Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Le drame du VERCORS par Francis AGOSTINI
Juin 1944

© Par Francis AGOSTINI

Président de l’Union Fédérale des Bouches du Rhône

Président du Comité de coordination des associations d’anciens combattants

et victimes de guerre de Marseille et des Bouches du Rhône.

Avec son aimable autorisation

Le Vercors représente un symbole important de la Résistance en France au même titre que le plateau de Glières et le Mont Mouchet.

En effet déjà fin août 1941 à Grenoble cinq hommes tous membres de la SFI0 et anciens élus parlent de reconstituer leur parti dissout sur ordre du gouvernement de Vichy ; il y a là Léon MARTIN, ancien Député maire de Grenoble, révoqué par Vichy, Eugène CHAVANT, ancien maire de Saint Martin d’Hères et Aimé PUPIN.

Des contacts vont être noués assez rapidement avec Jean Pierre LEVY qui vient de créer le mouvement Franc-Tireur.

On ne parle pas encore du Vercors, mais déjà un embryon d’une organisation de Résistance a été créé par le docteur SAMUEL de Villard de Lans.

Ce n’est qu’en 1942 que le contact est pris entre le mouvement Franc-Tireur et les gens du Vercors.

Après l'occupation de la zone Sud par les Germano-Italiens se constitue fin novembre 1942, grâce à l’action d’anciens officiers du 110 régiment de Cuirassiers de Lyon, un premier noyau de résistance armée au pied du Vercors dans la forêt de Thivollet au nord du département de la Drôme, dans la région de la Galaure.

Après la création par Vichy du STO, de nombreux jeunes voulant échapper au départ en Allemagne, affluent sur le plateau du Vercors où heureusement 7, puis 1.2 camps ont été préparés et aménagés sommairement, mais avec un manque d’armement évident et qui abritent 400 hommes.

Tandis que le plateau se peuple lentement de réfractaires au STO, et de patriotes, deux hommes, Pierre DALLOZ, polytechnicien et Jean PREVOST, écrivain, ont l'idée de transformer le massif du Vercors, très difficile d’accès, véritable bastion naturel de 60 km de long sur 40 de large, à une altitude de 1 000 m, en un vaste camp retranché, pouvant recevoir des parachutistes alliés et ainsi de mener des raids de commandos voire de véritables opérations militaires contre l’occupant.

Pierre DALLOZ, rédige un plan de deux pages, qui est remis par Yves FARGE à Jean MOULIN ; FARGE, DALLOZ et le général DELESTRAINT, délégué militaire national se rencontrent à Bourg en Bresse : le projet semble adopté et prend le nom de plan "Montagnards"- Plan confirmé après la visite du délégué militaire national sur place.

Mais plusieurs arrestations dont celle du docteur MARTIN, Aimé PUPIN, obligent Yves FARCIE et Pierre DALLOZ a s’éloigner de Grenoble et du Vercors, DALLOZ rejoignant Londres. C’est Eugène CHAVANT qui va tenter de réorganiser le mouvement.

Le 9 juin 1943, le général DELESTRAINT est arrêté à Paris par la Gestapo et le 21, c’est Jean MOULIN à Caluire.

Fin septembre 1943, les troupes italiennes qui avaient déjà mené quelques incursions dans le massif du Vercors notamment les 24 mars, puis 10 avril, les 13 et 30 avril et enfin le 17 mai, obligeant certains camps à déménager rapidement et arrêtent le 27 mai un certain nombre de responsables du maquis A partir de l’automne, ce sont des incursions de voitures radio-goniométriques de la gestapo qui commencent à gêner les émissions radios vers Londres et Alger.

Par contre le premier parachutage a lieu fin Novembre et d’autres vont se multiplier les premiers mois de 1944 sur le terrain d’Arbounouze.

Fin mai 1944, Eugène CHAVANT part pour Alger où il prend contact avec l’Etat-Major des projets spéciaux- SPOC- et rencontre des officiers américains, britanniques et français ; il semblerait qu’on lui promette l’arrivée de troupes aéroportées-4000 hommes- et d’une mission alliées pour préparer le terrain d’atterrissage de Vassieux en Vercors. ; Eugène CHAVANT repart pour la France avec des assurances, mais ne peut rejoindre le Vercors qu’au début Juin où il va prendre contact avec le commandant DESCOUR.

Dans la nuit du 5 au 6 juin, la BEC a passé des messages mobilisant tous les maquis de France y compris pour le Vercors « Le chamois des Alpes bondit ».

Dans la nuit du 8 au 9 juin, le commandant HUET, chef militaire du Vercors déclenche la mobilisation générale des compagnies civiles qui rejoignent toutes le plateau. Mais le 10 juin Londres donne le contre-ordre… II est pratiquement impossible aux responsables du Vercors d’exécuter cet ordre.

Les Allemands parfaitement renseignés ne sont pas dupes et dès le 13 juin lancent une colonne en direction de Saint Nizier du Moucherotte

Repoussés, ils remontent avec des renforts estimés à 2 bataillons ; les maquisards sans armes lourdes sont obligés de se replier et les Allemands incendient le village Viliard de Lans a été également évacué par les FF1, les forces de la Résistance s’étant retranchées sur le plateau où la République est proclamée Les parachutages d’armes et de munitions se poursuivent mais sans armes lourdes !

Le 21 juillet 1944, alors que le terrain d’atterrissage de Vassieux vient à peine d’être terminé, des bruits de moteurs d’avions se font entendre et les FF1 croient que ce sont des Daketas - C 47-. Américains qui arrivent

En fait ce sont des Dorniers allemands tractant des planeurs, accompagnés par des avions de chasse et des bombardiers qui s’attaquent immédiatement aux défenses du plateau… Des planeurs jaillissent des SS qui rapidement écrasent les défenseurs surpris et incendient le village de Vassieux.

Au même moment des régiments de montagne allemands appartenant à la 157° Division du général PFLAM passent à l’attaque sur les faces Nord, Est et Sud du Vercors.

Pendant plusieurs jours les FF1 tentent de reprendre Vassieux, sans succès car dépourvus d’armes lourdes-Mortiers et mitrailleuses, les Allemands recevant eux des renforts par voie aérienne.

De violents combats opposent résistants et allemands notamment au Sud de Villard de Lans, dans les bois de Corrençon et de Vaichevrière. Le 23 juillet, Valehevrière tombe aux mains des troupes allemandes. L’ordre de dispersion est alors donné par le commandant HUET : des messages sont adressés à Alger et à Londres, messages pathétiques et dramatiques, des mots comme lâches et criminels vont déclencher une tempête politique au sein du Comité Français de la Libération Nationale…

Les Allemands maîtres du plateau, vont se livrer à d’atroces représailles Massacres des habitants de Vassieux, exécutions d’otages à la Chapelle en Vercors, exécutions de prisonniers, massacres des blessés de la grotte de la Luire…

Fin Juillet le bilan est dramatique :

  • 840 personnes-hommes femmes, enfants ont péri, 201 civils et 639 FF1.

Mais l’épopée du Vercors n’est pas finie puisqu’après le débarquement du 15 août en Provence, les Forces US commandées par le général BUTLER, utilisant la route Napoléon atteignent Grenoble le 22 août bousculant le calendrier initialement établi par les Etats-Majors alliés.

Les FFI survivants, regroupés reprennent la lutte et nettoient les environs de Grenoble, s’emparant de Romans, libèrent Vienne et pénètrent dans Lyon en prenant contact avec la 1° DFL du général Diègo BROSSET.

Il reste à expliquer pourquoi le plan Montagnards n’a pas été exécuté et les promesses faites à Alger tenues.

- Est-ce à cause de la disparition du général DELESTRAINT et de Jean MOULIN ? La personnalité de ces deux hommes aurait peut-être été décisive dans sa réalisation.

- Est-ce à cause du nombre de projets entassés dans les dossiers de l’Etat-Major allié ?

- Ce plan fut-il jugé trop ambitieux compte tenu de la prudence voulue par les Américains en matière de développement des opérations terrestres ?

L’erreur coupable fut de laisser croire aux responsables du Vercors que le plan Montagnards était toujours d’actualité, en donnant des assurances formelles à Eugène CHAVANT, l’ordre du jour de Jacques SOUSTELLE, l’envoi d’une mission alliée chargée de préparer l’aérodrome de Vassieux en Vercors.

De toute façon le sacrifice des combattants du Vercors n’a pas été vain, puisqu’il a obligé la Wehrmacht à monter de véritables opérations de guerre entretenant sur les arrières de l’ennemi un climat constant d’insécurité.

© Par Francis AGOSTINI

Président de l’Union Fédérale des Bouches du Rhône

Président du Comité de coordination des associations d’anciens combattants et victimes de guerre de Marseille et des Bouches du Rhône.



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