EXTRAITS des ESSAI SSUR LES MOUVEMENtS DE RESISTANCE DANS LES BOUCHES DU RHONE
Par Francis AGOSTINI , président de l'Union Fédérale
Texte de Louis BENEDETTI
Tous droits réservées.
LES SOCIALISTES DANS LA RESISTANCE.
L'arrestation de Léon BLUM et d'autres dirigeants socialistes s'ajoutant à la destitution des élus socialistes de leurs postes de maires , de conseillers généraux ou municipaux , à la dissolution de la franc-maçonnerie à laquelle appartenait une grande majorité des élus nationaux de la SFIO , avait désorganisée totalement l'appareil politique de ce parti. Pourtant une minorité réussit durant les trois mois qui suivirent le vote du 10 juillet 1940 à assurer un minimum de survie. Des contacts assez étroits furent pris durant l'automne et l'hiver 1940 en zone non occupée : seuls quelques responsables dont Félix GOUIN , Henri RIBIERE , Jules MOCEI , Léon Martin , Daniel MAYER et Jean Pierre BLOCK , tentent de remettre le parti .à flot en créant le CAS-Comité d'action socialiste- fin 1940 en zone occupée , puis dans la zone Sud après la réunion de Nîmes le 9 mars 1941 , puis à Lyon en mai et en juin à Toulouse.
Le CAS ne fut pas déclaré comme un organisme officiel du parti Socialiste dans la lutte contre Vichy et l'occupation allemande, mais comme une tentative de sauvegarde du parti , seul Jean Pierre Bloch affirmant que le Parti Socialiste entrait en lutte contre les instances gouvernementales de Vichy et les Allemands.
De nombreux socialistes rejoignirent pourtant d'autres mouvements de résistance en formation tels que le MLN dans les Bouches du Rhône , puis Combat , Libération Nord ou Libération Sud.
Il est à noter qu'existait à Londres depuis le 19 août 1940 un groupe Jean Jaurês fondé par quelques membres du parti Socialiste- Charles et Georges GOMBAULT , Henry et Mabel HAUCK , Louis et Marthe LEVY.
Ce groupe se considérait comme la continuité du Parti Socialiste libre en Grande Bretagne et tout en reconnaissant l'entreprise du général de Gaulle , manifestait une réserve , voire une hostilité au caractère politique que lui donnait le chef de la France Libre, ce qui ne manqua pas de soulever des tensions relativement importantes au sein des instances des Français Libres , notamment entre André PHILIP , Pierre BROSSOLETTE etc... Et seule l'arrivée en Angleterre de Daniel MAYER réussit à calmer les esprits.
En effet en novembre 1941 , une motion avait été présentée par Georges GOMBAULT qui avait exposé les critiques des opposants à la France Libre estimant que :
-1°- Les pouvoirs du comité national ne sauraient être tenus pour légitimes.La Nation française n'ayant pas été consultée d'aucune manière et n'ayant donné aucune indication d'où puisse être inférée son adhésion à un mouvement politique» gaulliste , mais ayant uniquement affirmé son ardente sympathie pour une entreprise militaire de libération.
-2°- Que le général de Gaulle s'était investi lui même de l'autorité gouvernementale , le comité qu'il a créé de son propre chef ne saurait prétendre au titre national et être considéré comme le représentant authentique de la Nation Française.
-4°- Que l'institution d'une Assemblée consultative destinée à fournir au comité national une expression aussi large que possible de l'opinion nationale, ne saurait être plus acceptée par les républicains que le conseil national de Vichy dont elle ne diffère pas dans sa conception.
Pour ces motifs « le groupe Jean Jaurès » déclare que les socialistes ne sauraient considérer le comité national comme le représentant régulier et légitime de la France et comme satisfaisant aux conditions d'un gouvernement démocratique même provisoire »
Cf - Procès-verbal de la séance du samedi 1° novembre 1941- Page 3- Ceci étant le premier projet présenté par Georges •COMBAULT qui avait recueilli sept voix contre cinq. Il avait été ensuite retiré, cette motion ayant été édulcorée et remaniée.
Il est certain qu'une défiance vis à vis du comité national existait bel et bien , ce qui a conduit très certainement quelques élements socialistes notamment dans la région marseillaise à se démarquer des mouvements de résistance ayant reconnu le général de Gaulle comme Chef de la France Libre , et ont donc tenté de créer leur propre organisation , c'est à dire les Milices socialistes , comme je l'ai expliqué dans le tome 1.
Félix Gouin gagnait par la suite Londres le 19 août 1942 par l’Espagne, après un séjour au camp de Miranda.
QU'EN EST-IL DANS LES BOUCHES DU RHÔNE ?
Dès 1940 , Pierre FOURCAUD ayant créé un réseau avec son frère Boris , alias Fronent- Le réseau Froment- recrute un jeune avocat marseillais , socialiste , André BOYER alias Brémond. Fourcaud ayant été arrêté fin août 1941, c'est donc son frère qui prit la suite du réseau en compagnie d'André BOYER et de Gaston DEFFERRE ; viendront s'y adjoindre , M. LIEUTIER , radical et Alfred Jules JULIEN ancien ministre lui aussi radical. En fait à travers ce réseau c'est toute la recomposition du Parti Socialiste dans ce département qui se met en route.
André BOYER après un séjour à Londres le 15 janvier 1943 est chargé d'organiser et de diriger le réseau de renseignement Brutus jusqu'à son arrestation le 8 décembre 1943 ; participe également à ce réseau, Gaston DEFFERRE , M. DUPRAT et Alfred MARTIN tous deux également arrêtés et déportés.
C'est donc Gaston DEFFERRE qui dès cette date prend en compte la direction du réseau.
Plusieurs rencontres auront lieu dans le département entre socialistes et représentant de Combat sans grand succès , les uns voulant étoffer la résistance , les autres n'ayant qu'une idée , c'est de reconstruire le Parti dans les Bouches du Rhône à travers le CAS.- Il semble d'ailleurs qu'Henri FRENAY et CHEVANCE-BERTIN n'aient pas donné suite à ces rencontres estimant que les consignes de Londres concernant les partis politiques devaient être suivies à la lettre.
Dans l'arrondissement d'Arles, le docteur IMBERT , ancien maire d'Arles avait été désigné après une réunion tenue à Pertuis au printemps 1943 comme chef de l'arrondissement d'Arles du CAS et donc chargé de la réorganisation du Parti socialiste ; malheureusement il devait être arrêté en compagnie de quelques-uns deses adjoints dont Jean Blanc, à la suite de bavardages inconsidérés et d'imprudences. Déporté il ne revint pas d'Allemagne.
Finalement l'action de Gaston DEFFERRE ,aidé en cela par MANIGACCI ou les frères TROMPETTE se bornera à la création des Milices socialistes qui ne dépasseront pas le cadre de la région marseillaise.
LES MILICES SOCIALISTES.
Les milices socialistes qui sont issues du Parti Socialiste clandestin furent créées à l'initiative de Félix GOUIN , Gaston DEFFERRE , Francis LEENHARDT , mais les véritables concepteurs en furent les frères TROMPETTE et Horace MANICACCI ; elles étaient constituées de groupes représentant toute l'agglomération marseillaise insi que des communes des alentours . A leur tête , des responsables qui se réunissaient dans des lieux tenus secrets - Le jardin zoologique , le moulin de la Palud notamment pour y recevoir des instructions concernant la lutte clandestine , instructions qui étaient répercutées à chaque groupe ; distribution de tracts et journaux clandestins , aide aux personnes recherchées par l'occupant et la police de Vichy et ses sbires du PPF , délivrance de papiers d'identité et de cartes d'alimentation , hébergement provisoire etc...
Devant l'ampleur prise par les milices socialistes , les renseignements fournis à Londres et à Alger par Gaston DEFFERRE , chef du réseau Brutus à la suite de l'arrestation d'André BOYER son fondateur, déporté et mort en Allemagne , le gouvernement britannique et notamment le SOE - Spécial Opération Executive- décide d'envoyer en France une mission - Baptisée Gardener- composée du major BURDET et de Roger FORSTER- BURDET' fut même désigné comme délégué régional militaire sous le nom de code de Circonférence et Francis. Leur radio , Gaston COHEN - COLLINS- étant parachuté dans le Lot à Saint-Céré pour être mis à la disposition de Gaston DEFFERRE avel lequel il oeuvrait en permanence- FORSTER- Alaric- étant chargé des parachutages dans la région d'aix en Provence et hébergé dans une ferme de la campagne aixoise , et même à Aix en Provence dans la famille GINIES rue cardinale.... IL se déplaçait souvent sur Marseille pour donner ou recevoir ses messages.
En raison de l'afflux de personnes , syndicalistes et membres des partis politiques qui refusaient de répondre au STO- Service du Travail Obligatoire- institué par Pierre LAVAL , pour pallier au manque de main d'oeuvre en Allemagne- Gaston DEFFERRE , Paul TROMPETTE , Francis LEENHARDT , le major BURDET. et d'autres responsables décidèrent la mise en place d'un maquis à la limite des départements du Var et des Bouches du Rhône , proche également de Marseille , le site de la Sainte Baume étant choisi à proximité du Pian d'Aups où les membres des milices socialistes pourraient recevoir en vue des futurs combats pour la libération de Marseille et de la Provence , armes munitions et équipements; les parachutages eurent lieu dans la région de Trets- les armes et les munitions étant dissimulées sous la scène du Cinéma
Le Casino de Trets avant d'être acheminées vers le Plan d'Aups.
Le 10 juin 1944 vers 6 heures du matin , une importante colonne allemande composée de soldats rompus à la guérilla et puissamment armés, attaque le maquis à la Controure au Plan d'Aups ; les combats d'une extrême violence causèrent des pertes importantes à l'ennemi , mais également aux patriotes nettement inférieurs en nombre et surtout surpris par la soudaineté de l'intervention des troupes allemandes.
La ferme de la Controure fut détruite , 11 morts furent dénombrés ainsi que de nombreux blessés , le reste des résistants se dispersant vers les bois voisins et se regroupant , du moins pour les survivants au Puits Saint Jean sur les contreforts du mont Olympe.
Ces derniers participeront aux combats pour la libération de Gémenos , d'Aubagne et de Marseille : les milices socialistes qui participèrent activement à la libération de l'agglomération marseillaise et ses environs éxécutèrent pendant les heures sombres de l'occupation de nombreux actes de sabotages et d'actions d'éclats qu'il serait ici trop long d'énumérer , leur groupe de sabotage notamment commandé par le « commandant Rossi » qui se signalait par un courage extraordinaire et était toujours volontaire pour les missions dangereuses , père de famille nombreuse d'une grande modestie ; il fut décoré sur le front des troupes par le général de MONTSABERT de la croix de guerre ainsi que d'autres résistants : il reçut en outre le titre de reconnaissance de la Reine d'Angleterre et fut fait par la suite chevalier de la Légion d'Honneur, récompense particulièrement méritée.
Pour mémoire nous citerons à l'actif de ce groupe- destruction par explosifs des bureaux allemands de l'hôtel Californie sur la cours Belsunce à Marseille , le siège du PPF sur la Canebière , destructions des transformateurs électriques à la Pomme , à Menpenti et aux Cadeneaux.
Le 6 juin 1944 les maquisards du Plan d'Aups détruisirent les poteaux électriques du col de l'Ange à Cuges les Pins , la destruction d'un barrage antichars au vallon des Thermes à Peypin et il faut souligner l'aide précieuse des gendarmes des brigades d'Allauch et de Plan de Cuques qui perdirent dans l'action le gendarme HETZEL dont la gendarmerie de Plan de Cuques porte le nom..
D'autres faits importants méritent d'être rapportés : attaque et reddition de batteries anti-aériennes équipées de canons performants ,au Merlan au lieu dit « La tanière » au Collet Redon , à Chateau Gombert , qui permirent la récupération d'un stock considérable de munitions et de prisonniers , hommes de troupe et gradés.
Par contre un guet-apens meurtrier fait plusieurs blessés graves à hauteur de l'usine à plomb des Chartreux où s'étaient retranchés des miliciens de Darnand et des membres du PPF qui n'hésitèrent pas à lancer des grenades incendiaires sur le passage d'un important convoi de prisonniers allemands encadrés pour la circonstance par membres des milices socialistes et des tabors marocains.
Egalement , occupation de l'imprimerie du Petit Provençal , journal qui parut sous l'occupation , par un groupe de jeunes résistants socialistes commandés par Louis ROSSI. Le Provençal fut édité très rapidement et distribué dans les quartiers de Marseille qui venaient d'être libérés et fut accueilli chaleureusement.
Dans cet historique , hormis le commandant ROSSI , aucun autre nom ne sera cité par respect pour les familles des disparus , un oubli de notre part serait impardonnable.
Louis Bénedetti.