Nicole RAMBURE née JOUBERT
23.10.1920 - 07.02.2019
Militante communiste, Résistante, Déportée à Ravensbrück (matr : 39105) et Zwodau
(matr 51570)
Texte réalisé à partir du témoignage de Nicole Rambure enregistré le 29 janvier 2005 par Renée Lopez pour la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Les lettres en italique reprennent les paroles du témoin.
A Marseille, quand j’ai rencontré Nicole Rambure à son domicile, elle a raconté avec précision sa résistance et sa déportation en soulignant l’importance de la fraternité. Trois périodes rythment son récit : sa résistance au nom d’un idéal antifasciste et du refus de la défaite, sa lutte pour survivre pendant sa déportation, et son retour en France où il a fallu réintégrer une vie civile.
Les références à la solidarité et à la chance sont des maitre-mots de son témoignage vigoureux et souvent optimiste malgré le drame du contexte.
Un environnement familial déterminant
Nicole est née à Thiers le 26 octobre 1920, d’un père médecin et d’une mère infirmière. En 1923, la naissance de son frère Alain complète la famille.
Ses parents, Camille Joubert né à Thiers en 1873 et Lydia Kahlé née en Russie en 1884 (déjà veuve de guerre) se sont connus dans les tranchées de la première guerre mondiale. A leur retour, ils haïssent la guerre et souhaitent qu’elle soit la dernière. Depuis son plus jeune âge, Nicole vit dans un environnement familial pacifiste et militant doublé d’antifascisme avec la montée des dictatures. Son père, surnommé « le médecin des pauvres » à Thiers, adhère à la SFIO en 1920. Il appartient à la Loge maçonnique du Grand Orient de France, est inscrit aux « Amis de l’union soviétique » et est élu avec succès en 1935, au conseil municipal de Thiers de tendance socialiste. Sa mère est membre du « Secours rouge », fondatrice du groupement des « Amis de l’URSS » et adhérente au « Comité Mondiale des femmes ». Nicole suit ses parents. A treize ans, elle manifeste contre les ligues en février 1934, en 1936 elle participe au soutien de la cause des Républicains espagnols en lutte contre Franco, en 1937 elle adhère à l’union des étudiants communistes puis en 1938, à l’Union des jeunes Filles de France. Enfin, depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la famille accueille des réfugiés juifs allemands en danger.
« Parallèlement à la Guerre d’Espagne, la montée du fascisme et l’installation d’Hitler en Allemagne faisaient l’objet de beaucoup de discussions dans la famille. En plus nous étions une famille de passage pour des réfugiés juifs allemands et je me rappelle avoir partagé le repas du soir avec des jeunes, des femmes, des couples allemands à qui on cherchait des hébergements et du travail. Après la défaite des Républicains, la municipalité socialiste de Thiers a reçu un nombre important de réfugiés. J’étais donc une enfant puis une jeune fille avertie de la chose politique, participant activement au militantisme antifasciste et pacifiste ».
Résistance précoce en Zone libre et internement
« Quand la guerre de 39/40 a éclaté ça n’a pas été pour nous une surprise extraordinaire. A cette époque, je préparais mon bac et il m’a semblé absolument impensable d’accepter l’occupation allemande. Je me suis engagée très vite, dès la rentrée universitaire de 1940 dans les « Etudiants Patriotes » à la faculté des Sciences de Clermont Ferrand ».
L’activité devenant trop visible, la police a commencé à enquêter. J’ai été l’une des premières visées parce que j’étais connue comme une étudiante militante. J’ai été arrêtée le 28 novembre 1940. Inculpée au titre « d’individu dangereux pour la sécurité de l’Etat et d’actes de propagande » je suis condamnée à deux ans de prison à Clermont Ferrand.
Entre temps, ma mère avait été arrêtée le 30 octobre «en tant qu’étrangère et individu dangereux à la sécurité de l’Etat parce que d’origine russe ».Pourtant elle était veuve de guerre d’un mari français, remariée à un Français et avait servi la France pendant toute la guerre ! Elle est internée le 23 novembre 1940 au « centre de Séjour » de Rieucros puis au camp de Brens dans le Tarn d’où elle est libérée le 6 juillet 1942 pour être est assignée à résidence à Joze avec mon père. Il est vrai qu’entre temps, l’URSS avait été attaquée par Hitler. Libérée le 30 novembre 1942, j’ai rejoint mes parents (âgés de 60 et 70 ans à Joze). Après quelques jours, un gendarme résistant m’a prévenue, ainsi que le curé du village de Maringues, que j’allais être internée. Je dois partir et je suis accueillie à St Etienne par des amis sûrs appartenant au FTPF (bras armé du FN). Dans ce groupe, l’essentiel de mon travail a consisté à former le premier maquis de la Haute Loire à Chambon le Château. Puis, le décret du STO a offert l’opportunité de recruter des jeunes .Ce n’était pas un travail facile parce qu’il se faisait au grand jour. J’ai une reconnaissance terrible à l’égard du peuple de St Etienne qui ne nous a jamais dénoncées. C’est quand même quelque chose ! Ça prouve une solidarité de la population. On a donc formé ce premier maquis comme çà, en recrutant. J’étais agent de liaison, ma base était St Etienne où je partageais un appartement avec Suzanne CAGE et Antonine PLANCHE. On a été suivies par la police. Nous avons été arrêtées le 23 mai 1943. Un policier, plutôt sympa, nous a dit que l’on avait remarqué des mouvements bizarres dans la rue où nous habitions.
Nous avons été condamnées par le tribunal de guerre de la cour de Lyon le 6 octobre 1943 à 4 années de prison dans les prisons de Bellevue à St Etienne, de St Joseph à Lyon puis à Châlons-sur-Marne. En prison, on avait organisé des cours. Je donnais des cours de sciences naturelles. J’y ai contracté une primo infection que j’ai guérie. Je me suis donc vaccinée et je n’ai pas attrapé la tuberculose en Allemagne ».
Libérée mais livrée aux Allemands
« Le premier mai 1944, nous sommes libérées par Pétain. Le matin, les gardiennes sont venues nous annoncer qu’en raison du 1er mai, nous avions bénéficié d’une grâce de Pétain et qu’il fallait préparer nos affaires. La porte s’est ouverte sur les cars allemands qui venaient nous chercher pour nous transporter au Fort de Romainville en attente de déportation. Nous sommes parties de la gare de Pantin le 13 mai 1944, dans le groupe des 38/39 000 ».
La déportation : la solidarité pour survivre
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Nous étions une centaine par wagon, quand les unes étaient assises, les autres étaient debout . une bassine pour les besoin. La Croix Rouge nous avait distribué à la gare de Pantin des colis de nourriture : pain d’épice, confiture, pâtes de fruit, sardines, mais pas à boire. Par bonheur le deuxième jour, il a commencé à pleuvoir. En coupant les fils de fer barbelés qui barraient la petite lucarne, on arrivait à passer la main avec un quart pour récolter la pluie et la boire, mais c’était long, presqu’une journée je pense. Transport terrible, la soif, la promiscuité, la tinette qui se renversait. Des filles ont eu des réactions violentes qu’il a fallu maitriser, parce que tout le monde ne réagit pas de la même façon. Toutes les déportées n’étaient pas des résistantes. Certaines avaient été arrêtées pour cause de prostitution ou de marché noir. Elles ont résisté avec nous en se solidarisant et en participant à certaines activités : faire sortir des lettres clandestines, pas dénoncer la fille qui …, aider au sabotage de ceci ou cela.
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L’arrivée au camp était quelque chose de très éprouvant. En pleine nuit. Affaiblies par le voyage, mortes de soif dominant la faim, recroquevillées 3 jours et 4 nuits ! Il fallait sauter du wagon sur le remblai. Ça faisait un mètre de hauteur. Il y en avait beaucoup qui tombaient et qui étaient reçues par les coups de crosse des soldats allemands qui bordaient l’allée de part et d’autre et cela au milieu de hurlements, de vociférations, d’injures et des aboiements des chiens. C’était la réception, ce qui veut dire que l’on était tout de suite dans l’ambiance.
A notre arrivée la solidarité a été immédiate. Nous étions encore rangées dans une allée devant les douches que nous savions déjà tout ce qu’il fallait faire ou pas faire. Il y avait des contacts avec les détenues qui travaillaient dans le camp. Marie Claude Vaillant Couturier venait dans notre baraque de 40aine pour connaître les malades, pour les aider. Quand M C V C est entrée dans notre baraque, nous étions 800. J’avais 40° de fièvre. Elle avait 10 ou 12 cachets dans sa poche.
Je suis restée au camp de Ravensbrück pendant les 3 semaines de quarantaine . J’ai eu trois angines en trois semaines. Je ne supportais pas les marécages. Nous avons été triées, les plus jeunes pour le camp de travail de Zwodau dans le territoire des Sudètes à 800 m d’altitude. L’hiver y était froid et les baraques sans chauffage, mais l’air était plus sain. Pour moi c’était une chance. Pour échapper à notre environnement, il fallait savoir regarder un coucher de soleil et admirer les magnifiques forêts de sapins de Zwodau. Etre au milieu d’une forêt de sapins, c’est autre chose que d’être dans le brouillard de Ravensbrück. Je crois que ça a contribué à l’état de santé relativement bon de notre camp à La Libération.
On a été transportées de Ravensbrück à Zwodau en train. Moins dur que le premier. On nous emmenait pour travailler. Il fallait quand même nous ménager un peu pour que l’on soit en état de travailler !
On travaillait pour les usines Siemens qui fabriquaient des moteurs d’avion. Personnellement, j’ai eu de la chance d’être, en tant qu’étudiante, placée au service des contrôles car les étudiants - et particulièrement les scientifiques - étaient censés savoir calculer un certain nombre de paramètres pour le contrôle des pièces. C’était une chance car nous travaillions assises à des tables, c’était infiniment moins fatiguant que de travailler debout devant des grosses machines. Voilà !
Nous n’avions pas de moment de répit. Le dimanche jour de repos : lever à 6 h du matin et au lieu d’une heure d’appel, ça pouvait durer 6 heures. Certaines étaient punies pour la corvée de charbon. Avec un pic on cassait le charbon pour remplir des wagonnets avec nos mains à -20° ! On revenait avec les mains complètement gelées ; ce qui est drôle, c’est que nous n’avons jamais eu de gelures. Peut-être grâce à l’activité ? Cela durait jusqu’à 12h. Il fallait pousser les wagonnets.
Il y avait beaucoup de femmes qu’il fallait épauler considérablement parce qu’elles étaient faibles. Les plus fortes essayaient d’être tuteurs des plus faibles… la solidarité a fait que nous sommes revenues vivantes. Il y avait Claudine Fourel que je n’ai jamais quittée, mais elle ne se rappelle pas.
Nous avions une discipline rigoureuse pour l’hygiène. Nous avions la chance d’avoir des lavabos où l’eau coulait tout le temps, mais elle était glaciale. On s’était obligé à se lever tous les matins pour aller au lavabo œ heure avant le lever du camp à 3h30. Pas de savon, mais une espèce de poudre que l’on ramenait du Betrieb (atelier ou travail). On se lavait de la tête aux pieds, nues comme des vers devant le lavabo avec les cuvettes dans lesquelles nous mangions notre soupe. Nous nous aspergions de cette eau glacée. On s’essuyait avec un chiffon qu’on nous donnait pour essuyer les pièces et qu’on avait « organisé» (subtilisé) à l’usine. On faisait çà tous les matins, je pense que çà m’a vraiment aidée.
Le médecin qui m’examinait deux jours après mon arrivée, m’a dit : ah, mais vous n’êtes pas en si mauvais état ! Comparée à certaines autres, je n’avais pas de plaie, je ne pleurais pas, je ne crachais pas le sang, j’étais en relativement bon état. Je pesais 40 kg, c’est vrai, ce n’est pas gros, mais ce n’est pas squelettique pour ma taille et je n’avais contracté aucune maladie grave. Mon amie, Marie Thérèse Lefébvre est revenue avec une tuberculose pulmonaire, puis intestinale, puis génitale. Pourtant, elle était à côté de moi dans le même lit, au camp, au travail. On a subi le même traitement. C’est la sélection naturelle, on ne réagit pas de la même façon. Je pense que j’étais solide, j’avais une excellente santé. Quand vous mourez de faim et de froid, l’infection tuberculeuse est presqu’assurée. J’avais guéri ma primo infection en prison à Clermont Ferrand, donc je m’étais vaccinée.
La mortalité a été importante en fin de séjour quand les Tziganes sont arrivées . Elles ont communiqué le typhus parmi elles et quelques unes d’entre nous. Quand elles étaient très malades, on les renvoyait à Ravensbrück. On les gardait quand elles étaient exploitables. Sinon, il y avait une infirmerie sans médicament.Puis, on a reçu des convois de Tziganes dans un tel état ! Quand les trains arrivaient on allait les décharger. Dans certains wagons on trouvait 2 ou 3 survivantes. Je ne sais pas s’il y en a qui ont pu survivre. A Zwodau, les cadavres n’étaient ni brûlés, ni enterrés. Le dernier mois, Ils étaient entassés le long d’une baraque désaffectée.
Il y a eu des cas de typhus, pas une épidémie. Au moment de la Libération, ce n’était pas le typhus la priorité, mais celle de sauver les mourantes parce qu’elles étaient exténuées. Mon amie Marie Thérèse avait des plaies épouvantables aux jambes qui suppuraient. Ces plaies commençaient par une petite rougeur à un moment donné, d’un coup çà gonflait et puis çà éclatait, çà suppurait et çà ne guérissait plus »
Parler d’entraide « extérieures » c’est beaucoup dire. Il est évident qu’il y avait des sauvages, des comlétement fous qui cognaient, qui n’avaient plus rien d’humain. Quelques manifestations d’humanité ? Je me rappelle d’un Meister (contremaître) qui m’a réveillée parce que je m’étais endormie sur mon appareil quand le commandant arrivait. Une autre fois, il a vu que j’avais un pou. On avait les cheveux enfermés dans un filet, moi j’avais eu la chance de ne pas être rasée. J’avais les cheveux longs et au « Betrieb » il a vu un pou sur mon filet. A midi, il m’a apporté un petit flacon pour tuer mon pou. Etait-ce par prudence pour lui ou par gentillesse pour moi ? Je n’ai pas fait l’examen psychologique de son attitude mais, il n’était pas méchant. Par contre, il y avait quelques SS et quelques contremaitres furieux. Toutes nos gardiennes étaient des SS. Les kapos étaient dans les baraques et partageaient la même vie que nous avec des avantages: une chambre seule, des draps, de la nourriture. Elles étaient bien portantes alors que nous c’était l’inverse. Nous n’avions pas de draps, un lit pour deux, une paillasse. Elles étaient allemandes ou polonaises de droit commun.
A la fin, c’était la désorganisation totale. Les trains allaient où ils pouvaient vers le camp le plus proche.
Nous avions quitté le camp le 28 avril et marché pendant 48 heures dans la neige et nous nous sommes cognées au front russe. Demi-tour, ramenées au camp. Pendant cette marche on a assisté quelques gestes de solidarité de la population. Lors d’une halte dans un village, on a vu une porte s’ouvrir avec un gros saut de lait. Quand le soir est arrivé, on s’est arrêté dans un gros village et j’ai entendu une conversation avec une Aufseherin (surveillante) qui dirigeait notre convoi et un paysan, lui demandant un champ à offrir pour passer la nuit. Sous prétexte qu’on pouvait s’évader, il a proposé une grange avec de la paille. Il était évident qu’il voulait nous éviter de passer une nuit dans la prairie avec la neige. Marche sans manger. Deux, trois jours après notre retour, les Américains (en fait des Canadiens) étaient là. Brusquement, le camp s’est vidé des SS. On en a récupéré quelques uns, mais pas tous.
La finalité du camp de concentration était de nous faire travailler pour la « Grande Allemagne » jusqu’à ce que mort s’en suive. Nous disparaissions les uns et les autres, mais pas dans les mêmes conditions que dans les camps d’extermination qui anéantissaient. Pour nous, c’était l’épuisement, pour eux c’était immédiat. Ce n’est pas imaginable. Il faut avoir un esprit tordu et malfaisant pour imaginer une chose pareille. C’est un côté barbare de l’homme qui n’habite pas obligatoirement les individus. Heureusement !
Quand j’ai été libérée, j’ai eu la chance de rentrer rapidement en France car le Préfet le du Puy de Dôme avait organisé une mission militaire destinée à aller chercher les déportés dont il avait les noms et dont il connaissait la présence dans un camp. En effet, quand on est arrivé au camp de Zwodau, en juin 1944, il y avait à sa tête un commandant, un vieux soldat, un brave mec, un brave type, qui nous a donné l’autorisation d’écrire à nos familles. Nous avons toutes écrit. Donc nos familles du Puy de Dôme savaient que nous étions à Zwodau et la Préfecture savait que nous étions à Zwodau et à Holleischen qui était le deuxième Kommando de Ravensbrück dans le territoire des Sudètes. Nous étions proches et nous dépendions du camp de Flossenburg où il y avait le fils François Michelin, ce qui donnait à la Préfecture une raison d’agir rapidement. Ce qui fait que 2 heures après que les Canadiens sont arrivés, la mission militaire clermontoise est arrivée pour rapatrier en France les cinq résistantes de notre groupe qui étaient encore toutes vivantes et Jean François Michelin qui était déjà libéré.
Retour à la vie civile
Au retour, il y a eu beaucoup de sympathie autour de moi. Tous heureux de nous revoir mais j’ai le souvenir d’une blessure. Quand je suis allée à Thiers pour les obsèques officielles de mon père qui avait été enterré dans sa ville de résidence à Chabeuf sous un faux nom, je suis restée pendant trois jours. J’ai rencontré mon professeur d’allemand du collège qui était un collaborateur d’Hitler. Il est venu vers moi et la seule chose qu’il a trouvée à me dire, c’est « ma pauvre fille » ! Je ne sais pas ce que je lui aurais fait. Ma pauvre fille ! C’est la seule manifestation de pitié que j’ai eue. Autrement, j’ai eu des manifestations de sympathie, de compassion, de gentillesse, d’amitié, de compagnonnage des gens qui n’avaient pas été déportés que je retrouvais, des gens que je ne connaissais pas et qui avaient pour les déportés une espèce de respect profond. Alors quand vous avez vécu ce que vous avez vécu, que vous savez ce que ça représentait comme volonté de résister et qu’on vous dit : « ma pauvre fille » c’est affreusement blessant.
J’aurais dû reprendre mes études pour me destiner à la médecine, mais j’ai repris mon travail de militante à mon corps défendant. Depuis le décès de mon père, ma mère n’avait aucune ressource mais elle était propriétaire de sa maison, ce qui m’a interdit d’avoir de bourse ! Il aurait fallu vendre la maison. C’était le seul bien de ma mère, je n’allais pas lui demander de la vendre pour moi avoir une bourse. J’ai donc envisagé des études d’intendante d’usine (équivalent d’assistante sociale en usine). C’était un métier intéressant. Alors que j’étais inscrite à cette école, mes camarades de combat de la Résistance, mon dit : tu es un soldat, tu ne peux pas déserter comme çà, on a besoin de toi, tes études, il n’en est pas question. Et moi, j’ai obéi au désespoir de ma mère. Vous savez quand on a vécu cinq ans comme clandestin, puis prisonnier, puis déporté, on a toujours eu une vie marginale, une vie de soldat dans des conditions difficiles et quand on vous dit : tu es un soldat, on a besoin de toi, on a acquit une mentalité d’obéissance. Alors, j’y suis allée et je me suis mariée très vite, trois 3 mois après mon retour et mon fils Philippe, est né en octobre 1946.
Après, j’ai travaillé. J’avais quand même un baccalauréat. A l’époque, ça valait quelque chose. Ça m’a ouvert la porte d’un secrétariat médical et j’ai réussi à avoir un travail intelligent et agréable sans vraiment faire des études.
Ce qui a été difficile, c’était le regard des autres et le sentiment d’être de trop. Ce serait trop cruel à l’égard de la société mais on avait l’impression qu’on n’était pas attendu, qu’on n’était pas à notre place. La France était libre depuis un an, la société s’était réorganisée, la France redémarrait petit à petit, l’économie reprenait son activité. Tout le monde reprenait sa place, ses marques. Quand nous sommes arrivés, cette installation était faite et nous étions, même si personne ne voulait l’avouer, nous étions extrêmement dérangeants. Parce qu’au moment où la France se rebâtissait que faisions-nous dans ces camps ? Quelques uns comprenaient, mais très souvent on ne se sentait pas à notre place.
Avec le recul, je disais toujours « si on avait pu rouvrir un petit camp bien confortable où on aurait travaillé, mais entre nous ça nous aurait aidé. C’est un peu comme la solidarité des Poilus de la Guerre 14/18, il y a des liens indissolubles ».
Mise en forme du texte d’après le témoignage de Nicole Rambure du 29 janvier 2005
Renée Lopez-Théry. AFMD titre AFMD DT 13
Alain Joubert est deux ans plus jeune que sa sœur Nicole. A peine âgé de vingt ans, il quitte le lycée pour rejoindre le maquis FTPF de Haute Loire dès janvier 1943. Arrêté par la milice en février 1944, emprisonné notamment à Riom, il est transféré à Compiègne d’où il est déporté à Dachau par « le train de la mort » le 2 juillet 1944 où il devient le n° 77872. Affecté aux Kommando de Neckargerach puis de Neckarelz, il frôle la mort par épuisement. Miraculeusement sauvé, il subit des expériences pour la recherche médicale ! Il rentre en France où il retrouve sa mère et sa sœur en mai 1945 après la libération du camp de Dachau
Les déportées du convoi I 212 du Livre Mémorial de la FMD) citées dans le texte :
Ce convoi regroupe 567 femmes dont 428 reviendront. Elles sont parties t de Paris, par la gare de l’Est le 13 mai 1944. Après cinq jours de voyage, le transport arrive le 18 mai à la gare de Fürstenberg, proche de Ravensbrück.
Sont citées dans le texte :
Georgette CADRAS Matr 36078 née à Calais le 20.09.1912, institutrice .
Suzanne CAGE : 39079 née29/12/1911 à Armentières (Nord). Zwodau. lib 07/05/45 à Chemnitz.
Lucie-Claudine COCHET épouse DUCHASSIN puis FOUREL : 38840 à Ravensbrück, 51488 à Zwodau. Née à Puteaux le 19/12/1919. S’évade lors des marches de la mort.
Brigitte FRIANG, Matr 39059, née le 23.01.1924 à Paris, journaliste.
Marie Thérèse LEFEBVRE/FAINSTEIN , Matr 39114, née le 13.03.1921au Havre, institutrice en Normandie
Antonine PLANCHE : 39123 née le 18/06/1913 à Ris (63) Zwodau.
Hélène MELOCHOWITZ, Matr 39198, née le 03.11.1917 à Paris