Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Récit de la Libération de Marseille par le Général Paul ROLLAND
30-08-2009

En ce 65° anniversaire de la Libération de Marseille, j'éprouve quelques scrupules à devoir, une fois le plus, rappeler brièvement les circonstances de la Libération de la ville achevée le 28 août 1944, après de durs combats dans une bataille décisive qui mériterait d'être mieux contée.

Après le débarquement du 6 juin en Normandie, un deuxième front s'ouvre sur notre territoire, avec le débarquement de la VII° Armée américaine entre Cavalaire et Saint Raphaël, à partir du 16 août 44, avec la présence de nos divisions françaises du Corps Expéditionnaire qui s'étaient particulièrement distinguées en Italie et avaient défilé victorieusement le 4 juin 44, à Rome, au côté du Général Alphonse JUIN, lui-même accompagnant le Général CLARKE qui ne tarissait pas d'éloges pour le comportement de l'Armée A forte d'environ 125 000 hommes pour cette campagne d'Italie, après les dures épreuves de la Tunisie en 1943.

Le 19 août, ces éléments français font leur jonction avec l'Armée B aux ordres du Général de LATTRE de TASSIGNY pour former la première Armée Française qui engage le combat pour la libération de Marseille, en livrant de furieux combats à Toulon. Deux jours plus tard, la 3° Division Algérienne, aux ordres du Général GOISLARD de MONSABERT, pousse ses reconnaissances jusqu'à Aubagne qui tombe après une lutte acharnée avec nos valeureux goumiers marocains.

Pendant ce temps à Marseille, dès le 19 août, sentant l'approche de notre 3° DIA, les éléments de la résistance se manifestent imprudemment, sans craindre la réaction possible des 11 640 combattants (dont 267 officiers, 1749 sous officiers, 9171 hommes de troupe) aux ordres du Général SCHAEFFER, commandant la 4° Division d'infanterie allemande, pour ne citer que cette formation, sans parler de l'importante Artillerie répartie tout autour de la ville qui n'a pas cessé de harceler la Colline de Notre Dame de la Garde.

La Résistance se dévoile et pénètre dans la Préfecture ; elle gêne les communications, tout en alertant, dès le 19 août, les troupes à l'oeuvre à Toulon ou progressant vers Marseille. C'est ainsi que le Colonel CHAPPUIS, ayant progressé plus vite que prévu avec son 7° RTA, profite de cette situation favorable pour pénétrer dans la ville avec l'accord du Général de MONSABERT et les réticences du Général de LATTRE de TASSIGNY jugeant l'action prématurée avant le débarquement des moyens logistiques.

En effet, l'occupant est partout et tient tous les points sensibles, les emplacements de combat y compris les abris réservés aux habitants.

Après diverses actions menées par nos Tirailleurs avec une Résistance dispersée, le 23 août au matin chars du 2° Régiment de Cuirassiers de la 1° DB arrivent sur la Canebière, la Mairie et l'Hôtel de commandement de la Rue d'Armény, où s'installe le Général de MONSABERT qui tente d'obtenir sans succès reddition de la garnison adverse. Il décide alors de déclencher le 24 août au matin des opérations de nettoyage du Port et du Sud de la ville. Il reçoit alors en renfort du 7° RTA, le 3° RTA aux ordres du Colonel de LINARES libéré des dures opérations de Toulon et deux escadrons du 2° Régiment de Cuirs.

Fort de ces moyens, le 25 août, Tirailleurs Algériens et Cuirassiers, toujours guidés par des Résistants (ou plutôt par des actions spontanées d'habitants du quartier) s'infiltrent dans les rues étroites, les couverts, les jardins. Vers midi, le 7°RTA venant de la ville fait face à la basilique. Vers 13. h 30, commence une action déterminante au cours de laquelle les chars du 2° Cuirassé y jouent un rôle important, en particulier les deux. chars JOURDAN et JEANNE D'ARC. Celui devant lequel nous sommes aujourd'hui a. été durement touché et son équipage mis hors de combat à l'exception du conducteur.

Pendant cette phase du combat, le 2° Bataillon du 3° RTA aux ordres du Commandant René VALENTIN encerclait la colline en venant du Prado, Rue Paradis, Boulevard Perrier, Gratte Semelle et le Roucas Blanc, où des combats très meurtriers se produisent causant des pertes, y compris parmi les nombreux prisonniers capturés par nos Tirailleurs, eux-mêmes frappés par l'artillerie.

Après de longues heures, l'encerclement est terminé. Le pied de la colline est atteint (Boulevard de Tellène actuel) où le Commandant VALENTIN se trouve en présence de gradés et combattants dissimulés en nombre important, refusant de se rendre ou restant parmi les morts et les blessés mais aussi avec les habitants à l'abri dans les grottes sous la colline, face à la clinique actuelle « L'Angélus ». Finalement, ce sont plusieurs centaines de combattants de ce secteur Sud qui se rendent et sont conduits par les Tirailleurs vers le Camp de Sainte MARTHE. Ailleurs, c'est vers Foresta, au Nord Est, que le Commandant ROCQUIGNY commandant le 1° Bataillon du 3° RTA était à l'oeuvre avec succès, dans le cadre du sous-groupement Colonel de LINARES.

Pour finir, le 28 août, ayant perdu ses principaux appuis et ses moyens, le Général SCHAEFFER commandant la garnison allemande capitule au terme d'une négociation difficile, dans laquelle le Capitaine ROZIA, officier de Renseignement du 7° RTA a joué un rôle essentiel, en tant qu'Alsacien bilingue et ecclésiastique, soucieux d'épargner les combattants et la population. Le 29 août, les troupes françaises et les groupes de Résistants défilaient sur la Canebière devant le général de TASSIGNY et les autorités venues de Paris pour se joindre aux artisans de cette victoire dont, Monsieur Max LEJEUNE, secrétaire d'état aux Forces Armées, dans une allégresse inoubliable pour ceux qui l'ont vécue.

Marseille a été libérée vingt-cinq jours plus tôt que ne le prévoyait le Haut Commandement allié. Dès mi-septembre, le port meurtri accueillait, malgré ses destructions, les premiers bâtiments, permettant ainsi le ravitaillement des troupes et le renforcement de la logistique pour la poursuite de la Campagne de France comme le souhaitait le Général de TASSIGNY. Marseille a été citée à l'ordre de l'Armée (elle aurait bien mérité la Légion d'Honneur comme d'autres villes, moins touchées et de moindre importance.

Le char JEANNE d'ARC, devant lequel nous nous trouvons, est depuis soixante-cinq années le symbole des sacrifices consentis par la 3° DIA, alors que le Général de MONSABERT, arrivant devant la basilique et regardant « la Bonne Mère », a dit simplement : « C'est Elle qui a tout fait » et l'a écrit dans le livre d'Or de la basilique en offrant son fanion.

Sur l'esplanade, une stèle inaugurée par Monsieur VIGOUROUX, alors Maire de Marseille et le général DURAND, alors Gouverneur militaire, en présence de la famille et des anciens du 3° RTA, rappelle la mémoire du Commandant René VALENTIN (en haut de la montée portant son nom).

D'origine lorraine, fils un gendarme, comme le Maréchal JUIN, il commandait déjà le Bataillon comme Capitaine devant Cassino, après avoir combattu en Tunisie, en 1943, à sa sortie brillante de Saint Cyr ; il est tombé glorieusement, quelques jours après Marseille, à la tête de son Bataillon, à proximité de Pontarlier.

Chaque année, nous nous recueillons quelques minutes, comme tout à l'heure, devant la stèle de notre regretté camarade, héros du 3° RTA.

Je m'excuse de n'avoir pu m'empêcher d'évoquer son image, car elle constitue un exemple des sacrifices que le Devoir de Mémoire nous impose de ne pas oublier, en souhaitant que notre jeunesse écoute encore les derniers témoins le leur rappeler.
 



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