Allocution prononcée par le Colonel (H) Fred Moore
Le mercredi 24 avril 2013, les honneurs militaires étaient rendus à François Jacob dans la Cour d'honneur de l'Hôtel National des Invalides. Après le discours prononcé par le Président de la République, le Colonel (h) Fred Moore a rendu un hommage 'fraternel a ce compagnon de la Libération. Vous trouverez, ci-dessous, la transcription de son allocution.
Monsieur le Président de la République, Chère famille,
Chers Compagnons,
L'Ordre de la Libération est aujourd'hui en deuil.
On ne croise que rarement, dans une vie, une personnalité aussi riche et aussi brillante que celle de François Jacob.
Évoquer son parcours de combattant, ici, devant vous, nous permet, au-delà du salut fraternel que nous lui adressons, de témoigner d'une période exceptionnelle de notre histoire. Période durant laquelle ceux qui, comme lui, se refusèrent à abandonner le combat alors que tout semblait perdu, étaient une infime minorité.
Issu d'une famille bourgeoise de confession juive, François Jacob est né le 17 juin 1920 à Nancy. Il commence ses études au lycée Carnot et les poursuit à la faculté de Médecine de Paris avec l'intention de devenir chirurgien.
Il se trouve donc étudiant lorsque la guerre éclate. De Saint-Jean-de-Luz, il embarque clandestinement le 21 juin 1940 à bord d'un bâtiment polonais, à destination de l'Angleterre. A Londres, le 1 er juillet, il s'engage dans les Forces françaises libres en voie de constitution. Ce choix immédiat, il l'expliquera plus tard en rappelant ce qu'il avait trouvé d'exceptionnel dans l'Appel du 18 juin : « C'était d'abord la rencontre de vérités simples, parce que le droit de la France se confondait avec les droits de l'homme et le patriotisme avec la liberté. C'était aussi la rébellion, l'insubordination du soldat à des ordres jugés indignes, parce que l'obéissance du Français à l'intérêt et à l'honneur du pays doit l'emporter sur l'obéissance du militaire à ses chefs ».
N'ayant pas obtenu de servir dans l'artillerie comme il le souhaitait, il est nommé médecin auxiliaire le 15 août 1940 et prend part à l'expédition de Dakar. Il participe ensuite à la fin de la campagne du Gabon en novembre 1940.
En décembre 1940, je fais sa connaissance à Douala au moment où nous faisions partie, tous les deux, des désignés d'office pour suivre les cours d'élèves officiers au camp Colonna d'Ornano à Brazzaville. Le Général Leclerc, Gouverneur militaire du Tchad, l'affecte à son état-major en qualité de médecin auxiliaire, et nous prendrons tous deux des chemins différents
Affecté au Régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad (RTST) en novembre 1941, il sert dans différents postes
3 tchadiens, Promu médecin sous-lieutenant en septembre 1942, il devient à cette date, médecin-chef de la 12e Compagnie du Régiment faisant preuve d'un dévouement constant et d'un rare mérite.
François Jacob prend part à la seconde campagne du Fezzan et à celles de Tripolitaine et de Tunisie, se distinguant par son courage. Ainsi, à maintes reprises, il se poste en première ligne et en ramène des blessés sous le feu de l'ennemi. Il est lui-même blessé le 10 mai 1943 au Djebel Garni, par des éclats de mortier au bras.
Le 8 août 1944, huit jours après le débarquement en Normandie de la 2e DB à Utah Beach, il est grièvement blessé au bras et à la jambe par 80 éclats de grenade aérienne, en relevant des blessés à Mortain. Évacué sur Cherbourg, puis sur Paris, il est nommé médecin lieutenant à titre exceptionnel le 10 novembre 1944.
Sorti de l'hôpital du Val-de-Grâce le 30 janvier 1945 après six mois de soins, il est de nouveau hospitalisé deux mois jusqu'au 4 avril 1945. 11 a chèrement payé une guerre, par ailleurs magnifiquement accomplie, qu'il termine avec la légion d'honneur, la croix de la Libération et cinq citations accompagnant sa croix de guerre.
Démobilisé, François Jacob termine ses études de Médecine et soutient une thèse de Médecine à Paris en 1947, puis il se tourne vers la Biologie, domaine dans lequel il accomplira la carrière exceptionnelle que l'on sait.
Mon cher François, ce fut un réel honneur de te compter parmi nous au Conseil de l'Ordre de la Libération en 1997 : tes conseils avisés, ta grande expérience ont été irremplaçables pour ses membres qui ont pu aussi apprécier le charme de ton intelligence et de ton humour quelquefois ravageur. C'est pour ces raisons que, en octobre 2007, tu succèdes à Pierre Messmer comme chancelier de l'Ordre de la Libération. Tu en deviendras, quatre ans plus tard, à l'issue de ton mandat, le chancelier honoraire lorsque j'aurai eu moi-même l'honneur de te succéder.
Mon cher Compagnon, tu rejoins aujourd'hui ceux qui t'ont précédé dans l'honneur : tous ces fidèles du général de Gaulle qui ont combattu côte à côte pour défendre un idéal commun : celui de la liberté et de la victoire.
Nous te saluons très respectueusement et très fraternellement.
Me tournant vers sa famille, j'ajoute que nous conserverons de notre Compagnon François Jacob, le souvenir d'un homme juste, droit, valeureux et chaleureux. Puisse cet hommage qui lui est rendu aujourd'hui vous apporter quelque réconfort en ces moments douloureux.
Distinctions et décorations
CAR - La Voix de la Résistance, n° 269, juin 2013