Intervention de Marie Dominique TATILON ©
lors du repas de la Mémoire du 3 novembre 2016
GENEVIEVE DE GAULLE-ANTHONIOZ
Geneviève De GAULLE est née le 25 Octobre 1920 à Saint Jean de Valériscle dans le Gard, elle est la fille de Xavier DE GAULLE, frère aîné du Général et de Germaine GOURDON (fille de l’écrivain Pierre GOURDON).
Son père Xavier DE GAULLE ingénieur des mines, est nommé dans le bassin Houillier de la Sarre alors sous l’administration Française.
Elle perd sa mère à l’âge de 5 ans et elle vivra en Sarre avec son père jusqu’à l’âge de 15 ans et devient parfaitement bilingue.
C’est à cette époque que son père lui fait lire MEIN KAMPF afin de lui faire prendre conscience des dérives de l’idéologie nazie (en 1935 la Sarre choisit de devenir Allemande à la suite d’un plébiscite.
Les Français doivent quitter le pays). La famille s’installe à Rennes de 1935 à 1939 et Geneviève s’inscrit en Histoire à la Faculté de Rennes.
En Juin 1940, à l’annonce de l’Armistice Geneviève est avec sa grand-mère à Rennes lorsqu’un prêtre leur parle d’un Général appelant à continuer le combat.
La grand-mère s’est redressée en criant « Mr le curé c’est mon fils Charles DE GAULLE »
Dès 1940, Geneviève rentre en résistance en déchirant les affiches Allemandes, en fabricant des Croix de Lorraine, en arrachant un fanion nazi sur un pont de Rennes et avec des amis étudiants elle imprime et diffuse des tracts contre les nazis.
A la rentrée universitaire en 1941 elle est inscrite en licence d’Histoire à la Sorbonne à Paris.
Elle est hébergée par sa tante Madeleine DE GAULLE. Elle fait partie du groupe du Musée de l’homme où elle multiplie les actions de renseignements et d’information (le Musée de l’Homme est un petit cercle de jeunes gens courageux qui se sont fédérés autour des scientifiques du Musée, bientôt rejoints par l’Ethnologue Germaine TILLON et sa mère Emilie).
Puis elle rejoint en 1943 le réseau défense de la France. Elle écrit deux articles dans le journal clandestin de ce groupe à propos de son oncle qu’elle signe sous le nom de Gallia.
Elle est arrêtée à la suite d’une trahison dans une souricière tendue dans une librairie de la rue Bonaparte par Pierre BONNY de la Gestapo Française le 20 Juillet 1943.
Elle révèle immédiatement son identité fière de prononcer le nom de DE GAULLE. Dans un premier temps elle reste 6 mois à la prison de Fresnes puis elle est envoyée à Compiègne anti chambre de la déportation et est déportée au Camp de Ravensbrück le 2 Février 1944.
Elle monte dans le wagon le 30 Janvier 1944 dans un voyage qui dura 3 jours et 3 nuits. Dans ce camp de la mort elle rencontre et se lie d’amitié avec 4 autres résistantes et notamment Germaine TILLON. Dans ce camp comme dans tous les camps de la mort en Allemagne le travail est accablant.
Geneviève DE GAULLE et ses compagnes doivent récupérer les uniformes des soldats allemands morts « il fallait vite couper, découdre, cependant que d’autres déportées étaient affectées au lavage, l’odeur était insupportable », le SS qui commandait, l’un des pires du camp tue devant Geneviève DE GAULLE avec un battoir une pauvre femme qui avait osé laver une petite pièce de son propre linge.
Les déportés sont des stucks (morceaux), le pire ce n’est pas la mort c’est la haine et la violence des SS et leur affreuse jouissance : n’importe quelle surveillante, policier du camp, chef de baraque qui ont pris du galon, peuvent impunément injurier, piétiner à terre, tuer les autres déportées. Les SS claironnaient cela ne fera qu’une vermine de moins. Geneviève DE GAULLE comme ses compagnes manquent de mourir 100 fois au milieu des femmes massacrées à la pioche, mordues par les chiens, jetées au milieu des fosses dans les immondices
Le programme de l’univers concentrationnaire ne s’arrêtait pas là, il y avait les maladies non soignées, les tortures, les expériences scientifiques : à ce propos j’ouvre une parenthèse, Geneviève DE GAULLE décrit des jeunes filles Polonaises qui ont subi des prélèvements d’eau et de muscles au niveau des jambes (certaines jusqu’à 6 fois) qui sautillent en s’aidant de béquilles rudimentaires, le chirurgien professeur de l’Université de Berlin à de plus contaminé leurs blessures avec la gangrène le tétanos ou le streptocoque.
Ainsi prétendait-il démontrer que HEYDRICH (le boucher de Prague) qu’il avait soigné après un attentat ne pouvait survivre aux infections de ses plaies , les bastonnades, la rigueur du temps, tenir dans le froid et la neige pendant d’interminables appels, la faim et bien pire que la mort la destruction de l’âme puisque les déportées étaient complétement niées en tant qu’être humain.
Mais Geneviève DE GAULLE dit qu’il y avait aussi l’entraide entre ses femmes jetées dans l’enfer, le courage et la dignité qui leur permettait de faire des petites fêtes dans leur baraquement même si cela les mettait en danger.
En Octobre 1944, 2 SS viennent chercher Geneviève DE GAULLE dans la nuit, le chef du baraquement lui donne l’ordre de se lever, 2 de ses voisines de paillasse ont rassemblé quelques objets et l’ont embrassée à la hâte, la peur au ventre elle suit les SS ne sachant pas quel sort l’attend : elle sait que des exécutions ont lieu la nuit.
Elle est en fait placée en isolement au Bunker (quartier d’isolement où les prisonniers sont privés de tout lien avec leurs semblables) du camp, décision prise par HIMMLER, afin de la garder en vie et de l’utiliser comme monnaie d’échange, HIMMLER caresse l’espoir d’une négociation avec DE GAULLE qui en Août 1944 descend les Champs Elysées à Paris. Elle restera 4 mois à l’isolement : pour ne pas devenir folle elle s’organise pour résister à la peur, à la détresse, au désespoir et repense à sa vie d’avant.
Elle ne sera libérée qu’en Avril 1945 par l’Armée Rouge, très affaiblie, elle ne pèse que 44 kilos et est presque aveugle par manque de vitamines et de lumière.
Son oncle lui écrit aussitôt « je suis extrêmement fier que tu sois ma chère nièce, remets toi maintenant, la France a besoin de filles comme toi ».
Dans ses mémoires de Guerre, DE GAULLE cite sa nièce comme un soldat de la France Libre.
Elle se confia à son retour qu’à son oncle qui fut le premier à comprendre son expérience vécue au camp de Ravensbrück, et lui dit, « l’épreuve que vous avez subi ma nièce me fait penser à l’épreuve du feu, qui m’a à Verdun laminé l’âme » (DE GAULLE faisait allusion à Verdun où l’épreuve du feu était continue, il a été lui-même blessé et fait prisonnier.
Nombre de déportés ont expliqué qu’il a été difficile d’être compris après la Guerre tant leur expérience était singulière et difficile à raconter).
Geneviève DE GAULLE a écrit la traversée de la nuit, cinquante ans après sa déportation plus d’autres ouvrages par la suite.
Après sa libération en Avril 1945 elle fait sa convalescence en Suisse ou elle rencontre un jeune éditeur d’art, lui aussi ancien résistant Bernard ANTHONIOZ dont elle aura 4 enfants.
Elle suit les procès des criminels nazis et témoigne au procès de KLAUS BARBIE en 1987.
Elle devient Présidente de l’ADIR avec Madame VAILLANT COUTURIER, puis participe à l’essor du mouvement politique lancé par son oncle le RPF.
En 1958, elle rencontre André MALRAUX avec lequel elle travaille au Ministère de la Culture.
Suite à sa rencontre en 1958 avec le père Joseph WRESINCKI aumônier du bidonville de Noisy Le Grand, elle s’investie dans l’association ATD quart monde.
Dans les souffrances des familles qu’elle rencontre, elle revit celle qu’elle-même et d’autres déportés avaient vécue. De 1964 à 1988 elle est Présidente du mouvement ATD (agir tous pour la dignité) Quart Monde. Geneviève DE GAULLE disait « quand on a connu les camps il est impossible de rester indifférent à toute négation de la dignité humaine. L’expérience de la déportation engage les survivants ».
La lutte contre la misère sera désormais son cheval de bataille. Par la suite de 1988 à 1998 elle est au Conseil Economique et Social et se bat pour faire accepter une loi de cohésion sociale en faveur des plus démunis.
Elle a été élevée au grade de Grand-Croix de la Légion d’Honneur le 11 Juillet 1997. Elle meurt le 14 Février 2002 à l’âge de 81 ans et est inhumée en Haute Savoie auprès de son époux.
Le 27 Mai 2015 son cercueil est transporté au Panthéon mais vide rempli seulement de la terre du cimetière où elle est inhumée.
La famille n’ayant pas voulu la séparer de son mari, Geneviève DE GAULLE n’aurait pas voulu rentrer au Panthéon, car elle n’aimait ni les ors ni la gloire : rendre la dignité aux pauvres était la plus grande œuvre de sa vie.
Grand ’Croix de la Légion d’Honneur (première femme à la recevoir) le 11 Juillet 1997
Médaille de la Résistance
Croix de Guerre 1939-1945
Prix des Droits de l’Homme en France et dans le monde en 1994
Intervention de Marie Dominique TATILON ©
lors du repas de la Mémoire du 3 novembre 2016