Actualité générale

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Inauguration du wagon-souvenir du Camp des Milles
24-09-2015

 Inauguration du wagon-souvenir du Camp des Milles

 

lundi 21 septembre 2015

discours de Gaëlle Lenfant      

vice-présidente Région PACA

 

C’est un lundi, le 9 novembre 1992 que pour la première fois on inaugurait le « wagon souvenir ». 9 novembre 1992, 21 septembre 2015, je mesure avec vous notre avancée au long du Chemin dit des déportés, pour le réveil de la mémoire des Milles.

Cher Alain, tu me rappelais hier quelques épisodes marquants – l’enchainement aux grilles qui ont marqué cette histoire…

Et justement. Je tiens à rendre hommage en tout premier lieu à Alain Chouraqui, directeur de recherche émérite au CNRS, sans lequel rien de ce qui a été réussi ici n’eût été possible. Mon cher Alain, tu es l’illustration de ce que la pugnacité peut réaliser et un exemple pour nous tous. Je mets un point d’honneur aussi à saluer toute l’école historique d’Aix-en-Provence, notamment les professeurs Jean-Marie Guillon et Robert Menchérini ; ils ont formé nombre de jeunes universitaires, ils ont éclairé de leurs recherches l’histoire des années noires en Provence, facilitant ainsi la mobilisation des associations et fondations de promotion de l’histoire de l’internement, de la déportation et de la Résistance.

Je n’oublie pas non plus l’engagement de la SNCF dans cette oeuvre de mémoire, notamment du Comité d’établissement régional : les cheminots sont des femmes et des hommes de fidélité, de mémoire et de devoir. Mon grand-père était l’un d’eux, et c’est une famille que je connais bien.

Ce wagon est un symbole à plusieurs titres :

Symbole d’un passé odieux, d’une amnésie rampante, d’une mémoire trop longtemps occultée, aujourd’hui mise en exergue par la Fondation du camp des Milles pour la transmission aux jeunes générations.

Ce wagon, dans ce camp situé en « zone dite libre », est aussi le symbole de l’ignominie du régime de Vichy et de la complicité active de Pétain avec les crimes racistes de l’occupant nazi.

Plus généralement, cet élément de notre patrimoine est le symbole de l’horreur de la déportation qui réduit femmes, hommes et enfants au rang de bestiaux, alors même que ce sont leurs bourreaux qui faisaient montre d’inhumanité. La Shoah est précisément cette inversion, cette perversion des valeurs, ce mépris affiché pour la dignité humaine.

Le Camp des Milles a été un haut lieu de la Résistance par la culture, par cette liberté souveraine de l’esprit si chère à Jean Jaurès.

La culture, tous les oppresseurs veulent l’éradiquer, sachant trop combien elle fait ressurgir l’humanité et l’espérance aux creux des rêves de celles et ceux qui pensaient n’avoir plus même de larmes pour pleurer.

Comment, ici, aujourd’hui, ne pas effectuer un rapprochement avec l’actualité brûlante, européenne et internationale ? Le 18 août, Kamel El Asaad, directeur du site gréco-romain de Palmyre, a été assassiné par les membres de Daech ; cet homme de savoir et de culture est devenu le symbole des souffrances imposées aux peuples syrien et irakien, aux Chrétiens d’Orient, aux minorités, notamment aux femmes yazidies.

Cher Alain, dans ton ouvrage « pour résister », tu cites cette chanson de Goldman, « Né en 17 à Ledenstadt » L’auteur y fait une prière : «Et qu'on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps D'avoir à choisir un camp »

Je crois malheureusement que cette prière est vaine. Et qu’il est temps de savoir ce que l’on a dans nos ventres.

L’appel contre le racisme lancé ici même hier ( * ) est d’une importance capitale et j’invite chacun à le lire et le faire vivre. Je vous en cite un court extrait : « Ne laissons pas ces idéologies polluer l’esprit public, contaminer les discours de certains élus dits modérés et détourner le débat démocratique du traitement sérieux des vrais problèmes sociaux, économiques, écologiques, sécuritaires, migratoires. »

Oui. En ces temps troublés de montée du racisme, de l’antisémitisme, de l’islamophobie et du terrorisme, nous devons être nombreux à résister clairement et fermement aux discours et aux actes de haine. Et toujours répondre. Répondre à ceux qui voudraient couler les bateaux au départ, à ceux qui sont aveuglés et aveuglent à leur tour, en liant menace terroriste et migrants sans aucun argument, dans le seul objectif de faire monter les peurs. Ne jamais laisser passer l’idée que le rejet et la haine seraient « politiquement correct »

L’histoire a donné tort aux vendeurs de peurs et de haine. Si nous sommes réunis aujourd’hui c’est pour le clamer. Elle leur donnera tort aujourd’hui encore : être français, être patriote et républicain c’est être fidèle à l’identité de notre patrie comme de notre région. C’est donc répondre à notre devoir d’accueil et de solidarité

Ici plus qu’ailleurs, nous réaffirmons notre espérance dans les mots d’Aragon : « se souvenir de l’avenir ».

 Gaëlle Lenfant



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