par Renée Lopez-Théry
Evacué d’Ellrich « Je n’ai pas participé aux Marches de la mort. On nous a mis dans un train de troisième classe, avec une boule de pain et un morceau de saucisson. On était gardé par la Wehrmacht, mais nous étions tellement faibles que nous étions incapables de nous évader. Le voyage vers le nord a duré 7 à 8 jours. Le train s’arrêtait souvent pour le passage des troupes. On a vu HAMBOURG complètement en ruine, il ne restait plus que des façades, les villages étaient rasés. C’était épouvantable ! Arrivés à Bergen Belsen, on nous a parqués dans l’ancienne caserne des SS. Il était interdit de sortir au risque d’être tués par les gardes. On n’avait rien à manger !
Beaucoup d’entre nous sont morts. Avec des Russes, on s’est groupé pour aller dans des silos qui se trouvaient à proximité. Le type au fusil tirait, mais en l’air car il avait peur du nombre. On a trouvé des rutabagas. J’en ai pris pour les copains. Le 15 avril (1945), on a vu passer des chars anglais de la 4ème armée. A 15 heures, un type est venu dans une jeep pour nous filmer. La veille, les hommes des miradors avaient fui et les Russes avaient tué une cinquantaine de Kapos dont celui qui pendait les prisonniers à Dora. En face, dans le camp, il y avait partout des cadavres en décomposition .
Il régnait une odeur pestilentielle. Ils ont creusé des fosses au bulldozer et brûlé les baraques au lance flamme à cause du typhus. On nous a évacués vers un aérodrome pour rentrer en France. A 150km, on fait une halte dans deux fermes qui avait été abandonnées. Mon copain viticulteur, a attrapé un petit cochon. A ce moment là, je me suis évanoui pour me réveiller
deux jours plus tard, sous perfusion dans un hôpital installé dans une usine à Nordsöllingen. Je pesais 36kg (Pierre Dupuy mesurait 1m, 70) et je ne pouvais même plus bouger tellement j’étais faible. Le 12 juin, je suis rentré par avion sanitaire pour être soigné à la Salpêtrière à
Paris. J’étais pressé de rentrer à la maison et prêt à faire un scandale en menaçant d‘en référer à la presse si on ne me laissait pas partir. On m’a fait signer une décharge et je suis rentré par train sanitaire. A Roanne, j’ai retrouvé ma sœur qui attendait à l’arrivée de tous les trains de rapatriés. A l’hôtel, mon père ne m’a pas reconnu. Pour mon premier repas d’homme enfin libre, oubliant l’hôpital, j’ai demandé deux œufs au plat, du vin et beaucoup de sucre ».
Pierre connaîtra le sanatorium pendant 18 mois. La santé recouvrée, comme il avait passéle concours de fin d’études générales en 1943, il est intégré à l’école de Saint Cyr. Puis, la vie reprendra. Il retrouvera des compagnons de misère : J. Bouvet, M.Thevenet, Ruscon (dit Guerrier) qui devait être exécuté pour sabotage à Nordhausen, ….. Il n’est pas retourné en Allemagne.
Depuis 1978, il participe à des colloques dans les lycées et les collèges, afin que nul n’oublie.
Extrait du n° 22 Texte (Renée Lopez-Théry),
16Raymond Thevenet reviendra des camps. Arrivé à Buchenwald le 16/12/1943 (Hrz, El), il est libéré à Bergen Belsen le 15/4/4.Il reprendra son métier de viticulteur à Pierreclos, près de Mâcon.
Pierre DUPUY au sanatorium