Par Francis AGOSTINI
Président de la Coordination des Combattants des Bouches-du-Rhône.
Président départemental de l'Union Fédérale des Bouches-du-Rhône
Tous droits Réserves.
Le Mouvement de Liberation Nationale et Combat.
Affecté à Marseille, le capitaine Henri Frenay, qui vient de s'évader, rencontre un de ses vieux amis le docteur Recordier , en plein mois d'août 1940 , au 67 rue de Rome au 2° étage- Le premier militant vient d'être recruté.
Originaire d'Eyguières où ses parents étaient pharmaciens Marcel Recordier avait connu le capitaine Frenay lorsque ce dernier commandait une compagnie au 3° régiment d'infanterie Alpine , et ce au cours de manoeuvres dans les Alpes Maritimes juste avant la guerre , une solide amitié liant les deux hommes.
ȏs lors le domicile du docteur Recordier devient pratiquement le premier PC du MIN et puis plus tard un peu celui de Combat
La rencontre la plus importante pour le capitaine Henri Frenay se passe au mess de garnison de Marseille, à l'époque et jusqu'après la libération, chez Pascal , situé place Thiars.- Il est présenté à un lieutenant d'Infanterie coloniale, Maurice Chevance, en instance de congé d'armistice. Il vient de trouver son adjoint direct, après avoir recruté d'autres camarades comme le caporal Kessler, l'abbé Krebs, les lieutenants Ruelle, Guinot et Teulières , puis Claude Bernheim , Robert Brieg , Dupleix et le docteur Fructus.
Tout au début 9 Frenay , pensait comme beaucoup - d'autres d'ailleurs , au double jeu mené par le Maréchal Pétain , mais il devait rapidement déchanter après la rencontre de Montoire en octobre 1940.
Le premier mouvement prend l'appellation de R.O.PRecrutement-Organisation- et Propagande ; s'y ajoute le renseignement( SR) et le choc-Formation paramilitaire-. Le R.O.P., et le choc sont organisés en sizaines , chaque chef de sizaine ne connaissant que les cinq hommes et son chef de trentaine , ce dernier ne connaissant que les cinq chefs de sizaines placés sous ses ordres.
Pour se faire connaitre, il faut aussi une ou des feuilles d'information , ce qui demande des fonds et une certaine organisation de base et du matériel d'impression. Au départ les moyens financiers jouent un rôle important , et il faut que chacun puisse apporter son obole , fut-elle des plus minimes.
A partir du mois de novembre 1940 , de nombreux adhérents rejoignent le mouvement , mais le capitaine Frenay ayant été affecté au 2° bureau de l'Armée à Vichy laisse la région à Chevance. C'est en décembre 1940 qu'il reçoit le soutien et l'adhésion de Bertie Albrecht , qui allait devenir une figure légendaire de la Résistance et devait payer son engagement , de sa vie.
Dans les tous premiers mois de 1941 , parait le bulletin d'information n°1.
Ce bulletin est diffusé en dix huit exemplaires seulement , ce qui est peu , mais permet de tester la valeur de ce document ; rapidement cette feuille d'information devient insuffisante.
Vers la mi-janvier nait le Mouvement de Libération Nationale. A Marseille , Maurice Chevance a pris des contacts fructueux avec le capitaine Pailhole , un des chefs des services spéciaux de l'Armée d'armistice et qui terminera comme colonel, chef des services de contre-espionnage. La liaison est ainsi établie entre le premier mouvement de résistance constitué en zone non-occupée et l'Armée et ce contact se maintiendra jusqu'à l'invasion du Sud de la France par la Wehrmacht.
Frenay en est amené à quitter l'Année , non sans déchirement.
En mars 1941 , le MLN est encore bien faible bien qu'il recrute maintenant dans les mouvements du scoutisme et notamment les Éclaireurs de France , et n'est structuré que dans quatre départements Les Bouches du Rhône, le Vaucluse , le Var et les Basses-Alpes. Il va s'étendre rapidement vers Toulouse et vers la zone occupée , mais il est toujours coupé de Londres avec qui il ne peut correspondre n'ayant aucun moyen radio.
Sur Marseille, Maurice Chevance poursuit son travail de fourmi , à savoir réunir autour de lui le plus de monde possible et notamment des jeunes , mais aussi des intellectuels , et ne perd pas de vue qu'il lui faut du solide ! De nouvelles recrues arrivent comme M. Bellet , directeur de la banque Ottomane le général Schmitt , ancien commandant supérieur des troupes en Côte d'Ivoire, relevé de son commandement par le gouvernement de Vichy , le professeur Malacrida d'Aix en Provence, Jean Bardanne etc....
Des sizaines sont constituées dans la plupart des quartiers de la ville Phocéenne ; en fait le recrutement se fait par contact direct sans regarder au problème de sécurité... Bientôt le mouvement déborde très largement de la zone Sud , pour s'implanter plus solidement en zone occupée ce qui n'est pas toujours, facile.
Le bulletin d'information sort à 500 exemplaires et il va se transformer en « les petites ailes de France » « et » Vérités ». Le MLN prend contact grâce à Chevance avec François de Menthon qui publie le journal « Liberté ».
Le 15 juillet 1941 eut lieu la première rencontre entre Jean Moulin ,Henri Frenay et Maurice Chevance , chez le docteur Recordier à Marseille au 67 rue de Rome.
Déjà au cours des heures de conversation , ils évoquent tous trois le regroupement des mouvements autour d'un symbole extérieur à la Résistance , ce qui pourrait être le fédérateur de ces mouvements , tout en évitant les rivalités de personne qui ne manqueraient pas de naître. Sont également évoqués les problèmes financiers ,très importants , et les arrivées d'armes ; le 12 septembre Jean Moulin part pour Londres via l'Espagne et le Portugal.
Il faut aussi noter que Maurice Chevance , ayant créé une entreprise de transport de bagages à Marseille , près de la Porte d'Aix, cotoie énormément de monde, surtout des militaires , mais très pris par son action clandestine , doit abandonner son affaire. Le recrutement d'Henri Aubry , jeune officier lui aussi en congé d'armistice , vient à point pour pour l'aider dans sa tâche.
Le MLN prend de plus en plus corps , et calque son implantation sur celle des régions de Vichy- Région par Région- Ainsi R2 , avec pour chef lieu Marseille regroupe sept départements ; les Bouches du Rhône, la Vaucluse , le Var, les Alpes Maritimes, les Basses Alpes, les Hautes Alpes et k Gard.
A Marseille , Jean Gémahling , met en place un réseau de recherche et d'exploitation du renseignement , mais il sera malheureusement arrêté par la police de Vichy.
Au cours d'une rencontre avec de Menthon , il est décidé de ne plus faire paraitre Liberté , et que Vérités se sabordera , mais que par contre ces deux publications clandestines , paraitront sous le timbre de « Combat ». Les deux mouvements fusionnant, un partage équitable des responsabilités étant respecté, c'est déjà la première tentative de regroupement qui est réussie ; fleuri Aubry devient à ce moment là chef de région.
Dans les Bouches du Rhône , le premier responsable départemental fut un avocat socialiste, Max Juvénal, alias Ovide, qui avait pour adjoint Maurice Plantier d'Aix en Provence, et qui durant quatre longues années remplira sa mission avec compétence et courage.
Jean Bardanne , journaliste, Roger Nathan, Malacrida , Jacques Baumel etc sont également des élements de valeur dans le dispositif mis en place dans le département, ainsi que le général Schmitt -Père du général Maurice Schmitt ancien chef d'Etat-Major de l'Armée‑
Le but de Frenay et de Chevance était de constituer une Armée Secrète qui le moment venu agirait contre l'Allemand , l'idée de la future AS était lancée
Les responsables du MLN, prennent contact avec ceux du service du camouflage du matériel de l'Armée d'armistice à Marseille , service qui pour déjouer les recherches de la commission d'armistice Italienne a créé une société civile des cars de Provence..
Maurice Chevance note qu'en février 1941 , il n'avait toujours que peu de ressources financières , toujours pas de liaison radio avec Londres, et pas d'armes , ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs de créer avec Marcel Peck-Alias Battesti- une centrale de liaisons et de renseignements.
L'année 1942 va faire évoluer encore plus Combat ; en effet , un évènement considérable , un tournant dans l'histoire de la Résistance , et ce tournant c'est le retour de Jean Moulin , parachuté dans la nuit du ter au 2 janvier 1942 dans les marais de la vallée des Baux en compagnie de son radio Montjaret et d'un troisième homme, Raymond Fassin, chargé d'une mission de liaison et d'organisation avec Combat.
mine première rencontre a lieu à Marseille , dans les tous premiers jours de janvier au 103 rue Kléber à Marseille, à l'initiative du docteur Recordier , qui a prévenu Chevance, chez Agnès Bidault, soeur de Georges Bidault ; là , Henri Frenay et Chevance apprennent par Jean Moulin , preuves à l'appui- Grâce au microfilm qu'il transporte dans une boite d'allumettes-, qu'il est le délégué du général de Gaulle en France pour la zone non-occupée et que son but est de regrouper tous les mouvements de résistance de la zone Sud. C'est également cette nuit là que les responsables de Combat décident de se mettre à la disposition des services de la France Libre , ce qui va changer beaucoup de choses , puisque la liaison avec Londres va être établie et permettre d'accroitre les moyens d'action.
La seconde rencontre a lieu le 12 janvier , toujours à Marseille, au 32 rue Saint Férréol, chez mademoiselle Grise', inspectrice du travail et amie de Bertie Albrecht ; Jean Moulin retrouve là son radio , Montjaret, Maurice Chevance, _Henri Aubry et Henri Frenay.
Combat , à ce moment là est devenu relativement important par rapport aux autres organisations de Résistance , notamment en zone occupée ; groupes francs, renseignements , propagande , s'étendent de, plus en plus à travers le pays , et comme le disent ses responsables « le mouvement Combat n'a pas de limites aisément perceptibles » car en effet, chaque nouvelle recrue , comme le précise Maurice Chevance, veut à la fois distribuer tracts et journaux, appartenir à l'AS , faire du renseignement organiser le sabotage d'une réunion publique pro-Vichyste ou pro-Allemande etc .....
Fin janvier Maurice Chevance est arrêté au cours d'une mission à Lyon et est transféré à Clermont Ferrand en compagnie de Peck.
Le 21 janvier 1942 a lieu le premier parachutage , non pas dans les Bouches du Rhône , mais dans le Vaucluse.
Chevance est bientôt libéré pour raisons de santé , mais un évènement grave va bouleverser les militants de Combat ; c'est la rencontre Pucheu-Frenay , qui bien que très mal accueillie , permit de faire libérer nombre de membres de Combat incarcérés par la police de Vichy.
A Marseille pendant ce temps là , c'est le docteur Fructus qui assumait la direction de Marseille ville , l'AS se développant à l'instigation de Guggenheim-Morand dans tout les reste du département et surtout grâce aux effort de Malacrida d'Aix.
Au printemps 1942 , la plupart des responsables de Combat sont obligés de plonger dans la clandestinité , après une nouvelle vague d'arrestations due au retour de Laval au pouvoir.
Aubry devient inspecteur national de l'Armée Secrète - Francis Leenhart qui appartenait à une vieille famille Marseillaise, ancien correspondant de Liberté ,rejoint Combat , et Laurin d'Aix en Provence est chef des groupes francs.
Le 8 novembre 1942 , les alliés débarquent en Afrique du Nord , et le 11 novembre c'est l'invasion de la zone Sud par la Wehrmacht et l'on va assister à un durcissement de la répression. Déjà en septembre ,des unités des services de sécurité allemands s'étaient glissés avec la complicité des autorités de Vichy , en zone non occupée pour traquer les émissions des postes emetteurs clandestins , grâce à l'emploi de véhicules équipés pour la détection radio-goniométrique.
Début 1943 Combat est à son apogée , grâce à l'action et les conseils du général Schmitt, l'AS se structure davantage par l'apport de nombreux militaires de l'Armée d'armistice qui vient dêtre dissoute.
Le 26 janvier c'est la fusion des trois principaux mouvements de la zone Sud et naissance des Mouvements Unis de la Résistance- les MUR.
Moine réussit à faire partir pour l'Afrique du Nord , grâce à son réseau , quatre vingt élèves de l'Ecole Militaire d'Aix en Provence.
Pastor , ingénieur des Arts et Métiers,-communiste dissident- permet à Maurice Chevance d'agir aux chantiers navals de La Ciotat , notamment par des distributions de Tracts.
responsables socialistes grâce à M. Fischer , ancien conseiller général d'Hirson, et Gaston Crémieux, un repas regroupe d'ailleurs Daniel Mayer , Haas-Picard , Frenay et Chevance. Plus tard se sera la rencontre avec Gaston Defferre et l'avocat Boyer, du réseau Brutus.
Le 27 avril 1943 , boulevard Dugommier à Marseile un drame se joue , drame qui sera peut-être capital pour l'avenir de la résistance ; en effet sont arrêtés par la Gestapo , Benjamin Crémieux responsable du NAP , Lunel, et Saltucci , directeur d'école- Multon alias Lunel , va devenir un traitre à la solde des nazis.- Ils sont emmenés au 425 rue Paradis à Marseille au siège de la Gestapo où sévit Dunker; Maurice Chevance- alias Bertin , échappe de peu à l'arrestation à ce moment là , mais rapidement localisé , il est arrêté chez lui au Prado, et réussit à s'évader , blessé...
Il réussit à gagner après bien des péripéties les BassesAlpes non sans avoir fait prévenir Neuville , chef régional adjoint des groupes francs* et Bernhein-Lancien l'adjoint de Crémieux au NAP.
Combat se trouve pratiquement décapité et ce grâce à l'action de Multon-(Lunel}- D'ailleurs l'année 1943 va être terrible pour la Résistance en général. Chevance dans sa retraite des Basses Alpes apprend les terrribles évènements qui viennent de se produire , les arrestations en chaine à Marseille , à Aix , puis celle du général Delestraint à Paris le 8 juin , et enfin l'affaire de Caluire le 21 juin.
Les MUR prennent le relais de pratiquement toutes les organisations de la résistance sauf les FTPF , qui gardent leur autonomie.
En zone Sud et dans les Bouches du Rhône , l'AS va participer à la constitution des maquis qui s'implanteront dès les prémices du débarquement du 6 juin dans les massifs provençaux et participeront aux combats de la libération non sans pertes comme comme pour le maquis de Sainte Anne à Lambesc.
* Neuville était également chef départemental des groupes francs de Combat, Brown- alias Brondi-Brunel- étant le chef régional des groupes francs MUR.