(1914-1945)
de la mission « Rex » aux plans du Débarquement
Avant guerre instituteur au groupe Paul-Bert de Malakoff (92) - où une rue porte aujourd'hui son nom*, Raymond Fassin avait un père blessé en 14-18 et un engagement personnel qui le destinait à se battre pour son pays.
Caporal-chef au 37ème RIF en septembre 1935, Raymond Fassin présente les Elèves-officiers de réserve. Ce qui l'amènera à l'Ecole nationale de Saint-Maixent, d'où il sort lieutenant, avant d'être affecté au 4ème R.I.
Son service militaire accompli, il reprend à Malakoff son poste d'instituteur. En septembre 39, lors de la mobilisation, il rejoint le 132ème R.I. (sur la ligne Maginot) puis, en janvier 1940, la base aérienne de Tours, comme observateur aérien. Il est breveté en juin 40, après avoir volé sur Potez 25, Bloch 200 et Potez 540.
Le 17 juin 1940, comme nombre de ses camarades observateurs aériens, R.Fassin n'accepte pas l'armistice annoncé par Pétain. Il part vers le sud et St-Jean-de-Luz, où il embarque dès le 21 juin 1940 sur le cargo polonais « Jean-Sobieski », à destination de l'Angleterre. Et, le 23 juin 1940, il signe à Londres un contrat d'engagement de lieutenant observateur dans les Forces aériennes de la France libre (F.A.F.L.) - matricule 30 079. Ce qui va le conduire à Odiham (Hampshire), base de la RAF qui accueille l'école franco-belge de pilotage, où il entame son entraînement.
En janvier 1941, il est pressenti pour aller en Afrique mais est finalement affecté à l'état-major Air de la France libre. Sous cette couverture, il va suivre un entraînement à la clandestinité à Ringway, près de Manchester. Et c'est Passy, chef du Deuxième bureau (le renseignement) qui, le 20 septembre, va demander son détachement à l'état-major particulier du général de Gaulle, service des missions, section P. C'est ainsi que Fassin intègre, en fait, le Bureau Central de Renseignement et d'Action (B.C.R.A.).
C'est là que Jean Moulin le choisit pour être parachuté avec lui et Hervé Monjaret au-dessus des Alpilles lors de cette fameuse nuit du 1er au 2 janvier 1942, point de départ de la « mission Rex ». Et le détache d'abord, comme officier de liaison de la France libre, auprès du mouvement de résistance Combat. Basé à Lyon sous le pseudo de Sif, Fassin va s'entourer d'adjoints qui prendront les pseudos de Sif Prime, Sif bis, Sif 2, Sif 5 et jusqu'à Sif 10.
Ensuite, Jean Moulin va très vite le charger d'organiser un Bureau des opérations aériennes et maritimes (B.OA.M.), qui deviendra ensuite Service (S.O.A.M.) puis Centre d'opérations de parachutage et d'atterrissage (C.O.P.A.) - dont Fassin sera le chef national - et enfin Service des atterrissages et parachutages (S.A.P.), tout ceci en liaison avec la Royal Air Force, pour des vols clandestins de nuit .
Fin 1942, lorsque les mouvements s'unissent dans les Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R.) et que se crée l'Armée secrète, Moulin lui confiera en outre une mission de coordination des six régions (R1, R2) des trois grandes zones Est, Centre et Sud de la zone Sud. Mais au printemps de 1943, Fassin, qui est passé capitaine en septembre 42, est considéré comme « brûlé » en zone Sud et Jean Moulin, qui l'appréciait, envisage sérieusement de le faire repartir pour l'Angleterre.
Mi-juin, Fassin rejoindra effectivement, par un vol clandestin de nuit, Londres et le B.C.R.A. - où il se présentera le 18 juin 1943.
Là, une seconde mission - cette fois de Délégué militaire régional (DMR) du général de Gaulle - va lui être confiée. C'est la mission « Piquier » - pseudos : Barsac puis Comète, FX06, etc -, qu'il accomplira sous plusieurs fausses identités. Il est donc reparachuté en France dans la nuit du 15 au 16 septembre 43, pour organiser l'action paramilitaire de la Résistance (dans la perspective du futur Débarquement) dans la région « A » (Nord de la France). Mais le contexte était bien différent de celui de la zone Sud, et plus dangereux encore. Dénoncé par un de ses agents de liaison retourné par la Gestapo, il sera arrêté à Paris le 2 avril 1944 sous le faux nom de Charles Dacier, avec sa compagne Henriette Gilles-«Sif 5» (Solange, Carolle), enceinte**. D'abord incarcérés à Fresnes, ils seront transférés et internés le 2 mai 1944 à la prison de Loos-les-Lille (Nord).
Le 1er septembre 1944, Fassin sera déporté en wagon à bestiaux par le « dernier train de Loos ». Pour arriver d'abord, le 5 septembre, au camp de Sachsenhausen-Oranienburg (matricule 97 648) puis, vers fin octobre 44, à Neuengamme (près de Hambourg). Il mourra le 12 février 1945 - de maladie et de mauvais traitements - au camp annexe de Watenstedt 1/Usines Hermann-Goering.
Les états de service officiels lui donnent la qualité de chef de mission de 1ère classe (grade correspondant : lieutenant-colonel) aux réseaux de la France combattante (FFC) - réseau « Action ». Son acte de décès sera dressé officiellement le 1er août 1946 avec la mention « Mort pour la France » - et aujourd'hui celle de « Mort en déportation ». Raymond Fassin a reçu la « King's medal » britannique en tant que « French Air Force » en date du 9 sept. 1947, et était promu, en août 44 pendant sa détention, sous son pseudo de Jean-René Barsac, au grade de chevalier de la Légion d'honneur, avec ce texte de citation : «Officier admirable. Après avoir accompli une mission de 18 mois en France, s'est porté Volontaire, bien que recherché par la Gestapo, pour effectuer une nouvelle mission. Depuis septembre 1943, a réussi à mettre en place les plans militaires prévus par le Commandement interallié, et contribué à l'organisation de la Résistance dans l'une des régions les plus importantes de France, où la densité des troupes allemandes et l'activité de la Gestapo sont particulièrement dangereuses».
Par son fils François-Réné Cristiani-Fassin
Président du Mémorial Régional Jean MOULIN
* À Malakoff, une plaque apposée dans l'entrée du groupe Paul-Bert honore également la mémoire de Raymond Fassin. De même, il figure, pour avoir habité Vanves avant-guerre, sur la stèle érigée en «hommage aux victimes vanvéennes de la barbarie nazie». Enfin, à Salon-de-Provence, son nom est gravé, aux côtés de ceux de Jean Moulin et Hervé Monjaret, au pied de la statue du Mémorial Jean-Moulin.
** Lire le mémoire de maîtrise d'histoire de Chloé Gillet : «Raymond Fassin et Carole Gilles : les destins croisés de deux résistants» (2006)
Photos «Début mai 1944, Raymond Fassin-Sif et sa compagne Henriette (Carolle) Gilles-Sif 5, enceinte, cachent leurs menottes comme ils peuvent durant leur transfert de Fresnes à la prison de Loos-les-Lille.