Portrait de Francis AGOSTINI
avec son aimable autorisation
Il n’était pas pensable de ne pas inclure dans notre site et parmi les résistants, un homme comme le capitaine Henri FRENAY, qui en fait a été le précurseur des premiers mouvements de résistance se créant à Marseille et en France par la suite.
Certes dès l’annonce d’un prochain cessez-le-feu
La déclaration du maréchal PETAIN du 16 juin 1940 - D’autres comme le général COCHET avaient déclaré qu’ils poursuivraient la lutte, et le 18 juin ce fut l’appel de Londres du général de GAULLE qui catalysa les énergies en France, pour ceux qui l’entendirent, et pour les Français libres qui vont le rejoindre à Londres et dans l’empire.
Le capitaine Henri FRENAY est un cas. Natif de Lyon, il y est né le 19 novembre 1905, originaire d’une famille d’officier de carrière, très proche des milieux religieux catholiques pratiquant, ne s’occupant absolument pas de politique, son père disparaît dans la tourmente de la grande guerre et c’est donc sa mère, seule qui va l’élever à Lyon où il fait ses études au lycée Ampère, il va y passer son baccalauréat et préparer Saint Cyr qu’il intègre en 1924.
Brillant élève il en sort sous-lieutenant, deux ans après en 1926, en 1934 il est capitaine dans l’Est de la France au 10° bataillon de mitrailleurs, puis dans d’autres unités au gré des mutations comme au 156° régiment d’infanterie, également il sert en Syrie de 1929 à 1932 dans un régiment de tirailleurs tunisiens, dans un bataillon local formé d’assyro-chaldéens ; ce séjour particulièrement bénéfique pour lui, lui fait saisir toutes les difficultés que peut rencontrer un jeune officier servant hors de la métropole.
En 1933, ayant terminé son séjour outre-mer, le capitaine FRENAY rentre en France, affecté au 3° régiment d’infanterie alpine à Hyères, et va effectuer plusieurs stages dont un d’observateur aérien, puis entre à l’Ecole de guerre.
Il rencontre une belle jeune femme - Rencontre décisive pour lui et pour son avenir de résistant - Protestante, proche de l’extrême gauche, féministe également et surtout nettement antifasciste ; Bertie ALBRECHT, de là va naître une grande amitié et grâce à elle il rencontre de nombreux exilés allemands, tchèques, autrichiens ayant fui le nazisme et s’étant réfugiés en France.
Nous sommes alors en 1934.
Sorti de l’Ecole de guerre, Henri FRENAY demande à rejoindre le Centre d’Etudes Germaniques de Strasbourg où il va se perfectionner dans la connaissance de l’Allemagne et de son nouveau régime politique instauré par la Chancelier Adolf Hitler - Mein Kampf ne sera plus un secret pour lui dorénavant.
A la déclaration de guerre le 2 septembre 1939, il est en poste à l’Etat-Major de la 17°région Militaire en Alsace, participe ainsi aux combats dans les Vosges en 1940 où encerclé près du col du Donon le 25 juin, il réussit à traverser les lignes allemandes le 30 juin, rejoint la Haute-Saône, passe la ligne de démarcation en fraude vers l’Arbois, passe à Lyon et rejoint sa mère à Sainte Maxime dans le Var.
Le 27 juillet appartenant à l’Armée d’armistice il est affecté à la place de Marseille comme officier de garnison ; là il rencontre deux officiers des troupes coloniales, le lieutenant CHEVANCE et le lieutenant GUINOT, tous deux futurs généraux, mais dont le premier deviendra l’adjoint d’Henri FRENAY lorsque ce dernier mettra en route son mouvement et le second aura une carrière beaucoup plus longue dans les troupes coloniales.
Durant l’été 1940, Henri FRENAY rédige une sorte de profession de foi, imaginant l’organisation du mouvement futur qu’il compte créer, mouvement contre l’occupant, qu’il nomme d’un trait « Mouvement de Libération Nationale - M.L.N. » qui deviendra plus tard « Combat ».
La structure de son mouvement est basée sur :
Personne ne peut nier que le capitaine Henri FRENAY n’ait pas fait confiance au maréchal PETAIN au tout début, mais même s’il conserve certains contacts avec des gens de Vichy où il sert au deuxième bureau de l’État-major, il se rendra compte lors de l’entrevue de Montoire entre le maréchal PETAIN et HITLER, qu’il fait fausse route et déchante rapidement…
Le mouvement qu’il avait mis sur pied à Marseille va s’étendre progressivement à toute la France y compris à la zone occupée grâce à l’action du capitaine GUEDON.
Le 24 janvier 1941, il demande à être mis en congé d’Armistice dans une lettre exprimant sa perte de confiance dans le haut Commandement français : il démissionne définitivement de l’Armée comme le lui fait remarquer le général HUNTZIGER, mais il y conserve de nombreux contacts.
Il s’installe à Lyon où il crée des groupes de résistants, puis à Nice, à Toulon et bien sûr à Marseille. Il continue inlassablement son travail d’information en publiant tout d’abord une feuille d’information tirée à quinze ou vingt exemplaires, puis qui se transforme en un véritable petit journal intitulé « Les petites ailes » journal qui paraîtra le 16 juillet 1941.
Surveillé par la police de Vichy, il échappe de peu à l’arrestation, sauve les archives du mouvement et des mécanismes d’explosifs qu’il a entreposés, change le nom de son journal qui devient « Vérités » pour la zone Sud et « Résistance » pour la zone Nord.
Au fur et à mesure son mouvement s’étend et sa rencontre avec François de MENTHON et Pierre Henri TEITGEN va lui apporter une certaine notoriété, comme en juillet 1941 sa rencontre à Marseille chez le docteur RECORDIER avec Jean MOULIN qui se préparait à partir pour Londres via le Portugal.
En décembre 1941 naît « Combat », mais en 1942 une série d’arrestations opérées par la police de Vichy ralentit l’action du mouvement ; Bertie ALBRECHT et d’autres militants sont interpellés - Henri FRENAY va prendre malencontreusement peut-être contact avec Pierre PUCHEU afin de faire libérer ses compagnons et cela est très mal perçu des différents mouvements, mais il s’en expliquera plus tard dans une longue lettre : en tout cas il a fait libérer ses résistants sans rien donner en échange…
Courant 1 942 naissent les premières cellules de l’Armée Secrète en gestation depuis 1940, Armée secrète qui ne va pas cesser de croître et qui sera l’objet de bien des convoitises…
Et dont le commandement suscitera quelques rivalités malheureuses, mais, également, néfastes à la cohésion de la Résistance.
Henri FRENAY et CHEVANCE avaient reçu Jean MOULIN à Marseille début 1942, alors que ce dernier avait été parachuté dans la nuit du 1° au 2 janvier près de Fontvieille dans les Alpilles, et avaient fait allégeance au général de GAULLE, ce qui leur permettrait de mieux structurer « Combat » en recevant à la fois, argent, postes radio et armement.
Début 1943 « Combat » est de nouveau touché par de nombreuses arrestations, qui frappent également les MUR.
Un autre problème surgit à ce moment-là entre Jean MOULIN et Henri FRENAY à la suite du soutien financier que lui offrent les services de l’OSS. US en Suisse ; accusé de trahison envers le général de GAULLE, alors qu’il n’en est rien, et les derniers rebondissements de l’affaire qui viennent d’être d’ailleurs publiés dans un livre rédigé par Robert BELOT et Gilbert KARPMAN- « L’affaire suisse. La Résistance a-t-elle trahi de GAULLE - éclairent d’un jour nouveau les relations difficiles qui vont naître entre le délégué de Londres et Henri FRENAY.
Peut-on parler de maladresse de la part de Jean MOULIN qui semble-t-il voulait tout contrôler et même aussi par opposition au chef de « Combat » ait voulu présenter les envoyés de Combat en Suisse comme un organisme inféodé aux Américains et surtout au général GIRAUD
Il est vrai que les besoins financiers de la Résistance sont énormes, car il faut secourir les familles de ceux qui sont arrêtés, faire vivre les maquis de plus en plus nombreux à la suite du STO, et l’argent dispensé par les Américains - Du mois de mars 1943 au mois de novembre 1944 plus de 65 millions de francs de l’époque sont parvenus aux différents réseaux et cela, il ne faut pas l’oublier.
Il n’en reste pas moins vrai que cela va jeter un froid dans les rapports des deux hommes et aura même des suites beaucoup plus tard, Henri FRENAY, accusant Jean MOULIN d’être, je cite, « L’homme du Parti Communiste », d’autres ouvrages jetant sur la Résistance, « quelques brumes » notamment le livre de Maître Charles BENFREDJ - « L’affaire Jean MOULIN ».
Autre problème opposant Henri FRENAY et Jean MOULIN, celui de la direction de l’Armée Secrète, où combat regroupe 80 % des effectifs, et qui est enlevé au chef de « Combat » et remise entre les mains du général DELESTRAINT.
D’autres tensions naîtront lors de la création du Conseil National de la Résistance, Henri FRENAY acceptant mal le retour des anciens partis politiques, lui qui voyait la vie politique française structurée autour d’un grand parti issu des cadres de la Résistance.
Autre drame beaucoup plus grave, Bertie ALBRECHT est arrêtée par la Gestapo le 27 mai 1943, lui-même échappant de peu aux griffes des nazis.
Rejoignant Londres, Combat étant confié à Claude BOURDET, il apprend l’arrestation de Jean MOULIN à Caluire.
Il ne repartira pas de Londres car nommé par le général de GAULLE commissaires aux prisonniers de guerre, aux déportés, il va se trouver à Alger où il siège à l’Assemblée Constituante.
En août 1944 il rentre en France avec le général de GAULLE et s’occupera du retour des prisonniers et des déportés et fait preuve d’une grande efficacité réussissant à rapatrier en moins de quatre mois entre mars et juillet 1945 la quasi-totalité des prisonniers et des déportés dans des conditions excessivement difficiles.
En novembre 1945, il démissionne de son poste.
Plus tard, c’est vrai, certains de ses ouvrages déclenchent une vaste polémique au sein des anciens résistants, tout d’abord lors du procès de René HARDY, accusé par les communistes d’avoir dénoncé Jean MOULIN et la réunion de Caluire, et pour lequel le chef de Combat prend parti, puis plus tard il accuse Jean MOULIN dans une émission de télévision d’avoir favorisé l’infiltration des communistes au sein du CNR ce qui lui vaut à la fois l’animosité des communistes et des gaullistes - (Ce qui est sûr c’est que les communistes n’ont demandé la permission à personne pour se glisser là où il fallait être !).
Le Président de la République François MITTERRAND le fera grand croix de la Légion d’honneur le 15 mars 1988, alors qu’il était déjà Compagnon de la Libération.
Henri FRENAY décédera le 6 août 1988 en Corse à Porto-Vecchio.
On peut dire maintenant qu’Henri FRENAY a été très certainement celui qui a mis en place, et organisé un des principaux sinon le principal mouvement de résistance intérieure, mais que l’Histoire officielle – l'est-elle vraiment ? - A tenté de minimiser les mérites, voire de l’occulter complètement.
Par Francis AGOSTINI
Président départemental de l'Union Fédérale des Bouches-du-Rhône Président du Comité de Coordination des associations d'Anciens Combattants etVictimes de Guerre de Marseille et des Bouches-du-Rhône.