Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Le maquis de SIOU-BLANC par le Docteur Bernard François MICHEL Président de la Mémoire Vive de la Résistance.
15-05-2024

Docteur Bernard François MICHEL

Président de la Mémoire Vive de la Résistance.

  Le maquis de SIOU-BLANC

 

Le territoire de la commune de SIGNES, situé dans le département du VAR, entre la SAINTE-BEAUME et l’arrière-pays Toulonnais, tient une place particulière dans la mémoire de la Résistance. Il fut un refuge pour les réfractaires, une position stratégique pour les maquis, un lieu d’exécutions pour l’occupant.

Des maquisards se sont installés là, fin novembre 1943, 14 jeunes hommes, français ou immigrés, réfractaires au STO et un officier italien. Le groupe, appelé Guy Môquet, était un des détachements du maquis FTP le plus important de toute la région, la 1ère compagnie FTP de Provence qui compta plus d’une centaine d’hommes. Ce maquis, né dans les Maures au printemps 1943, avait glissé en octobre vers le centre du VAR, éclatant en détachements sous les menaces de la répression et les difficultés du ravitaillement. Alors que les principaux groupes étaient situés autour de Saint-Maximin, Guy Môquet constituait une pointe avancée, au cœur du plateau de Siou-Blanc, au sud du village de Signes. Il bénéficiait de complicités dans le village.

 

La place du village de SIGNES.

 

Siou-Blanc, est un nom d’origine provençale, signifiant cimes blanches. En effet dans ces vastes étendues désertes, le calcaire blanc des cimes dénudées, alterne avec une végétation dense, impénétrable de chênes kermès et de garrigue. Dans une cuvette, à 679 mètres d’altitude, se trouvait le domaine de la LimatTe, avec sa ferme isolée, cernée par les bois. Ce domaine est entouré par 5 collines appelées Têtes : au nord-ouest, la Tête de la Paillette à 761 mètres, à l’ouest, la Tête de la Commune à 800 mètres, au nord, la grosse Tête à 793 mètres, à l’est la barre de l’Eoure de 734 mètres, au sud la colle de Fède avec sa borne à 825 mètres.

 


Le village de SIGNES et le plateau de SIOU-BLANC

Le 24 novembre 1943, le Maire de SIGNES, François Bonnefoy,signala aux autorités de VICHY la présence d'étrangers sur le territoire de sa commune. Il leur attribuait de nombreux vols de lapins, de ruches et de poules.Cette lettre attira l’attention de la police qui vint enquêter. Le rapport daté du 15 décembre 1943 ne signalait pas de vol, mais confirmait la présence d’un groupe de réfractaires qui avait établi un camp dans les bois. Il notait également que le groupe jouissait de la connivence de la population qui restait obstinément muette.

Des lettres anonymes parvinrent aux autorités préfectorales de DRAGUIGNAN. Le 21 décembre 1943, le préfet Jacques Feschotte, fervent de Laval, partisan de la révolution nationale, très hostile au gaullisme et à la résistance qui s’efforçait d’appliquer avec zèle les grandes orientations du régime de VICHY, écrivit au commandant de gendarmerie pour lui signaler la présence du groupe de réfractaires. La présence des maquisards était connue par tous, la population, le Maire, les Gendarmes, mais surtout le Préfet. Les maquisards n’étaient pas discrets, certains fréquentaient même les bals populaires qui étaient interdits.

Les Allemands prévenus, se préparèrent à mener une action sur le plateau deSiou-Blanc.

Le dimanche 2 janvier 1944, au petit matin, environ 75 Allemands qui avaient été logés au Moulin du GAPEAU, après être parvenus en haut du plateau de SIOU-BLANC, se divisèrent en 2 groupes. Le premier se dirigea vers le nord-ouest en longeant la ligne de crête sous la barre de l’EOURE, puis la Grosse TÊTE. Le second passa sous la Colle de FEDE, sous la Tête du Clos de Bois et la tête de la Commune. Les soldats longèrent la ligne de crête au sud du domaine de LIMATTE vers le chemin d’accès à la ferme. Au cours de leur progression, ils interceptèrent 2 maquisards Alexandre STRAMBIO et Lucien HENON, de retour de mission. Tous deux furent déportés.

 

La ferme de la LIMATTE à SIGNES.

 

A 9 heures le domaine de LIMATTE était entièrement encerclé par 75 soldats qui n’étaient pas WAFFEN SS, comme on l’a dit après la guerre, mais l’Armée Allemande accompagnée d’auxiliaires français, miliciens de VICHY, éléments de la 8ème Brandebourg, composée de jeunes français, spécialisés dans l’infiltration des maquis et leur répression. Certains opéraient en civil et se faisaient passer pour réfractaires, d’autres agissaient sous uniforme allemand.

 

La fusillade débuta à 9 heures 30 et dura une heure environ. Les 11 résistants FTP qui se cachaient dans la ferme tirèrent jusqu’à épuisement de leurs munitions, puis brisèrent les crosses de leurs armes. Deux maquisards réussirent à s’échapper. Les résistants locaux recueillirent, dans l’après-midi, les deux rescapés. On apprit par eux, ce qui s’était passé : les maquisards faits prisonniers avaient été obligés de creuser la fosse où on allait les fusiller. Les 9 maquisards qui se trouvaient dans la ferme furent fait prisonniers. Le berger Ambroise HONNORAT qui avait tenté de prévenir les maquisards, fut également arrêté. Sans ménagements, tous furent roués de coups et conduit au milieu du domaine. Les 9 résistants et le berger furent fusillés à bout portant et criblés de balles. Ils eurent les oreilles coupées, les ongles arrachés, les testicules tranchés, avant d’être abattus

 

Les fusillés de la LIMATTE étaient :

 

ALPHONSO (Italien) ;

Paul BATTAGLIA ;

Joseph GIANNA ;

Ambroise HONNORAT ;

Amédée HUON ;

Jean LAFUN ;

Jean PERRUCA ;

Pierre VALCELLI ;

Serge VENTURUCCI ;

INCONNU (Italien)

 

Les deux FTP qui avaient pu fuir, furent repris et fusillés le lendemain à TOULON.

La réprobation fut immédiate dans l’ensemble de la population. Les enterrements qui eurent lieu à Signes, au Luc et à Salernes, regroupèrent des milliers de personnes. Certains jusque-là considérés comme hostiles montraient en y venant qu’ils participaient à l’unité patriotique qui se reconstituait derrière la Résistance. Jamais ces communes n’avaient connu de semblables cortèges. S’il y avait eu des exécutions massives d’otages, des rafles et des meurtres dans certaines villes, des attaques de maquis qui s’étaient soldées par des arrestations, il n’y avait pas encore eu de massacres de maquisards, non seulement en Provence, mais aussi ailleurs. Le massacre de Signes fut l’un des premiers du genre. Maurice SCHUMANN dans son émission de la BBC fit référence au fusillés de la LIMATTE, au printemps 1944.

Chaque année une cérémonie rend hommage aux 10 maquisards assassinés par les nazis à la ferme de La Limatte, près de Signes dans le Var, le 2 janvier 1944. La cérémonie se déroule selon un protocole quasi-immuable : rassemblement et dépôts de gerbes au pied de la stèle où sont gravés les noms des martyrs et celui du berger venu les prévenir de l’arrivée des Allemands ; défilé dans les rues du village ; nouveaux dépôts de gerbes au monument aux morts ; recueillement dans le cimetière devant la tombe des Résistants ; enfin, discours et vin d’honneur dans une salle municipale.

 

Stèle des fusillés de la ferme de la LIMATTE à SIGNES.

 

On vient là comme en pèlerinage, par solidarité, dans l’émotion, comme si le souvenir de ces humbles que presque personne parmi ceux qui viennent à Signes désormais n’a connu et du tragique de leur mort ne relève pas seulement du devoir de mémoire, mais aussi du droit à l’espérance qui, veut, en dépit de tout, continuer à croire en l’homme.



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