© Boris de GUEYER
avec son aimable autorisation
L'implantation de l'ORA dans les Bouches du Rhône se confond en partie avec la mise en place de l'organisation en Région R2.
C'est à Marseille que le Colonel Zeiler rencontre en février 1943 le Capitaine Lécuyer, instructeur à l'Ecole de Saint-Cyr repliée à Aix-en-Provence et qui vient d'être dissoute, pour lui proposer d'être le Chef de l'ORA de cette région. (voir l'ORA dans la Région R2).
C'est dans cette ville que Lécuyer installe un P.C. qui devient le centre d'activité de l'ORA. sis 149, rue de Rome (il ne sera jamais découvert) il est occupé d'une façon quasi permanente par le s/Lt Cheylus.
Il sert de plaque tournante d'où partent les officiers de liaison vers les autres P.C. de Lécuyer (Aix-en-Provence et Toulon), en mission porteurs d'instructions en général apprises par coeur pour des raisons de sécurité, ou de fonds pour les chefs départementaux.
De là part aussi le s/lieutenant Betemps qui assure les liaisons à l'échelon national avec Vichy et Lyon. Cheylus et Betemps rejoindront Lécuyer après le 6 juin dans les Basses-Alpes.
Zeller avait demandé à Lécuyer de se mettre en rapport avec le Commandant Jonglez de Ligne, chef du Bureau S.M. clandestin de la XVe Région Militaire.
Son travail de recherche de renseignements et de lutte contre l'activité des agents du S.R. allemand - il dispose d'antennes dans les départements du Vaucluse, du Var, des Basses-Alpes et des Alpes-Maritimes - lui permet de fournir à l'ORA des renseignements d'une extrême importance sur les mouvements des troupes allemandes et l'activité de la Gestapo.
Il participe avec de Saint-Opportune que Lécuyer avait nommé chef ORA des Bouches-du Rhône, à la mise sur pied d'une organisation cohérente basée sur le découpage du département en secteurs avec à leur tête un officier volontaire prêt à prendre en main les groupes armés et la recherche des terrains de parachutages.
De son côté de Saint-Opportune qui avait accepté le poste officiel de commandant du Centre de Démobilisation de Marseille, se consacre avec l'aide de cinq officiers et dix sous-officiers acquis à la Résistance aux tâches suivantes :
- Confection de plusieurs centaines de fausses fiches de démobilisation qui permettent de se reconstituer une autre identité.
- Hébergement au Centre après triage des prisonniers rapatriés d'Allemagne qui veulent reprendre le combat.
- Mise sur pied du secteur de Marseille.
- Réception et envoi du courrier, argent, postes de radio, agents de liaison.
- Envois aux Maquis de plusieurs centaines de collections d'habillement prélevées sur les approvisionnements du Centre.
Lécuyer s'aperçoit très vite que ce département doit être scindé en deux, l'agglomération de Marseile étant une entité en soi.
Il laisse donc la charge de Marseille- Ville et ses environs (Septèmes-les-Vallons, Plan-de-Cucques, Allauch, La Penne-sur-Huveaune et Cassis) à de Sainte-Opportune et cherche quelqu'un pour diriger le reste du département.
A Aix-en-Provence, le sous Lieutenant Bellec rallie un petit nombre de groupes plus ou moins rattachés aux MUR dont le plus important est le groupe Andréani composé d'étudiants des Facultés ou du Collège Catholique et de jeunes agriculteurs d'Eguilles.
Plusieurs officiers des Ecoles de Saint-Cyr et de Saint-Maixent leur donneront les éléments d'instruction militaire. Ils formeront les Maquis du Ligoures et de la Trévaresse.
Bellec recevra deux parachutages au printemps 1944. Plus au Sud, un groupe se forme sous la direction du s/Lt. Barbaroux ; la liaison entre ces groupes et Lécuyer est effectuée par le s/Lt Gérard.
Au cours d'une reconnaissance des terrains de parachutages au sud-est du Lubéron, Lécuyer rencontre Louis Philibert à la Motte d'Aygues qui lui présente Jean Franchi.
Tous deux, engagés dans la Résistance depuis 1941, avaient mis en place une infrastructure dans le nord-est des Bouches-du-Rhône dans la région de Puy-Saint-Réparade : création de groupes à armer et de Maquis, un service de fabrication de faux papiers, noyautage des administrations et recueil des réfractaires.
Devant les possibilités d'armement que représente l'ORA, Franchi met son organisation à la disposition de Lécuyer. Ce dernier décide de le nommer chef départemental pour les Bouches-du-Rhône-Campagne et lui demande comme première tâche de rechercher les terrains de parachutages et de former les équipes de réception.
Entre le 10 février 1944 et le 15 août 1944, ces terrains recevront 15 parachutages :
= 5 au Puy-Saint-Réparade.
= 3 à Jouques. à Saint Paul.
= 3 à Cannat.
Il organise également 8 centres de ralliement pour faciliter la mobilisation au moment du déclenchement des opérations.
En mars 1944, le commandant de Saint-Opportune doit partir pour Vals dans l'Ardèche, où le Centre de Démobilisation a été transféré (Il se mettra à la disposition du Commandant Bernard, Chef O.R.A. de la Haute-Ardèche et passera au Maquis avec tout le matériel et le personnel du Centre).
Aussi Lécuyer décide-t-il de faire venir le Capitaine Ceccaldi du Vaucluse où il est menacé d'arrestation. Il en fait son adjoint et le nomme en même temps chef de Marseille-Ville.
Son origine corse lui permet d'avoir d'excellents contacts avec ses compatriotes nombreux à Marseille et même avec le "milieu' dont une partie était acquise à la Résistance alors qu'une autre travaillait pour la Milice et la Gestapo.
Avec d'autres officiers, parmi lesquels on peut citer Caporali, Repiquet, Fabre, Joumelard, il s'occupe du recrutement et de la formation de groupes armés. Le 6 juin Ceccaldi rejoint Lécuyer à son PC de Barcelonnette, Joumelard le remplace.
Le 5 juin c'est donc les Maquis qui se mobilisent et appliquent les Plans prévus (sabotages de lignes téléphoniques, du câble Paris-Nice et des voies ferrées).
La réaction allemande est extrêmement violente. Le 10 juin les Allemands montent une grande attaque contre le Maquis de Jouques, le 12 contre celui de Saint-Anne et Charleval et le 16 contre celui de Saint-Antonin. Les pertes sont lourdes du côté des maquisards, estimées à 80 tués dont 40 blessés achevés par les Allemands.
On apprendra après la Libération que les Maquis de Jouques et de Saint-Anne ont été "donnés" par un agent parachuté en France comme radio et instructeur sous le nom de Nol, les Allemands lui donneront le nom de code d'Eric. Il se mettra au service de la Gestapo de Marseille sous les ordres de Dunker-Delage.
II livrera des dizaines de résistants dont la plupart seront fusillés, abattus ou déportés, dont Jonglez de Ligne et Gérard, le premier sera déporté reviendra, le second sera abattu. Il communiquera en outre le plan d'opérations de Lécuyer. Noêl ne touchera pas le salaire de sa trahison car il sera exécuté par Delage. Toutes les preuves de cette forfaiture sont contenues dans les rapports "Catilina et Flora" rédigés par Dunker-Delage qui, arrêté après la Libération sera condamné à mort et fusillé le 6 Juin 1950.
Par contre l'attaque contre le camp Mirabeau échoue, son chef, Jean Perreaudin après un bref combat jusqu'à épuisement des munitions réussit un repli sans perte par la Durance en emportant les armes.
Un autre groupe commandé par Fernand Arbaud décroche aussi. Franchi donne l'ordre d'évacuer le camp de Meyzargues. II a la conviction que les Maquis ont été vendus, car les Allemands ont été conduits de nuit par des chemins de colline jusqu'aux deux groupes.
Plus à l'est les Maquis de Ligoures et de la Trévaresse, faute de directives, Gérard ayant été arrêté le 7 juin, restent calmes.
Bellec, après avoir appris les massacres de Jouques et Sainte Anne, décide de ne pas entreprendre d'action offensive en dehors de l'application du Plan Vert, puis ordonne le déplacement des Maquis vers la région d'Eguilles.
Les Maquis s'abstiennent de toute action offensive jusqu'au débarquement de Provence tout en se réorganisant. Certains recueillent des aviateurs alliés dont les appareils ont été abattus. Nombreux de ces derniers seront acheminés jusqu'à la région d'Apt (Vaucluse) pour être rapatriés par avion.
Dès le 14 Août les sabotages reprennent, plusieurs câbles sont coupés dont celui de la ligne Marseille, Paris, des pylônes sont détruits près de Gardanne ainsi que deux ponts de voies ferrées à la hauteur de l'aqueduc de Roquefavour et de la gare de Puyricard. Ces actions sont menées en liaison avec le service F.E.R. par les équipes de Bellec qui détruisent en outre le poste d'écoute de St. Victoret.
Le 16 Août, Bellec, qui a reçu l'ordre d''entraver le trafic routier autour d'Aix, forme sept commandos qui opèrent dans le triangle Aix, Eguilles, Venelles à l'ouest et sur la route de Vauvenargues à l'est. Le contact avec les Américains à lieu le 20 Août et ensemble ils libèrent Aix et Venelles.
Plus au nord, Franchi procède à la destruction d'un pont à Meyzargues, ce qui permet de contenir les renforts allemands. Il organise des patrouilles et la pose de mines sur les routes de St. Savornin, Gardanne, Peynier-le-Pomme. Le 20 août il fait sa jonction avec les Américains et libère ensemble Puy-Saint-Réparade. Le 21 c'est le contact avec les troupes françaises. Une opération de diversion près de Termes est montée pour permettre aux blindés français de progresser vers Marseille.
À Marseille, l'État-major F.F.I. se réunit pour préparer les plans insurrectionnels. Il décrète la grève générale fixée au 18 août et le soulèvement du 21. Joumelard et ses adjoints Repiquet, Fabre et Caporali donnent leurs premiers ordres aux Chefs de sizaines surtout présentes dans la banlieue :
- Récupérer le plus d'armes possible soit sur l'ennemi en attaquant les soldats et les voitures isolées, soit en s'emparant des dépôts de la Police.
- Assurer la protection des ouvrages importants que les Allemands pourraient détruire en se retirant.
- Veiller sur les dépôts de vivres qui risquent d'être pillés.
- Placer des "bouchons" aux points stratégiques pouvant servir de lieux de passage aux Allemands dans leurs mouvements de repli.
La grève est totale le 19 et déjà les premiers accrochages se produisent. Un premier groupe abat six Allemands tandis qu'un autre attaque un dépôt d'armes de la Police rue Mouillot et récupère une centaine de revolvers et quelques mousquetons.
Le 21, l'ordre d'insurrection est donné. Joumelard envoie des patrouilles au centre-ville qui attaquent, sans cesse, les voitures et les motos de liaison et s'emparent, avec le concours des gendarmes, de l'important garage Mattei.
En banlieue, un groupe est chargé de la surveillance de la centrale électrique d'Allauch, un autre garde les ponts de la Capelette et de Vivaux. Un dépôt de munitions allemand est pris à Vaudran.
Le 22, les mêmes opérations aboutissent à la capture de nombreux prisonniers, la récupération d'armes diverses y compris de deux canons et de voitures automobiles.
Le 23, les premières troupes françaises s'infiltrent dans les faubourgs, un élément du 7e R.T.A. se porte jusqu'au Vieux Port. A 15 heure, le Général de Monsabert s'installe à la Préfecture. Une tentative de négociation avec le Général Shaefer échoue, les combats continuent à l'intérieur et à l'extérieur de Marseille pour réduire les différents points d'appuis ennemis.
Jusqu'au 28 Août, date de la reddition allemande, les groupes O.R.A. poursuivent leur action souvent seuls comme à Meyzargues, où ils sont menacés d'encerclement qu'ils arrivent à rompre en obtenant la reddition de 350 Allemands installés à Sormiou.
Ailleurs, ils prêtent leur concours aux troupes françaises en servant de guide et en fournissant des renseignements sur les positions des pièces de batteries du Canet et du Cap Janet qui bombardent Marseille. Ils participent à la capture des agents ennemis miliciens ou membres de la Gestapo encore présents dans la ville.
Le 26 Août à 20 heures, le Général Hans Shaefer demande une suspension des combats jusqu'au 28 Août à 8 heures. Il se présente au poste français une heure avant l'expiration de la trêve et accepte les conditions fixées par le Général de Montsabert.
À 13 heures, le 28 Août, Marseille est libérée.
© Boris de GUEYER