Première « Journée Nationale de la Résistance »
au Wagon du Souvenir duCamp des Milles
Extraits de l’allocution de M. ALAIN CHOURAQUI
Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation
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Les résistants et résistantes ont droit à notre reconnaissance infinie et les disparus à notre souvenir ému.
Mais leur action mérite surtout notre respect absolu et le respect de leur mémoire.
Respecter cette mémoire c’est être fidèle non seulement au souvenir mais aux valeurs toujours actuelles qui les ont portés et pour lesquelles ils se sont engagés et sacrifiés par milliers : démocratie politique économique et sociale, humanisme, volonté d’un monde libre, fraternel et juste, patriotisme face à l’occupant.
C’est aussi être fidèle aux leçons de leur expérience, de leur expérience du pire dont ils ont su triompher par le meilleur de l’homme.
La transmission de ces leçons de vie se fait par l'éducation. C’est la mission principale de notre Fondation du Camp des Milles –Mémoire et Education. C’est la raison de notre partenariat de plus en plus étroit avec l’Education nationale et le Rectorat d’Aix Marseille en particulier.
C’estpar l’éducation des esprits que l’on peut lutter contre les idéologies les plus dangereuses, les peurs infondées, les crispations identitaires, les fanatismes et les extrémismes, les rhétoriques démagogiques.
Cette éducation passe par l’apprentissage de l’esprit critique contre les langages manipulateurs, et surtout par l’affirmation de valeurs universelles, capables de rassembler les hommes par-delà leurs différences.
L’éducation aux valeurs humanistes implique aussi l’enseignement de l’histoire et de ses tragédies qui constituent autant d’expériences collectives de l’humanité. Quand celles-ci sont méconnues, certains peuvent être tentés d’en minimiser les méfaits et de voir à nouveau dans des discours extrémistes une solution aux problèmes divers qu’ils traversent.
C’est par la connaissance de leurs erreurs passées que les hommes peuvent éviter de les commettre de nouveauet rejeter les idées violentes inspirées par les ignorances et les peurs.
Parmi d’autres leçons fortes, retenons en trois ici, comme autant de clés de compréhension du présent, de repères forts sur notre chemin tâtonnant :
- Il y a mille façons de ne pas laisser faire ; chacun peut résister, chacun peut réagir, chacun à sa manière. Ces actes désintéressés, individuels ou collectifs, peuvent être apparemment anodins, voire passifs, violents ou héroïques, un simple geste de soutien momentané, comme une action décisive de sauvetage ou de résistance armée. Ils sauvèrent des dizaines de milliers de vies et constituèrent souvent des obstacles importants devant les politiques criminelles, avant même de réussir à renverser la situation par les armes. L’histoire du camp des Milles illustre cela ô combien ; et les fondateurs du mémorial n’ont pas voulu que le visiteur, le jeune visiteur en particulier, sorte des lieux écrasé par la cruauté humaine mais surtout conforté dans l’idée que l’homme a la capacité de dire non à l’inacceptable, que chacun peut trouver dans sa conscience morale, dans son éducation, dans son expérience et sa mémoire collectives, les raisons si ce n’est les réflexes de l’humanité envers son prochain.
- C’est dans les commencements des engrenages dangereux qu’il faut réagir fermement, car si les résistances contre les extrémistes sont toujours efficaces, elles sont de plus en plus difficiles voire sanglantes au fil des engrenages voire des emballements rapides et inmaîtrisables ; en quelques mois la démocratie défaillante a pu laisser place à l’autoritarisme criminel, aux premiers camps, à la fin du Parlement, à l’interdiction des syndicats et des partis...;
- Une minorité active et une majorité passive peuvent faire arriver un pouvoir autoritaire par les urnes : a-t-il fallu l’adhésion de plus d’un tiers des Allemands pour amener Hitler au pouvoir ? Etnous savons aussi que cela ne donne pas pour autant une légitimité démocratique à un pouvoir autoritaire puisque la démocratie est un régime politique qui comprend bien d’autres principes de fond que l’élection au suffrage universel ; sinon le nazisme ou me stalinisme devraient être considérés comme démocratiques…
« Le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent »(Lucie Aubrac)
Comment ne pas être interpelé par cette phrase au moment où, dans toute l'Europe, réapparaît sous des masques divers tout ce que la résistance combattait : les discours et les partis extrémistes, nationalistes et xénophobes, la démagogie simpliste, le rejet de l'autre et l'antisémitisme violent.
Le mauvais sort fait aux minorités est le révélateur de maux profonds dans toute la société concernée, et annonce des menaces pour tous, y compris pour ceux qui croient encore que l’arbitraire ne touche que les autres. Le racisme est un cheval de Troie efficace contre la République et les libertés de tous. Comment ignorer alors l'attentat de Bruxelles il y a 3 jours après celui de Toulouse, sur fond d’augmentation en France de 55% des violences antisémites au dernier trimestre, de 11 % des actes islamophobes en 2013, d’un record pour les actes homophobes et d’une montée du rejet des gens du voyage ?
Les résistants nous ont appris à transformer l'inquiétude et la colère en action pour la liberté et la dignité de chacun. N'oublions pas non plus cette leçon vitale pour la démocratie dans un contexte inquiétant où nos démocraties sont prises en tenailles entre des fanatismes religieux et des extrémismes politiques. Il faut que l’écrasante majorité de notre peuple qui n’est ni fanatique ni extrémiste s’affirme démocratiquement sans attendre qu’il soit trop tard pour éviter des affrontements.
En cette Journée nationale de la Résistance,osons dire qu’il faut et il suffit que la majorité s’exprime contre la minorité qui salit le visage de la France !
Il faut et il suffit que la majorité se lève!
ALAIN CHOURAQUI
SOURCE ASSOCIATION JEAN ZAY