Déporté à AUSCHWITZ à l'age de quinze ans
Portrait de Francis AGOSTINI
avec son aimable autorisation
Les nazis n'ont jamais hésité à se débarrasser des hommes et des femmes qui les gênaient et bien sûr aussi des enfants de tout âge et cela a été le cas de la grande rafle des juifs à Marseille dès le 22 janvier 1943, notamment lors de l'évacuation des vieux quartiers du Vieux Port et dans Marseille même.
Le jeune Israël Raphaël ATTALI est né à Marseille, rue Beauvau le 25 janvier 1929 de parents immigrés venus de Constantinople au début du siècle pour fuir l'intolérance ottomane.
La famille s'étant agrandie, elle s'installe aux Chartreux où tout le monde travaille y compris le jeune Israël Raphaël qui après ses études fréquente les éclaireurs Israélites et travaille dans une minoterie.
La famille ATTALI ne participe pas beaucoup à la vie de la communauté, ce qui ne l'empêche pas de respecter les grandes fêtes du judaïsme. On peut donc dire que c'est une famille sans histoire, parfaitement intégrée parmi la population et épargnée miraculeusement par les lois anti-juives de Vichy.
Mais dès 1943 les choses changent et cela dès l'entrée des Allemands en zone Sud et le zèle de la police de Vichy et comme on l'a vu plus haut les événements dramatiques vont se multiplier pour les familles juives marseillaises.
Le 6 avril 1944, lors d'une descente de la Gestapo au domicile de la famille, Madame CORDOVA Cadeun, 74 ans est arrêtée ainsi que son petit-fils Israël, 15 ans - Madame ATTALI ayant eu la présence d'esprit de faire cacher ses deux autres enfants et de se cacher elle-même, échappent au traquenard.
L'aïeule est emmenée ainsi que le petit-fils d'abord au 425 rue Paradis, puis aux Baumettes à la section des femmes. Le père d'Israël recherchant son fils et sa belle-mère va lui-même tomber dans les filets des Allemands et sera dirigé lui aussi sur Drancy où il retrouvera les siens. Madame ATTALI et les deux autres enfants trouvant un refuge dans le massif central…
Après un bref séjour à Drancy, ils sont tous trois embarqués dans le convoi 74 et envoyés à Auschwitz- Birkenau en mai 1944, où dès leur arrivée ils sont séparés, les femmes, les enfants et les personnes âgées étant immédiatement gazés.
Les hommes valides sont regroupés rasés, tondus, douchés à l'eau froide, tatoués, et ainsi le jeune Israël devenant le matricule A 5 118 et son père le A 5119, puis habillés avec des hardes de bagnards ayant très certainement appartenu à des détenus décédés… Le monde de l'horreur commence alors pour eux…
Ils sont rapidement affectés à des travaux de terrassements excessivement pénibles du fait de la sous-alimentation et de la longueur des heures de travail. Puis un dimanche matin, son père est appelé pour être très certainement conduit à la chambre à gaz et ils n'ont que juste le temps de se serrer la main, son père lui glissant un morceau de pain noir, ce qui va marquer à jamais l'esprit du jeune homme, qui en gardera 64 ans après encore le souvenir et lui fera venir les larmes aux yeux…
Les forces Soviétiques approchant d'Auschwitz, le 17 janvier Î945 le camp est évacué, les déportés devant marcher à pied durant huit jours pour gagner le camp de Dachau, pratiquement sans boire, ni manger, ni dormir, les traînards étant systématiquement abattus d'une balle dans la tête.
Il arrive le 25 janvier 1945 à Dachau, le jour de ses 16 ans, il est enfin libéré par les troupes américaines le 21 avril 1945.
Rapatrié sur la France, via Paris, puis sur Marseille il retrouve dans cette ville le reste de sa famille.
Depuis son retour, Monsieur Israël Raphaël ATTALI n'a cessé de prodiguer son témoignage sur les horreurs vécues et les événements tragiques qu'il a traversés et qui ont profondément marqué le monde juif et notre génération issue de la guerre.
Convaincu de la nécessité de faire connaître aux générations futures ce que fut le monde de la déportation, il n'a jamais cessé d'organiser des conférences et des causeries dans les établissements scolaires de la région, et d'encadrer les jeunes et les moins jeunes lors des déplacements à Auschwitz et cela depuis cinq ans emmenant à chaque voyage entre 140 et 150 jeunes, professeurs et autorités
La mémoire est quelque chose de fugace et l'on risque d'oublier tout cela, aussi est-il bon même si cela fait mal de reparler de ce passé douloureux afin que nul n'ignore que cela pourrait se reproduire, car l'homme est ainsi fait qu'il peut du jour au lendemain remettre au goût du jour des idéologies pernicieuses qui risquent de conduire au renouvellement de faits que malheureusement nous aurions tendance à oublier.
Par Francis AGOSTINI
Président départemental de l'Union Fédérale des Bouches-du-RhônePrésident du Comité de Coordination des associations d'Anciens Combattants et Victimes de Guerre de Marseille et des Bouches-du-Rhône.