Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

LA RESISTANCE A MARSEILLE ET ZONE SUD
06-11-2017

 MARSEILLE VILLE REFUGE

À partir de l'été 1940, à Marseille et dans l'ensemble du département, se réfugient dans un immense mouvement de repli vers le sud, une ultime étape, les premiers Français fuyant l'occupation de la zone Nord, mais également et surtout de nombreux étran­gers qui s'ajoutent à ceux résidant dans la région, déjà très nombreux avant la guerre. La ville et le département deviennent à partir de ce moment-là une zone refuge.

Marseille devient une terre d'asile, un espace privilégié pour les écrivains, les artistes, les intellectuels réfugiés de la capitale ou de l'Europe entière. Cette présence conjointe d'étrangers en "transit", qu'ils soient en liber­té ou semi-liberté à Aix ou à Marseille dans l'attente de papiers pour un embarquement outre-mer, qu'ils soient enfermés au camp des Milles ou bien enrégimentés dans des Groupements de Travailleurs Étrangers, s'ajoutant aux Français réfugiés à des titres divers, crée les conditions d'une résistance plus précoce qu'ailleurs: les activités de secours et d'aide aux réfugiés sont pour certains le premier pas vers un engagement plus direct. L'embarquement à Marseille permet de fuir les persécutions, il permet également de fuir pour continuer le combat.

Bon nombre de ces réfugiés, opposants à Hitler, bénéficient de la "filière marseillaise" montée par le comité Américain de Secours de Varian Fry, envoyé d'Eléanor Roosevelt, qui avant d'être expulsé en août 194 I a permis à 1200 intellectuels de s'échapper. Par ailleurs des filières se constituent vers Londres pour venir en aide aux militaires étrangers pris au piège de l'armistice, que ce soit les Polonais clandestins dont l'organisation préfigure le réseau F2 ou les Tchécoslovaques (Comité de soutien aux Tchécoslovaques de Marseille). D'autres filières se préoccupent des militaires britanniques clandestins ou en liberté surveillée, des aviateurs français acheminés vers l'Angleterre.

Cependant, l'opinion publique de la population autochtone est, pendant les premiers mois, de sentiment maréchaliste ; le voyage du Maréchal Pétain en décembre 1940 est un triomphe. Les opposants déclarés sont très minoritaires, tel Félix Gouin qui le 15 juillet 1940 explique dans une "Lettre aux maires et conseillers généraux des Bouches-du-Rhône" son vote hostile à l'attribution des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain :

"Si la nuit affreuse dans laquelle nous sommes doit s'éclairer un jour d'une aube de Libération et de la victoire, c'est du côté de l'Angleterre qu'elle nous viendra. Ce n'est ni du côté italien ni du côté allemand que peut venir notre salut. Nous n'avons plus dans le monde que deux nations sur lesquelles nous pouvons compter : l'Amérique et la Grande-Bretagne."

NAISSANCE DE LA RÉSISTANCE 1940-1941

Par-delà le "maréchalisme", le refus commence cependant à s'exprimer: lors du voyage du Maréchal Pétain à Marseille, les observateurs policiers notent — malgré l'admiration pour le "vainqueur de Verdun" — un refus affiché de la politique de collaboration. L'écoute de Radio-Londres est signalée dans de nombreux rapports de police. En même temps commencent à circuler les premiers écrits: entre autres La Lettre du Général Cochet, ou La Voix du Vatican, œuvre d'une chaîne de "résistance spirituelle", organisée à partir de l'écoute et de la retransmission ronéotypée puis de la publication imprimée des émissions en français de Radio-Vatican. Les Cahiers du Témoignage Chrétien, lors de leur parution en novembre 1941, utiliseront le circuit ainsi constitué ; cette nouvelle publication prolongera le combat de La Voix du Vatican tout en contribuant à sa disparition ainsi que le montre Renée Bédarida.

Parallèlement s'organisent les futurs mouvements de la Résistance, tout d'abord, le MLN (Mouvement de Libération Nationale) d'Henri Frenay, fondé à Marseille, qui regroupe des militaires, des membres d'organisations d'aide aux réfugiés, des militants socialistes. Marseille est également un point d'appui important du mouvement Liberté fondé à l'automne 1940 par les démocrates-chrétiens Pierre-Henri Teitgen et François de Menthon ; leur journal est imprimé à Marseille à partir de janvier 1941, le tirage atteint 45 000 exemplaires.

Quant à la question, essentielle, des rapports entre cette Résistance d'une part et les forces politiques et les syndicats bannis par Vichy de la vie politique d'autre part, elle est complexe. Des militants du parti socialiste tentent de se regrouper ; c'est en particulier le cas de Félix Gouin, opposant du 10 juillet. Il réunit régulièrement dès l'automne 1940 un noyau de militants parmi lesquels J.-F. Leca, Malacrida, Manicacci, Carcassonne, Trompette, Defferre. Des élus socialistes le soutiennent mais les réticences sont nombreuses ; Félix Gouin convient lui-même "de la frayeur de certains camarades et du scepticisme du plus grand nombre". L'organisation qui se reconstruit, très minoritaire, ne rassemble, selon Gaston Defferre que 50 militants sur 2 000 avant-guerre. Le contact avec Léon Blum est assuré par Daniel Mayer qui crée à Nîmes le 30 mars 1941 le bureau du "Comité d'Action Socialiste" avec Félix Gouin, Suzanne Buisson, Lucien Hussel.

Les communistes sont dans une situation très différente : interdits depuis 1939 à la suite du pacte germano-soviétique, le parti communiste est en butte aux coups redoublés que lui porte la police ; ses militants sont souvent dans un grand désarroi, précisément à cause de la signature du pacte. À partir de l'été 1940, les arrestations massives démantèlent l'appareil. La direction nationale envoie à Marseille des cadres de haut niveau : d'abord Gaston Monmousseau puis Raymond Barbé (pseudo Laffaurie) ; celui-ci commence à remettre en ordre de bataille une organisation qui reste la cible principale de toutes les polices et dont les militants sont férocement pourchassés. Il est arrêté en octobre 1940. La propagande, qui s'intensifie préoccupe beaucoup les autorités: elle dénonce en priorité Vichy, la répression anti-communiste, la misère du peuple et aussi l'antisémitisme. La guerre entre l'Allemagne et l'Angleterre est présentée, au début, comme une guerre "inter-impérialiste". La méfiance est affichée à l'égard du général de Gaulle qui n'est perçu que comme une création britannique ; le slogan "ni soldat de Berlin, ni soldat de Londres" est souvent repris. Il faut noter que des contacts ont été pris, selon toute vraisemblance, dès avril 1941 par Georges Marrane pour constituer le Front National en zone Sud. Enfin, et c'est très important pour l'avenir, il y a à Marseille de nombreux communistes étrangers: la direction du Parti Espagnol s'y est repliée puis la direction du Parti Italien ainsi que des militants de toutes nationalités, regroupés autour de la MOI (Main d'Œuvre Immigrée) ; ils joueront un rôle décisif dans la lutte armée à Marseille.

 

L'action de la Résistance sur l'opinion est lente à ses débuts, nous l'avons dit ; une évolution sensible commence en 1941 : une première manifestation de rue exprime l'hostilité envers les Allemands: les 28 et 29 mars 1941, une foule nombreuse dépose des fleurs sur la plaque de la Canebière et devant le monument de la Préfecture à la mémoire du roi Alexandre er de Yougoslavie.

À La Fin De l'année 1941, la Résistance dans la région marseillaise entre dans une nouvelle phase ; en se structurant, se coordonnant, elle déplace son centre de gravité vers Lyon qui devient après Marseille la "Capitale de la Résistance".

 

LE TOURNANT DE 1942

À partir de 1942, au temps du "chacun dans son coin" (Jean-Pierre Azéma), succède le temps de la structuration puis de l'unifi­cation et de l'action armée. Cette nouvelle donne est rendue possible par l'accélération de la guerre, sa mondialisation et par la "prise de camp" qui en résulte. Désormais, l'illusion de l'autonomie de Vichy disparait L'opinion publique prend conscience au fur et à mesure que les événements se succèdent que Vichy est dans le camp de l'Allemagne nazie et que cette Allemagne ne peut plus gagner la guerre.

Que Vichy est du côté de l'Allemagne, l'opinion publique en perçoit les premiers signes évidents lorsque Pierre Laval revient au pouvoir en avril 1942. Au changement de personnel politique en France corres­pond dans les sphères dirigeantes alleman­des l'émergence d'un appareil SS renforcé et structuré qui prend le pas sur l'administra­tion militaire. Laval subordonne l'ensemble de sa politique à une stratégie planétaire qui repose sur la conviction que l'Allemagne gagnera la guerre et du reste, qu'elle doit la gagner ; c'est le fameux discours de juin 1942: "Je souhaite la victoire de l'Allemagne car sans elle le bolchevisme s'installerait par­tout en Europe."

La collaboration policière avec les nazis s'inscrit dans cette stratégie: Heydrich accompagné de Oberg le nouveau chef de la police allemande et de la SS en France rencontre en mai 1942 Bousquet, le secrétaire général à la police. A ce moment-là sont arrêtés les principes de la collaboration entre les deux polices — en particulier pour ce qui est de la mise en œuvre de la "solution finale".

Le refus de cette politique par l'opinion, sensible dès le printemps, éclate le 14 juillet 1942: à l'appel de la radio de Londres, plusieurs milliers de manifestants descendent dans les rues et convergent vers la Canebière ; la manifestation se porte devant le siège du PPF, rue Pavillon ; des coups de feu sont tirés dans la foule, faisant deux morts ; l'émotion est considérable.

Au mois d'aout 1942, la déportation des Juifs étrangers à partir du camp des Milles, organisée par les seules autorités françaises — nous sommes encore en "zone Libre" — et faisant suite à la rafle du Vélodrome d'Hiver à Paris les 16 et 17 juillet, provoque un véritable retournement de l'opinion, ainsi que le notent les rapports de police:

"On fait bloc pour réprouver cet excès d'antisémitisme aveugle et cruel. On se doute des prétentions du Reich vis-à-vis de la race Juive ; on comprend mal la soumission du gouvernement à de pareilles exigences.... Pour cette raison, les lettres pastorales des évêques rencontrent une faveur unanime dans tous les milieux...."

Ainsi, l'attitude des Eglises prive-t-elle le régime d'une respectabilité qui lui fait désormais défaut.

 

UNIFICATION DE LA RÉSISTANCE 1942-1943

L'invasion de la zone Sud en novembre 1942et l'intervention directe des Allemands puis les événements de janvier 1943, achèvent de faire basculer la guerre dans une nouvelle phase. En l'espace de quinze jours, à partir du 22 janvier 1943, les forces de police allemandes, appuyées par les forces françaises, procèdent à l'évacuation massive des quartiers du port (plus de 20 000 expulsés), à la déportation des "indésirables" (2000 personnes environ, essentielle­ment des Juifs, déportés et exterminés au camp de Sobibor), à la destruction du quartier. C'est la plus grande catastrophe de l'histoire marseillaise depuis la peste de 1720.

Ainsi en l'espace de quelques mois, la ville et le département, de zone refuge, sont devenus une nasse. Le terrain, la nature du combat ont changé pour la Résistance. Une Résistance dont les différentes composantes se rassemblent de manière décisive: en janvier 1943 les trois mouvements de zone Sud : Combat (issu du MLN et de Liberté), Libération et Franc-Tireur deviennent les Mouvements Unis de la Résistance (MUR). Quant au parti communiste, qui relance la dynamique du Front National fin 1942,  il modifie sa position à l'égard du général de Gaulle (voyage de Fernand Grenier à Londres en janvier 1943).

Jean Moulin est l'inspirateur et l'organisateur de cette unification. Il est parachuté près de Saint-Rémy de Provence dans la nuit du I er au 2 janvier 1942 avec le titre de "Représentant personnel du général de Gaulle et délégué du Comité National"; sa mission est vaste: au-delà de l'union des mouvements, il jette les bases de l'Armée secrète issue de ces mouvements et met en place une instance représentative de l'ensemble de la France combattante fédérant mouvements, centrales syndicales et partis politiques: le Conseil National de la Résistance (CNR) fondé le 27 mai 1943 à Paris.

LA RÉSISTANCE EN ORDRE DE BATAILLE

Au-delà des divergences, des désaccords, les résistances deviennent la Résistance ; le CNR, œuvre de Jean Moulin y a contribué de manière décisive. En 1943,  dans notre région, la Résistance unifiée vise plusieurs objectifs:

La lutte contre le STO (Service du Travail Obligatoire) et contre le départ en Allemagne Elle a pour corollaire l'organisation d'une puissante résistance syndicale dans les entreprises à l'initiative de la CGT clandestine ; plus tard, les milices patriotiques, fortement implantées dans les usines constitueront un élément fort de l'Insurrection Nationale.

La Résistance civile

Elle est le fait de chacun des mouvements de résistance qui, s'appuyant sur un ensemble de réseaux, confessionnels ou laiques, œuvrent très efficacement, entre autres, pour le sauvetage des Juifs. Les différences idéologiques s'effacent bien souvent devant l'intérêt commun, comme par exemple pour la filière qui conduit les Juifs de Marseille au Chambon sur Lignon (Réseau André).

L'action armée de la Résistance s'organise dans notre région autour de trois pôles principaux:

L'Armée secrète

Organisme militaire issu en grande partie des MUR (Mouvements Unis de la Résistance) a sous sa responsabilité les maquis les plus importants ; son chef régional est Max Juvénal, futur Président du Comité Départemental clandestin de Libération des Bouches-du-Rhône.

Les effectifs revendiqués par les MUR au début de 1944 sont de 26 000 hommes pour la région, 4 000 pour les Bouches-du-Rhône, mais, combien d'entre eux sont-ils véritablement armés?

Les maquis dépendant de I'ORA

(Organisation de Résistance de l'Armée) Organisés plus tard, ils rejoindront l'Armée secrète ; ils sont encadrés par des militaires et recrutent dans des milieux divers, des militants socialistes comme le futur président Philibert y exercent des responsabilités locales.

Les FTPF

Organe militaire du Front National, implantés en particulier dans le pays d'Aix mais en moins grand nombre que les MUR, ils sont en revanche très puissamment organisés dans les zones urbaines, industrielles.

Les FTP-MOI (Francs-tireurs et Partisans) représentent l'élément le plus combattif ; aguerris par l'expérience de la clandestinité, ils sont à l'origine de très nombreux attentats contre les Allemands à Marseille depuis la fin 1942.

 

Les FTP-MOI et les Groupes Francs des MUR, peuvent revendiquer à eux seuls, à partir de l'automne 1943 la plupart des, attentats commis dans la région marseillaise contre les forces allemandes ou contre les collaborateurs. Ces actions, dont l'intensité va augmentant, ne peuvent être ignorées des autorités d'occupation.

 

À Marseille, les services régionaux de la police allemande (S.D.), appelés couramment Gestapo, sont dirigés par Rolf Mühler, mais la véritable cheville ouvrière de la lutte contre la Résistance est Dunker dit Delage, qui, grâce à ses relations dans les milieux les plus divers et avec l'appui des officines collaborationnistes (PPF), infiltre rapidement la Résistance. Son premier coup d'éclat est le démantèlement des MUR régionaux, grâce au retournement d'un agent du mouvement Combat, Multon dit Lunel.

Plus de 120 arrestations suivent. Le chef régional des MUR, Chevance-Bertin arrêté, réussit à s'évader. Mais, ce qui est plus grave, Lunel passé au service de la Gestapo de Lyon (Barbie) est à l'origine de l'arrestation de Jean Moulin à Caluire le 21 juin 1943. D'autres mouvements, l'ORA en particulier sont victimes à leur tour de la Gestapo ; Lecuyer échappe à une arrestation en septembre 1943.

À la veille de la Libération, jamais la Gestapo n'a été si bien informée des faits et gestes de la Résistance. Elle tonnait par ses agents doubles l'ensemble du dispositif de l'Armée secrète.

L'INSURRECTION NATIONALE

L'année 1944, celle de la Libération, est marquée à Marseille comme dans le département par une série d'actions qui se déroulent du printemps à l'automne ; plutôt que d'un événement ponctuel, c'est à une séquence longue que nous avons à faire, dont le dénouement lui-même ne se limite pas aux semaines d'août et de septembre 1944.

Il faut attendre la fin de l'année 1945 pour que s'effacent les pouvoirs de fait nés de la Résistance. Seuls seront relatés ici les événements de cette année 1944. Elle est tout d'abord marquée par l'attente de la Libération, du débarquement et par la mobilisation de la population en vue de cette Libération. Deux faits illustrent ce "basculement" de manière significative:

Les grèves de mars et mai 1944 à Marseille et dans les centres industriels du département. Celle des 25-27 mai, massive, paralyse la ville et une bonne partie du département et s'accompagne le 25 mai d'une manifestation de femmes sur la Canebière et près de la Préfecture. Le bombardement de la ville, par les alliés, le 27 mai, particulièrement meurtrier, interrompt les manifestations.

Le développement des maquis, dont l'organisation en ordre de bataille est mis en forme par Lecuyer, Chef d'état-major des FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) pour la région R2. Comme dans d'autres régions de France, cette mise en activité précoce des maquis, provoque des réactions féroces de la part des autorités d'occupation ; La répression s'étend à d'autres maquis notamment à ceux de Jouques et du Plan d'Aups. Le rapport Catilina (surnom cl-Erick", officier français de l'Armée secrète passé au service de Dunker-Delage auteur du rapport), consigne le détail des opérations des 12 et 13 juin 1944 contre le maquis de Sainte-Le 15 août a lieu le débarquement de Provence sur les plages du Var auquel participe massivement l' Armée du général de Lattre de Tassigny, Les plans initiaux de l'opération "Anvil-Dragoon" prévoient une conquête successive des ports de Toulon et de Marseille les 4 et 20 septembre, au jour J+20, et J+40. Le repli des forces armées allemandes de la I 9ème armée du général Wiese ne laisse qu'une division dans chacun des ports. Le fait se conjugue avec l'avance très rapide des forces françaises ; il impo­se une modification des plans qu'appuient fortement les chefs militaires français, soucieux de ne pas laisser les villes — et tout d'abord Marseille, en état d'insurrec­tion latente — aux mains de l'ennemi ; d'autre part, il faut à tout prix que les armées alliées puissent disposer de ports en eaux profondes pour un approvision­nement du Front. Ainsi le commande­ment français est-il amené à prévoir une attaque rapide et simultanée des deux ports.

Du côté français, c'est le général Goislard de Monsabertqui est chargé de l'attaque ; ses forces se composent:du premier échelon réduit de la 3èmeD.I.A. (Division d'InfanterieAlgérienne), essentiellement le 7 —e RTA (Régiment de TirailleursAlgériens) du colonel Chappuis ;du groupement de Tabors marocains du général Guillaume, du "combat command" n° I (C.C.I) du général Sudrede la I ère Division Blindée (D.B.), des unités du ree cuirassiers, du 3 — bataillon de Zouaves, du 9 — régiment de chasseurs d'Afrique, du 68 —e régiment d'artillerie d'Afrique. L'essentiel de ces forces provient de l'armée d'Afrique. La mobilisation en Afrique du Nord avait porté sur vingt classes.

1944 LA LIBÉRATION DE MARSEILLE

Le général allemand Hans Schaefer, commandant de la place, à la tête de la 244ème D.I. (environ 12 000 hommes), est chargé de tenir jusqu'à la dernière cartouche. Les combats pour Marseille sont complexes, dispersés dans le temps et l'espace. On peut distinguer plusieurs phases:

À l’extérieur de Marseille. Le 20 août, le général de Monsabert engage le C.C.1 sur Aubagne que les Allemands considèrent comme la clef de voûte de tout leur dispositif de défense extérieure. Après des combats très durs, les Allemands sont défaits. Avant même que les combats d'Aubagne soient terminés, de Monsabert décide d'isoler Marseille par le nord du reste du dispositif allemand dans la région (présence d'une division blindée dans la région d'Avignon): c'est le mouvement par les "hauts", les collines. Les 2ème et 3ème bataillons du 7ème R.T.A. s'avancent à travers le massif de l'Etoile vers les faubourgs nord et surprennent les Allemands. Le 22 au soir, la ville est isolée au nord et à l'est. À ce moment-là, le verrou d'Aubagne vient de sauter. Le temps est venu d'achever la manœuvre "d'investissement par les ailes": de Monsabert demande aux groupements de Tabors marocains du général Guillaume de se porter à la fois au nord vers Septèmes et au sud vers le massif de Marseilleveyre et le Cap Croisette par la Ciotat, Cassis, la Gineste.

Les politiques sont conscients de l'absolue nécessité de ressaisir l'initiative en proposant des actions fortes qui canalisent le mouvement insurrectionnel et maintiennent l'unité de la Résistance, sous peine de perdre le contrôle de la situation. Les militaires eux, savent qu'en termes strictement militaires, la Résistance est très faible, mal équipée. Sur le millier de résistants au combat, peu sont en mesure de faire face à une véritable bataille

"II n'y avait presque pas d'armes : 36 mitraillettes, 3 fusils-mitrailleurs et les pistolets ou revolvers enlevés aux "boches"... et en tout et pour tout 159 hommes. Mais quels hommes" (Combattre, revue des FTPE 1944) Il y a donc urgence à ce que les armées alliées déclenchent l'assaut.

19 août

À partir de ce moment-là, la grève est totale. Les 20 et 21 août les actions sporadiques se multiplient: les GF des MUR établissent des barricades aux Quatre Chemins ; les FTP harcèlent partout dans la ville les forces allemandes, désarment certains commissariats. Des camions allemands sont attaqués (à Castellane par exemple, où l'affrontement est très meurtrier pour les résistants). Le 21 août le préfet Maljean se "confie" à la Résistance (Manicacci et David) ; le CDL diffuse sa proclamation de manifestation de masse pour l'après-midi devant la Préfecture. À partir de quatorze heures, des colonnes de manifestants auxquelles se mêlent des combattants, arrivent de la Capelette et de la Belle de Mai, du port par le cours Pierre Puget, de la rue de Rome. Vers I 6 h 30 les portes sont forcées (avec l'aide de certains résistants enfermés à l'intérieur). C'est le débordement de la joie populaire. Un comité insurrectionnel s'installe quelques heures à la Préfecture, remplacé par le CDL dès le lendemain. Dans la nuit du 21 au 22, Schaefer donne l'ordre de destruction générale des installations portuaires ; la Gestapo s'est enfuie la veille après -avoir détruit ses archives.

23 août

Après avoir reçu des émissaires de la Résistance, de Monsabert, après une entrevue houleuse avec de Lattre, reçoit l'autorisation de s'emparer d'objectifs limités dans la ville. En fait, il laisse entendre au colonel Chappuis, chargé de la pénétration dans la ville, que s'il voit une occasion, "il peut s'en saisir". À partir de huit heures du matin l'offensive commence par le carrefour des "Quatre Chemins" ; l'accueil "délirant" de la foule qui "aspire" les militaires, l'absence de réaction allemande coordonnée dans la ville elle-même, amènent les troupes sur la Canebière. Mais l'armée allemande pilonne l'ensemble de la ville depuis le Frioul et Notre-Dame de la Garde. L'armée française en situation de nette infériorité militaire cherche à "intoxiquer" l'adversaire: c'est l'intervention du capitaine Crosia, officier de renseignement du 7ème RTA qui organise une entrevue entre Schaefer et de Monsabert. Entrevue sans résultat mais qui sape le moral des Allemands.

24 AU 28 août

Quatre jours seront nécessaires pour réduire les résistances allemandes dans la ville. Le fait saillant de cette dernière phase est la prise de Notre-Dame de la Garde ; le 25 août, à seize heures, l'adjudant-chef Ripoll et le sergent-chef Duval du 7ème RTA hissent le drapeau tricolore sur la basilique.

28 août 1944. MARSEILLE LIBÉRÉE

Après une suspension des combats le 27 août, le général Schaefer se rend le 28 au matin, avec un matériel considérable. Le 29 août, les troupes et les FFI défilent sur le Vieux-Port devant les autorités militaires et civiles parmi lesquelles, au premier rang, Raymond Aubrac, Commissaire de la République, à qui le CDL a remis ses pouvoirs le 24 août ; à ce moment-là il est sous la présidence de Francis Leenhardt, en l'absence de Maxence (Max Juvenal). C'est sans contestation que le représentant du GPRF affirme son autorité par rapport aux pouvoirs installés par l'insurrection marseillaise.

Désormais, commence la tâche difficile de reconstruction du pays. La ville de Marseille a subi d'importantes destructions, 160 épaves obstruent le port. La situation critique du ravitaillement, de l'alimentation en eau, en gaz, en électricité, la remise en ordre de l'économie, imposent des mesures délicates dont la gestion sera au centre du débat politique dans l'année qui suit ces événements.



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