Bibliographie

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Obéir c'est trahir désobéir c'est servir par Olivier Wieviorka

 Cette synthèse très informée est comme une sorte de livre en miroir de celui de Jacques Sémelin. Centrée sur la résis­tance organisée, c'est une histoire politico-militaire dans la lignée

 

HISTOIRE DE, LA  RESISTANCE

1940 1945

par Olivier Wieviorka

Obeir c'est trahir  desobéir c'est servir

des travaux d'Henri Noguères, avec bien entendu des probléma­tiques plus récemment explorées (sociologie, mémoire) et surtout l'apport considérable des archives accessibles depuis trente ans, y compris les derniers travaux uni­versitaires dirigés par l'auteur (sur les Glières, le STO, les Délégués militaires régionaux).

En fonction de cette approche, l'auteur choisit de ne pas s'appe­santir sur d'autres aspects de la Résistance, en particulier ceux qui constituaient le chapitre « anthropologie de la vie résis­tante » du Dictionnaire historique de la Résistance. Du coup, ce n'est pas chez lui qu'on trouvera trace des travaux de Roderick Kedward (sur les maquis), mais plutôt dans la partie « Résistance » de la synthèse de référence de Julian Jackson La France sous l'occupa­tion (2). On pourrait faire la même remarque à propos des travaux de Jean-Marie Guillon et de François Marcot sur les relations entre résistance et communautés rurales en 1943-1944 0). Sans parler évidemment des dernières recherches sur l'identité et le légendaire de la Résistance faites par Cécile Vast.

Olivier Wieviorka ne cache pas les désaccords qui le séparent à l'occasion d'autres chercheurs, par exemple Lau­rent Douzou sur la question de l'influence des commu­nistes dans les mouvements de zone sud, ou Claire Andrieu sur l'importance de l'engagement des femmes. Celui sur lequel il insiste le plus est certainement le plus éclairant: il réfute (p. 104)

la notion de «résistance-mouve­ment social » forgée il y a quinze ans par François Marcot et reprise dans le Dictionnaire historique de la Résistance, pour désigner un phénomène collectif englobant, en 1943-1944,1es résistants orga­nisés, leurs soutiens occasionnels et tous ceux qui participent à un vaste mouvement de désobéis­sance civile à Vichy, en particulier en réaction au STO. Il reproche à cette conception de revenir à «lave[r] les Français du péché d'attentisme» ; « elle nivelle les mérites en hissant d'humbles actes d'opposition à la hauteur d'exploits héroïques» (ibidem). Plus loin, l'auteur considère que confondre ceux qui aident ponctuellement la Résistance avec «l'engagement durable» des résistants c'est ris­quer de cautionner la mémoire gaulliste de «la France résistante» (p. 437).

Autant dire que sa position sur la société française des années noires nous semble à l'opposé non seulement des chercheurs précités à propos de l'aide aux réfractaires et aux maquis (Jack­son allait même jusqu'à parler d'une « société de résistance »), mais aussi de Jacques Sémelin à propos de l'aide aux Juifs. Dans le très court chapitre consacré à la Résistance et les Juifs, Olivier Wieviorka part d'un constat simi­laire à ce dernier: le mérite du sauvetage revient bien très majo­ritairement à des «gens ordinaires» (p. 237) et non à des organisations clandestines. Mais on n'en saura pas plus sur l'action de ces Fran­çais ordinaires, rejetée hors du champ de son livre. Ne serait-


ce pas parce que la «réactivité sociale » que Jacques Sémelin leur attribue implique un jugement sur la société française non réductible à l'attentisme?

On retrouve ainsi les clivages mentionnés par Jacques Sémelin, du point de vue opposé. Il n'est donc pas étonnant que l'auteur se retrouve en accord avec Philippe Burrin (sur de l'attitude de Lucien Febvre sous l'occupation (4)) ou Renée Poznanski (sur la presse clandestine face au génocide). Car en son temps Burrin avait été contesté par François Marcot pour son usage trop dépréciatif du concept d'« accommodation » (qualifiant le comportement des Français).

Tous ces débats tendraient plutôt à montrer à quel point cette période des années noires, comme la Révolution française, est fondatrice dans notre histoire puisqu'on n'arrive pas à la « refroi­dir ». Peut-être feront-ils l'objet un jour d'une autre synthèse du type des manuels de la collec­tion Nouvelle Clio, où les « ques­tions en débat » étaient regrou­pées et distinguées des acquis de l'instant.I

Bruno Leroux

(1)     Les origines républicaines de Vichy, 1999.

(2)     Flammarion, 2004..

(3)     In Jacqueline Sainclivier et Chris­tian Bougeard (dir.) La Résistance et les Français : enjeux stratégiques et environ­nement social, PUR, 1995. Cf aussi la thèse inédite sur la Corse de Sylvain Gregori.

(4)     Pour un point de vue plus favorable, voir Julian Jacksor

 

 



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