Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Camille CHEVALLIER

Compagnon de la Libération le 16 août 1944

Par Olivier MATTHEY-DORET
Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"
Avec son aimable autorisation.

Camille CHEVALIER est né le 9 janvier 1899 à Dijon. Ses parents sont commerçants. Après ses études, il tient un garage à Châlon-sur-Saône. Répondant à l'appel du 18juin 1940 lancé par le Général de Gaulle depuis les ondes de la B.B.C., il crée avec deux de ses amis un noyau de résistance et il sert de boîte aux lettres à deux autres réseaux.

Comme la ligne de démarcation imposée par les autorités allemandes passe par la ville dans laquelle Camille CHEVALIER exerce sa profession de garagiste, il passe régulièrement de la zone libre à la zone occupée et vice- versa. Un jour, il parvient même à se procurer les cachets de la mairie de Châlon-sur-Saône ainsi que ceux de deux autres communes environnantes. Pour l'établissement de faux papiers, c'est très utile...

Il est connu sous son nom d'emprunt dans la résistance -Louis Bayard- et par tous ceux qu'il aide à passer en zone libre, ces derniers se faisant de plus en plus nombreux au fil des jours (prisonniers évadés, Lorrains, Belges, Alsaciens, etc...). Ils défilent tous dans le garage de Camille CHEVALIER. Combien furent-ils à emprunter l'impasse qui menait chez le garagiste de Châlon-sur-Saône? Plusieurs dizaines de centaines, et c'est un minimum! Il les reçoit, les héberge et les nourrit gratuitement. Une fois «retapés», il les emmène franchir clandestinement cette fameuse ligne de démarcation.

Camille CHEVALIER s'investit de plus en plus pour la résistance au fur et à mesure que le temps passe et il délaisse peu à peu son garage. Afin de ne pas fournir indirectement une aide aux ennemis il refuse même de monter des gazogènes sur les véhicules car il est convaincu qu'économiser l'essence c'est favorable aux ennemis. Dès lors il va vivre avec ses économies et le travail de sa femme Jeanne, qui est couturière.

Un homme se présente à sa porte le 11 juillet 1942 et Camille CHEVALIER le reçoit avec les mêmes attentions que pour les autres. Cet homme se fait passer pour un prisonnier de guerre qui s'est évadé d'un camp de prisonniers. Il lui établit une fausse carte d'identité puis s'en va porter le courrier du réseau en franchissant la ligne de démarcation. L'inquiétude gagne Madame CHEVALIER car, pendant l'absence de son mari, le «fugitif» sort plusieurs fois en ville au lieu de rester caché. Le 13 juillet 1942, Camille CHEVALIER rentre chez lui après avoir rempli sa mission. Il dîne avec plusieurs de ses ami, dont Simone Monier (qui était responsable à Dijon de l'hébergement des évadés arrivant surtout du stalag XIID de Trèves). Voici maintenant son récit : «nous avions à peine terminé la soupe que deux hommes de la gestapo se pointent à la fenêtre et hurlent «debout contre le mur!». Madame Jeanne CHEVALIER prend discrètement les tickets d'alimentation sur le buffet, les mange et les avale, plus de preuves.» Malgré cela, tout le monde est emmené en prison.

Madame CHEVALIER a été libérée le 5 août 1942 parce que son mari a tout fait pour l'innocenter en portant l'entière responsabilité du réseau sur lui. En même temps les interrogatoires se poursuivent et Simone Monier relate très précisément les faits et est en mesure de témoigner de ce qui s'est ensuite déroulé. Elle est interrogée par la gestapo et apprend que l'ennemi sait tout du réseau, ou presque. Le faux prisonnier qui les a vendu est une «taupe» qui a infiltré le réseau et, pour avoir dénoncé Camille CHEVALIER et ses amis, il a reçu la somme de 2000 francs par personne arrêtée. Madame Monier dit: «Camille, naïf, avait reçu ce faux évadé sans mot de passe, par pitié. Il est resté deux jours chez lui.» Dès 1940, Camille CHEVALIER avait un réseau organisé, ce qui était rare; et il a été perdu par sa bonté.

Le 25 juillet 1942, les prisonniers quittent Châlon-sur-Saône en direction de la prison de Dijon. La date du procès est fixée au 6 août 1942. Le tribunal a siégé à l'école St François, rue Vannerie, à Dijon. Le verdict tombe:

Camille CHEVALIER est condamné à mort. Simone Monier aussi (sa peine sera commuée en déportation dans une forteresse en Allemagne d'où elle sera libérée en 1945).

Camille CHEVALIER est fusillé le 18 août 1942 à 7 heures 31 le matin, «pour l'exemple». Il a été inhumé au cimetière de Dijon. Sa femme, après la guerre, a fait exhumer le corps de son mari et l'a fait inhumer au cimetière de Châlon-sur-Saône, dans le carré militaire.

Le décret portant attribution pour la Croix de la Libération de Camille CHEVALIER à titre posthume a été fait à Alger et est signé par le Général de Gaulle. La citation est:

«A organisé un passage clandestin de la ligne de démarcation pour les prisonniers français évadés. Des milliers de ces derniers ont été hébergés et nourris gratuitement par ses soins depuis le 18 juin 1940.
Découvert par les autorités ennemies a été jeté en prison vers le milieu de 1942.
Torturé pendant plusieurs semaines, il refusa toujours de révéler quoi que ce soit quant à ses méthodes ou ses collaborateurs.


Condamné à mort par les allemands a été fusillé sans avoir parlé.»

Par Olivier MATTHEY-DORET
Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"
Avec son aimable autorisation.



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