Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

HISTOIRE DE LA POCHE DE SAINT-NAZAIRE Par Michel Gautier ©
29-07-2016

 HISTOIRE DE LA POCHE DE SAINT-NAZAIRE

Par Michel Gautier ©

Document reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

 Nantes était libérée depuis le 12 août 44, Paris, depuis le 25 août. À partir du 5 février 1945, plus aucun soldat allemand sur le sol français... Hormis dans les poches de l’Atlantique. Cinq poches où étaient enfermés avec 120 000 soldats allemands, 150 000 civils qui devraient attendre leur libération jusqu’au 8 mai 1945 et même jusqu’au 11 pour la poche de Saint-Nazaire, la plus peuplée et la dernière libérée. Une bizarrerie de l’histoire sur laquelle l’histoire officielle ne s’est pas encore vraiment penchée. De la Hollande jusqu’à l’Espagne, outre les forteresses hollandaises et les îles anglo-normandes, se succédaient en effet les poches de Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire, la Rochelle-La Pallice et les poches de Gironde (Royan, le Verdon, Gironde nord et sud).

Dans la poche de Saint-Nazaire prenant la forme d’une zone quasiment circulaire d’un rayon de 25 kilomètres, se trouvaient enfermés près de 130 000 civils et 30 000 soldats allemands... gardés par 16 000 FFI. Au sud de la Loire, la poche s’étendait sur 11 communes du nord pays de Retz : Frossay, Saint-Viaud, Paimbœuf, La Sicaudais, Saint-Père-en-Retz, Saint-Brévin, Saint­Michel-Chef-Chef, Tharon, La Plaine, Sainte-Marie et Pornic. Y étaient enfermés 22 000 civils avec 9 000 soldats allemands. Au nord de la Loire, une zone plus vaste incluant la Festung de Saint-Nazaire, longeait un arc partant de la Roche-Bernard, suivant la rive sud de la Vilaine et bifurquant le long du canal de Nantes à Brest pour aboutir à la Loire à la hauteur de Cordemais.

Ces 9 mois d’occupation supplémentaire allaient laisser beaucoup d’amertume aux populations empochées qui mirent beaucoup de temps avant de revenir sur ces souffrances et ces humiliations. Combien de fois ai-je entendu dans la bouche de mes témoins : « On a été oublié, et en plus on a voulu nous faire honte » ! Il faut dire que dans le Nantes libéré de Noël 44, on ne parlait guère des empochés ou, pire, certains parlaient des « Collabos de la poche » ! À la mi-janvier 1945, de Gaulle lui-même, venu décorer la ville de Nantes, s’inquiéta du sort des FFI encerclant la poche mais n’eut pas un mot pour les civils assiégés.

Je n’ai pourtant pas noté de collaboration avérée. Du marché noir alimentaire, bien sûr, comme partout, mais surtout une grande solidarité rurale, et en tout cas très peu de collaboration politique et encore moins militaire. Au contraire, à chaque fois qu’on l’a pu, on a transmis aux FFI les informations sur les positions, les habitudes et les forces de l’ennemi, et j’ai découvert beaucoup d’actes de résistance individuelle accomplis par des héros ordinaires de tous âges, dont beaucoup de femmes et parfois même des enfants.

Sans doute faut-il reconnaître des connivences sécuritaires ou alimentaires avec un ennemi couchant sous le même toit et, par la force des choses, partageant des intérêts communs, depuis le pain, le vin, le lait et la viande jusqu’à l’abri protégeant des balles et des obus. Une inquiétude commune taraudait l’esprit des occupants et des occupés : « Comment cela va-t-il finir ?... Comme à Royan, sous un tapis de bombes » ? Et les bombes ne feraient pas de différence entre Français et Allemands ! Mais cette angoisse commune ne constitue pas une illustration très convaincante d’un syndrome de Stockholm avant l’heure.

Dans cette mémoire meurtrie et encore mal consolée, on trouve bien sûr le souvenir des privations de ce dernier hiver : la faim, le froid, le manque de lumière, la peur quotidienne de la balle perdue ; le souvenir des victimes collatérales de la guerre, comme ces 15 paysans tués lors de la catastrophe du Boivre à quelques semaines de la Libération ; tous les morts civils sous les obus, les bombes ou les tirs, allemands parfois, mais surtout français, destinés sans doute à l’ennemi, mais fauchant aussi des civils se trouvant au mauvais endroit dans cette poche en peau de léopard où les cantonnements allemands s’imbriquaient avec les villages français. Mais il y a surtout le souvenir pour des centaines de familles, de l’expulsion de leurs fermes, du pillage et de la destruction de leurs biens, et pour tous, le sentiment d’un abandon et d’une cicatrice historique mal fermée.

Carte de la poche de Saint-Nazaire

Suite au succès de l’opération « Chariot » contre Saint-Nazaire dans la nuit du 27 au 28 mars 1942, Von Rundstedt et Rommel décident de transformer le pays de Retz en forteresse aquatique en fermant les accès à la mer des ruisseaux et des étiers les villes soulignées appartiennent à la poche de Saint-Nazaire à partir de l’automne 44

Une libération bretonne inachevée

Le fol espoir d’une rapide délivrance du littoral atlantique était né au forceps dans les premières heures d’un petit matin douteux sur les plages normandes du 6 juin 1944. Mais après avoir vibré jour et nuit à l’écoute des postes à galène relayant les communiqués d’état­major sur le grignotage meurtrier du bocage normand au cours d’un interminable été, il faudrait encore traverser les frimas et les privations, les exodes et les combats d’un interminable hiver avant que les empochés de l’Atlantique puissent sortir les drapeaux tricolores de la naphtaline. Presque un an entre les premiers pas des libérateurs sur la côte normande et la chute de la Poche de Saint-Nazaire.

Avant la percée décisive du 31 juillet 1944, les troupes alliées et la résistance locale avaient dû batailler ferme pendant près de deux mois pour se frayer un passage vers la Bretagne et les vallées de Loire et de Seine. C'est le 1er août que la 3è armée blindée de Patton déborda enfin Avranches et parvint aux portes de la Bretagne. La Rance fut aussitôt enjambée pour atteindre Dol, Dinan et les abords de Rennes. Le 5, Fougères, Vannes, Lannion et Rosporden étaient libérées ; la bataille s'engagea pour Saint-Malo. Le 6, le drapeau tricolore flottait sur Audierne et Vitré ; on se battait devant Brest. Le 7, Douarnenez était libre mais on butait sur Lorient.

L'agence Reuter résumait la situation par ce communiqué du 9 août 1944 :

« Dans le centre de la presqu'île armoricaine, une guerre d'escarmouche fait rage. Les troupes allemandes, coupées de leur commandement par les colonnes blindées qui s'infiltrent dans toutes les directions, opèrent sur des positions instables et sont incessamment harcelées par des groupes de patriotes français collaborant avec les fantassins américains. Les groupes ennemis qui réussissent à s'accrocher sont condamnés à capituler par l'impossibilité de se ravitailler. »

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LIRE LA SUITE _ HISTOIRE DE LA POCHE DE SAINT-NAZAIRE de Michel Gautier © Tous droits de reproductions  réservés.



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