Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

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LES RESISTANTES CORSES : LES OUBLIEES DE L’HISTOIRE intervention de Marion DECAMPS au repas de la Mémoire du 3 Novemebre 2016
07-11-2016

Intervention de Marion DECAMPS ©

au repas de la Mémoire du 3 Novembre 2016

 


             LES RESISTANTES CORSES :  LES OUBLIEES DE L’HISTOIRE

   

LA CORSE


« Souvent conquise, jamais soumise »

 

PETIT RAPPEL HISTORIQUE

La Résistance en corse présente de nombreuses particularités du fait de son statut « INSULAIRE »

Certes, la Corse comme toute l’Europe prend peu à peu conscience de la menace Nazie mais c’est  en observant la mise en place de l’état fasciste Que la corse va se préparer au pire.

Le 30 novembre 1938, l’Italie fasciste prétend annexer Nice, la Savoie et la Corse.

« Le Serment de Bastia » du 4 décembre 1938 lui répond en réaffirmant avec force l’attachement de la Corse à la France et le rejet de l’irrédentisme mussolinien :

«  face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français »

Ce serment beaucoup de »jeunes corses » qui n’ont pas connu cette période devraient en avoir connaissance.

Des comités antifascistes sont créés à Ajaccio et à Bastia.

Lorsque l’armistice est signé, le 22 juin 1940 à Rethondes, la Corse est zone libre.

2Elle le restera jusqu’au 11 novembre 1942, l’état vichysiste se met en place et la propagande irrédentiste prend de l’ampleur. Peu à peu et, en proie à de grandes difficultés tant matérielles que structurelles, la Résistance essaie de s’organiser partout.

( il serait trop long de faire ici un historique de la Résistance Corse ( un travail a été fait par ailleurs)

C’est sur le sol de l’île que le terme « Maquis » commence à désigner la résistance car où mieux se cacher que dans ce fameux Maquis corse touffus, impénétrable et odorant.

ROLE DES FEMMES

Dans la corse géographiquement isolée, les liens avec les mouvements de la Métropole ont été plus difficiles à établir qu’ailleurs. Mais la solidarité a été forte et à même abouti à l’unité de la Résistance en 1943.

L’année 1940 est caractérisée par l’initiative » Individuelle » : tentatives d’officiers de carrière pour former localement des groupes de patriotes qui refusent la défaite. La plus notable est celle du commandant PIETRI qui appelle à la formation «  d’une légion corse résistante ».

Mais on ne souligne jamais assez la part qui revient à «  MARIE de Corse aux cents visages » à ces femmes, ces compagnes, ces mères qui non seulement assurent l’intendance, mais qui ont été plus souvent qu’on ne le croit de « véritables militantes ». Au printemps 1943, elles sont si nombreuses en Corse qu’il faut songer à leur donner une organisation propre : ainsi ont pris naissance » les Comités populaires des Femmes ».


   LES OUBLIEES DE L’HISTOIRE/ LES RESISTANTES CORSES DEPORTEES  

Résistantes corses déportées, Nuit- et Brouillard Nacht-und-Nebel, ont été extirpées de la nuit de l’histoire lors d’un remarquable documentaire historique(90 mn) projeté à l’Assemblée Nationale le 26 janvier 2016 grâce à l’intervention de Gilles LEVY, beau-fils d’une résistante, JEANINE CARLOTTI et fils de Jean-pierre Levy, fondateur du mouvement Franc-tireur.

Je n’ai retenu pour ce jour que l’emblématique Danielle Casanova  héroine nationale et célébrée depuis la Libération, c’est grâce à l’obstination de Jackie Poggioli que l’on sait maintenant que 18 Résistantes déportées de corse, désormais bien répertoriées et tracées, sont, elles-aussi, passées par Ravensbruck et Auschwitz ( cela fait également l’objet d’un travail par ailleurs) :

Si Noelle Vincensini ( AVA) a pu participer en personne à l’hommage National rendu à Paris le 27 mai à Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle, chacune des Femmes extirpées par ce documentaire de la nuit de l’histoire mérite incontestablement d’entrer dans un Panthéon symbolique et les plus anonymes ne sont pas les moins héroiques »

.Je voudrai saluer particulièrement en ce lieu ME Camille GIUDICCELLI qui est rentrée dans la résistance à 16 ans alors qu’ elle allait au lycée à Ajaccio  pour prendre la place de son père arrêté, torturé, jugé par le Tribunal de Bastia ( la Corse a connu ,elle aussi, la répression) condamné à l’emprisonnement puis déporté en Italie. « Camille est devenue alors le SOLDAT de son père ».

Musique : chant Danielle Casanova

DANIELLE CASANOVA

Je voudrai vous raconter la « merveilleuse histoire » de Danielle Casanova morte à Auschwitz pour la France.

Simone Téry témoigne :

« Il est difficile de croire que jamais nous ne la reverrons. A chaque instant, nous pensons qu’elle ouvre la porte, qu’elle va entrer avec son beau sourire et son regard brillant. Mais elle ne viendra pas….elle n’ouvrira pas la porte….nous ne la reverrons plus…..

Ou plutôt, si toujours nous la reverrons, toujours nous la voyons, elle est au milieu de nous, présente, elle ne nous a jamais quittées, elle est à nos côtés , telle que nous l’avons connue, vivante. Et c’est ainsi que nous la transmettrons toute vive, aux femmes de France qui ne sont pas nées encore, et aux filles de leurs filles. Car Danielle Casanova n’est pas de ceux qui meurent. Elle est entrée dans l’Histoire.

Le but de ce travail est de la rendre « familière (souvent on ne connait que le nom qui est devenu celui d’un bateau pour beaucoup) depuis le temps où petite fille, elle courait pieds nus sur les plages de Corse jusqu’ au jour où « assassinée »par les Nazis (même si elle est morte du Typhus à Auschwitz) elle est devenue » IMMORTELLE »

A travers les souvenirs de celles qui l’ont connue ( et qui souvent ne veulent pas dire leur nom par discrétion et parce qu’elles sont revenues des camps de la mort alors que leur compagne, non) quand on parle de Danielle, sachez qu’il ne s’agit pas d’elle seulement mais de toutes ses compagnes qui ont parlé d’elle. Quand on parle de Danielle, dans ma tête je pense aussi à celles qui, comme elle, sont parties et ne sont pas revenues.

Le grand nom de Danielle Casanova est le symbole des milliers et des milliers de femmes et de jeunes filles, de ces femmes  même si elles ne l’ont pas toutes connue) qui , comme elle, ont lutté pour la France et la

liberté.  Ces Femmes » sans lesquelles, comme l’a dit le colonel Rol-Tanguy, la résistance n’eut pas été possible » ces femmes qui assuraient les liaisons, transportaient les armes, faisaient le coup de feu dans le maquis ou les sur les barricades de Paris.

Quand je vous parle de Danielle, je vois toutes ces femmes admirables, dont beaucoup étaient presque des enfants encore quand la guerre a commencé. Elles n’avaient pas peur de la Gestapo ni de la torture. Rien ne comptait plus que leur mission, c’était leur raison de vivre et de mourir (elles abandonnaient tout : enfants, maris, famille, amis pour la clandestinité, le froid, la faim, la solitude) et elles l’accomplissaient jusqu’au bout, animées par la seule « ferveur » de leur Foi dans le peuple de France, dans le courage de l’Homme (H générique) et dans sa dignité.

Quand je dis Danielle, je pense à toutes ces fières filles de France condamnées à mort, non pas à la mort rapide, glorieuse du peleton d’exécution mais à la mort lente, ignomineuse dans la boue, le froid , les poux, la faim, la crasse des camps d’extermination.

Cette histoire de Danielle, c’est un « hommage » aux douces, aux joyeuses, aux patriotes, aux inflexibles femmes françaises, épouses et mères de héros, héros elles-même. Car en vérité elles sont les sœurs, elles sont les filles de Danielle Casanova.

Danielle Casanova est née le 9 janvier 1909 à Ajaccio, dans l’île sauvage et parfumée, l’île fière qui toujours à travers son histoire,  a lutté pour l’indépendance et la Liberté, le premier département de France  qui se soit « libéré lui-même ».

 Quant à Danielle Casanova- son véritable prénom était Vincentella et son nom PERINI.

Les Perini étaient une de ces  vieilles familles corses , aux racines nourries au plus profond du terroir, une famille toute pétrie des nobles Traditions de l’île natale.

Le grand-père de Lella ( diminutif de Vincentelle) fils de paysan était » juge de Paix »et sa grand-mére toujours vêtue de noir une travailleuse acharnée toujours prête à accomplir les plus durs travaux. Elle joua un grand rôle dans la vie de Danielle. Ses parents étaient instituteurs de la République. La famille n’était pas riche , Lella  découvrit qu’il y a des enfants « pauvres » et, aussi que les petites filles » bien habillées » ne voulaient pas jouer avec elle, la traitaient de haut et la méprisaient. Danielle ne comprenait pas une chose pareille, elle trouvait cela parfaitement « révoltant ». Elle pensait, au contraire, que plus les gens sont pauvres et malheureux, plus on doit les aimer,  être gentil avec eux pour leur faire oublier leur triste condition. C’est pourquoi Danielle Casanova n’eut jamais comme tant d’intellectuels et de petits-bourgeois l’impression » d’aller au peuple ». elle n’eut jamais besoin d’y aller, parce qu’elle en sortait, parce qu’elle en était.

Danielle, dès le temps où elle n’était qu’une petite fille turbulente avec les mollets nus et les cheveux sur les épaules, inspirait par son caractère du respect à sa propre famille, y jouissait d’une autorité plus grande que quiconque. Même à l’école et dès qu’ elle y entra, Lella témoigna de qualités de droiture, de loyauté et de justice et on faisait appel à ses conseils.

Les grands amis de Danielle c’étaient les pêcheurs. Elle était une nageuse »exceptionnelle, vigoureuse » et passait des nuits sur la plage avec eux. Oui ces nuits étaient « inoubliables » et Danielle plus tard au fond de son cachot devait souvent les évoquer comme l’image même du Bonheur et de la Liberté.

PORTRAIT

Du nouveau né »laid » decrit pas son frère André à la naissance

« Quand elle vint au monde, elle avait comme tous les nouveaux nés un front très sayant et un teint noir qui la faisait ressembler à un petit Négro. Mais avec l’âge ses traits se modifièrent ainsi que son teint et elle devint bientôt la petite créature blanche et rose que toute la famille entoura de son amour »

Danielle s’était transformée ( avant de partir pour ses études sur le continent) en une belle jeune fille, épanouie encore plus que ses compagnes ( de type méditérannéen) par le sport et le plein air. Elle avait un large visage aux traits réguliers, un peu accentués et aux pommettes saillantes, une grande bouche généreuse, des dents éclatantes, l’air sain, joyeux et ardi. Elle possédait une belle chevelure brune mais ce qu’elle avait de plus beau, c’étaient ses yeux, de larges yeux, bien fendus sous d’épais sourcils, des yeux non pas noirs mais marron doré, roux avec des stries fauves, des yeux non pas étincellants mais lumineux et en même temps veloutés. « Et ce regard, témoigne une de ses compagnes, direct,  chaud , pénétrant, avec tant de Force, de Lucidité, de douceur, oui ce regard de Danielle toujours nous le verrons….toujours il nous regardera…. »

La caractéristique de Danielle Casanova consiste dans le fait qu’elle a  su modifier ce physique (mis à part le regard) au fil du temps et des circonstances volontairement et par la force des choses ( sa fin).

Pendant ses études à Paris, craignant de paraitre Provinciale et Niaise, elle se permis de petites audaces, au grand étonnement de ses camarades, elle allait vêtue d’une longue redingote vert bouteille, d’un chemisier avec une cravate d’homme, d’un grand feutre beige relevé par derrière et baissé par devant.

 Puis révoltée par la misère, du jour au lendemain elle se transforma à tel point que ses camarades n’en pouvaient croire leurs yeux. Elle se mit à ressembler à une étudiante comme toutes les autres et même beaucoup moins coquette. Entre toutes ses activités : études, travail de militante, elle n’avait guère de temps pour s’occuper de sa toilette. Elle avait coupé ses cheveux courts, elle allait  généralement vêtue d’un simple imperméable et d’un béret, avec tout juste un peu de poudre sur le nez. Mais avec sa jeunesse, son éclat, son entrain elle restait extrèmement féminine.

Pendant les manifestations et en clandestinité, Elle devint une femme vraiment très belle, une vraie transfiguration : vétue d’un manteau de fourrure noir, un turban de soie vieux rose, avec des boucles d’oreilles d’un rouge assorti avec la couleur du turban, maquillée juste ce qu’il fallait ,de la grâce dans les mouvements, un sourire magnifique et un beau sac à la main elle défiait l’occupant. Qui se serait méfié de cette belle et élégante jeune femme et aurait fouillé ce beau sac de prix (qui était rempli de tracts, de documents et d’armes. Une charmante Parisienne, vibrante d’intelligence, de haine, d’audace et d’amour, l’image d’un destin véritablement accompli, «  d’un CHEF-D’ŒUVRE » de l’humain. » Elle avait le sentiment d’être plus que jamais dans sa vie « utile de servir » et c’était pour elle, le plus haut Bonheur. Elle sut garder « bon visage et gaité »pour ceux qui restaient malgré les morts, l’emprisonnement, les tortures, la faim , la crasse, malade elle ne disait jamais rien et continuait à travailler mais elle devenait » l’ombre d’elle-même » Envers et contre tout, toujours ce sourire chaleureux et ces yeux….ces yeux….lumineux.

 

ETUDES    

Elle poursuit ses études secondaire à Ajaccio puis elle suit la femme de l’un de ses professeurs dans le Var au Luc. Après un bref passage en « classes préparatoires » à Paris,  elle s’inscrit à l’école dentaire de la même ville., préférant une profession libérale à la fonction Publique et surtout ne supportant plus l’emprisonnement de l’internat. Elle prit alors

un petit appartement et pu vivre le mode de vie qu’elle aimait, libre, convivial : on défilait chez elle (surtout des corses au départ).

ENGAGEMENTS

A l’école Dentaire, elle découvre l’Union Fédérale des étudiants de gauche à laquelle elle adhère avant d’en devenir responsable, au sein de l’organisation, Danielle se faisait remarquer par son enthousiasme, n’hésitant pas à distribuer des tracts (ce qui était exceptionnel à l’époque  pour une femme) et à aller à l’affrontement (avec certains hommes d’opinions différentes qui se moquaient d’elle et essayaient de l’intimider). Elle rencontre son mari Laurent Casanova au sein de cette organisation Danielle et Laurent devinrent « inséparables ». Ils ne devaient pas tarder à s’épouser.  Voilà comment Vincentella PERINI, qui avait adopté le prénom de Danielle plus facile à prononcer pour les français du continent devint Danielle Casanova, nom sous lequel elle allait être connue dans l’Histoire.

La vie de Danielle est véritablement satisfaisante à contempler. On trouve peu d’exemples dans le monde d’un Destin aussi accompli. C’est un « chef-d’œuvre de réussite, depuis les premiers jours de sa joyeuse enfance jusqu’à sa « fin sublime ».

Danielle Casanova nous dit Simone Tery « a voulu sa vie, et elle l’a réalisée avec une lucidité totale, une obstination sans défaillance, un courage indomptable, une joie invincible, jour après jour, année après année jusqu ‘au terme fixé par le destin. Nous ne pouvons que l’admirer. Elle est la preuve vivante que le bonheur existe et que la vie (malgré les épreuves) doit l'emporter et qu’elle vaut la peine d’être vécue ».

Ce message devrait être délivré à notre Civilisation en péril, aux enfants élevés sans aucun « repères » aux adultes qui ne connaissent plus le sens du mot VIE, RESPECT, DIGNITE.( ce n’est que mon opinion…)

Danielle, bien entendu, était profondément ignorante des questions économiques et sociales et n’avait jamais tenu entre les mains un ouvrage de philosophie Marxiste. Mais elle comprit qu’un intellectuel a des « devoirs particuliers » et qu’un étudiant militant doit posséder à

fond « la théorie politique ( même si aujourd hui elle est dépassée, pour l’époque elle était un espoir pour le monde du LABEUR) , base indispensable d’action efficace sans laquelle il est impossible de comprendre ce qui se passe dans le monde .

En plus de ses cours à l’école dentaire, de son activité militante de L’U.F.E, elle passait le plus clair de son temps dans les bibliothèques.

Elle était «  un peu brouillon » car elle faisait trop de choses, mais la « rude école » à laquelle elle fut soumise : celle du combat allait lui apprendre la précision, la discipline et la modestie. Son enthousiasme se changea en DYNAMISME, son obstination en VOLONTE INFLEXIBLE, et il est clair que sans ces atouts Danielle n’aurait pu devenir ce qu’ elle est devenue.

Bientôt, le jeune étudiante trouva que son activité de l’U.F.E N ne lui suffisait pas. Il lui semblait aussi que ses perpétuelles discussions avec des intellectuels lui faisaient perdre pied avec la réalité. Dès 1938, elle avait 19 ans,Danielle Casanova adhéra « aux jeunesses communistes ».  ( Ce fut une très grande joie pour elle de militer avec les jeunes ouvriers de Paris. Et c’est là qu’on voit l’extraordinaire faculté d’adaptation de Danielle Casanova. Cet effort d’adaptation constitua, pour elle, une excellente gymnastique intellectuelle. Ainsi, elle apprit à se mettre à la portée de tous et à se rendre » compréhensible » par tous. En devenant responsable de la section de la Région Parisienne puis entre autre tâches responsable de la sécurité de Raymond Guyot secrétaire des jeunesses et qui vivait dans l’illégalité car condamné  auparavent à 10 ans de prison par contumace, Danielle fit sa première expérience de la « vie illégale » ce qui lui fut fort utile moins de 10 ans plus tard.

C’est à Marseille, en mai 1936, au congrés  de la Fédération des jeunesses communistes qu’elle fit son » fameux Appel aux jeunes filles

du Front populaire et à toutes celles qu’animaient un même amour de la liberté, une même haine du fascisme ».

C’est ainsi que naquirent les » jeunes filles de France » où Danielle allait donner toute sa mesure. C’est là qu’elle allait grouper, découvrir, former et préparer pour l’action ces légions de jeunes filles qui allaient devenir les meilleurs combattantes de la Résistance Française. De ces jeunes filles sortirent tant d’héroines et de martyres qui sont l’orgueil de la France et dont la lutte, l’exemple,  et le sacrifice , côte à côte avec leurs pères, leurs frères, leurs compagnons ont permis à notre patrie de ne pas sombrer dans l’opprobre et la honte, de redevenir une nation libre et fière. Un grand nombre d’entre elles, comme Danielle, sont mortes pour la France, mais celles qui ont échappé «  au monstre Nazi » sont devenues des « femmes fortes et conscients, elles ont contribué à fonder sous l’inspiration de Danielle Casanova «  l’Union des femmes françaises » cette magnifique organisation de la résistance ». Et toutes, même celles qui ne l’ont pas connue, sont fières de se dire « les filles de Danielle Casanova ». Quelle récompense pour Danielle que cette innombrable postérité par l’esprit et pas le cœur ! Elle qui n’a pas eu le temps d’avoir d’enfant.      

Lors de l’interdiction du PCF en 1939 elle rentre dans la clandestinité.

 

CLANDESTINITE

 Elle était donc une militante communiste et une résistante. Elle a été responsable des «  jeunesses communistes » et fonde « l’union des jeunes filles de France » Elle aurait été responsable avec Victor Michaud de la propagande politique dans l’armée. Lorsque les hordes Nazis s’installèrent chez nous, elle quitta  son foyer pour la « clandestinité »

Traquée par la police des «  traitres » et par la Gestapo , elle errait sous des noms d’emprunts, de gîte en gîte. Danielle Casanova dans la résistance, ce n’est pas une femme tendue, sombre, écrasée par les devoirs , elle accomplit sa tâche , mais elle sourit, elle est pleine de grâce, D’aisance. Il est difficle de la suivre pas à pas dans ces années sombres ; sa loi comme celle de ses camarades, était le « secret ». Elle était coupée de sa famille, ses amis. Le 14 juillet 1941 c’est elle qui avait organisé la »fameuse manifestation des boulevards ( la plus importante depuis le début de la guerre) Ce fut un beau 14 juillet mais, elle resta dans l’ombre pour ne pas prendre de risques. 

 

ARRESTATION

. Elle est arrêtée par la police française le 15 février 1942 alors qu’elle ravitaillait Georges Politzer et sa femme en charbon. On a dit que c’est à cause de ce charbon que Danielle fut arrêtée. Ce n’est pas exact. IL se trouva qu’au moment où elle le fut elle portait du charbon, mais c’est tout. La vérité c’est que depuis des semaines et des mois la Gestapo avec ses complices de la police française préparaient un vaste « coup de filet ». Des centaines de filatures avec enquêtes et regroupements et les signalements de centaines de suspects. C’est ainsi que Danielle tomba en même temps que la plupart de ses camarades, parmi lesquels Felix Cadras, Politzer ,Solomon , Decours, quatre-vingt en tout. Tous les hommes furent fusillés après d’atroces tortures. La plupart des femmes ne devaient pas revenir des camps de la mort. Danielle derrière les barreaux ne courbera  jamais la tête devant le « monstre Nazi ». Elle continue à  chanter (faux) et à faire chanter ses compagnes ( la Marseillaise en toute circonstances) pour défier les bourreaux. Elle est d’abord enfermée au dépôt. C’est du dépôt que commence la série de ses admirables lettres de prison qu’on publiera un jour intégralement.

Elle ecrit à sa mère ;

«  je n’ai plus au- dessus de ma tête le ciel radieux de la corse, ni celui de l’Ile de France , j’ai du soleil plein le cœur. Je me sens calme et solide. 

 Elle organise la solidarité, le partage, une résistance passive, elle fait passer les nouvelles de la journée en se mettant à la fenêtre  et en parlant d’une voix forte. Le dépôt ce n’était rien encore . La prison de la Santé où Danielle est tranférée ce sera bien autre chose. Recluse derrière les barreaux elle trouva encore le moyen d’être l’âme de la prison. Lorsqu’à la fin du mois d’aout les détenues de la Santé furent transférées au fort de Romainville, Danielle étaient de celles qui avaient le plus changé, elle était devenue d’une minceur proche déjà de la maigreur. Elle est isolée mais organise encore « une résistance ». Elle organise, on ne sait comment « une fête folklorique » dans la cour avec ses compagnes.

si elle était déjà célèbre, son action dans la résistance est révisitée, ici (documentaire  donné à l’assemblée nationale en Janvier et dont je n’ai trouvé la trace que sur les journaux corses)grâce à l’interview de sa nièce.Isaline Amalric-Choury, qui fut conseillère de communication de François Mitterand à l’Elysée.

AUSCHWITZ : FIN DE DANIELLE

 C’est le dimanche matin 24 janvier que commence « le calvaire » Les 231 femmes sont entassées dans des wagons à bestiaux (49 seulement devaient revenir) pendant trois jours en plein janvier , elles demeurent accroupies dans ces wagons hermétiquement fermés, sans air, sans lumière, trois jours et trois nuits sans manger et sans boire. Mais rien ne pouvait abattre leur courage. Elles voulaient montrer aux allemands qu’elles n’avaient pas peur et chantaient la Marseillaise pour montrer qu’elles étaient Françaises et que le peuple Français ne se soumettait pas comme Hitler essayait de le faire croire avec sa propagande sur la »collaboration ». Le 27 janvier à l’aube le train enfin s’arrêta . On était à AUSCHWITZ  au fin fond de la Pologne. 30 degré au dessous de zero ; la Sibérie. C’est ainsi que le convoi de Romainville passa la porte d’auschwitz, cette porte au dessus de laquelle aurait dû être écrit en lettres de feu : « Vous qui entrez, ici, laissez toute Espérance »

Mais ni Dante, ni les imagiers du moyen-âge, dans leur imagination n’ont pu inventer ce qu’ont inventé les nazis. Devant ces camps de la mort  

l’esprit recule  ,épouvanté » Auschwitz était un camp d’extermination. Le but supême de la barbarie nazie n’était pas de vouloir tuer, seulement , ils voulaient avant les faire » souffrir , ils voulaient surtout , et c’est là le crime des crimes, l’inexpiable, tuer à jamais en ces Hommes, l’Humain , leur arracher tout ce qui fait la noblesse, la dignité, la grandeur de l’Homme, les avilir, les dégrader, les ravaler non seulement à l’animalité mais en dessous de l’animalité même.  Mais certains ont relevé le défi  immonde et Danielle Casanova fait partie de ceux qui ont lavé l’honneur de l’espèce humaine et donné la preuve que l’Homme n’est pas une bête, que la dignité est son bien le plus sacré, le plus intangible.

En tant que « chirurgien  dentiste» elle bénéficia par la suite d’un statut privilégié car elle soignait et elle en profita pour aider ses compagnes. Bien qu’elle n’ait pas le droit de sortir de l’infirmerie, elle en sortit cependant chaque soir à 20h et elle apporta médicaments et nourriture aux détenues mais le typhus frappe. Danielle aurait pu se protéger en restant enfermée à l’infirmerie mais elle continue ses visites et soigne les malades, elle attrape elle-même le typhus. Les allemands qui avaient besoin d’elle l’ont vaccinée mais trop tard ! Après une agonie de plusieurs jours elle décède à l’infirmerie  le 9 mai 1943. On ne sait comment des brassées de lilas parvinrent à l’infirmerie  et il se passa une chose incroyable, qu’on n’avait jamais vu à Auschwitz et qu’on ne vit plus jamais ; un cortège funèbre se forma derrière son brancard fleuri  et on suivit son corps à travers tout le camp jusqu’au crématorium. Les allemands regardèrent cela et n’osèrent pas intervenir. Danielle a eu la possibilité «  de se sauver » mais elle a choisi de rester avec ses compagnes.

Et voilà telle qu’elle fut contée l’histoire de Danielle Casanova.

Madeleine Aylmer-Roubenne  ( dans son livre ; j’ai donné la vie dans un camp de la mort écrit ;

                            « L’Enfer c’est les autres « a dit Sartre. J’ajouterai «  Quand ce n’est pas soi-même » ! Dans les camps, l’autre pouvait être aussi la Lumière, la Solidarité, sans laquelle dans cet Enfer nous n’aurions pu survivre. Et aussi la grandeur d’âme , les limites de l’Etre sans cesse dépassées….. »            

Intervention de Marion DECAMPS ©

au repas de la Mémoire du 3 Novembre 2016



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