Les historiens suivants
Claire Andrieu,Jean-Piere Azema,Marc-Olivier Baruch,Serge Berstein,Jean-Noël Jeanneney,Pascal Ory,Antoine Prost,Jean-Pierre Rioux,Annette Wieviorka,Michel Winock
publient dans Le Monde.fr ( * ) :
“Le patriotisme de Jean Zay devant l’Histoire”
Une campagne jette le discrédit sur Jean Zay en s’appuyant sur un texte intitulé « Le Drapeau » pour nier son patriotisme et le rendre indigne du Panthéon. Rappelons donc les faits.
1/ Le texte est authentique, et J. Zay n'a jamais contesté l'avoir écrit. Il a été volé et publié par le journal monarchiste d'Orléans lors de la campagne électorale de 1932, puis repris par l'Action française, Gringoire, Je suis partoutetc...
2/ J. Zay s'est expliqué sur ce texte devant les Députés, le 31 janvier 1936, lors de la constitution du gouvernement Sarraut où il était secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil. :
"Sur la nature, la date, le caractère fantaisiste et strictement privé d'un papier qui remonte à douze années, alors que je suis aujourd'hui encore l'un des plus jeunes d'entre vous [...] on sait qu'il s'agissait d'un pastiche littéraire".
Deux points ne sont pas contestés : c'est un texte de jeunesse ; il n'était pas destiné à être publié.
Un troisième point est certain : le pacifisme de Jean Zay à l'époque, 1923-24 ("il y a douze années") où il a écrit ce texte. Dans le contexte d’alors, ce pacifisme n'a rien d'original.
La qualification de "pastiche littéraire" ne peut être écartée. Les écrits de J. Zay à l'époque, notamment les billets qu'il donne à une revue littéraire locale,Le Grenier, rendent crédible qu'il ait voulu écrire un "à la manière de" Gustave Hervé. Rappelons que ce professeur fut révoqué en 1901 pour avoir conclu un article en plantant le drapeau dans le fumier, avant de devenir pendant la Guerre, l'un des patriotes les plus jusqu'au boutistes.3/ J. Zay a désavoué ce texte. Devant les députés, il poursuit :
" A la question qui m'est posée, je réponds : Si le texte qui a été produit était, et ce n'est pas le cas, l'expression d'une opinion sérieuse et réfléchie, l'homme que je suis le repousserait avec horreur et, ayant voté ici les crédits concernant la défense nationale, attesterait avec force, quels que puissent être les commentaires, la loyauté de son patriotisme".
Après quoi M. Xavier Vallat, qui deviendra le premier Commissaire aux questions juives de Vichy, se dit "extrêmement satisfait de ce que M. le président du conseil [...] ait permis à M. Jean Zay de s'expliquer comme il vient de le faire".
Devant une déclaration aussi claire dans une enceinte aussi solennelle, on ne peut prétendre qu'il n'a jamais retiré ses propos. Les associations patriotiques sont plus difficiles à satisfaire aujourd’hui que M. Xavier Vallat en 1936.4/ Sur le patriotisme de J. Zay, trois éléments supplémentaires :
- le comité du Front populaire du Loiret avait commencé par refuser J. Zay, car les pacifistes lui reprochaient d’avoir voté les crédits de la Défense nationale. Il a fallu qu’il revienne à la charge pour être admis.
- comme ministre, sa position envers le pacifisme des instituteurs a fait l’objet d’une question lors de la discussion de la loi sur l'obligation scolaire, le 6 août 1936. Voici sa réponse :
"Le gouvernement et le ministre de l'éducation nationale [...] réprouvent avec netteté toute doctrine, toute thèse qui, surtout dans les circonstances internationales actuelles, tendraient à nier la défense nationale et à paralyser l'éventuel sursaut du pays si son indépendance et sa sécurité étaient menacées. Il pense que Jaurès lui-même se serait insurgé contre des raisonnements dangereux qui tendraient à faire oublier qu'aujourd'hui il peut arriver que la défense nationale se confonde avec la défense même de la liberté [...] Il pense qu'il serait plus étrange encore que scandaleux [...] de soutenir une thèse [...] qui tendrait à cette conclusion qu'on devrait se lever contre les menaces intérieures de fascisme ou de dictature, comme le pensent tous les républicains, mais que, par un tragique et invraisemblable paradoxe, seules les menaces de la dictature ou du péril extérieur ne rencontreraient point de résistance et verraient les portes s'ouvrir devant elles". Et il affirme sa volonté de faire respecter la neutralité de l'école et de ne pas laisser la propagande pacifiste y pénétrer.
- J. Zay pouvait rester ministre à la déclaration de guerre. Il a démissionné et rejoint l’armée.5/ Sur J. Zay, victime et pas résistant, deux éléments :
- La résistance a-t-elle commencé avec l'armistice et l'occupation ? J. Zay était incontestablement partisan de résister à Hitler ; c’est pourquoi il reste au gouvernement après Munich. D'ailleurs les mêmes journaux d'extrême droite qui s'indignaient du "drapeau" ont publié en 1942 ses carnets plus ou moins tronqués, eux aussi volés, pour prouver qu'il était partisan de résister à l'Allemagne nazie et voulait donc la guerre. Ceux qui se sont embarqués comme lui sur le Massilia voulaient continuer la guerre. En l’assassinant, la milice de Vichy n’a pas fait seulement payer à J. Zay ce qu'il était (franc-maçon, eux-disant juif, grand maître d'une université exécrée, ministre d'un Front populaire non moins exécré), mais aussi le combat politique qu’il avait mené après Munich.
- J. Zay en prison avait des contacts avec la résistance, puisque l'on a retrouvé dans ses papiers le manuscrit d'un projet de « ministère de la vie culturelle » qui a été publié par l'Organisation Civile et Militaire de la résistance dans son deuxième cahier.Les historiens savent que la haine politique est durable. La campagne actuelle le confirme.
Claire Andrieu, Jean-Piere Azema, Marc-Olivier Baruch, Serge Berstein, Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory, Antoine Prost, Jean-Pierre Rioux, Annette Wieviorka, Michel Winock
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SOURCE L' « Association Jean ZAY en Provence – Pédagogie, Mémoire et Histoire »
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