Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

MAQUIS du MORVAN : La Compagnie André du 5 juillet 1944 au 28 septembre 1944 - par Hubert CLOIX - Partie XV_ La vie à Savault
05-11-2011

La vie à Savault

 

Après la vie dans les bois, la compagnie ANDRÉ s'installe et s'organise dans Savault qui devient un hameau de garnison. Les habitants sont heureux d'accueillir tous ces jeunes volontaires, malgré les risques, car Savault est proche de la route nationale utilisée par les convois allemands en retraite.

La cuisine est installée et remise en service.

Des groupes reprennent les gardes, notamment à la Croix des Chazelles, à la sortie de l'ouest de Montsauche, sur la route nationale. Contrairement à ce qui se passait dans les bois, on reçoit les nouvelles par la radio. Quelques rares habitants possèdent un poste, mais la façon la plus sûre d'être informé consiste à se rendre dans le local du service radio de la compagnie.

Le soir du jeudi 22 août 1944, on apprend par les radios de Paris et de la B.B.C. que des combats sont en cours à Paris. On se réjouit à l'idée de Paris libéré… Paris la capitale de la France !

Nous attendons avec impatience les nouvelles du déroulement des événements et nous espérons tous un retour à une vie normale, à une vie sans angoisse face à la Gestapo et à la Milice, aux restrictions en tous genres…

Pour les Parisiens envoyés dans le Morvan par leurs réseaux de Résistance, la libération de Paris est un grand bonheur. En même temps, ils sont tristes d’être loin de la capitale et de ne pas pouvoir participer aux combats exaltants dans Paris… et pour Paris. Le départ des Allemands les met en joie mais ils ont aussi la nostalgie de se sentir loin de leurs camarades restés à Paris et qui vivent ces combats libérateurs. Ils attendaient ce moment d'ivresse depuis de longs mois, acceptant des conditions de vie difficiles, une existence clandestine, la crainte des arrestations, des rafles de la Gestapo, au péril de leur vie à tout moment, et les voilà cantonnés dans le Morvan. Un Morvan pourtant bien sympathique et accueillant et dont la population les a tous tant aidés.

 

Mercredi 23 août 1944 :

La compagnie ANDRÉ vit une journée normale : gardes à différents carrefours.

Dans l'après-midi, exercice de progression sur la butte qui domine le hameau de Savault. Au sommet, il y a une chapelle. Comme on domine tous les alentours, l'exercice se termine par des séances d'observation et de repérage.

De retour à Savault, la population veut fêter la libération de Paris en invitant les gars de la compagnie pour le diner. Chaque famille fait ce qu'elle peut avec ses modestes moyens. Chacun espère un diner de gala. Hélas, les paysannes du coin ne sont pas toujours de bonnes cuisinières. Il y a eu des surprises. Par exemple, une famille invite un groupe à souper et annonce du lapin comme plat principal. Un lapin qu'on ne tue que les jours de fêtes, pour les réunions de famille comme mariages, baptêmes, premières communions... Les invités se pourlèchent donc les babines. On imagine un lapin forestier, parfumé avec des herbes odoriférantes et des champignons, des trompettes de la mort.

Hélas ! Le pauvre lapin est sorti d’une marmite d'eau bouillante, sans sauce, sans condiments, tout délavé. À ce moment-là, nous regrettons la cuisine de la compagnie, pourtant peu élaborée.

Qu’à cela ne tienne ! Nous avons bien fêté la Libération de Paris par les F.F.I.. L'accueil des familles a largement compensé les insuffisances culinaires !

Bien sûr, Paris n'est pas encore libéré ce jour-là, il y a encore des combats. La véritable Libération n’aura lieu que le 25 août, avec l'arrivée de la 2° D.B. du général Leclerc. Les journalistes ont anticipé les faits.

 

jeudi 24 août :

Une partie des hommes de la compagnie restent au repos tandis que d'autres participent à un défilé dans la commune de Moux pour marquer la libération du coin.

Là encore, on anticipe les faits. Mais cette démonstration dans la rue va montrer à la population que les maquisards sont capables d'une présentation satisfaisante et d'une bonne discipline, malgré l'absence d'uniformes militaires.

On sait par les communiqués de la radio que Paris est encore tenu par l'armée d'occupation et que des combats sont en cours. En revanche, on ignore tout de l'arrivée à Paris de la 2° D.B. du général Leclerc.

 

Vendredi 25 août 1944 :

Paris se libère. Les derniers combats se terminent dans la capitale. Les garnisons allemandes encore en place capitulent. Le général allemand Von Choltitz, gouverneur de Paris, signe l'acte de reddition et sauve Paris.

Le général de Gaulle entre dans la capitale sous les ovations des Parisiens.

Tandis que la compagnie, toujours au calme, s'installe dans la routine et dans toutes les servitudes d'une vie de caserne. La section Engins est « de jour ». C'est-à-dire qu’elle assure un certain nombre de corvées et de fonctions, comme par exemple tenir la garde au Drapeau ou organiser des séances de coiffures.

Dans l'après-midi, la compagnie au grand complet accueille le colonel Dufresne (Dubois) en inspection. Il visite l'armurerie, la cabine radio, les logements des uns et des autres, l'état des armes, la tenue des hommes. Ce colonel, par son comportement, gagne la sympathie de tous.

 

Samedi 26 août 1944 :

La région est calme, on ne signale pas d'Allemands en vue. Malgré tout, on surveille les environs. Le groupe Fromonot est de garde à « la Maison », un hameau situé au Nord-ouest de Savault. Tous ces postes de garde assurent la sécurité de la compagnie en contrôlant l'identité des personnes étrangères et en signalant les passages de convois allemands.

Dans l'après-midi, pour maintenir la forme physique de la troupe, chaque section doit participer à une course en côte jusqu'à la chapelle qui domine Savault. La section ENGINS remporte la course.

 

Dimanche 27 août 1944 :

Dilemme : Dans la matinée, on annonce une messe à la chapelle de Savault, en précisant que ceux qui y assisteraient seraient dispensés de pelures. Il y a toujours des habitués de la messe, mais il y a aussi tous les malins qui veulent échapper à la corvée de pelures. Ce cher curé n'a jamais eu autant de fidèles à sa messe.

En vue d'éventuels combats, chacun reçoit une attribution supplémentaire de munitions. Dans l'après-midi, on reçoit des nouvelles de Paris. La capitale aurait été bombardée par l'aviation allemande. Le Général de Gaulle se rend à la cathédrale Notre Dame à Paris pour assister à un Te Deum. Il y aurait des fusillades autour et à l'intérieur de la cathédrale.

Dans l'après-midi, la compagnie ANDRÉ participe à un défilé dans les ruines de Dun-les-Places et à Saint-Brisson. Malgré les massacres perpétrés par les Allemands sur tous les hommes de Dun-les-Places, sauf un, les femmes et les enfants applaudissent ces jeunes maquisards qui ont combattu et risqué leur vie pour chasser l'occupant.

À Saint-Brisson, la population exprime sa joie et ovationne le défilé : c’est la fin d'une période cruelle.

 

Lundi 28 août 1944 :

Malgré la dispersion de ses hommes dans les maisons du village, le lieutenant André veut maintenir la cohésion de son unité. Car, si Paris est libéré, le Morvan est encore à la merci des convois allemands en retraite et des garnisons qui échelonnent leur trajet. Le lieutenant André sait qu’on peut encore avoir à se battre contre des unités ennemies en retraite. Dès le matin, le lieutenant André visite tous les cantonnements où se trouvent ses hommes : granges aménagées, hangars, cuisine, armurerie, locaux divers.

Toujours dans le même esprit de cohésion, le lieutenant André rassemble sa compagnie sur la place d'arme instaurée au milieu des Maisons. Il rappelle les règles du comportement du soldat, les commandements pour saluer, pour porter les armes durant les cérémonies et les règles à respecter à l'arrivée d'un officier.

Certains reçoivent formation complémentaire, comme par exemple celle accordés au groupe PIAT (Projector d'Infantery Anti-Tank) pour l'usage de son arme.

La matinée se termine par une séance d'instruction des sous-officiers et des caporaux.

Après le repas, la compagnie participe à un exercice de défense du hameau de La Maison : mise en place des sections, rôle des éclaireurs et des agents de liaison, rôle des chefs de section face à une attaque ennemie. Après cet exercice de défense, instruction sur le fonctionnement du mortier.

 

Mardi 29 août 1944 :

Il est indispensable dans un combat d'infanterie que chacun possède une certaine polyvalence et qu'il puisse utiliser les armes d'un combattant mis hors service pour blessures ou décès.

Dans cet esprit, on a montré hier à certains le fonctionnement du mortier (le seul mortier de la compagnie). Aujourd’hui le groupe P.I.A.T. apprend au groupe des Mines le maniement de cette arme.

Le calme de la région permet d'accorder à certains des permissions de sorties d’un ou deux jours.

A la fin du mois d'août, l'effectif de la compagnie est au complet à Savault. Heureusement, car pendant quelques jours encore, la compagnie aura à affronter les convois allemands qui traversent le Morvan. Le lieutenant André tient ses hommes en haleine et fait procéder à des exercices de mise en batterie de plusieurs catégories d'armes : fusil-mitrailleur, mortier, bazooka, P.I.A.T.. Toutes ces précautions sont bien nécessaires : la compagnie est mise en alerte. On apprend le passage d'un convoi important. Le lieutenant André organise l’attaque de ces véhicules. On entend des moteurs de camions, de canons tractés, de voitures - peut être des véhicules blindés - et aussi des vélos et des motos.

Toute cette troupe circule sur la route qui domine Savault.

Discipliné, le lieutenant André informe l'état-major départemental situé à Ouroux du passage de ces convois. En réponse, le colonel Roche met le lieutenant aux arrêts avec ordre de ne pas attaquer.

Bien sûr, les postes de garde sont renforcés à la Maison, à Mallerin, à Savault.

Chacun doit rester l'arme à la bretelle, furieux de respecter des ordres qui paralysent toute action contre l'ennemi.

 

Samedi 2 septembre 1944 :

La compagnie retombe dans la routine des gardes, des pelures, du repos. Il pleut à torrent toute la journée. Dans un pays où la pluie est fréquente et abondante, qu'on prenne la peine de signaler cette pluie dans les annales montre que toute la journée, il est tombé des trombes d'eau.

Des bruits circulent qu'il y aurait des combats entre Chitry-les-Mines et Corbigny. Je connais bien les lieux et je pense peu probable qu'on attaque l’ennemi sur une route très dégagée, sans possibilité de retraite.

 

 

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