Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Compagnon de la Libération le 16 octobre 1945

Par Olivier MATTHEY-DORET

Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"

Avec son aimable autorisation.

Gustave BARLOT est né le 22 juin 1914 à Provenchère-sur-Meuse dans le département de la Haute-Marne.

Il va à l’école de son village de 1920 à 1927 ; il s’engage en 1935 dans l’armée en devançant l’appel sous les drapeaux ; il est au 508ème Régiment de Chars de Combat à Lunéville.

Sa femme est une Alsacienne qui a dû rester de force en zone interdite avec ses deux enfants. En 1936, il est Caporal breveté chars et autos.

Pendant la guerre de 1939-1940, il est Sous-officier au 508ème Régiment de Chars de Combat (Lunéville).

Le 10 mai 1940, il est blessé par une bombe (fracture du bras droit) ; évacué à l’hôpital de Châlon-sur-Saône, il refuse catégoriquement d’être envoyé à l’arrière. Il regagne son unité et part colmater la trouée de Sedan.

Les combats sont rudes malgré la défaillance de l’Intendance qui n’avait pas suivi (les attaques des stukas ont séparé les blindés de leur intendance).

Ayant entendu l’appel du 18 juin, il décide de regagner l’Angleterre alors qu’il est à l’Etat-Major du 92ème Régiment d’Infanterie de Clermont-Ferrand.

Le Général Frère contacte Gustave BARLOT et lui demande de rester sur le sol français pour organiser « on ne sait pas quoi encore ». Sa mission sera de réparer le matériel endommagé ou en panne. En juillet, il est à Roanne ; il doit remettre en état les chars abîmés.

L’arsenal de Roanne servait de parc dans lequel convergeait le matériel cassé. Une fois réparés, ces blindés passaient devant la commission d’armistice allemande. La deuxième équipe sabotait systématiquement le travail de la première équipe.

De cette façon les chars étaient inaptes à tout combat.

Dès septembre 1940, il entre au service du camouflage de matériel de Reims. À ce titre, sous la couverture de chauffeur civil, il a assuré de fort nombreux transports de matériel militaire de toutes natures.

Grâce à sa spécialisation de mécanicien de chars, il s’est attaché plus spécifiquement à réparer et à camoufler les blindés.

Les Allemands ne pouvaient pas comptabiliser toutes les armes arrivant, alors Gustave BARLOT et son équipe en camouflaient certaines le jour et allaient les cacher pendant la nuit.

Une anecdote relate qu’avec deux Sous-officiers, il a réussi à remettre en état de fonctionnement un char qui faisait partie de son ancien bataillon (8ème Bataillon de blindés) et qui fut détruit et incendié lors de la guerre 1939-1940.

Pendant l’hiver 1940-1941, sous la neige, dans les bois, campant sur place, il a remplacé toutes les plaques de blindage abîmées, a refait tout l’intérieur, a remis tout l’armement en état de fonctionnement. Son ardeur à la tâche pour ce char provient certainement du fait que c’est celui que Gustave BARLOT a sauvé sur le front de la Somme et qu’il a pu soustraire à une destruction totale et irréparable.

En mars 1941, il reçoit un ordre de mission qui le mène à Bourg-enBresse ; arrivé à destination il est reçu par un homme grand, qui le salue et lui donne l’accolade. C’est le Général Delestraint (Compagnon de la Libération en 1945). Gustave BARLOT écrit : « j’aime mieux vous dire que j’étais bien ému, moi le petit Sous-officier, recevoir l’accolade d’un Général avec la discipline régnant à cette époque ».

Pendant l’hiver 1941-1942, il reçoit la mission de réarmer secrètement le 8ème Dragon stationné à Issoire (alors que l’origine de ce Régiment est Lunéville).

Les Allemands avaient autorisé que les automitrailleuses fassent partie de l’armée d’armistice mais sans leurs tourelles de tir. Aux environs de Sarlat, il refabrique des tourelles, avec ses hommes, il les immatricule puis les enterre une fois qu’elles sont graissées et bâchées.

Chaque équipage en connaissait la destination. Le « jour J », ces tourelles seraient adaptées sur leurs véhicules respectifs.

En février 1942, le Sous-Lieutenant BARLOT (grade avec effet au 1er décembre 1940) a travaillé 24 jours sans interruption, dormant tant bien que mal sur des coussins de voiture posés à même le sol et chauffé par un petit brasero.

En octobre, il est envoyé dans le sud-ouest pour expédier en Afrique du Nord via Marseille 600 véhicules. Il est cité à l’Ordre de la Nation (palme de vermeil agrafée sur le ruban de la Croix de Guerre).

Lors de l’invasion de la zone sud par les Allemands en novembre 1942, il s’efforce de sauver tout le matériel précieux (l’armement) récupéré avec son équipe afin que cela ne tombe pas dans les mains des ennemis. Il traverse les colonnes nazies au volant d’un camion chargé d’armes, de munitions, d’explosifs.

Gustave BARLOT est avisé que trois membres de la gestapo (anciens militaires ou employés à la 13ème division militaire) le recherchent, il reçoit l’ordre d’aller les chercher à Clermont-Ferrand et de les exécuter.

Ce sera chose faite sans hésitation de la part de Gustave BARLOT et de deux autres camarades de combat. Les trois cadavres des traîtres furent enterrés sans aucun incident dans le Puy-de-Dôme.

À Londres, Gustave BARLOT est enregistré sous le matricule 5229 P2 ; ce qui signifie qu’il devient agent de renseignements, chargé de mission de 2ème classe. Il devient agent régional (car chef du réseau Reims), commandant la zone sud-ouest avec comme principal point de chute Clermont-Ferrand. Cette situation durera jusqu’en janvier 1944.

En février 1944, il refuse d’être intégré dans l’armée clandestine, il laisse sa place à un autre ; ce que veut Gustave BARLOT, c’est assurer la garde de « son » char (camouflé dans le département de la Creuse) jusqu’aux combats de la libération de la France.

Les autorités l’autorisent à partir dans la Creuse mais il doit maintenir une liaison avec elles. Le problème étant que les consignes et les ordres répétés du Préfet de la Creuse attirent l’attention de la police et de la gendarmerie.

Pour leur échapper, en liaison avec le service de renseignements, il s’enfuit dans les maquis de Bretagne.

Arrêté le 24 mai 1944 par 11 agents de la gestapo et du S.D. (Sicherheits Dienst, service de sécurité), il est assommé à coups de crosses sur la tête puis est emmené dans une école de jeunes filles à Rennes (siège de la gestapo) où il est incarcéré et torturé pendant 78 heures. Jeté à la prison de Rennes avec trois fractures, plusieurs plaies, il est resté trois jours dans le coma.

Condamné à mort, il échappe au peloton d’exécution grâce à l’avancée rapide des Alliés qui avaient débarqué sur ces entrefaites.

Il est transféré sur un brancard au camp de Royallieu (une des antichambres des camps de concentration) sans avoir parlé. Déporté en Allemagne, il est interné au sinistre camp de Neuengamme.

C’est un des rares rescapés du convoi de Ltibeck (la « longue marche de la mort ») et du « Cap Arcona » -3 mai 1945- (les nazis avaient entassé les Déportés sur des bateaux pour « ne pas laisser de traces » de leurs méfaits ; les armées alliées à la France avaient coulé trois des quatre navires chargés de Déportés).

Porté disparu à la suite de cette tragédie, Gustave BARLOT est ensuite rapatrié en France en 1945 après une évacuation sur la Suède. Il ne pesait plus que 37,5 kg.

Compromis dans l’affaire du « plan bleu » en juillet 1947, il est incarcéré à la prison de la Santé à Paris. Il en fut quand même libéré. En 1949, il s’engage dans la Légion Étrangère et sert en Algérie (il est au 1er Régiment Étranger d’Infanterie) puis en Indochine avec le grade de Sergent-chef de 1951 à 1954. Fin de la carrière militaire en 1955 et commencement de la vie professionnelle cette même année, Gustave BARLOT devient artisan.

Il passe maintenant sa retraite dans le sud-ouest de la France. Et de me raconter ces anecdotes : « j’ai appris ma nomination de Compagnon dans un bureau de la France Combattante à Paris et je ne savais pas ce qu’elle représentait...Monsieur Roumeguère (Compagnon de la Libération en 1942), secrétaire de la France Combattante ayant découvert un dossier, j’avais été décoré à titre posthume...puis je fus présenté au Grand-Chancelier de l’époque l’Amiral Georges Thierry d’Argenlieu...le Général de Gaulle étant• absent, il m’a délégué le Général Legentilhomme (Compagnon de la Libération en 1942) qui m’a décoré en même temps que deux veuves de Compagnon dans la cour des Invalides ».

Et Gustave BARLOT de me dire aussi :

« ce n’est que 13 ans après être rentré d’Extrême-Orient que j’ai appris que j’avais droit à une pension d’invalidité vues les tortures et la déportation...je ne savais pas que j’avais droit à cela et c’est le chef des déportés de Haute- Marne qui s’est empressé de faire mon dossier de pension ».

La citation pour la Croix de la Libération de Gustave BARLOT est :

«Sous-Officier de chars modèle de patriotisme et de dévouement, a, de 1940 et jusqu’à son arrestation en 1944, travaillé à la libération de sa patrie.

Ayant successivement fait partie de plusieurs organisations de résistance de l’armée a, au cours de l’accomplissement de nombreuses missions risqué sans hésitation sa vie pour assurer la sécurité du travail de ses camarades, de ses chefs et la sauvegarde de ce que tout son service avait réalisé.

A accepté volontairement de s’exposer une fois de plus ouvertement aux représailles allemandes.

Passé au service des renseignements, arrêté par la gestapo, a été torturé et a disparu. »

Avis favorable du Général Koenig (Compagnon de la Libération en 1942) le 24 septembre 1945 alors que le mémoire pour l’attribution de la Croix de la Libération de Gustave BARLOT n’est pas signé.

 

Par Olivier MATTHEY-DORET

Extrait de son livre "Les Compagnons de la Libération de la Région R2"

Avec son aimable autorisation.



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