes où beaucoup de patriotes étaient déjà engagés dans d'autres mouvements de Résistance. Cette recherche permet de découvrir des officiers retirés dans le département et leur confier la charge des autres secteurs :

- Le Cdt. Coste est nommé chef du secteur centre à Apt.
- Le Lt. Cousin chef du secteur sud à Pertuis.
- Le Cpt. Versini chef du secteur sud-ouest à Cavaillon.

Les contacts avec les autres organisations de Résistance (A.S., Groupes Francs, Maquis) sont positifs compte tenu de l'encadrement que peut fournir l'O.R.A. Ceccaldi rencontre le Cdt. Beyne, chef du Maquis du Ventoux et Lucien Granjean chef du Maquis de Vaison.

L'étude du plan d'opérations consiste notamment dans la division du département en secteurs, l'organisation de Maquis, la recherche des zones de parachutages, la mise au point des opérations conforme aux instructions données par l'Etat-Major Régional qui devront être exécutées à partir du jour J, ce qui n'exclut pas les opérations ponctuelles de sabotages et la suppression d'agents ennemis.

Enfin le concours de certaines personnes sûres parmi les autorités locales permet l'obtention de pièces d'identité, cartes de travail et autres papiers pour pouvoir circuler plus facilement dans le département.

Lécuyer est tenu informé par l'intermédiaire de deux Officiers de Liaison, le Lt. Granier et le Lt. Ferry. Le premier est détaché auprès du Capitaine Chanay, chef d'une Mission Interalliée (Mission Michel parachutée le 10 Avril 1944).

Ensemble ils parcourent le Vaucluse pour déterminer les objectifs du Plan Vert et coordonner les actions des Maquis à la limite des départements du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône. Avec deux autres parachutés - Lancesseur et Obadia- il fait une tournée d'instruction dans les Maquis du nord Vaucluse

Le second est notamment chargé des parachutages d'armes, matériel de radio et de leur répartition.

À ce sujet il est noté que la S.A.P. (Section d'atterrissages et de parachutages) avait envoyé dès Septembre 1943 1'Officier Régional d'Opération pour la R2, Camille Rayon qui s'établit à, Apt. on refus de livrer les armes rapidement, (il ouvrit en fait ses magasins en mai 1944) occasionne de nombreuses difficultés avec l'ensemble des organisations de Résistance.

D'après Jean Fernand, adjoint de Rayon, les terrains de la S.A.P. dans le Vaucluse, ont réceptionné 110 parachutages d'armes représentant 220 tonnes de matériel. En R2, pour la S.A.P. le nombre de parachutages s'élèverait à 403.

En Janvier 1944 la mission "Hercule" venant d'Alger dote l'O.R.A. d'une équipe Radio (ModestefOctave) qui s'installe à la Motte d'Aygues dans la maison de la famille Reybaut.

Cette équipe homologue quatre terrains choisis par Ferry, près de Malaucène, la Motte d'Aygues, La Tour d'Aygues et Mirabeau, ce dernier devenant un terrain de recueil permanent à partir d'Avril 1944. Ces terrains reçoivent en six mois de quoi armer 1500 hommes.

Les armes sont dispersées dans de petits dépôts à la campagne près des points sensibles mentionnés sur le Plan d'Opérations, pour des raisons de sécurité, et afin d'être plus rapidement distribuées aux maquisards fractionnés en groupes dont l'effectif ne dépasse pas trente hommes.

Ce dispositif bien que présentant un certain nombre d'inconvénients (ravitaillement, liaisons, moyens de transports) a l'avantage de l'efficacité au combat et une moindre vulnérabilité. Seul un dépôt d'armes a été saisi près de la Tour d'Aygues à la suite d'une dénonciation du Maire de Beaumont qui fut exécuté ainsi que six miliciens afin que leur exemple ne fasse pas tâche d'huile. Les terrains de parachutages ou d'atterrissages servent également à recevoir et faire partir de nombreux chargés de mission, radios, courriers et instructeurs.

C'est ainsi que le terrain de Castellet près de Lagarde a reçu non seulement de nombreux "Lysander" (petit monomoteur qui ne pouvait transporter que trois hommes), mais en Juillet 1944 un Dakota avec 28 personnes à bord atterrit sans encombre. Par cette filière un nombre considérable de pilotes américains ou anglais récupérés par la Résistance peuvent être renvoyés.

Bien entendu ces parachutages d'armes et d'hommes, les sabotages et les opérations contre des agents ennemis provoquent une réaction violente de la Gestapo et de l'armée allemande.

Plusieurs membres de l'O.R.A. sont arrêtés à Carpentras, Vaison-la-Romaine, Avignon et Cavaillon. Ceccaldi est arrêté à Orange mais relâché au bout de trois semaines faute de preuve. Pour des raisons de sécurité il partira pour Marseille pour devenir un des adjoints de Lécuyer.

À son tour Gautier évite de justesse l'arrestation, il doit quitter le Vaucluse (Jan. 44). À la même période dans les Alpes-Maritimes l'O.R.A. était décapitée par l'arrestation du chef départemental et de son adjoint. (le Colonel Journois et le Commandant Pourchier). Après avoir envoyé en mission exploratoire Ceccaldi, Lécuyer nomme Gautier chef départemental des Alpes-Maritimes et désigne le Capitaine Juan pour le remplacer Granjean s'occupe d'Orange, le Cpt. Bhin dirige l'O.R.A d'Avignon, Ferry et Granier cessent leurs liaisons ; le premier devient l'adjoint de Cousin à Pertuis, le second est rappelé par Lécuyer dans les Basses-Alpes, puis dans les Alpes-Maritimes. Mlles Costa et Heif les remplaceront comme agents de liaison.

Gautier avant de partir a le temps de réaliser l'accord avec le M.U.R. sur les bases suivantes :

1) Entente sur le Plan d'Opérations établi par Lécuyer.
2) Division du département par secteurs et nomination des chefs de secteur.
3) Mise en commun des moyens d'armement.

C'est ainsi qu'au mois de Mai 44 les effectifs armés se répartissent de la manière suivantes :

Le secteur de Pertuis, 500 h. secteur de Vaison-la-Romaine, 200 h. secteur d'Orange. En outre la S.A.P. ayant reçu l'autorisation de distribuer ses armes, 200 hommes sont équipés dans les secteurs d'Apt, d'Avignon, et de Sault. Des centres de ralliement sont organisés comportant armes et ravitaillement non loin des terrains de parachutages et des points éventuels d'attaque.

La mise en place d'un réseau de communication se fait par l'intermédiaire des P.T.T. et de la Gendarmerie. Le Centre Administratif de l'Air de Salon replié à Propiac est acquis à la Résistance. Il sera armé et prendra position aux environs de Buis-les-Baronnies. De même un groupe important de Gendarmes maritimes rejoint le Maquis de Pertuis.

De Décembre 1943 à Juin 1944 les principales actions armées sont menées contre les installations ferroviaires à Avignon et Cavaillon, des sabotages sont réalisés sur les lignes de haute tension à Mirabeau, des saisies d'importants stocks de denrées alimentaires sont effectuées pour l'approvisionnement des Maquis, et des agents de la Gestapo, des dénonciateurs ou des miliciens sont exécutés.

La réaction allemande ne se fait pas attendre : une violente attaque le 22 Février menée par des SS et des miliciens contre les Maquis du Mont Ventoux surprend et décime le groupe du camp d'Izon (30 hommes tués au combat ou fusillés). Les autres groupes, environ 120 hommes parviennent à décrocher avec la plus grande partie de leurs armes.

Ce drame est dû à la trahison de deux maquisards qui, pour de l'argent, conduisent les Allemands et les miliciens jusqu'au camp en neutralisant les postes de garde. L'un d'eux sera arrêté et exécuté. Il est probable que ces deux traîtres ont été recrutés par deux Waffen SS français- Papias et Josset qui seront capturés en Mars dans la région de Barrême (Basses-Alpes) par les hommes du Maquis Fort- de- France. Jugés ils avoueront être les responsables de la destruction du Camp d'Izon.

Une opération similaire a lieu contre le Maquis de Vaison. Cette fois les Allemands ont 20 tués, le Maquis perd 7 hommes. En Mai l'ennemi tente une action d'envergure et engage un millier d'hommes dans le secteur de Malaucène, le Commandant Beyne décroche sans perte.

Le 2 juin l'ensemble des secteurs est mis en état d'alerte à la suite du message "Le gendarme ne dort que d'un d'oeil" sur les ondes de la B.B.C. L'ordre de guérilla généralisée est donné le 7 par Ferry, les quatre autres phrases ayant été diffusées par la BBC. Les secteurs d'Orange, Avignon, Cavaillon restent calmes, toute insurrection urbaine étant prématurée.

Par contre les zones montagneuses du Pertuis, Apt, Sault et Vaison s'enflamment. De nombreux patriotes rejoignent les Maquis (tous ne peuvent être armés), des sabotages contre la voie ferrée Pertuis-Aix sont effectués, ainsi que des dynamitages de ponts sur la Durance, à l'exception du pont Mirabeau qui doit être sauvegardé pour les opérations futures des troupes alliées, la circulation sur les routes est contrôlée, certains villages sont occupés et des actions de nettoyage sont menées contre les agents ennemis, miliciens, membres du P.P.F. notamment à Pertuis et Cadenet.

La riposte allemande intervient le 10 Juin dans la région de Vaison avec l'appui de l'artillerie et de l'aviation (deux bimoteurs dont l'un sera abattu). Le Maquis subit d'importantes pertes (17 tués). Protégé par les aviateurs de Propiac, il décroche et rejoint le Maquis Ventoux du Cdt. Beyne.

De son côté Nordma, chef de la section IV de la Gestapo de Marseille, demande à Nol- agent parachuté passé à l'ennemi- (voir = L'O.R.A. dans la Région R2) de manipuler le radio Octave installé à La Motte d'Aygues. Ce jeu dure du 16 au 21 Juin, date à laquelle la Wermarcht aidée par la Milice déclenche une opération dans la région contre les Maquis. Nordma averti, fait cerner la maison Reybaut par les miliciens. Octave et Madame Reybaut sont arrêtés, transferés à MARSEILLE, Madame Reybaut, alsacienne, sera abattue en cours de route.

Le message du Général Koenig du 11 Juin demandant de freiner la guérilla, l'absence du débarquement dans le Midi, et la "destitution" de Lécuyer de son poste de Chef d'Etat-Major pour avoir ordonné, selon Rossi, le déclenchement des opérations prématurément, alors que Lécuyer n'a fait qu'appliquer les ordres reçu du Grand Etat-Major Allié - le Général Koenig acceptera la position de Lécuyer-. (voir "L'O.R.A. dans la Région R2" et annexes.) provoquent un profond malaise au sein des Mouvements de Résistance et une animosité envers l'O.R.A.

Cependant l'application du Plan Vert continue. Les actions contre les installations ferroviaires se poursuivent notamment dans la région de Carpentras. En Juillet les Allemands montent une importante opération de nettoyage dans le secteur de Sault, Sédéron, Montbrun avec des moyens puissants (artillerie, chars, aviation).

Elle durera 8 jours. Les Maquisards employant la tactique de la guérilla -barrages invisibles d'armes automatiques, attaques de convois par jets de grenades à partir de positions en surplomb et replis rapides- infligent des pertes sévères à l'ennemi, dont les membres d'un Etat-Major anéantis lors d'une embuscade montée par le Lt. Boucard le 7 Août.

Dans le secteur Gordes-Gouit commandé par Jacques Lenoir, les accrochages se multiplient, entraînant des pertes sensibles des deux côtés. En outre la Gestapo recherchant les dépôts d'armes et les terrains de parachutages procède à des arrestations qui se terminent par l'exécution de patriotes.

Le 4 Août à la suite de la réunion au Col St. Jean (voir "L'O.R.A. dans la Région R2"). Lécuyer est nommé Chef Départemental F.F.I. des Alpes-Maritimes. L'O.R.A. n'assurant plus la direction des opérations militaires en R2, Juan se voit confier la direction des Maquis du Lubéron et de la Durance. Cette décision reste cependant théorique, car Lécuyer, maintenu dans son poste de Chef Régional O.R.A. continue de diriger les opérations engagées.

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Dès le débarquement du 15 Août des groupes de Résistance occupent des positions le long de la Durance et sur les routes de Cavaillon à Bonnieux.

Le 18 Août les Allemands qui veulent dégager la rive nord de la Durance envoient 10 blindés en direction de Pertuis par la RN. 573. La colonne est stoppée et doit refluer sur Cavaillon.

Lécuyer donne l'ordre à Ferry de surveiller le Pont Mirabeau qui a été préservé, car il estime que ce lieu de passage pourra être utile aux Américains pour traverser la Durance.

Le 20 Août l'infanterie américaine apparait sur la rive sud. Le 21 après un duel d'artillerie, les Américains traversent la Durance à gué conduits par Ferry -le pont Mirabeau touché par l'artillerie étant devenu impraticable- et se dirigent vers Pertuis et Apt.

Le 22 Août l'ordre d'attaque générale est donné. Les Maquis de Juan descendent du Lubéron, ceux du Ventoux partent des Monts du Vaucluse, les Maquis d'Apt et Manosque progressent depuis Céreste sur la RN. 100 avec l'appui des blindés américains, le groupe des aviateurs de Propiac se distingue en attaquant une colonne blindée entre Sault et Javon. Le 23 les Allemands évacuent Sault et se dirigent vers la vallée du Rhône, ce qui permet aux F.F.1. de libérer Cavaillon, puis le 25 d'entrer en Avignon, Carpentras, et Vaison. On peut dire qu'à cette date le Vaucluse est entièrement libéré

Boris de GUEYER



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