Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

LA BATAILLE DE BIR HAKEIM Première Victoire de la France LIBRE Par Médecin en Chef(H) Bernard François MICHEL Président de la MVR
13-06-2024

 

« … Le Monde a reconnu la France,

Quand, à Bir Hakeim, un rayon de sa gloire renaissante

Est venu caresser le front sanglant de ses soldats… »

Charles DE GAULLE (18 juin 1942).

 

Prélude

 

Bir Hakeim marque un tournant essentiel dans l’histoire de la France Libre qui, pour la première fois, affrontait directement l’armée allemande, depuis la défaite de juin 1940. Peu après les derniers combats de Syrie, le général Paul Legentilhomme avait réuni les officiers de la légion et leur annonça qu’ils allaient partir dans un pays qu’ils connaissent bien, la Libye. Le général De Gaulle qui cherchait à donner une apparence à la légitimité dont il se sentait dépositaire, souhaita mettre sur pied deux Brigades Françaises Libres : la Première Brigade Française Libre Indépendante, commandée par le général Pierre-Marie Koenig et la Deuxième Brigade Française Libre Indépendante, sous les ordres du général Alfred Cazaud. Quand la Première Brigade Française Libre Indépendante arriva en Libye, en moins de trois semaines, après de fulgurantes manœuvres d’Erwin Rommel, tout le front de la VIIIème armée britannique avait été disloqué et il n’y avait que la position de Bir Hakeim qui tenait encore. Pendant quinze jours, le monde entier suivit le déroulement de la bataille de Bir Hakeim, véritable « Valmy » dans le désert, remplis d’admiration devant la résistance héroïque des français libres.

Installation des Français Libres

1. Le Commandement Britannique

La Première Brigade Française Libre Indépendante faisait partie de la VIIIème armée britannique, commandée par le général Neil Ritchie qui combattait « l’Afrika korps » de Erwin Rommel et les troupes germano-italiennes en Cyrénaïque, dans le cadre de l’opération « Cruisader ». Le général Neil Rtchie avait créé une muraille artificielle, faite d’un champ de mines perpendiculaire à une ligne parallèle au front de mer, au nord, allant de Tobrouk à El Gazzala, jusqu’à Bir Hakeim lieu-dit, marquant un carrefour de pistes, soixante kilomètres plus bas, au sud. La VIIIème armée était forte de cent vingt-cinq mille hommes. Au nord se trouvait le 13ème Corps d’Armée, auquel étaient rattachées la 150ème Brigade et 1ère Division Blindée, renforcée de cent soixante chars. A l’est de Bir Hakeim était présent le 30ème Corps d’Armée, commandé par le Général Willoughby Norris, dont dépendait la Première Brigade Française Libre Indépendante, la Deuxième Brigade Française Libre, Division sœur de la précédente, la 7ème Division Blindée, la 7ème Motor Brigade et la 3ème Motor Brigade Indienne.

2. La fortification de la position

Bir Hakeim (« le puits du chef ») tirait son nom de trois citernes romaines asséchées, construites pour défier le temps. C’était une position isolée en plein désert, de 16 kilomètres carrés, de forme triangulaire, comprenant trois portes (au nord, à l’est et au sud), située dans un paysage désolé et sévère, à vingt kilomètres au sud d’Alem Hamza et à soixante kilomètres de la côte Méditerranéenne. Le 14 février 1942, en pleine tempête de sable, la Première Brigade Française Libre Indépendante releva la 150ème Brigade Britannique et s’installa à Bir Hakeim. Les généraux Edgar De Larminat et Pierre-Marie Koenig, vétérans de la Guerre de 1914-1918, firent entreprendre des travaux pour aménager Bir Hakeim, comme une véritable place fortifiée à la Vauban, en plein désert. Tout était enterré dans le roc, véhicules, centres de commandement, pièces d’artillerie et réserves d’eau. Chaque combattant possédait son trou individuel. Il y avait de quoi survivre en munitions, eau et nourriture pendant dix jours. Autour du champ de mine dense et continu, constituant la ceinture de la position, quatre marais de cent cinquante mille mines, de forme triangulaire avaient été posés au périmètre de Bir Hakeim, sur près de quatre mille hectares, formant un véritable rempart à la pénétration des blindés. Le raccordement au nord de deux bandes minées formait un V.

Composition de la Première Brigade Française Libre Indépendante

Par son esprit très particulier, par l’organisation de ses unités, leur armement et leur matériel, bien qu’elle évoluât au sein de la VIIIème armée britannique, la Première Division Française Libre était une unité avant tout d’inspiration française. C’est sa structure même qui permettra la victoire, devant un ennemi infiniment supérieur en nombre, puisqu’on ne comptait que trois mille huit cent vingt-six officiers, sous-officiers et hommes de troupe, y compris cent trois militaires anglais, contre trente-sept mille hommes pour les forces de l’axe, pendant les derniers jours du siège.

  1. L’état-major

Le commandant de la Première Brigade Française Libre Indépendante était le général Pierre-Marie Koenig. L’un des chefs d’état-major de la division était le lieutenant-colonel Bernard Saint Hillier, ancien chasseur alpin de corps expéditionnaire de Narvik, qui avait rejoint la France Libre avec la légion, dès le mois de juin 1940.

  1. Le quartier général N°50

Le commandant du quartier général N°50 était le capitaine Pierre Hautefeuille qui avait sous ses ordres cinquante-deux hommes, dont six officiers et trente-six sous-officiers, parmi lesquels se trouvait Suzanne Travers, la seule femme présente à Bir Hakeim, pendant toute la durée du siège. C’était la fille d’un amiral anglais qui faisait partie des conductrices d’ambulance anglaises qui avaient été affectées à la division. Elle était le chauffeur du général Pierre-Marie Koenig. Le quartier général N° 50 s’était installé au centre du triangle de Bir Hakeim, à côté du Service de Santé

 

2. L’Infanterie

Elle comprenait six bataillons de deux mille trois cent fantassins au total. L’armement était constitué par des canons de 75 mm, des mortiers de 81 mm et soixante-trois « bren-carriers », chenillettes blindées laissées sur place par la 150ème Brigade Britannique. Ces engins avaient été adaptés par le Lieutenant Jean Devé (alias Dewey), par l’installation d’un canon de 25 mm, à la place du fusil-mitrailleur réglementaire.

  1. Le Premier Groupement (Demi-brigade de la Légion Etrangère)

Il comprenait huit cent trente-huit hommes sous les ordres du lieutenant-colonel Dimitri Amilakvari.

  • Le Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère était situé à l’est du dispositif défensif, commandé par le chef de bataillon René Babonneau. Son service médical est assuré par le médecin capitaine Pierre Genet et le Médecin sous-lieutenant Jean Bernasse. Le Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère sera cité à l’ordre de l’armée par le général De Gaulle : « Bataillon solide qui, avec la 3ème section de la 1ère compagnie anti-chars, sous les ordres de l’aspirant Malfettes, constituait le centre de résistance est de la position de Bir Hakeim. Sous le Commandement du chef de bataillon René Babonneau, le 27 mai 1942, attaqué par une Brigade Blindée de la Division Italienne Ariette, comprenant au minimum 70 chars, a reçu cette attaque avec le plus grand sang-froid, a laissé l’ennemi approcher à bonne portée des armes anti-char, puis au cours d’un combat qui a duré environ 1h30, a brisé l’attaque ennemie par ses feux ajustés, détruisant 35 chars dont certains avaient pénétré à l’intérieur du dispositif, fait 75 hommes d’équipage prisonniers parmi lesquels le colonel commandant le 132ème Régiment de Chars, n’a subi que des pertes insignifiantes grâce aux travaux d’organisation du terrain réalisés sans relâche au cours des mois précédents ».

 

  • Le Troisième Bataillon de la Légion Etrangère se trouvait au centre de Bir Hakeim. Le capitaine Pierre Messmer est équipé de « bren-carriers ». Le service médical était commandé par le médecin capitaine Henri Lacombe qui avait rejoint la France Libre en Afrique équatoriale française en août 1940, assisté du médecin aspirant René Lepoivre.
  1. Le Deuxième Groupement (Demi-brigade Coloniale)

Il était fort de mille deux cent quarante-sept hommes sous les ordres du lieutenant-colonel Robert De Roux.

 

  • Le Bataillon de Marche N°2, commandé par le chef de bataillon Henri Amiel, défendait la position nord-ouest du camp retranchée de Bir Hakeim. Son service médical, sous les ordres du médecin capitaine Paul Guenon, était assuré par le médecin aspirant Pierre Mayolle. Le Bataillon de Marche N°2 sera cité à l’ordre de l’armée par le général De Gaulle : « Belle unité indigène constituée en Oubangui-Chari par le chef de Bataillon De Roux, dès le ralliement des troupes de l’Afrique Equatoriale Française. Sous le commandement de cet officier supérieur puis du chef de Bataillon Henri Amiel, encadrée par les militaires, fonctionnaires et colons de L’Oubangui animés d’un esprit magnifique, a pris une part glorieuse à toutes les actions militaires des Forces Françaises Libres dans le Moyen-Orient de mai 1941 à juin 1942.A Bir Hakeim, du 26 mai au 11 juin 1942, a défendu avec acharnement un des secteurs les plus violemment attaqués, a maintenu ses positions malgré des pertes très lourdes, a réussi finalement à percer les lignes ennemies et à ramener 60% de ses effectifs, lorsque l’ordre de repli a été donné. Blancs et noirs de l’Oubangui, étroitement unis, ont donné dans la campagne 41-42 un bel exemple de patriotisme et de valeur militaire ».

 

  • Le Premier Bataillon d’Infanterie de Marine (BIM) regroupait trois compagnies, il était le seul bataillon composé entièrement de Français, sous les ordres d’un prêtre soldat, le commandant Jacques Savey. Ce dernier écrivait le 20 août 1940 dans un rapport adressé à ses supérieurs : « … Il s’agit bien d’une lutte entre la civilisation chrétienne incarnée par l’Angleterre et la France et le néopaganisme hitlérien, d’une croisade en un mot... » Sa devise est « vaincre ou mourir », il était situé au sud-ouest du dispositif retranché de Bir Hakeim. Le service médical était commandé par le médecin colonel Raoult Beon assisté par le médecin capitaine Maurice Duval. Au soir de Bir Hakeim, le Premier Bataillon d’Infanterie de Marine fusionnera avec le Bataillon du Pacifique pour former la Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique (BIMP).

 

  • Le Bataillon du Pacifique était sous les ordres du lieutenant-colonel Félix Broche, officier d’active qui commandait un bataillon de quatre compagnies formées de volontaires calédoniens et tahitiens qui n’avaient jamais vu la mère Patrie. Il défendait au sud-ouest la position de Bir Hakeim. Le service médical en était assuré par le médecin sous-lieutenant Paul Seiffert, assisté du médecin aspirant Jean-Michel Gillet.

 

  • La 22ème Compagnie Nord-Africaine était composée d’un escadron de six sections sous les ordres du capitaine Pierre Lequesne. Le service médical en était assuré par le médecin capitaine Marcel Pahlavan.

3. Les Armes techniques

  1. Les armes anti-aériennes

Le Premier Bataillon de Fusiliers-Marins (DCA) était commandé par le capitaine de corvette Hubert Amyot D’Inville, dit « l’amiral » et son second le lieutenant Pierre Iehle, ancien du Bataillon de Marche N°3 et vainqueur de Kub Kub. Les fusiliers marins formaient un monde à part, portant gaillardement le béret à pompon rouge plutôt que le casque. Il comprenait cent quatre-vingt-quatre hommes, servant dix-huit canons anti-aériens « Bofors » de 40, dont six anglais constituant la « 43the Battery » - forte de quatre-vingt-onze hommes - qui renforçait le dispositif. Sur le terrain les anti-aériens des fusiliers marins étaient répartis suivant un plan de feu très étudié qui montera son efficacité, en six sections de deux pièces de DCA chacune. Ces sections étaient commandées par le premier maître Pierre Le Goffic, le maître principal Constant Colmay, le premier maître Georges Le Sant et par l’enseigne de vaisseau Jacques Bauche. Le Premier Bataillon de Fusiliers Marins tirera en quinze jours de combat quarante-sept mille deux cents obus de DCA, et sera cité à l’ordre de l’armée par le général De Gaulle : « Sous les ordres du capitaine de corvette Hubert Amyot D’Inville, s’est distingué pendant la campagne de Libye (février à juin 1942). A participé à toutes les colonnes mobiles qui ont harcelé l’ennemi avant l’offensive de mai 1942. Au cours des combats de Bir Hakeim, du 26 mai au 12 juin 1942, alors qu’il venait de recevoir un matériel nouveau, a fait preuve d’excellentes qualités techniques et de splendides qualités de discipline et de courage au feu. Pendant quinze jours a défendu le ciel de Bir Hakeim. Attaqué journellement, à plusieurs reprises, par des raids de chacun 60 à 100 avions ennemis, n’a jamais cessé le feu au milieu des bombardements les plus denses. A subi de ce fait des pertes sévères. A abattu sept avions ennemis. Au cours de la sortie de vive force de la nuit du 10 au 11 juin 1942, a sauvé une grande partie de son matériel, malgré les barrages du feu d’infanterie ».

  1. L’Artillerie
  • Le Premier Régiment d’Artillerie, commandé par le chef d’escadron Jean-Claude Laurent Champrosay, comprenait trois cent cinquante-sept hommes servant seize canons de 75, répartis selon six canons par batterie, tout autour de la position, afin d’assurer une couverture la plus complète possible, selon un plan de feu tous azimuts. Le canon de 75 « le rageur », dont un exemplaire est exposé au musée de l’Armée aux Invalides, à Paris, constitua la clé du camp retranché de Bir Hakeim, tirant trois mille obus par jour. Le service de santé était assuré par le médecin capitaine Jean Rolin. Le régiment sera cité à l’ordre de l’armée par le général De Gaulle : « Constitué par le Chef d’Escadron Jean-Claude Laurent Champrosay s’est admirablement conduit au cours des combats de Bir Hakeim (26 mai 11 juin 1942). Le 27 mai a contribué à briser l’attaque d’une Brigade Blindée de la Division italienne Ariete ; puis placé dans des conditions très désavantageuses de combats, subissant presque sans arrêt des tirs de contrebatterie très puissants et des bombardements aériens massifs, ayant à supporter en outre les feux des armes lourdes d’infanterie ennemie, a répondu sans répit aux demandes d’appui de l’infanterie, n’a cessé de harceler l’ennemie et de casser ses attaques malgré des pertes très sensibles en personnel et en matériel. Au cours de la sortie de vive force de la nuit du 10 au 11 juin 1942, a sauvé une grande partie de son matériel, malgré les barrages de feux d’Infanterie. Animé par un Chef de grande valeur, s’est attiré la reconnaissance et l’admiration de la 1ère Brigade Française ».
  • Au sein de la Première Compagnie Antichar, issue du Premier Bataillon d’Infanterie de Marine, se trouvait l’aspirant Roger Malfettes. Elle constituait le centre de résistance est de la position de Bir Hakeim, armée en particulier de trente canons de 75 montés sur des camions.
  • Le Génie
  • La Première Compagnie du Génie de la Première Division Française Libre comprenait cent vingt-quatre hommes, elle était commandée par le capitaine André Gravier, officier du génie de l’état-major du général Edgar De Larminat. C’est la Première Compagnie du Génie qui avait posé les champs de mine de Bir Hakeim, selon un plan savamment élaboré.
  • Le Génie comprenait aussi une section de quatre-vingt-dix sapeurs mineurs, la Première Compagnie de Sapeurs Mineurs, sous les ordres du capitaine Jean Desmaison.
  • Le service de santé était représenté par le médecin aspirant Robert Safart.
  1. Les Transmissions

Les Transmissions étaient constituées par la Première Compagnie de Transmission, forte de cent quatorze hommes sous les ordres du capitaine Jacques Renard. Elle déroula cinq cents kilomètres de fils nécessaires aux liaisons qui coordonnèrent le tir des batteries et reliaient en permanence l’état-major avec les unités.

  1. Le Train
  • La 101ème Compagnie du Train comprenait trois cent cinquante officiers et hommes de troupe, de toutes origines (français, indochinois, syriens, libanais, pondichériens, africains), de très jeune âge. Elle était sous les ordres du capitaine Jean Dulauet le service sanitaire en était assuré par le médecin aspirant Jacques Desnos. Elle alla s’installer à trente-cinq kilomètres de Bir Hakeim, en un lieu appelé Bir Bou Maafes à 15 kilomètres, où étaient regroupés six cents véhicules, d’où elle participera au ravitaillement du camp retranché de Bir Hakeim. Elle était placée sous le commandement du chef d’escadron André Thoreau. Au sein de cette unité se trouvera le plus jeune compagnon de la Libération élevé par le général De Gaulle à cette haute distinction, le 27 mai 1942, à 18 ans à peine, au titre de la France Libre, Léon Bouvier. Il abattra un avion italien piquant sur un convoi de citernes et aura le bras droit arraché.
  • Le Premier Atelier Lourd de Réparations Auto était formé de mécanos du Liban du Cameroun et du Gabon.

4. L’Intendance Divisionnaire

  1. Le Groupe d’Exploitation N°1 

Le Groupe d’Exploitation N°1 constituait l’intendance divisionnaire sous les ordres du lieutenant Hubert De Guillebon. Il perdra soixante pour cent de son effectif pendant la bataille de Bir Hakeim.

  1. La 22ème « British Military Mission »

 

Elle comprenait vingt-deux hommes qui assuraient la liaison entre l’armée britannique et les Français Libres.

 

Au cœur de la bataille

Au mois de mars 1942, la Première Division Française Libre et Indépendante, à partir de Bir Hakeim, va effectuer des patrouilles à long rayon d’action, appelées « jock column », sous le commandement direct du général Pierre Koenig. Dès l’aube des détachements se mettent en marche, se déployant en éventail, jusqu’à l’extrême limite de la visibilité. L’ennemi peut être ainsi surpris de nuit, ce qui permet de lui infliger des pertes par le feu de ses armes, ou par incendie. Le 17 mai le Premier bataillon de Fusiliers Marins reçoit douze canons « Bofors », auxquels un capitaine anglais initie les hommes. Le général De Gaulle dira plus tard d’elle, dans ses mémoires : « … Dans sa justice, le Dieu des batailles allait offrir aux soldats de la France Libre, un grand combat et une grande victoire… ». La Bataille de Bir Hakeim proprement dit va durer quinze jours, du 26 mai au 11 juin 1942. Elle peut se diviser en cinq phases.

 

L’ennemi attaque

1. Mardi 26 mai 1942

Le mardi 26 mai 1942 vers treize heures, le capitaine Pierre Hautefeuille vient annoncer au général Pierre-Marie Koenig que l’activité ennemie s’intensifie, par la mise en action de plusieurs colonnes d’automitrailleuses et de chars ennemis. Erwin Rommel commence son offensive par la simulation d’une attaque frontale sur les divisions sud-africaines qui défendent le barrage de mines au nord de Bir Hakeim. La « jock column », sous le nom de code de « tomcol », du Bataillon de Marche N°2 qui opère à l’ouest, observe d’importantes formations ennemies mécanisées et reçoit l’ordre de se rapprocher de Bir Hakeim. Sur place les dispositions de combat sont prises dès quatorze heures. Le Premier Bataillon de Fusiliers Marins reçoit le renfort de neuf hommes. À 19 heures, les champs de mines sont fermés et les portes minées. A la tombée de la nuit, un avion allemand survole Bir Hakeim et lance des fusées éclairantes qui dessinent des cercles lumineux.

 

2. Mercredi 27 mai 1942

 

  • Le mercredi 27 mai 1942, à 7 heures une très puissante colonne se dirige vers la 3ème « motor brigade » indienne qu’elle engage et bouscule sévèrement.

 

  • A partir de 8 heures 15 du matin, une colonne fonce au sud de Bir Hakeim et s’avance vers le camp. Elle est formée de plusieurs vagues de cinquante, puis de trente chars appartenant à la division italienne « ariete ». Les artilleurs de Jean-Claude Laurent Champrosay ouvrent le feu avec leurs canons de 75. La première batterie du capitaine André Quirot ouvre le feu dès le début sur les éléments ennemis qui se présentent dans le Sud. Puis la deuxième batterie commandée par le capitaine Albert Chavanac l’imite, par des tirs au nord.

 

  • Quelques instants plus tard, à partir de 9 heures, la troisième batterie, commandée par le capitaine René Gufflet épaule au nord-est l’action de la première batterie. La quatrième batterie, commandée par le capitaine Paul Morlon engage le combat, au même moment, avec une colonne de chars italiens qui se présentent au sud-est. Six chars, ayant à leur tête le colonel Prestissimone qui dû changer trois fois de char, pénètrent toutefois dans la position. Les légionnaires du bataillon commandé par le capitaine René Morel du Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère les neutralisent, un à un, les escaladant pour jeter des grenades par les tourelles.

 

  • A 10 heures 30 la division « ariete » décroche, le silence retombe, trente-cinq chars restent devant la position, en tout quarante-sept engins ont été détruits. Quatre-vingt-dix prisonniers, appartenant à la division italienne « ariete », sont capturés, dont le Colonel Prestissimone qui mourra de ses blessures.

 

  • Dans l’après-midi, les survivants sont poursuivis par les « bren-carriers » des commandos motorisés français qui ramènent de nouveaux prisonniers.

 

  • Au Nord, à la tombée de la nuit, la surveillance du V est renforcée et deux chars ennemis qui protègent des démineurs, sont détruits.

 

3. Jeudi 28 mai 1942

Le jeudi 28 mai 1942, à partir de 10 heures, un détachement d’automitrailleuses se présente à l’ouest du camp, mais est repoussé par le détachement mobile de surveillance du V. Conjointement avec la 7ème Brigade Motorisée, la Première Brigade Française Libre Indépendante organise des actions de harcèlement sur les convois ennemis, faisant une centaine de prisonniers et détruisant de nombreux véhicules. Vers 17 heures, une brèche est faite dans le V par une colonne ennemie comprenant une douzaine de chars, dont un est détruit. 

4. Vendredi 29 mai 1942

La journée du vendredi 29 mai 1942 se passe dans un calme relatif. La division fait encore une centaine de prisonniers. Six cents indiens de la « 3ème motor brigade » indienne, faits prisonniers par les italiens et abandonnés, sans eau, dans le désert sont recueillis par les Français libres. Un détachement de la Treizième Demi-brigade de la Légion Etrangère, la 9ème Compagnie, dirigé par le capitaine Pierre Messmer est désigné pour surveiller le V, au nord de Bir Hakeim, où des éléments ennemis tentent de s’infiltrer. Son action est coordonnée avec celle du Bataillon de Marche N°2. Le capitaine Pierre Messmer lance des commandos de canons, constitués de deux tubes de 75 qui se portent à quelques centaines de mètres des groupes de véhicules ennemis repérés, et ouvrent le feu à une cadence accélérée avant de se replier.

 

5. Samedi 30 mai 1942

Les informations qui parviennent au général Pierre-Marie Koenig confirment l’hypothèse d’un repli général de l’ennemi. Des prisonniers sont capturés jusqu’au soir par diverses patrouilles.

La contre-offensive est amorcée

1. Dimanche 31 mai 1942

 

  • Un convoi de la 101ème Compagnie Auto arrive sur la position de Bir Hakeim, à 6 heures du matin, apportant six mille coups de 75 et mille deux cents gallons d’eau. Le convoi comprend également un renfort appréciable en personnel et matériel médical. Il s’agit du médecin commandant André Durrbach qui vient relayer l’équipe chirurgicale des médecins capitaines Pol Thibauxet Paul Guillonqui ont opéré quarante-huit blessés, pendant les premiers jours de l’attaque. L’Ambulance Hadfield-Spears a été renvoyée le 25 mai 1942 à Sollum, près de Tobrouk, mais a laissé sur place la quasi-totalité de son matériel et en particulier ses camions opératoires, construits au Caire, selon les plans du médecin capitaine André François Lemanissier (alias Asquins). Ces camions n’ont pu être enfouis et se détachent sur la platitude du camp retranché : ils ont été surnommés la « cathédrale ».
  • Dès 8 heures du matin, un détachement conduit par le colonel Dimitri Amilakvari, sort de Bir Hakeim avec des éléments du Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère et du Bataillon du Pacifique. Au cours d’une tournée mouvementée il détruit huit chars allemands. Dans la soirée l’aviation ennemie fait son apparition à deux reprises par six Junkers 88. A la nuit tombée, le convoi repart ramenant les six cents indiens, la totalité des prisonniers et cinquante blessés. Le général Edgar De Larminat, accompagné de plusieurs officiers vint visiter la Division.

 

2. Lundi 1er juin 1942

  • Dans la nuit, à 2 heures 30 du matin, le général commandant la 7ème Division Blindée Britannique enjoint à la Première Brigade Française Libre Indépendante, de se mettre en route immédiatement pour se porter à trois cents kilomètres à l’ouest et occuper des points stratégiques pour couper la route de l’ennemi vers la Tripolitaine.

 

  • Le général Pierre-Marie Koenig décide de constituer une avant-garde avec le Bataillon du Pacifique qui, sous les ordres du lieutenant-colonel Félix Broche, possède ses propres éléments motorisés et se met en marche dès 9 heures du matin. Il est aussi renforcé par :

- Un détachement des Transmissions,

- La Première Batterie d’Artillerie, sous les ordres du capitaine André Quirot,

- La section de « bofors » des Fusiliers Marins sous les ordres de l’enseigne de vaisseau Jacques Bauche,

- Une section de canons de 75,

- Un groupe du Génie.

 

Le capitaine Jean Simon, commandant la Compagnie Lourde de la Treizième Demi-brigade de la Légion Etrangère, rejoint la compagnie de Pierre Messmer avec quatre canons de 75 portés, pour soutenir son action au niveau du V.

 

  • A onze heures cinquante, douze Junkers 87 bombardent Bir Hakeim. Les Fusiliers Marins se comportent admirablement, restant debout près de leur pièce de DCA, la pièce du quartier maître Lucien Leborgne reçoit une bombe de 200 kg et deux de 50 kg, pulvérisant l’emplacement et tuant son chef et six servants. L’infirmerie du Bataillon de Marche N°2 est aussi démolie. Le général Edgar De Larminat qui inspecte les positions vient saluer les morts.

 

  • A 13 heures, nouvelle attaque aérienne par quatre Junkers 88. Un convoi britannique du 30ème Corps d’Armée ravitaille en munitions la division, il comprend dix camions de dix tonnes et des sanitaires qui peuvent évacuer les blessés de la veille et de la matinée.

 

  • A 16 heures, le lieutenant-colonel Félix Broche sort de son silence, expliquant qu’il a été attaqué sans interruption par de nombreuses patrouilles de Messerschmitts 110, volant en rases mottes, provoquant des pertes sévères, onze véhicules étant atteints dont une citerne d’eau et un camion d’essence. La DCA de l’enseigne de vaisseau Jacques Bauche a abattu quatre Messerschmitts 110.
  • A 17 heures, ordre est reçu d’arrêter les préparatifs de départ.

 

  • Dans la soirée, vers 18 heures, Bir Hakeim est attaqué à nouveau à deux reprises par des formations de douze Junkers 87 et quatre Junkers 88.

 

  • A 18 heures 30, le Général Edgar De Larminat quitte Bir Hakeim pour rejoindre Gambut.

 

  • A 22 heures 55, le général Pierre-Marie Koenig réconforte le lieutenant-colonel Félix Broche et lui annonce le départ d’une colonne de ravitaillement en eau, essence, vivres et munitions et de huit ambulances conduites par des volontaires de « l’American Field Service » (éléments détachés de l’Ambulance Hadfield-Spears), sous les ordres du médecin commandant Charles Vignes. Après minuit, des officiers britanniques du « King Royal Rifle » viennent se présenter avec la mission de tenir Bir Hakeim avec les Français Libres.

 

Le siège commence

 

1. Mardi 2 juin 1942

 

  • A 4 heures du matin, le lieutenant Adrien Conus qui sera nommé Compagnon de la Libération le 13 juillet 1945, au titre de la France Libre, est rentré de patrouille et rend compte qu’il a observé dans la nuit de nombreux mouvements de véhicules à l’est de la lisière du V. Il est sûr d’avoir vu passer des chars et des canons ennemis.

 

  • A 7 heures du matin, un camion de ravitaillement du Premier Bataillon de Fusiliers Marins arrive avec mille coups de « Bofors ».

 

  • A 9 heures 45, le Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère ouvre le feu sur un détachement ennemi de sept blindés. Un véhicule muni d’un drapeau blanc s’approche. Deux parlementaires en descendent et s’avancent. Ce sont deux officiers italiens que le lieutenant Gabriel Brunet Sairigné conduit les yeux bandés au Général Pierre-Marie Koenig qui leur répond « … Allez dire à votre général que nous ne sommes pas ici pour nous rendre… ».

 

  • A 10 heures, une centaine de chars sont signalés, descendant du nord.

 

  • A 11 heures, les premiers obus de 105 commencent à tomber sur Bir Hakeim, dans un duel d’artillerie à distance.

 

  • A partir de 13 heures, la tempête de sable est complète, tout duel d’artillerie s’arrête. Il faut réorganiser la défense de Bir Hakeim. Le chef d’escadron André Thoreau qui commande l’échelon B de la Division se replie sur Gambut. Le détachement du V reçoit l’ordre de se replier en direction de Bir Hakeim. Le détachement du lieutenant-colonel Félix Broche est en difficulté. Il a reçu le renfort du convoi sanitaire, mais au retour ce convoi a perdu deux ambulances. Immobilisés par la tempête de sable, six de ses véhicules ont été détruits par l’aviation ennemie.

 

  • Avant la chute du jour, l’ennemi installe des postes d’infanterie artillerie à moins de cinq cents mètres à l’Est et lance une attaque, aussitôt écrasée par l’artillerie de Bir Hakeim.

 

2. Mercredi 3 juin 1942

 

  • A 6 heures 15, le chef d’escadron Jean-Claude Laurent Champrosay met un point d’honneur à tirer le premier coup de canon sur les rassemblements ennemis.

 

  • A 8 heures, douze bombardiers, escortés de chasseurs, font subir un sévère bombardement à Bir Hakeim. Un chasseur s’éloigne en crachant une fumée noire.

 

  • A 9 heures 15, le détachement du lieutenant-colonel Félix Broche rentre dans Bir Hakeim, sans encombre.

 

  • A 9 heures 30, deux hommes à pied agitant des drapeaux blancs se dirigent vers la porte est. Ce sont des soldats allemands, porteurs d’un ultimatum, adressé aux troupes, écrit de la main d’Erwin Rommel en personne, sur un papier télégramme : « … Toute prolongation de la résistance signifie une effusion de sang inutile. Vous endureriez le même sort que les deux brigades anglaises de Gott Oualeb qui ont été détruites avant-hier… ». Le message demeura sans réponse.

 

  • A 10 heures, le camp est bombardé par onze Junkers 87.

 

  • A 11 heures 45, nouveau bombardement par douze Junkers 87, dont trois sont abattus, deux par la chasse anglaise et un par la DCA.

 

  • Nouveaux bombardements, à 15 heures, par onze Junkers 87, à 17 heures par quinze Junkers 87 et à 20 heures par vingt-deux Heinkel 111. La brigade anglaise stationnée du secteur de Bir Hakeim signale qu’elle a vu tomber sept avions allemands rentrants d’opérations au-dessus du camp retranché.

 

 

3. Jeudi 4 juin 1942

 

La journée du 4 juin est calme du côté de l’infanterie et des chars.

 

  • A 8 heures, bombardement par douze Junkers 87.

 

  • Nouvelle vague de douze Junkers à 8 heures 30. L’un d’eux, touché par la DCA, explose et tombe en plein centre du camp.

 

  • A 9 heures 08, nouveau bombardement par douze Junkers 87.

 

  • Vers 13 heures deux, camions de la 7ème Armée Divisionnaire arrivent avec mille trois cents coups de « Bofors ». Le lieutenant de vaisseaux Pierre Iehle distribue cette manne.

 

  • A 13 heures 30, bombardement par douze CR 42 qui lâchent leurs bombes à mille cinq cents mètres d’altitude. L’un d’entre eux, atteint par la DCA, prend feu, tente d’atterrir dans le camp et explose au sol. Mais la « Royal Air Force » est présente livre une bataille aérienne dans le ciel de Bir Hakeim. On aperçoit au loin des avions, tomber. Au cours de cette journée, l’aviation et l’artillerie, avec cinq à six mille obus de calibre 88 et 105 et deux à trois cents tonnes de bombes déversées, ne cessent harceler Bir Hakeim qui est peu à peu encerclé. A l’Est, la Division italienne « trieste » est au contact. Au Nord-ouest, un groupement de cinq cents véhicules, doté de chars, bloque le camp retranché. Au Nord du V se trouvent une soixantaine de chars ennemis. Cet ensemble ceinture laposition et se trouve lui-même entouré à l’Est et au Sud par des colonnes légères de la 7ème Armée Divisionnaire.

 

 

Enfermés

 

1. Vendredi 5 juin 1942

 

  • A 4 heures 30 du matin, une voiture automobile s’approche tous phares allumés du capitaine René Morel. Deux parlementaires allemands demandent à parler au général Pierre-Marie Koenig. Ils sont éconduits et au retour leur véhicule saute sur une mine, les obligeant à repartir à pied sous les quolibets des Légionnaires.

 

  • Dès 6 heures du matin, l’artillerie ennemie reprend le pilonnage plus ou moins aveugle de Bir Hakeim, arrosant le camp un peu partout, sans occasionner heureusement beaucoup de casse.

 

  • Vers 10 heures, les explosions se font plus fortes, provoquant d’énormes gerbes de poussière. Des canons de 210 et 155 ennemis sont entrés en action.

 

  • Vers 10 heures 20 arrive un convoi de camions anglais, composé de six camions de dix à douze tonnes qui apportent six mille coups de 75 et cinq mille cinq cents coups de « Bofors ».

 

  • A 11 heures 30, le général Willonghby Norrie, commandant le 30ème Corps d’Armée Britannique câble : « … Excellent travail, tenez bon. Toutes mes félicitations, tout ira bien… » 

 

  • Le convoi repart vers 12 heures, avec les blessés à évacuer, mais est forcé de revenir vers 16 heures car les Allemands ont occupé la route vers le Sud. Des colonnes britanniques s’approchent et prennent à revers les batteries allemandes qui harcèlent Bir Hakeim. L’infanterie ennemie vient s’établir à mille cinq cent mètres de la limite du champ de mine.

 

2. Samedi 6 juin 1942

 

  • Le soleil vient de se lever à l’aube du 6 juin 1942.

 

  • A partir de 8 heures 30, le pilonnage de nos positions reprend.

 

  • A 11 heures, l’infanterie ennemie attaque dans la direction Sud, appuyée par une dizaine de chars. Elle est bientôt suivie d’une deuxième vague. L’ensemble des pièces de 75 du régiment répond, avec une violence rageuse. La compagnie de Constant Roudot, du Bataillon d’Infanterie de Marine du Pacifique qui, intégrée à la Treizième Demi-brigade de la Légion Etrangère, tient un front d’un kilomètre, supporte seule le choc. Constant Roudot est tué.

 

  • Vers 17 heures, vingt chars se lancent à l’Ouest, contre les positions du Bataillon de Marche N°2 et repartent, après les avoir arrosés d’obus.

 

  • L’attaque au Sud reprend avec violence, à partir de 18 heures. La batterie du capitaine Paul Morlon déplore la mort de l’aspirant Jean-Pierre Rosenwald, âgé de 22 ans. On lui rend les honneurs et le « Kadish » est lu, sous un bombardement dantesque.

 

  • Cette journée du 6 juin 1944 se termine sur un succès remporté sur l’infanterie de la division italienne « trieste », grâce essentiellement au canon de 75 dit « le rageur ». Les échanges de coups de canon ne s’arrêtent qu’à la tombée de la nuit à 21 heures.

 

  • Dans la nuit, le chef d’escadron André Thoreau est averti d’envoyer un convoi de ravitaillement, car les munitions commencent à baisser et doivent être rationnées. 

 

3. Dimanche 7 juin 1942

 

  • A nouveau le jour se lève sur Bir Hakeim. Onze avions de la « Royal Air Force » survolent Bir Hakeim.

 

  • A 7 heures 30, l’ennemi ouvre le feu sur nos positions.

 

  • A 8 heures dix, chars sont signalés à l’Est. La réaction du Premier Régiment d’Artillerie ne se fait pas attendre et l’ennemi se retire abandonnant un char sur le terrain.

 

  • A 9 heures 15, deux Messerschmitts 110 bombardent de très haut le camp. Des éléments allemands sont refoulés vers la brèche du champ de mine au nord du V.

 

  • A 12 heures 30, a lieu un nouveau bombardement par trois Messerschmitts 110.

 

  • A 13 heures, plusieurs vagues de quinze chars, venant de l’Ouest, attaquent le coin nord-ouest de la position du Bataillon de Marche N°2. L’ennemi se retire, mais son artillerie se déchaîne.

 

  • Vers 15 heures, les troupes allemandes tentent des opérations de déminage, au nord du V. Cette fois-ci, Bir Hakeim est complètement encerclé. Le Groupe Sanitaire Divisionnaire N°1, commandé par le médecin lieutenant colonnel Jean Vialard Goudou qui a reçu sept blessés graves, a monté, en accord avec les britanniques, une opération de parachutage de matériel sanitaire qui se solde par un échec piteux.

 

  • A 18 heures 45, le Lieutenant Jean Bellec qui n’a pas 20 ans est désigné pour aller à la rencontre du convoi de ravitaillement qui rôde depuis trois ou quatre jours dans le sud-est.

 

  • A 20 heures 30, l’infanterie de la division « trieste » démarre par surprise une attaque au Sud, contre la compagnie de Constant Roudot, dont les feux bien ajustés clouent au sol les fantassins.

 

  • A 20 heures 50, huit canons anti-char sont repérés devant la 5ème compagnie du Bataillon de Marche N°2. La deuxième batterie, commandée par le capitaine Albert Chavanac, leur expédie quelques rafales bien ajustées.

 

  • La nuit survient et apporte un calme bienfaisant troublé seulement par quelques coups de 47, permettant de se préparer à l’attaque du lendemain. Dans la nuit, le lieutenant Jean Bellec trouve le convoi, exact au rendez-vous. Quinze camions, jugés les plus précieux, sont choisis et, marchant en colonne serrée, bénéficient de l’effet de surprise et arrivent à Bir Hakeim à 5 heures 30. Il y a deux citernes d’eau, dix camions d’obus de 75, des munitions de DCA, deux canons.

 

Les trois derniers jours

 

1. Lundi 8 juin 1942

 

  • Nous voici le 8 juin 1942, à 5 heures du matin. Le général Pierre-Marie Koenig se lève, dans une heure, le jour va poindre et l’on sent que l’ennemi va entamer un effort massif pour s’emparer de la position. Cette nuit une patrouille de la 22ème Compagnie Nord-Africaine a entamé l’encerclement d’un poste ennemi. Nous sommes parvenus au treizième jour de la bataille qui, initialement, devait durer dix jours au maximum, mais le moral des combattants demeure solide. Les barbes commencent à pousser, la chaleur devient de plus en plus étouffante, la ration allouée de deux litres par jour devient de jour en jour insuffisante. L’eau des radiateurs des véhicules accidentés est utilisée. Il reste des réserves pour trois jours de combat. Les munitions, complétées à nouveau, sont de 13 000 obus, soit 800 obus par tube, nécessaires pour trois jours de lutte. Il faut pouvoir tenir. Le soleil ne parvient pas à percer, un brouillard intense s’étant levé qui tout a noyé dans une fraîcheur bienfaisante. Un calme impressionnant règne dans Bir Hakeim.

 

  • A 7 heures 15, des pans de ciel bleu apparaissent au travers des nuages et, par la trouée, une vague de dix-sept Junkers 87 et de cinq Messerschmitts 110 bombarde la position. Ce bombardement est le signal de très violentes actions d’artillerie. L’artillerie de Jean-Claude Laurent Champrosay déclenche des tirs sur le dispositif ennemi qui avance lentement, chars, automitrailleuses et fantassins, en particulier sur le front de la 6ème Compagnie du Bataillon de Marche N°2.

 

  • De 8 heures 40 à 8 heures 45, la deuxième batterie commandée par le capitaine Albert Chananacexécute un remarquable tir d’arrêt, prolongé par un bombardement par les Hurricanes de la « Royal Air Force », alertée dès 7 heures 40. L’ennemi se retire de 2 kilomètres au nord entraînant vers 9 heures une accalmie inattendue. Les lignes téléphoniques, sans cesse coupées, sont réparées sous le feu de l’ennemi. L’ennemi amène sur les lieux de l’attaque des renforts importants à l’intérieur du V.

 

  • A 10 heures, la préparation d’artillerie se déclenche à nouveau. C’est un déluge de feu. L’infanterie ennemie débouche, soutenue par des chars.

 

  • A 11 heures 13, le lieutenant-colonel Robert De Roux intervient personnellement, car la situation est confuse. Le Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère et Le Troisième Bataillon de la Légion Etrangère sont envoyés en contre-attaque. La compagnie du capitaine Jean Simon n’a plus qu’une pièce de 75, celle du sergent-chef Louis Nicolas en état de tirer, à six cents mètres de l’ennemi. Le terrain aux alentours est bouleversé, les chars progressent en arrosant le terrain à la mitrailleuse lourde, le pointeur est grièvement blessé à la main, le tireur et le chargeur disparaissent à demi ensevelis, mais Louis Nicolas, pointant et chargeant lui-même la pièce, en trois coups, met en flammes les deux chars de tête. Les chars indemnes se replient et l’infanterie surprise, arrête son avance. Dans cette atmosphère enfiévrée, tout le monde se prépare à la lutte rapprochée, y compris au poste de commandement de Général Pierre-Marie Koenig. Aucune unité ne se rendra ! Les Fusiliers Marins chantent les vieux refrains de la mer, en servant leurs « Bofors », avec un courage imperturbable. L’observatoire de la deuxième batterie est détruit et le Brigadier-chef Joseph Canale est blessé. Le médecin capitaine Jean Duval va lui porter les premiers soins.

 

  • A 13 heures, les avions ennemis apparaissent. Trois vagues de vingt Junkers 87 se placent dans le soleil et piquent à la verticale. Le vrombissement des moteurs se mêle aux rafales des « Bofors », aux aboiements des 88. La position disparaît sous un nuage de fumée noire. La plus grande partie des bombes tombe sur le poste de commandement. L’infanterie ennemie en profite pour attaquer au Sud, la première batterie du capitaine André Quirot et la quatrième batterie du capitaine Paul Morlon interviennent rapidement et arrêtent sa progression. Très rapidement au Sud, les bombardements reprennent de plus en plus intenses, avec de l’artillerie lourde de 150 et de 210. Chacune des batteries est prise à partie par au moins une batterie lourde adverse. La « Royal Air Force » intervient à trois reprises avec violence et précision, contraignant au silence l’artillerie ennemie.

 

  • A 17 heures 30, un bataillon d’infanterie ennemie, appuyé par des chars et des canons portés de 180, s’avance à l’Ouest, vers la 5ème compagnie du Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère du capitaine René Morel.

 

  • A 17 heures 58, soixante Junkers 87 bombardent les positions du Premier Bataillon d’Infanterie de Marine. Sitôt la dernière bombe éclatée, l’infanterie ennemie débouche au Nord, appuyée par cinq chars M4.

 

  • A 18 heures 10, les marsouins du Premier Bataillon d’Infanterie de Marine et du Bataillon de Marche N°2 se redressent, entrent en action et arrêtent l’ennemi devant le champ de mines. Seul l’observatoire 02 est conquis. Il est défendu par une pièce de 75 du Premier Bataillon d’Infanterie de Marine qui détruit un char, les autres se replient, mais quatre des cinq servants sont tués et le seul survivant blessé reviendra à la tombée de la nuit. Le capitaine Otto Wagner d’origine tchèque, de la 6ème Compagnie du Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère fait sortir par la porte est des « bren-carriers » qui exécutent une manœuvre hardie et capturent vingt-cinq prisonniers allemands et italiens. L’élan de l’assaillant est maintenant brisé. La 6ème Compagnie du Bataillon de Marche N°2 qui a été très éprouvée est relevée par la compagnie du capitaine Pierre Messmer du Troisième Bataillon de la Légion Etrangère, renforcée par une section de la 22ème Compagnie Nord-Africaine. Les pertes totales ont été de trente-quatre tués dont deux officiers et de soixante-quatre blessés dont quatre officiers, le Groupe Sanitaire Divisionnaire est encombré, les médicaments commencent à manquer, mais la position est intacte. Il reste 500 coups par pièce en état de tirer et quatre litres et demi d’eau par homme pour chacune des journées des 9, 10 et 11 juin.

 

  • Durant la nuit, les guetteurs signalent de tous côtés que l’ennemi s’est rapproché et enterré.

 

2. Mardi 9 juin 1942

 

  • La journée commence avec un épais brouillard qui permet d’achever les divers mouvements de ravitaillement. Le rideau se lève à 8 heures 30, trois vagues de soixante Junkers 87 bombardent la face Nord est. Vers 12 heures 15 le capitaine Pierre Lequesnequi commande la 22ème Compagnie Nord-Africaine signale des mouvements de chars et d’infanterie dans le V en route vers la face Nord.

 

  • A 12 heures 45, deux vagues de vingt et un Junkers 87 bombardent le centre de la position, le poste de commandement de l’artillerie, les arrières du Bataillon de Marche N°2 et surtout le Groupe Sanitaire Divisionnaire N°1. Les camions opératoires, appelés familièrement la « cathédrale », se sont effondrés et les médecins capitaine Pol Thibaux et commandant André Durrbach sont obligés d’opérer dans des trous improvisés. L’ennemi attaque maintenant au Sud et au Sud-est. Deux bataillons débouchent appuyés par de l’artillerie, mais l’ennemi ne peut approcher. Le sergent-chef Hermann Eckstein commande une pièce de 75 antichar. Il a détruit le 27 mai sept chars italiens. Il a une main emportée par un éclat d’obus de 77 et ne peut être évacué en raison de la violence des bombardements. Il restera sur place jusqu’à la nuit, avec un pansement sommaire, auprès de la pièce qu’il continuera à servir. Progressivement les batteries du commandant Jean-Claude Laurent Champrosay plaquent leurs tirs d’arrêt sur la face attaquée et arrêtent l’ennemi. Au même moment, l’infanterie ennemie attaque au Nord, avec l’appui de l’artillerie et des chars et réussit à progresser au travers du champ de mines. Les pièces anti-char de la 3ème Batterie de la Légion Etrangère et du Bataillon de Marche N°2 tirent à tour de bras. La « Royal Air Force » appelée à la rescousse, intervient rapidement et soulage un moment la position. C’est au tour de la face Est d’encaisser un violent tir de mortiers et de mitrailleuses lourdes. La quasi-totalité de la position se trouve ainsi engagée par les actions offensives de l’ennemi.

 

  • La bataille qui s’est ralentie entre 13 heures 45 et 14 heures 15, reprend de plus belle. Les stocks de munitions baissent de façon alarmante.

 

  • A 16 heures 15, le capitaine Marcel Faure et le capitaine Maurice, avec la totalité des « bren-carriers » du Bataillon de Marche N°2, soutenus par ceux du Deuxième Bataillon de la Légion étrangère, s’élance en direction du champ de mines Nord. L’infanterie ennemie reflue, homme par homme. La position est de nouveau intacte, mais les pertes sont sensibles : le capitaine Maurice Bayrou est grièvement blessé.

 

  • A 20 heures, le commandant Félix Broche est tué, ainsi que son adjoint, le capitaine Gaston Duche De Bricourt par le même obus de 50. Le commandant Jacques Savey, patron du Premier Bataillon d’Infanterie de Marine, va prendre, en pleine bataille, le commandement du Bataillon du Pacifique, créant ainsi le Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique. C’est à ce moment que soixante Junkers 87 reviennent et bombardent la position. Une bombe de 250 kilos atteint le Groupe Sanitaire Divisionnaire N°1 où le spectacle devient dramatique.
  • La nuit arrive enfin et ramène le calme. Le général Pierre-Marie Koenig rédige un télégramme à l’intention du général qui commande la 7ème Armée Divisionnaire : «... A 23 heures, nous sortirons à pied par la sortie Est. Les véhicules en état de marche avec les canons, les postes radio et les blessés seront au centre. J’ouvrirai le passage jusqu’aux colonnes amies… » Il faut préparer la journée du lendemain et la sortie de vive force.

 

3. Mercredi 10 juin 1942

 

  • Il est 6 heures du matin, la journée du 10 juin commence. Comme les jours précédents un brouillard intense recouvre Bir Hakeim.

 

  • A 7 heures du matin, un parachutage d’eau et de munitions est effectué. Les blessés transportables sont évacués du Groupe Sanitaire Divisionnaire N°1, vers les postes de secours de leurs unités respectives.

 

  • Le soleil ne perce la brume qu’à 9 heures.

 

  • A 13 heures, trois vagues de cent trente avions, composées de Junkers 87 et 88, de Messerschmitts 110 et de Heinkels 111, apparaissent et entament leurs bombardements. L’artillerie ennemie se déchaîne sur l’ensemble de la position.

 

  • A 13 heures 30, l’attaque prévue est déclenchée devant la 5ème Compagnie du Bataillon de Marche N°2 et la Compagnie du capitaine Pierre Messmer.

 

  • A partir de 15 heures, l’attaque s’amplifie. Le combat continue avec l’aide de la « Royal Air Force ». Une section de « Bren-carriers » du lieutenant Jean Devé (alias Dewey) se lance en lisière du champ de mines, d’où elle prend à partie l’infanterie ennemie.

 

  • Ainsi 19 heures sont atteintes, c’est une course contre la montre.

 

  • A 19 heures 5, les avions ennemis reviennent. Ils sont cent vingt à cent trente et écrasent l’ensemble de la position, sous le déluge de feux de cinquante à soixante tonnes d’explosif. Une contre-attaque sur la face Nord est repoussée par l’artillerie du commandant Jean-Claude Laurent Champrosay qui tire là ses dernières munitions. La bataille défensive de Bir Hakeim est terminée. Le sous-lieutenant Georges Koudoukou, le père des tirailleurs qui sera le premier officier indigène, nommé Compagnon de la Libération, le 9 septembre 1942, au titre de la France Libre est grièvement blessé. Il a une jambe sectionnée par un éclat d’obus et est amputé aussitôt par le docteur Paul Guenon. Il mourra, le 15 juin 1942, des suites de sa blessure, dans un hôpital d’Alexandrie.

 

 

Vers la Liberté

 

1. L’ordre de combat

 

  • L’ordre de prévenir les troupes n’est donné qu’au dernier moment. La porte de sortie choisie et celle du Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique, au Sud-ouest, où l’investissement de l’ennemi est le moins dense et où les Britanniques pourront attendre et accueillir la Première Brigade Française Libre Indépendante, au point de rendez-vous choisi, la borne B 837. La manœuvre peut se résumer ainsi :
    • Premier temps, masser en silence la division derrière le passage du Premier Bataillon d‘Infanterie de Marine, déminé au crépuscule une brèche de deux cents mètres de large dans le champ de mines ;
    • Deuxième temps, à l’heure « H », ouvrir avec l’infanterie à pied un couloir assez profond, libre de tout ennemi ;
    • Troisième temps, lancer les colonnes de voitures en masses compactes à l’intérieur de ce couloir, l’infanterie formant garde flanc à droite et à gauche ;
    • Quatrième temps, faire rejoindre l’infanterie à pied au point de rendez-vous.

 

  • Cet ordre de combat est adressé dans l’après-midi vers 16 heures. Le capitaine Pierre Messmer n’apprend les ordres qu’à la nuit tombée, lorsqu’une accalmie survient dans la bataille qui fait rage sur la face Nord, par une liaison confiée au médecin du Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère, le médecin lieutenant André Genet. Le capitaine Pierre Messmer regroupe les survivants de sa section, une quarantaine d’hommes qui sont relevés par le Bataillon de Marche N°2. Ses hommes n’ont ni mangé ni dormi depuis deux jours. Le bombardement aérien de 19 heures a jeté le trouble dans les préparatifs de la plupart des unités. Il a causé des dégâts matériels et choqué beaucoup d’hommes par la violence des explosions. L’état des véhicules a été vérifié, les pleins d’essence faits et des destructions sont opérées. Tout ce qui ne peut être emporté sera détruit. Les morts sont enterrés sur place, une simple croix porte leur nom.

 

2. Les préparatifs

 

  • A 20 heures 30, le général Pierre-Marie Koenig se présente, avec son état-major, à la porte du Premier Bataillon d’Infanterie de Marine, il sortira avec le Lieutenant-Colonel Dimitri Amilakvari. Le déminage est loin d’être terminé, seule une passe de quarante mètres de large pourra être utilisée.

 

  • A minuit les colonnes d’infanterie se présentent aux abords du passage. Derrière elles les véhicules se massent en deux colonnes. La première, aux ordres du commandant Jean-Claude Laurent Champrosay regroupe les engins de combat, la seconde, aux ordres du commandant Henri Bourgeois est composée des camions de servitude. L’ensemble représente environ deux cents véhicules en état de rouler. En avant se trouvent les sections de « bren-carriers » chargés de leur protection. Les moteurs tournent au ralenti. Le Groupe Sanitaire Divisionnaire N°1 s’est organisé pour le raid qui lui est imposé, unique dans les annales de la médecine militaire. Le médecin commandant Jean Vialard-Goudou a reçu pour mission d’amener tous les blessés et tout le personnel médical. Il lui reste sept sanitaires sur douze, un camion sur cinq, deux voitures légères. A la tombée de la nuit, la 101ème Compagnie du Train lui a fourni six camions. A 21 heures, tous les blessés graves ont été embarqués sur des sanitaires ou des camions. Il y a là cent trente opérés qui geignent et qui ont dépassé les limites de la souffrance. Le Bataillon de Marche N°2 a reçu pour ordre de rester, le plus longtemps possible, sur ses emplacements, d’où il exécutera des tirs de camouflage au nord de la position, dans le but de tromper l’ennemi. Il formera lors de la sortie de vive force, l’arrière-garde de l’infanterie.

 

3. La sortie de vive force

 

  • Le Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère s’engage dans le passage en formation serrée. En tête, la 6ème Compagnie du capitaine Otto Wagner, se déploie rapidement et progresse dans sa direction de marche. Presque instantanément des rafales d’armes automatiques crépitent. Le Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique, sous les ordres du commandant Jacques Savey est sorti par le sud. Le Troisième Bataillon de la Légion Etrangère s’engage à son tour dans la passe. La fusillade s’intensifie car la direction choisie pour la sortie est occupée par d’importantes forces ennemies, organisées selon un plan de feu très dense. Le spectacle est grandiose. L’ennemi lance vers le ciel des fusées de toutes les couleurs, permettant de distinguer trois lignes d’armes, la première ligne à huit cents mètres, la deuxième à mille deux cents mètres, la troisième à deux mille mètres. Ce sont des nids d’armes lourdes, espacés de trois cents mètres environ. Très vite la bataille en règle se transforme en de nombreux combats particuliers et même en une série de combats individuels.

 

  • Vers 2 heures du matin, le premier convoi s’engage, guidé par les « bren-carriers » du lieutenant Jean Bellec, dont le véhicule saute à deux reprises. La deuxième colonne, formée du convoi des blessés, recueille le lieutenant Jean Bellec et amène les premières voitures vers la borne B 837. Deux voitures sont mises à feu lors du passage des lignes ennemies. Elles flambent et éclairent le champ de bataille, comme deux phares. Les véhicules du poste de commandement terminent leur mouvement pour sortir du champ de mines.

 

  • Il est maintenant 3 heures du matin. Les « bren-carriers » du Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique et du Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère effectuent plusieurs charges, entraînées par le lieutenant-colonel Dimitri Amilakvari, aux cris fameux de « En avant la Légion, à moi la Légion » et forcent le passage. Le général Pierre-Marie Koenig décide de conduire la charge, à travers le dispositif ennemi, jusqu’au-delà de la troisième ligne de défense vers la borne B 837. Les ordres sont passés de véhicule en véhicule. Les colonnes s’ébranlent « à la grâce de Dieu », les fantassins suivant derrière. Des armes automatiques se dévoilent au fur et à mesure que progresse, la ruée. La voiture du général Pierre-Marie Koenig, dans laquelle a pris place le lieutenant-colonel Dimitri Amilakvari, est touchée à deux reprises par des rafales, sans dommage pour le véhicule. Le lieutenant Jean Bellec et sa colonne de blessés piquent directement vers la borne B 887 et, bénéficiant d’un effet de surprise, réussissent à franchir la zone dangereuse, sans subir de trop fortes pertes. Néanmoins deux ambulances flambent. Le but a été atteint, l’élan est donné. Pendant que la voiture du général Pierre-Marie Koenig franchit le cercle de feu et s’enfonce dans la nuit, par groupe de dix à quinze, les véhicules passent, en dépit des pertes. L’artillerie a suivi le convoi sanitaire avec, à sa tête, le commandant Jean-Claude Laurent-Champrosay dans une automitrailleuse. Puis c’est au tour des fusiliers marins de s’ébranler derrière le capitaine de corvette Hubert Amyot D’Inville. L’infanterie continue son avance en se battant. Le Troisième Bataillon de la Légion Etrangère est le plus fortement accroché. Le Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère continue sa progression, crevant peu à peu les lignes successives. Les compagnies du capitaine Otto Wagner et du capitaine René Morelpassent avec de grandes difficultés. Le capitaine Pierre Messmer, dont la compagnie qui arrivera au point de regroupement, s’est engagée derrière le 2ème Bataillon de la Légion Etrangère, perd ses hommes de vue. Il se retrouve seul. Il sera recueilli par un « bren-carrier » qui l’emmènera non sans encombre à la borne B 857.

 

4. Le regroupement

 

  • Le point de rendez-vous est signalé par trois feux rouges. Le détachement britannique s’y trouve depuis la tombée de la nuit, avec soixante camions et cinquante sanitaires, rangés sur deux files. Vers quatre heures du matin, le convoi des blessés arrive le premier. D’abord la voiture du médecin commandant Charles Vignes, avec les médecins capitaines Paul Guillon et Pol Thibaux. Puis viennent, en file serrée, les médecins commandants Jean Vialard-Goudou et André Durrbach. Le lieutenant Jean Bellec a guidé avec sûreté l’ensemble du convoi sanitaire, bondé de blessés. Le médecin commandant Jean Vialard-Goudou, aidé du médecin aspirant Pierre Bapst, organise le transbordement des blessés, dont le nombre augmente de minute en minute. En moins d’une heure, vingt-cinq véhicules sanitaires sont chargés, avec cent vingt blessés.

 

  • Vers 5 heures 30 les véhicules qui n’ont pas été atteints ont tous franchi les positions ennemies. L’infanterie a traversé les barrages, par petits paquets, avec un officier ou sans gradé. Les groupes qui disposent de boussoles avancent avec certitude, dans la bonne direction. D’autres se perdront, tourneront en rond et seront faits prisonniers. Le médecin commandant Charles Vignes, aidé des médecins capitaines Paul Guillon et Pol Thibaux, se met en route pour transporter les blessés vers l’arrière.

 

  • A 6 heures du matin, le médecin commandant André Durrbach, aidé du médecin capitaine Maurice Duval, ramène un camion de blessés, ramassés pendant la nuit sous la mitraille. Ils aident le médecin commandant Jean Vialard Goudou à terminer le chargement des vingt-cinq derniers véhicules sanitaires. A l’aube, le brouillard se lève subitement. Au fur et à mesure des arrivées, on se compte et se recompte.

 

  • Le brouillard commence à disparaître. Le dernier convoi sanitaire quitte la borne B 837, à 8 heures 30. Il est conduit par le médecin commandant André Durrbach. Les capitaines André Quirot, Albert Chavanac et Paul Morlon ont rejoint, avec une grande partie de leurs troupes. Il en est de même du capitaine de corvette Hubert Amyot D’Inville, suivi du lieutenant Pierre Iehle, et des sections de l’enseigne de vaisseau Jacques Bauche et du premier maître Pierre Le Goffic, précédées par celle du premier maître Georges Le Sant. Les Transmissions ont perdu de nombreux véhicules. Les survivants du Deuxième Bataillon de la Légion Etrangère et du Troisième Bataillon de la Légion Etrangère arrivent par petits paquets. La 7ème Armée Divisionnaire fait connaître que deux mille « free french » environ ont été dénombrés.

 

  • Le général Pierre-Marie Koenig a rejoint à 13 heures, avec le lieutenant-colonel Dimitri Amilakvari, Gars Arid, où se trouvent les échelons B de la Première Brigade Française Libre Indépendante. Il est accueilli par le chef d’escadron André Thoreau.

 

  • A dix-neuf heures deux, mille cinq cent hommes sont dénombrés. Les derniers convois rejoignent avec les sections de fusiliers marins du maître principal Constant Colmay.

 

Un message du général De Gaulle arrive de Londres : « Général Koenig, sachez que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil ».

 

 

Le bilan

 

 

Les morts et les blessés

 

Bir Hakeim est une victoire militaire qui eut un retentissement considérable, en France et dans le monde. Finalement, le bilan de la victoire de Bir Hakeim est le suivant : neuf cents tués, blessés, disparus ou prisonniers, dont six cents lors des combats de la nuit du 10 au 11 juin 1942. Ont été tués lors de la sortie de vive force :

  • Le caporal-chef Lucien Vanner, du Premier Bataillon d’Infanterie de Marine ;
  • Le commandant Jacques Savey, du Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique ;
  • Le capitaine Jacques Baudenon De Lamaze ;
  • Le lieutenant Jean Devé (alias Dewey), de la Treizième demi-Brigade de la Légion Etrangère ;
  • Le capitaine Horace Mallet, de l’état-major ;
  • Le lieutenant Roger De Rauvelin, du Premier Régiment d’Artillerie ;
  • Le capitaine René Gufflet, du Premier Régiment d’Artillerie ;
  • Le maréchal des logis Pierre Legourierec, de la 101ème Compagnie du Train ;
  • Le lieutenant François Bolifraud, de la Treizième demi-Brigade de la Légion Etrangère.

 

Des trois mille deux cent quatre-vingts seize hommes présents le 10 juin 1942, deux mille cent purent rejoindre les lignes britanniques. Le Bataillon de Marche N°2 perdit quarante pour cent de son effectif.

 

 

L’Héritage Moral

 

La BBC diffusa des informations régulières sur la bataille. Des avions de la « Royal Air Force » parachutèrent des tracts, au-dessus des territoires occupés, pour annoncer la nouvelle. Hakeim fut une victoire stratégique qui eut des conséquences, non seulement sur le théâtre des opérations, préparant la future victoire d’El Alamein, mais surtout dans la France occupée, ou la presse clandestine exploita largement le fait d’arme des hommes du général Pierre-Marie Koenig : «… Bir Hakeim n’est qu’un épisode de la guerre, mais pour la France c’est une résurrection… » titrait le journal Libération. 



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