Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Évasion de la maison d'arrêt d'Aix en Provence de 27 résistants en instance de départ en déportation.
24-04-1944

 Par André CLAVERIE

Alias Commandant Jean-Paul

André Claverie alias le Commandant Paul

ÉVASION A LA PRISON D'AIX-EN-PROVENCE (1)

PROPOS DE CLAVERIE ANDRE ALIAS " JEAN-PAUL "

Oui, je vais raconter cette action mémorable, parce qu'elle a fait date, non seulement dans l'histoire de la Résistance locale, mais aussi parce qu'elle mérite d'être inscrite dans le cadre de l'histoire Nationale des F.T.P.F... Peu relaté jusqu'ici, l'évasion à la prison d'Aix a été, nous le croyons, un des plus grands faits de la résistance Française. Elle fut une des plus osée, une des plus spectaculaire, une des plus exemplaire et des mieux réussie des évasions organisée par les F.T.P.F.. Ce fut une opération de première importance car, pour la mener à bien, elle mobilisa un nombre conséquent de combattants de .la Résistance Aixoise et aussi, parce qu'elle permit de libérer une quantité exceptionnelle de patriotes, 27.. Certains de nos camarades libérés reprirent le combat, tandis que tous échappèrent à une déportation certaine. Mais cette évasion eut le tort, peut-être, de s'être passée à Aix en Provence et non à Paris ou à Marseille... et puis, elle ne fut pas entreprise par un Général ou un grand Colonel ? Ce qui est vrai, c'est que les " médias ", pourtant à l'affût d'événements exceptionnels, n'en n'ont jamais fait mention...c'est infiniment regrettable...

-   " Tiens..., je crois que je possède encore le double du rapport que j’avals établi et qui relatait ce fait d'arme, l'original, je l'avais fait parvenir à l'État-major Régional F.T.P.F ".

-   " En effet, j'avais pris la précaution de faire taper ce rapport en double par une amie, qui était la secrétaire de notre groupe. J'eus, également, la riche idée de planquer ce double avec d'autres documents d'ailleurs, chez mon père au 3, rue Jacques de La Roque. C'était une planque plus sûre... "

Nous allons donc nous servir de ce document officiel pour nous rafraîchir la mémoire, tout en nous permettant de commenter cette action. Voici donc les faits C'est le 22 avril 1944 vers neuf heures du matin, que le camarade Biaggini alias " Mentor ", qui était à ce moment-là, res­ponsable C.E (Commissaire aux effectifs du Sous-Secteur), et qui était également de notre détachement F.T.P.F., reçut la visite d'une Dame Venant de Marseille, et soi-disant, en­voyée chez lui par des résistants Marseillais... Qui était-elle ? Nous ne le sûmes jamais de façon précise... Cette dame, tint à " Mentor ", à peu près, ce discours :" Mon mari est emprisonné à la maison d'arrêt d'Aix. H doit, avec les autres détenus, résistants et politiques, être déportés en Allemagne, via Compiègne... et c'est le 24 avril, précisa-t-elle, que le convoi doit partir d'Aix. Je suis donc venue vous voir pour vous demander de me faciliter le contact avec le responsable militaire F.T.P.F d'Aix afin de le convaincre d'organiser l'évasion de mon mari avant qu'il ne soit trop tard.

" Mentor " fut impressionné et très étonné d'une telle dé­marche. C'était, en effet, très drôle...cm, habituellement, le contact direct avec les responsables n'était pas utilisé dans notre groupement où le cloisonnement était poussé à l'ex­trême. Il se posa donc, immédiatement, une foule de ques­tions : comment cette femme avait-elle eu son adresse ?... comment savait-elle qu'il était un des responsables ?... Comment, surtout, savait-elle, alors qu'à Aix on ne savait rien, la date du départ des prisonniers pour l'Allemagne ?... Néanmoins, Blaggini me fit prévenir et me signala qu'il avait des choses et des informations urgentes et très importantes à me communiquer... J'obtempérais sur-le-champ. A mon arrivée, " Mentor " me présenta la dame en question. Celle-ci renouvela son histoire à mon intention... elle me pria, avec insistance, et détermination de la conduire auprès du responsable militaire. Bien entendu, je ne lui ai pas dit que c'était moi ce responsable... je mûris, immédiatement, un plan...et lui répondis qu'on allait la conduire avec une moto auprès de lui... " Bien ! " dit-elle.

Je laissais la dame avec " Mentor " et partis quérir " Acier " en le chargeant de conduire la dame avec la moto que nous possédions, à une ferme au Caret de Meyreuil, chez un de nos bons amis " Primo ". Je donnais à " Acier des consi­gnes strictes qui étaient les suivantes : le fermier devait immédiatement, isoler cette femme. L’empêcher de voir et de parler avec quiconque, et de la garder tant que nous ne reviendrons pas la chercher. Je savais que ces instructions seraient suivies à la lettre... Après que " Acier " et la dame fussent partis, nous parlâmes longuement " Mentor " et moi... nous avons fait le tour des éventualités qui pouvaient surgir... Nous savions, par exemple, puisque nous avions des contacts réguliers avec Santucci "Horace", qui était responsable militaire du groupe des Résistants emprisonnés, leur nombre exact... Toutefois, nous ignorions, précisément, le Jour où ils allaient être déportés. Nous ne pensions pas que cela viendrait si tôt...

Les précisions émises, par cette dame, sur le départ en Allemagne de ces derniers, nous parurent donc suspectes. Nous pressentions un piège, un guet-apens... Malgré cela, nous prîmes très au sérieux cette information, en attendant confirmation ou démenti... Tant est si bien, qu'elle fit germer dans nos têtes, et dans la mienne en particulier, l'idée de réaliser cette action,--Nous n'allions pas faire évader qu'un seul prisonnier, mais bien tous les prisonniers résistants pa­triotes... présents dans la prison... Dans l'heure, nous vîmes quelques camarades du détachement F.T.P.F. dont "Grégoire", Wintzer, Auvergne et "Acier" qui étaient chefs de groupe.

Devant l'imminence du départ des prisonniers, nous déci­dâmes de tenter, le plus tôt possible, leur évasion... Nousrédigeâmes une lettre pour " Horace ", lui faisant part de notre éventuel projet : leur évasion...nous lui demandâmes, entre-autre, le plan détaillé de l'entrée de la prison, le nombre d'hommes constituant le corps de garde intérieur, l'heure des relèves, ainsi que les habitudes des gardiens... La possibilité de soudoyer un ou deux gardiens, et lequel ?... Et surtout s'ils avaient la possibilité de suivre le tunnel qui relie la prison au Palais de Justice dont nous connaissions l'existence... Le tunnel était habituellement emprunté par les gendarmes et les prévenus qui devaient être interrogés au Palais.

Mais, pour communiquer cette lettre à Horace, il n'y avait que sa femme pour le faire... nous savions qu'elle avait, par chance, certaines facilités pour communiquer avec lui (gardiens complaisants ou autre).

Nous primes donc contact avec elle et nous l'informions de nos intentions. La situation s'avérait préoccupante et pressante...elle devait aller à la prison d'urgence, dans l'heure, pour porter ce pli... elle ou son fils qui, lui aussi, faisait certaines liaisons. C'est ce qu'elle fit avec empres­sement. " Mona " faisait partie de ces merveilleuses compa­gnes de combattants résistants clandestins dont nous avons parlé par ailleurs. La réponse ne se fit pas attendre et l'après-midi vers six heures, nous eûmes entre les mains, le plan de la maison d'arrêt, celui du tunnel, ainsi que l'effectif de la garde, leurs habitudes et leurs heures de relève... Tout était clairement mentionné, même dans les plus petits détails..

De toute évidence. Horace l'avait préparé depuis longtemps... il nous communiqua aussi le nom et l'adresse du gardien que nous devions soudoyer. H se trouvait que je le connaissais... J'allais donc chez ce gardien. J'eus la chance de le trouver chez lui, (de la chance, nous n'avons jamais cessé d'en avoir, tout au long de cette opération, heureusement d'ailleurs...) Je lui fixais un rendez-vous dans l'heure. Au cours de cette entrevue, il me raconta, sans doute pour se justifier à mes yeux, qu'il avait des ennuis avec l'administration pénitentiaire. Nous ne crûmes jamais à ces balivernes. La réalité était, sans doute, toute autre...puisqu'il exigeait trois cent mille francs pour faire le travail que nous lui demandions...(c'était une somme assez considérable à l'époque 1) qui était d'introduire à l'intérieur de la prison un petit paquet et une lettre... Cette exigeante nous stupéfiaet nous révolta. Mais nous finies mine d'accepter, car nous ne pouvions pas faire autrement si nous voulions réaliser la première partie de notre projet... Je lui promis 14 000 francs pour le soir même. Je lui dis aussi, et afin qu'il n'ait pas d'ennuis : " tu partiras avec nos camarades évadés, quant à ta famille, nous nous en occuperons, nous prendrons des mesures pour qu'elle ne manque de rien."

Le gardien nous confirma alors qu'il avait su, la veille au soir, que le départ du convoi des prisonniers patriotes pour l'Allemagne aurait bien lieu le 24 avril à sept heures du matin...(donc la dame avait dit vrai). Cela nous conforta dans nos décisions et dans notre détermination... Je fixais un deuxième rendez-vous au gardien pour le soir même, juste un peu avant dix-huit heures, heure à laquelle il reprenait son travail. Je lui promis qu'il aurait son argent, le matériel convenu et nos dernières instructions et informations que nous donnions à Santucci...11 devait introduire le tout dans la prison. Nous nous méfions beaucoup des gardiens de prison de l'époque car, pour certains d'entre eux, leur patriotisme commençait ou finissait selon l'épaisseur du portefeuille que vous leur offriez... plusieurs tentatives d'évasion à la prison d'Aix avaient avorté ou capoté lamentablement de par leur faute... Je crois même qu'une fois, alors que Pierre Morellini, qui était chargé de ces contacts délicats, avait réuni et effectivement versé à un gardien une forte somme..., celui-ci se défila...et il ne rendit jamais l'argent...

En outre, nos

Pendant le temps qu'il nous restait d'un rendez-vous à l'autre, nous étudiâmes et envisageâmes bien des possi­bilités d'action. Nous nous arrêtâmes définitivement à la solution la mieux réalisable à nos yeux, qui était, l'évasion par le tunnel...car il faut savoir qu'il y avait, aussi, un important corps de garde à l'extérieur de la prison. Ce corps de garde était renforcé par des policiers français... les hommes montaient la garde en permanence devant la porte principale de la prison et assuraient une ronde continue autour du bâtiment. Ce n'était donc pas possible de les attaquer de front et de forcer la grande porte. Ils étaient nombreux et bien armés. Et puis le bruit qu'aurait fait notre intervention, aurait, non seulement, alerté les forces extérieures, mais aussi intérieures...donc, ce n'était pas envisageable. C'était vouer à l'échec notre entreprise... Nous savions que le tunnel communiquait avec le Palais de Justice, nous l'avons déjà dit, mais ce qui était étonnant, c'est que la porte d'entrée et de sortie du Palais vers l'extérieur restait constamment ouverte, même la nuit... (le concierge la laissait ouverte) C'était une aubaine t Nous savions, également, que les clefs du tunnel, étaient pendues au tableau du corps de garde... Ce n'est donc qu'après avoir neutralisé celui-ci qu'il était possible de s'en emparer. Il y avait surtout le quartier des " politiques " à faire ouvrir, car il était isolé des autres quartiers, ainsi que les cellules des emprisonnés. Nous étudiâmes plusieurs solutions ou possibilités...mais un obstacle d'importance devait surgir...

Au deuxième rendez-vous avec le gardien, celui-ci nous précisa que les clefs des cellules des " politiques ", étaient entre les mains d'un " homme de confiance ", un détenu de droit commun qui, lui circulait librement dans la prison... C'était là, une situation, qui s'inscrivait dans la logique de la justice de Vichy... Aux droits communs, on leur faisait confiance 11... Après réflexion, nous demandâmes au gardien de proposer à ce détenu de droit commun, en échange de sa complicité, de le faire évader avec nos camarades. Nous Savions de toute évidence, que ça marcherait... Le savions, toujours par lui, que cet homme avait vingt-ans de gardien nous répondit : "Je vais lui proposer ça... et je vous donnerai une réponse demain matin..."

Nous passâmes une nuit sans dormir, à étudier toutes les éventualités et à surmonter tous les obstacles qui pour­raient surgir dans la réalisation de notre projet. Le soir du dernier rendez-vous avec le gardien, nous lui remîmes le colis... il contenait deux pistolets de gros calibre, avec munitions et plusieurs grenades. Le tout devait parvenir au camarade Santucci, le soir même, avec une lettre, lui donnant nos instructions et notre plan... Ces instructions étaient les suivantes : " Camarade Horace, tu auras à te présenter le 24, au 4ème coup de quatre heures, à la porte du Palais de Justice. Le mot de passe sera pour vous venant de l'intérieur " France "... Le camarade qui vous recevra à l'extérieur répondra " Libre ", et tu te placeras, immé­diatement, sous ses ordres et sa protection. Celui-ci, sera en possession des instructions, pour vous conduire en lieu sûr, lieu que nous avons prévu et organisé... Pour atteindre ces objectifs, tu devras organiser et réaliser, avec ton Etat-Major, de l'intérieur, le plan suivant :

A : La mise au point de l'heure d'ouverture de votre quartier.

B                      : La neutralisation du poste de garde. C : Coupure du téléphone.

D                      : Prendre les clefs du tunnel, pendues au poste de garde.

E                      : Reconnaître votre parcours pour l'évasion : ouvertures des portes du tunnel.

F : Ne quitter le poste de garde qu'à la dernière minute, et cela, pour être sûr, que les gardiens ne se détacheraient pas pour donner l'alarme.

Comme prévu, le gardien introduisit à l'intérieur de la prison, le colis d'armes, ainsi que, nos dernières instruc­tions. Il joua le jeu d'une façon parfaite... Pour nos cama­rades emprisonnés, c'était un évènement extraordinaire, que d'avoir des armes, l'espoir et la joie s'emparèrent de nos amis ; ils étaient, enfin, en possession des éléments matériels pour recouvrer la " Liberté ". Voici, comment fut exécuté le plan : Ils décidèrent, que la porte des " Politiques " serait ouverte à trois heures du matin, juste au moment de la ronde, car il se trouvait, qu'à ce moment-là, la grille de communication, qui séparait le poste de garde du quartier des " Politiques " restait ouverte...

Précisons, pour la clarté du récit, que les Résistants arrêtés et emprisonnés, sans distinction de leurs idées, étaient considérés et appelés " Politiques ". C'est alors que le condamné de droit commun, qui devait, dans notre affaire, marcher à fond, lui-aussi, (encore un élément extrêmement important et favorable pour nous), qui comme nous le savons, avait les clefs des cellules politiques, s'introduisit dans le quartier ; Il ouvrit la cellule de Santucci et d'un ou deux autres camarades. C'est ainsi, que dans un premier temps, ils neutralisèrent le gardien qui faisait la ronde, puis toutes les cellules furent ouvertes... Mais, le plus difficile restait à faire... c'est-à-dire : l'attaque et la neutralisation du poste de garde, de l'intérieur, qui se composait de quatre gardiens... Certains de nos camarades détenus eurent la possibilité de changer de vêtements, d'autres cachaient leur visage avec un mouchoir, afin de n'être pas reconnus, puis, pieds nus, les souliers à la main, par groupes de cinq, tout en rasant les murs, ils descendirent l'escalier menant au poste de garde... Comme nous le savons, deux camarades étaient armés : celui qui ouvrait la marche et celui qui la fermait... H arrivèrent sans être repérés ni entendus près du poste... Santucci fit un signe et la colonne stoppa net. Seuls cinq camarades furent désignés pour l'assaut final. Tous retenaient leur souffle, sachant que leur sort tenait sur le succès ou l'échec de l'attaque... Le moment était solennel, décisif... Allaient-ils réussir ?... Allaient-ils échouer ?...

"Horace" fit encore un signe et les cinq hommes se ruèrent les armes à la main, sur un gardien, qui lisait.

- "Haut les mains," intima Santucci.

Le gardien surpris, resta pétrifié devant la menace des armes et la détermination de nos camarades. H s'exécuta... Quant aux autres, qui dormaient, ils n'eurent pas le temps de faire "ouf" 1... Ils furent ceinturés et désarmés, car tous les autres prisonniers s'étaient Jetés sur eux... venant prêter main-forte au premier groupe. Ils furent attachés avec des cordes fabriquées avec des draps et des couvertures. Ce travail fut exécuté avec un tel empressement et un tel enthousiasme, que les gardiens, (nous le sûmes plus tard) ne purent se libérer eux-mêmes de leurs liens... Ce sont les gardiens de la relève de sept heures du matin qui retrouvèrent leurs acolytes en piteuse posture et qui les libérèrent....

Les prisonniers évadés eurent donc ainsi trois heures d'avance sur une possible alerte... cela fut un atout appréciable, déterminant même, pour la réussite de notre entreprise... Soulignons qu'un seul détenu politique refusa de s'évader, il se jugeait trop vieux et trop malade. Quant à nos camarades, ils s'aperçurent, avant de partir, que le gardien le plus vache, le plus féroce, s'oublia dans son pan­talon, tellement qu'il eut la trouille, au cours de l'attaque... C'était donc la victoire sur toute la ligne... ils étaient les masures absolues de la prison.. Nos amis s'emparèrent des clefs du tunnel, qui étaient pendues et n'eurent qu'à ouvrir la première poterne. Puis, ils s'engagèrent colonne par un, dans le souterrain, menant au Palais, tout en refermant la porte derrière eux...

Maintenant, que nous avons vu la réalisation parfaite du plan d'action par nos camarades à l'intérieur de la prison, nous allons parler du dispositif de protection, que nous avions mis en place, très minutieusement, à l'extérieur... Nous pouvons dire aujourd'hui. Objectivement, que le succès de l'évasion était étroitement lié à notre comportement et dépendait fortement de notre action de l'extérieur. Sans nos initiatives, sans notre protection, sans la détermination de tous, il faut le souligner, l'entreprise aurait immanquablement échouée... ou même, n'aurait pas pu être envisa­geable...

Nous arrêtâmes donc, dans les détails, le dispositif suivant : Huit camarades furent désignés pour, faire partie du commando : Mentor, Vosges. Acier, Thioulon, Grégoire, Perrigali, Latil et moi-même,

Une mitrailleuse légère, américaine, que nous avions eue, venant d'un parachutage, avec ses 250 cartouches montées sur bande, sera mise en batterie derrière une murette se situant dans une vespasienne (qui était dans l'angle du Palais de Justice). Cette mitrailleuse avait pour- objectif de prendre en enfilade, la rue Peyresc et la surveillance de la grande porte d'entrée de la prison. Ce fut Thioulou, qui fut désigné comme tireur, tandis, qu'Acier sera pourvoyeur... Leur mission était d'ouvrir le feu sur une éventuelle inter­vention de la garde, qui était à l'extérieur de la prison, ainsi que sur d'éventuels renforts, qui pourraient venir d'ailleurs et ce, jusqu'à épuisement total des cartouches, puis de mettre hors d'usage, l'arme...

Un camarade fut désigné pour garder le passage de chaque rue environnante : rue Monclar, passage Agard, rue du Petit St Jean, rue Thiers, les autres surveilleront la place des Prêcheurs, avec pour but, de ne laisser approcher personne de l'édifice. Quant à Mentor, fi eut pour mission de recevoir les prisonniers à la grande porte du Palais. Tous les cama­rades seront armés d'une mitraillette " Sten " et d'une musette de grenades... Grégoire fut désigné responsable du premier groupe d'intervention, qui se composait de : Vosges, Perrigali et de Thioulon. Il chargea Vosges de rechercher une cache, qui se situerait à proximité. 11 fallait emmener les hommes le plus près possible du lieu de l'opération, afin qu'ils n'aient pas à balader la nuit dans les rues d'Aix, (il y avait encore le couvre-feu à 11 heures) à la merci d'une patrouille ennemie ou de police... " Vosges ", débrouillard à l'extrême, pensa de suite aux époux Impens, qui habitaient Rue Fabrot et qui étaient de ses amis. Ils étaient, par ailleurs, membres du C.F.L.. (Corps-Franc de la Libération) "Vosges" rencontra Tatave à la Royale sur le cours Mirabeau et lui demanda à brûle-pourpoint :

-   Est-ce que tu m'invites à souper ce soir chez toi ?

-   Out, oui, lui répond Tatave.

-   Mais, est-ce que tu as une cave... ?

-   Oui répond Tatave.

-   Est-ce que tu peux me la prêter ce soir... ?

 

Tatave lui répondit encore " oui " tout en lui demandant ce qu'il voulait en faire. " Vosges " lui répondit simplement :

-   Eh bien, tu le sauras demain matin...

Mais il l'informa finalement du projet. C'est ainsi, que nous pûmes disposer de la cave des Impens. Nous ne louerons jamais assez le dévouement de ces merveilleux camarades de la Résistance, qui firent tant pour la bonne cause. Quant à l'autre groupe, composé de : Mentor, Acier, Latil et mai-même, nous devions attendre l'heure de l'intervention dans un autre local à l'opposé du premier... (C’était chez moi).

A vingt heures, le 23 avril 1944, au soir. Tout était définitivement arrêté et soigneusement minuté, étant donné que les camarades emprisonnés nous avaient confirmé leur accord... Nous signalons, avant d'aller plus loin dans notre récit, que certains dirigeants politiques n'étaient pas d'accord pour que nous tentions l'évasion de nos camarades (le motif invoqué était qu'il y avait trop de risques). (Sic...) "Mentor", lui-même, influencé sans doute par eux, se montra très réticent au début, mais il se ressaisit très vite et il participa, sans réserve, à l'action.

A vingt-deux heures, tous les camarades des deux groupes avaient rejoint un à un, leur cache respective... Ils prirent connaissance des dernières dispositions. À partir de ce moment-là, personne n'était autorisé à sortir (par mesure de sécurité...). Donc, chacun savait exactement ce qu'il avait à faire...

Mentionnons, qu'il régnait, entre nous, une confiance entière. Nous étions absolument sûrs qu'aucun d'entre nous ne flancherait... Un climat de vainqueurs nous habitait... nous étions animés d'une détermination farouche, nous étions efficaces et forts...

Nous savions qu'une patrouille allemande passait réguliè­rement devant le Palais de Justice, vers quatre heures moins dix. Ce n'est donc qu'après ce passage, vers trois heures cinquante-cinq, que chaque camarade F.T.P.F. rejoignit son poste, dans le silence le plus absolu... Mentor prit place dans l'encadrement de la porte du palais de justice. Moi, j'étais tout contre le monument érigé au centre de la Place du Palais, prêt à toute éventualité. Thioulon était allongé dans l'urine de la vespasienne, épaulant sa mitrail­leuse, en compagnie d'Acier, qui était de même... mais qu'importe, il fallait qu'ils soient là et c'est tout... C'est au quatrième coup de quatre heures, qui sonna à une horloge voisine, le jour du 24 avril 1944, que la porte dérobée, (cette porte est connue par tous ceux qui sont allés au Palais de Justice) dans le porche central du Palais, s'ouvrit...

Zone de Texte: - 153 -Dans l'obscurité, une voix se fit entendre :                                                  

- Qui vive 11... C'était Mentor... France, jeta, Horace...

  Libre répliqua Biaggini...

Les deux hommes s'étreignirent en pleurant de joie. Puis, en file indienne, les hommes sortirent du Palais. Une intense émotion s'empara des libérés et des libérateurs... Mais ce n'était pas le moment des épanchements ni des discours. Il fallait faire vite et dégager la place sans plus tarder... C'est à ce moment précis, que Je pris le commandement de tout le groupe, prenant le relais de Santucci.

Pour l'histoire, il faut que je précise que nous avions prévu un car pour emmener les libérés à "Lambruisse", lieu que nous avions choisi pour créer un maquis. Mais, au dernier moment, celui-ci, qui devait être conduit par Latil, chauffeur de la S.A.T.A.P., nous fit défaut; quelqu'un l'avait vidangé dans la nuit afin qu'il ne puisse pas partir... le propriétaire, sans doute, s'était dégonflé... Ce fut la seule fausse note dans notre dessein... nous prîmes donc la décision de partir à pied; c'était une entreprise téméraire mais réalisable...: Je mis deux hommes en armes devant la troupe- et deux autres derrière...car il fallait scrupuleusement veiller, par mesure de sécurité, à ce que personne ne nous fausse compagnie.... certains, nous le savions, n'auraient pas hésité à le faire... Depuis la défection du car, j'avais tracé dans ma tête le plan d'évacuation...nous allions passer par le rue Petit St Jean, rue Tournefort, traverser la rue Thiers. prendre la Rue Chastel, puis la rue Lisse-St-Louis. puis par les escaliers, nous déboucherons sur le boulevard St Louis et prendront ensuite, l'Avenue de Ste-Victoire, en direction de Vauve­nargues...

Nos hommes se mirent en marche certains d'entre eux, pour atténuer le bruit de leurs chaussures sur le sol. avaient enroulé leurs pieds dans des lambeaux de couverture... Mais un incident devait intervenir au coin de la rue Tournefort... un homme qui sortait de chez lui, employé électricien au Tramway et qui allait prendre son travail, tomba au beau milieu de notre groupe... nos camarades s'immobilisèrent... Avec "Mentor", je m'avan­çais vers lui et lui criais "Halte I"— L'homme s'arrêta net devant nos armes menaçantes. Par messire de sécurité, encore... je lui demandais de nous suivre. H comprit très vite et fi s'exécuta sans discuter. Par le fait, il devint notre prisonnier. Puis nous reprîmes notre route. L'escorte était composée de Acier, Thioulon, Latil. Grégoire et de moi-même...les autres camarades du commando devaient évacuer le matériel et préparer le ravitaillement pour les hommes.

Nous longeâmes l'Avenue Ste-Victoire, mais, au carrefour de St Thomas, fi fallut arrêter le groupe. Nous devions être extrêmement prudents...car devant la porte de l'établissement, qui était organisé en un petit hôpital militaire Allemand, montait une garde... Le planton faisait vingt pas en avant, vingt pas en arrière. Sa marche était réglée comme le balancier d'une pendule. Je demandais aux camarades d'obéir aux gestes et de stopper dès le premier signe... C'est ainsi que par groupe de trois hommes. Dans le silence le plus absolu, nous les rimes passer à moins de vingt mètres de la sentinelle. Tout se déroula d'une façon parfaite. Ouf...

Nous atteignîmes ainsi le Pont de Béraud, puis plus loin la boulangerie qui se situait à l'époque, au coin du chemin de Beauregard...que nous prîmes. A ce moment précis, nous pensâmes tous que nous étions sauvés... puis nous prîmes le chemin des Lauriers vers la Tour de César. Nous suivions ces chemins, qui étaient de ce temps-là, rocailleux, pénibles et mal entretenus, mais ils étaient sûrs... Il faisait toujours nuit, nous étions à plus de cinq kilomètres du centre-ville. De nombreux camarades traînaient déjà la jambe ou donnaient des signes de fatigue... C'est alors que /arrêtait la colonne pour une pause.

Je fis venir vers moi l'employé des tramways, notre prisonnier...

-   " Tes papiers ", lui dis-je. L'homme s'exécuta et je pris note de son identité. Il n'en menait pas large, il avait très peur... Il y avait de quoi avec tous ces hommes en armes qui l'entouraient...

 

-   " Quoiqu'il t'arrive, tu n'as rien vu ... tu as pigé I

-   " Compris ", dit-il

Pour l'intimider encore, je lui dis :" s'il t'arrive de lâcher un mot, prends garde à toi, nous saurons te trouver...tu es prévenu...maintenant, tu peux t'en aller".

-" Merci ", dit-il, " c'est entendu "...

Nous chargeâmes Thioulon et Latil de l'accompagner à Aix. Il était prévu que ces deux camarades devaient nous quitter là... C'est là aussi que nous distribuâmes les armes et les grenades disponibles aux camarades libérés...Puis nous reprîmes notre marche en avant ; il fallait fuir le plus vite possible, il fallait mettre le plus de distance possible entre nous et nos poursuivants... Maintenant, l'alarme avait dû être donnée et la " soldatesque " nazie et la police de Vichy devaient avoir commencé la chasse à l'homme... Pour ces hommes, qui avaient passé deux ans en prison, pour certains qui étaient assez vieux...ils enduraient une épreuve terrible... Leurs vêtements étalent en lambeaux, plusieurs étaient à demi-nus, les pieds en sang, la gorge serrée, le regard hagard, perdu, à la limite de la défaillance...c'est alors que j'ordonnais la pause. Nous étions exactement sur le plateau de " France ", au bord des Barres Rocheuses qui dominent la " Plaine ", quartier de la commune de Vauvenargues... Nous avions tous le ventre creux et la langue sèche, nos gourdes et nos bouteilles étaient vides depuis longtemps... mais ce n'était pas par hasard si nous faisions halte à cet endroit-là... C'était non, seulement, pour nous reposer, mais aussi, pour nous restaurer... Je désignais deux hommes, Santucci et un autre camarade à peu près valides, pour aller quérir de l'eau à une citerne construite non-loin de là et qui servait à faire boire le gibier. Ils remplirent nos récipients vides. Cette eau fut distribuée parcimonieusement car, en ces lieux, elle était excessivement rare, donc précieuse...

Deux autres camarades et Acier descendirent les barres avec, pour mission d'aller chez nos amis " Charpin ", qui avaient une villa à cet endroit dit " La Plaine "... Nous avions prévu, là, notre ravitaillement relais...le car que nous devions emprunter devait s'arrêter chez Charpin et prendre au passage le ravitaillement pour notre troupe. Je crois que ce ravitaillement fut monté très certainement par Lovero et Roche le matin même. Charpin nous donna, en plus, des saucissons de sanglier qui fut très apprécié par notre troupe... (La famille Charpin fit preuve, pendant la période de la Résistance d'un dévouement et d'une solidarité active sans borne, envers nous F.T.P.F.) Le pain avait été fourni par notre ami Fournier, encore un Inconditionnel...nous ne pourrons jamais mesurer les sacrifices et le travail désintéressé que Fournier donna pour la cause.

Acier et les autres camarades arrivèrent enfin sur les lieux de notre halte...où ils étaient attendus avec une grande impatience...; ils étaient chargés comme des ânes...le repas, équitablement distribué, commença. Au menu, je me souviens bien. il y avait des saucisses l pour ces gens qui étaient affamés, ces saucisses et autres denrées, firent office de " festin extraordinaire "... Une seule restriction, cepen­dant... il n'y eut ni vin, ni alcool..  mais cela était prévu ainsi, car l'alcool, c'est bien connu, coupe les jambes...et les nôtres l'étaient assez comme ça...

Nous prolongeâmes un peu la pause, puis il nous fallut reprendre notre route. A partir de cet endroit, la marche vers notre objectif " Lambruisse " fut excessivement pénible pour tous, mais surtout pour certains camarades qui étaient cardiaques ou malades... c'est ainsi que la colonne de la "liberté" s'effilocha..., certains gravirent un calvaire épou­vantable... plus de trente kilomètres dans leurs pauvres Jambes non entraînées- c'était trop... L'avant garde arriva enfin dans le vallon de " Lambruisse " c'était cinq heures du soir...nous n'étions pas au complet. Nous allâmes chercher les traînards un par un. Certains furent même portés à dos,... mais la totalité des camarades rejoignirent le soir même. Un peu avant " Lambruisse ", nous trouvâmes sur notre chemin un puits, mais nous savions qu'il était pollué. Nos camarades se ruèrent vers celui-ci ...car nos réserves d'eau étaient épuisées depuis longtemps. Aucun raisonnement ne pouvait empêcher ces hommes de boire et de se contaminer " Acier " fut obligé de sortir son arme pour les convaincre. Ce fut très difficile de leur faire entendre raison...même avec un pistolet Mais ceux qui connaissaient " Acier " savaient qu'il était inflexible... Ils obtempérèrent enfin... Ce n'est qu'en arrivant à la ferme que nous distribuâmes un quart d'eau à chacun... il fallait habituer. peu à peu. le corps à reprendre son équilibre... car nos camarades- étaient complètement déshydratés après plus de douze heures de marche...

Nous voilà donc arrivés au terme de notre épopée : la ferme de " Lambruisse "... Celle-ci était isolée, très reculée dans la montagne du grand Sambuc se situant entre Vauvenargues et Jouques. Nous avions choisi ce site pour y implantei- un "maquis". " Lambruisse " était habité par un couple, des anarchistes Italiens, des réfugiés de Marseille.... nous les connaissions plus ou moins, mais ils étalent dévoués et très hospitaliers...

En arrivant en ces lieux ces gens-là, qui avaient accumulé précieusement des semences pour leur terre, n'hésitèrent pas une seconde pour nous donner haricots, pommes de terre, blé orge, etc..en attendant la venue du ravitaillement qui ne devait pas tarder.... mentionnons que n'avons pas construit le camp à la ferme même, mais plus haut en retrait.

La première nuit, les hommes couchèrent comme ils purent, à la belle étoile. Ils n'eurent pas besoin d'être bercés

Le Ravitaillement arrive au maquis de Lambruisse

Le lendemain, ils commencèrent à construire des cabanes avec des branchages et autres matériaux. Ils étaient autorisés, s'il pleuvait trop, d'aller à la ferme s'abriter dans la " paillère "... ils s'organisèrent  parfaitement. Quant à moi, Je redescendis à Aix m'occuper des communications et du ravitaillement. Je laissais en haut deux hommes du commando, Acier et Grégoire, pour diriger la protection, le commandement et veiller à la discipline. ns n'eurent Jamais à intervenir.

Je vais maintenant parler des gens qui nous ont aidés pour approvisionner le maquis en vivres. Nous avons vu la famille Charpin... citons les Lovero, mari et femme. Notre ami Fournier le boulanger, lui, sans restrictions. Montemaggi, lui aussi, boulanger. Nous allions parfois " piquer " de la marchandise chez ceux qui faisaient du marché noir... Je parlerai d'un monsieur, dont je tairais le nom, qui abattait, à l'école St Eloi, des chevaux pour le compte des Allemands, qui nous donnait régulièrement toutes les semaines, une tête de cheval et de la viande, avec lesquels nous faisions une daube délicieuse.

 

Un type qui fut toujours chics avec nous, c'était un des fils " Jouve " qui tenait un commerce de vin, rue Aude «Chaque fois qu'il tuait un cochon, il nous donnait le foie, la tête et les pieds. C'était un beau geste, en plus il était d'une régularité exemplaire...

Je veux ici raconter une anecdote pendant que l'organi­sation du camp se faisait. je partis en moto avec la gardien, qui était toujours avec nous, pour aller acheter un mouton dans une ferme qui se situait dans le vallon de Jouques...je mentionne que J'ai payé ce mouton, nous avions pour habitude de proposer de l'argent pour nos achats... Au retour, au passage à niveau de Jouques, nous voilà arrêtés par les gendarmes... je parlementais longuement avec eux. puis ils nous laissèrent repartir avec notre mouton. .c'était une chance extraordinaire, merci Messieurs. Qui nous a aidés encore ..? Eh bien, c'est l'organisation des femmes résistantes qui étaient très étroitement liées à nous. .. je citerai, Morellini, Granon, Jeanne Lazare, Raymonde Abel. Mme Santucci, Mme Claverie ainsi que l'ensemble des femmes qui s'occupaient de la solidarité et de la section. sanitaire. Elles collectaient inlassablement les denrées auprès des commerçants et de nos symphatisants... Notre environnement était composé de gens admirables, solidaires qui nous soutenaient sans réserve... Je signale parmi tant d'autres, le cas de Mme Marie-Thérése Malan, qui habite au 24 de la Rue Gontard qui hébergea pendant plus de quinze Jours un de nos camarades évadés, qui se blessa assez gravement au pied puisqu'Il fallut l'évacuer du maquis... Ce camarade était Arménien, il venait de Biver. C'est lui qui fit la première action d'importance à l'usine Péchiney de Gardanne...cela se situait tout au début, en 194L..nous parlerons de cette action, par ailleurs. II s'appelait Garabed Azarian... ce camarade fut accueilli à Aix, en premier lieu, par la famille Mauvassian qu'il connaissait et qui habitait 4 rue des Epianaux. Puis. donc, par Mme Malan... Les Mauvassian avait une fille âgée de douze ans environ, elle se nommait Vartoumie c'est elle qui assurait notre liaison avec le blessé et qui allait chercher les médicaments et faisait les commissions... Mentionnons aussi qu'à la suite d'une demande de fonds, que nous avions formulée à 14A.S (Armée Secrète), Juvenal nous fit remettre la somme de 30.000 Frans (Francs Anciens) par l'intermédiaire de Ferréol, le résistant bien connu. Ce fut la seule aide financière attribuée aux F.T.P.F. durant toute l'occupation. Nous pouvons, pour le moins, juger qu'elle ne fut pas large.

Bon nombre de camarades évadés étaient impatients de recouvrer leur liberté individuelle. C'était une aspiration naturelle après avoir enduré la prison si longtemps...mais pour le moment, nous ne pouvions pas les lâcher ainsi dans la nature : la police et les Allemands les recherchaient avec obstination.. Ils étaient surtout dépités de n'avoir pu découvrir un seul des évadés. Pourtant au bout d'un certain temps, un mois peut-être, après que feus alerté la Région et l'État-major F.T.P.F., après les avoir mis au courant du succès complet de notre opération, on nous dépêcha un camarade responsable aux "Cadres". C'était un homme charmant et très réservé. Son pseudonyme était "Oscar", son vrai nom était Jules Jolivet, il était originaire de Port-St-Louis du Rhône... son rôle était de collecter la biographie de chacun des évadés et de ventiler les camarades aux divers postes ou destinations, en fonction deZone de Texte: 2. leurs connaissances, de leurs aptitudes intellectuelles et physiques, de leur passé de résistant ou de leur désir. Il se trouvait, parmi eux, des volontaires pour remplir différentes fonctions dans la résistance. Nous fîmes donc le tri... En premier lieu, nous runes partir le droit commun, celui qui avait ouvert les cellules des emprisonnés, il recouvrait ainsi la liberté lui aussi...mentionnons qu'il se fit arrêter après la libération à Salon et qu'il finit sa vie assez tristement... Notre complice, le gardien de prison, nous demanda lui aussi à partir. Nous l'autorisâmes et lui donnâmes une somme d'argent... il s'en alla du côté de Toulouse. Santucci fut désigné pour remplir des fonctions importantes à Montélimar... Un nommé Montarello, qui était originaire de l'Estaque avait été blessé en prison. Au cours de son interrogatoire, ses tortionnaires lui avaient descendu le foie de plusieurs centimètres à coups de pieds. Dans son état, nous ne pouvions pas le remettre dans le circuit des combattants, nous l'avons envoyé dans les Basses-Alpes, chez des amis sûrs... D'autres camarades voulurent aller se battre dans un autre secteur ou une autre région... Un nommé Pantrémoli ne voulut rien savoir et demanda à être libéré du maquis... trois anarchistes Marseillais refusèrent catégoriquement de continuer à se battre... Néanmoins, tous les autres gars, qui partirent, furent munis de faux papiers fiables. Nous avions tous les tampons indispensables... Charmasson voulut rester avec les camarades qui demeu­raient au maquis. Il fut nommé responsable militaire du groupe. Amédée Perrier voulut également rester avec eux. Il fut l'adjoint de Charmasson...

Mais au moment précis où nous devions remettre tous les autres camarades dans le circuit, la logique voulait que nous déménagions le maquis en d'autres lieux... Par sécu­rité, pour les hommes qui restaient, leur déménagement s'imposait... Ce fut donc à l'heure précise où la camionnette, qui venait chercher les hommes qui partaient pour d'autres horizons, que le maquis... ou du moins ce qu'il en restait, fut déménagé par Wintzer, alias " Vosges ". " Vosges " devait, avec ses hommes, traverser Ste-Victoire et rejoindre le plateau du Cengle, à un point d'eau qui n'était pas repéré par les cartes d'État-major... C'était non loin d'une ferme dénommée " Bayle ".

Les voilà partis. " Vosges " arrêta la troupe à la ferme de "guerre"... pour se restaurer. La ferme de " guerre ", Vauvenargues, était un centre, un dépôt de matériel de l'A.S., Pierre Guindon en était le responsable. Pourquoi s'arrêter là... eh bien, parce que les F.T.P.F.. avaient aidé l'A.S. à faire une opération de récupération. C'étaient des effets et de la nourriture, à l'hôpital psychiatrique... Ce fut donc le plus logiquement du monde, qu'ils se restaurèrent et furent réconfortés... Puis, fis reprirent leur chemin vers le Cengle, en suivant les pylônes à haute tension... Ainsi, ils ne pouvaient pas s'égarer...

Ce fut le 9 Juin 1944... que ce petit maquis fut formé. Nous verrons plus loin, qu'il se renforça par des éléments venant du maquis de Ste Anne. que nous avions récupéré, et des réfractaires qui venaient d'Aix, ce qui forma la maquis de St Antonin, dont nous allons maintenant parler. Soulignons, toutefois, que ce n'était qu'un maquis provisoire, en atten­dant une autre destination... ou un autre stationnement.

Mon récit ne serait complet, si je ne mentionnais pas que J'avais pressenti Fonfon Dumay. pour venir nous prêter main-forte, dans cette opération... Mais Dumay se récusa, et pour cause... Il m'apprit que la veille. Il avait eu une grave "histoire" avec les Allemands, rue d'Alger à Marseille... C'est là que Yves Lariven fut blessé et arrêté. " Je ne suis absolument pas en mesure de vous aider... Débrouil­lez-vous... ", me dit-il.

C'est à ce moment-là, que nous réalisâmes, que les équipes F.T.P.F. Aixoises, étaient parfaitement aptes à agir seules... puisqu’aussi bien on faisait appel à elles pour des actions extérieures à notre secteur...

Ici, se termine le récit de l'évasion à la prison d'Aix. Soulignons que plusieurs camarades évadés, qui avaient repris le combat, tombèrent glorieusement... Rendons, donc hommage à ces magnifiques Patriotes...

 

 



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