Compagnon de la Libération le 16 juin 1944
Par Olivier MATTHEY-DORET
Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"
Avec son aimable autorisation.
André JARROT est né le 13 décembre 1909 à Lux, dans le département de la Saône-et-Loire. Sa famille est de tradition paysanne mais son père, Lucien, est employé comme cadre au P.L.M. et sa mère est couturière. Il va à l'école primaire à Lux puis en primaire supérieure à Châlon-sur-Saône. Il prépare le concours d'agent mécanicien aux P.T.T. en même temps qu'il entre en 1924 à l'école professionnelle de Châlon-sur-Saône. A 18 ans, il devient électromécanicien à la Compagnie du Gaz et de l'Electricité du sud-est de 1927 à 1936. Sa famille est satisfaite de cette affectation car à l'origine André JARROT devait être muté en outre-mer.
Il fait son service militaire dans le 3ème Régiment de Génie, il est affecté dans une section d'électromécaniciens. Pendant l'hiver 1929-1930, il est en Champagne avec son Régiment; un peu plus tard, à la frontière italienne, il se blesse au cours d'une réparation mécanique. Cela abrège son temps sous les drapeaux et il est pensionné à 15%. Après la rééducation, il rejoint on poste à la Compagnie du Gaz et de l'E.D.F. et devient secrétaire du syndicat des électromécaniciens de Saône-et-Loire. En 1936, on lui fait nettement voir qu'il ne pourra pas gravir les échelons hiérarchiques du fait de ses activités syndicales. Il décide de s'installer à son compte et en 1937, il ouvre un garage à Châlon, spécialisé dans les poids lourds. Parallèlement, il passe son brevet de moniteur d'avions légers et devient moniteur d'aviation populaire entre 1937 et 1939. Fervent amateur de moto, André JARROT est champion de France de vitesse en 500cc en 1937; il est aussi recordman du monde des 24 heures -avec son coéquipier Georges Monneret- en 1938.
A la déclaration de la guerre, André JARROT est mobilisé à Dijon dans le 3ème Régiment de Génie (basé à la caserne Dufour); il est dans les services auxiliaires -section intendance et ravitaillement- à cause de son infirmité. Malgré ses démarches pour être plus actif, on lui désigne la fonction de chauffeur de poids lourds. Pendant la débâcle, il va sur Riom puis fait un repli sur Clermont-Ferrand. Il est fait prisonnier près de Clermont-Ferrand (à Pont du Château exactement) le 22 juin 1940. A peine trois jours après, il s'évade avec un vélo de femme qui traînait et est rapidement à Vieille Montagne (100km plus loin d'où il était prisonnier). Ensuiteil arrive par hasard à Aurillac. Il veut rejoindre Bordeaux et ceux qui se battent. La ville de Bordeaux étant investie, perdue, il décide d'aller à Toulouse. Il est démobilisé le 15 juillet 1940. Dès lors, il rentre dans sa région natale, la Bourgogne, sur un reste de moto qu'il a bricolé.., et qui roule.
A Châlon-sur-Saône, sa maison est juste devant la ligne de démarcation. Ce sera bien pratique pour ses activités clandestines. A peine rentré, il entre dans la Résistance, dans le réseau «Ali-France» dont le chef est Jean Ballois. Son activité dans la Résistance est tellement intense alors qu'officiellement il est garagiste qu'il doit absolument éviter d'attirer l'attention sur lui afin de ne pas se faire dénoncer. A partir du 28 août 1940, il commence à organiser des passages en zone sud. Ce réseau devait, en collaboration avec le réseau «Zéro-France», faire passer la ligne de démarcation aux agents d'autres réseaux, aux pilotes alliés, aux prisonniers évadés. 4000 fugitifs environ sont passés grâce à André JARROT. Avec son ami Raymond Basset (Compagnon de la Libération en 1944, voir sa biographie ci-après) il se met en relation avec Paris et Londres. Cette envergure permettra des parachutages (réseau Armada), la plus grande attention est requise car c'est dangereux et fatigant. A de multiples reprises, il échappe (parfois miraculeusement) aux allemands pendant l'hiver 1940/1941. Après cet hiver, il crée le réseau Brandy avec M. Martel; il émet depuis sa maison à Lux. Trop facilement repérable, André JARROT utilise la méthode nomade: un lieu différent par jour pour émettre.
Jusqu'en 1942, il a une couverture pour passer la ligne de démarcation: la société des pétroles Tonneline -Sheli- l'a chargé de passer le courrier de l'entreprise entre les deux zones. L'entreprise Monet-Gayon le «couvre» également de la même façon. Nombre de photos, documents, films passèrent ainsi d'une zone à l'autre. Tous les passages humains furent les plus compliqués et tous ne furent pas des succès. A cet égard, André JARROT a faillit se faire arrêter chez Camille Chevalier (Compagnon de la Libération en 1944, voir sa biographie plus loin) et depuis, il ne passe plus la ligne de démarcation.
Le 8 janvier 1942 il est arrêté par les nazis qui le soupçonnent de sabotages, de plus il a été dénoncé comme passeur de prisonniers évadés. Relâché par manque de preuves (sa voiture a été fouillée, son «curriculum vitae» épluché) deux jours après, il s'enfuit pour rejoindre les Forces Françaises Libres. Mi-décembre 1942, il aurait dû aller à Londres en embarquant à Nice dans un sous-marin. Ce dernier ne sera pas au rendez-vous. Contraint de retourner à Lyon, il doit partir vers Montpellier, Nimes et Cerbère. Il franchit la frontière espagnole à pied le 19 décembre 1942. Une fois en Espagne, André JARROT est arrêté par la police espagnole et est jeté en prison. Son Noel 1942 a un goût amer... Il note tout sur sa détention espagnole dans un petit calepin à la couverture noire. Et un jour de début 1943, un Major britannique vient le chercher pour l'emmener en Angleterre. Sur l'île, il suit une instruction relativement complète.
Fin mai 1943, il est à Londres; il y rencontre C. de Gaulle. Il reste dans un camp d'entraînement anglais pour être rôdé aux techniques de résistances physique et psychologique. Il est ensuite parachuté en France et apprend par Pierre Guilhemon (Compagnon de la Libération en 1944) que le réseau Armada remplace le réseau Brandy, décimé par les arrestations. Il a deux missions importantes à réaliser: la première est d'août à septembre 1943 (sabotage des postes électriques à haute tension de la région du Creusot). La deuxième mission est d'octobre 1943 à avril 1944 (il s'agit de la destruction du barrage de Gigny pour ne pas que les vedettes rapides nazies puissent atteindre la mer méditerrannée). Ces deux opérations sont des succès incontestables. Grâce à ces actions, les alliés ne sont pas obligés de bombarder (l'avantage est de ne pas tuer des innocents de la population civile). Rappelé à Londres, il part pour une nouvelle mission le 6 juin 1944:
empêcher le repli allemand en Saône-et-Loire (les troupes nazies remontaient la vallée du Rhône); André JARROT étant délégué militaire pour son département natal, cette tâche lui incombait. Il est parachuté à Viremont dans le Jura. A cette occasion, il fera la connaissance d'une résistante qui deviendra plus tard sa femme (ils se marieront le 31 août 1946).
Outre la figure quasi légendaire de «Dédé» dans notre région, il serait injuste de ne pas dire que ses deux frères furent aussi des résistants authentiques, ils furent tous deux déportés et pour l'un, de grands soins furent nécessaires à son retour en France; pour l'autre, il mourut dans la baie de Ltîbeck lors du naufrage du «Cap Arcona» -sur lequel 6OOO Déportés furent amassés- et qui fut coulé par les avions anglais! André JARROT était le benjamin de ses deux frères Georges et Lucien.
En 1947, André JARROT a été responsable du R.P.F. puis est devenu le fondateur de l'U.N.R. en 1958. De 1953 à 1965, il a été maire de Lux, son village natal. En 1965, il est devenu maire de Montceau-les-Mines et a été réélu en 1971 et en 1977, il a quitté cette fonction en 1986. Parallèlement il a été conseiller général du canton de Châlon-Sud en 1957 (jusqu'en 1978); fondateur (1970) puis président (1970-1977) de la communauté urbaine du Creusot-Montceau les Mines. Le 30 novembre 1958, il a été élu député U.D.R. de Saône-et-Loire. Il a été réélu à cette fonction en 1962, 1967, 1968, 1973.
Il a été membre du parlement européen de 1962 à 1974; et a été Ministre de la qualité de la vie de 1974 à 1976. Il fut conseiller général du canton de Montceau-les-Mines nord de 1984 à 1992. Il est également président du comité d'organisation des expositions nationales du travail depuis 1976, président du conseil supérieur de l'électricité et du gaz (1978-1984). 11 a fait partie du conseil régional de Bourgogne en 1985-1986. Député R.P.R. de Saône-et-Loire le 16 mars 1986, il a quitté cette fonction pour devenir Sénateur le 28 septembre 1986. Depuis 1992, il est juge suppléant à la haute cour de justice.
André JARROT passe une «retraite» plutôt active dans le sud de la Bourgogne et toujours fidèle à son engagement, il effectue encore chaque année un saut en parachute en mémoire de ses «copains» Morts pour la France.
Par Olivier MATTHEY-DORET
Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"
Avec son aimable autorisation.