Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

L'ORA dans LE VAR par Boris de GUEYER

© par Boris de GUEYER

Avec son aimable autorisation

Le Var jouera un grand rôle dans la libération de la France puisque c'est sur ses plages que débarqueront les troupes françaises et américaines et sur son sol que seront parachutés ou aéroportés les milliers d'hommes de la lst. Airborne Task le 15 août 1944.
Mais si en cet hiver 1942/43 la libération n'est qu'un espoir lointain, la Résistance la prépare et s'organise.


Le Capitaine Lécuyer qui vient d'être désigné comme responsable de la Région R2 a pour première mission de nommer les chefs des cinq départements dont il la charge (voir l'O.R.A. dans la Région R2).


Le Colonel Zeller lui propose de rencontrer le Lt. Colonel Lelaquet, ancien commandant du 11/ 3e R.I.A., résidant à Hyères - officier sûr et apte à mettre sur pied l'organisation dans le Var. Cette rencontre a lieu en avril 1943.


Très vite l'accord est réalisé entre les deux hommes, malgré une certaine réticence de Lelaquet qui accepte difficilement d'être sous les ordres d'un jeune capitaine, Lécuyer lui laissant, comme à tous ses chefs départementaux une liberté et une responsabilité d'organisation recrutement, recherche de lieux de parachutages ou d'implantations de Maquis, contacts avec les autres organisations de la Résistance, voire avec les services de Londres tel que la S.A.P. (Section des Atterrissages et Parachutages)


Sur ces bases Lelaquet commence immédiatement son travail de recrutement parmi les anciens officiers de son régiment. II prend notamment les Capitaines Lombard et Lions comme adjoints. Beaucoup d'officiers déjà engagés dans la Résistance passent à l'O.R.A. estimant que cette organisation est le prolongement de l'Armée d'Afrique. Ce qui crée une tension et une méfiance de la part des autres mouvements.


Les premiers mois Lelaquet devant une très forte sollicitation, se préoccupe de l'envoi d'officiers et sous-officiers en Afrique du Nord, ce que n'approuvait pas Lécuyer qui en avait besoin pour encadrer les groupes de résistance.


Sur le terrain il estime qu'en raison de la géographie du Var, des difficultés d'approvisionnement et du dispositif allemand le département doit être séparé en deux zones :

Une première zone située entre la côte et une ligne allant de Fayence à St. Maximin via Draguignan et Brignoles. C'est dans cette zone que sont déployées les forces allemandes (environ 12 à 15.000 hommes) assurant la défense du front maritime.
Une deuxième zone formée par le Haut-Var peu peuplé, qui a la possibilité d'abriter des Maquis surtout dans la partie Nord-Ouest.
Ces zones sont divisées en cinq secteurs :

- Le secteur de Toulon où l'influence O.R.A. est faible, la Marine voulant garder son indépendance. Cependant un contact est établi entre Lelaquet et le Capitaine de Vaisseau Bruxmeyer, mais rien de concret n'aboutit. - Le secteur d'Hyères où se trouve naturellement le P.C. O.R.A. - Le secteur de Draguignan où les officiers Fontès et Blanc de l'A.S. se mettent sous les ordres de l'O.R.A. Le secteur de Brignoles/Méounes qui sous l'impulsion de son chef Ducret passe également avec ses dix groupes à l'O.R.A. Le secteur nord-ouest aux limites des départements des Bouches-du-Rhône à l'Ouest, de Vinon au nord, de Rougiers au sud, et Régusse, Cotignac, Le Val à l'est, est organisé par le Colonel Gouzy. Il rallie l'ensemble des forces résistantes à l'exception des F.T.P.F. et établit son P.C. près de Varages. Il recevra dans la région de St. Maximin le 1er Mai, le 7 Juillet et le 12 Août 1944 trois parachutages importants.
Fin Octobre 1943 la mise en place de l'O.R.A. est effective dans le département où Lelaquet est pratiquement autonome, ses contacts avec Lécuyer se font par l'intermédiaire d'officiers de liaison qui amènent les fonds et recueillent les demandes de parachutages. Il donne les directives générales suivantes aux différents chefs de secteur :

- Organiser les groupes de guérillas ayant pour mission essentielle de gêner les mouvements ennemis sur tous les axes possibles de déplacement.

- Harceler et détruire les groupes isolés, attaquer les convois de faible importance.


- Éviter de se laisser accrocher et se replier dès que l'action est terminée.

- Rechercher la liaison avec les troupes alliées débarquées ou parachutées, guider les colonnes vers leurs points de concentration ou leurs objectifs d'attaque, au cas où un débarquement aurait lieu dans le Var.

- Participer à toutes opérations pour lesquelles les forces alliées feraient appel aux F.F.I.


Comme on peut le constater ces directives sont liées à un débarquement allié, elles ne sont pas en contradiction avec le Plan d'Opérations établi par Lécuyer qui considère le Var comme une zone d'influence Maquis où doit régner une insécurité maximum pour l'ennemi, sans occupation du terrain.


Aussi les officiers ORA ont une action de coordination et d'organisation. Ils s'imposent comme cadres prêts à prendre les troupes en mains, ils recherchent les terrains de parachutages, déterminent les endroits où devront se faire les coupures et s'installer les bouchons.

Comme dans les Alpes-Maritimes et les Basses-Alpes l'Administration des Eaux et Forêts sert de couverture à de nombreux cadres O.R.A. : Silvani avec le s/Lt. Baur organise les sabotages de voies ferrées, Piccolet intègre les chantiers forestiers qui deviennent des Maquis.

C'est ainsi que le chantier du Bois de Pellenc reçoit le 4 mai 1944 un parachutage. Il sera dispersé par les Allemands le 18 mai, puis reconstitué par le. Lt. Abiven.


Par ailleurs les relations qui se sont créées avec la S.A.P. dans la région de Fayence permettent à l'O.R.A. de recevoir une partie des armes de ce service, l'autre étant dirigée vers les Maquis O.R.A. des Alpes-Maritimes.
En dehors des parachutages d'armes, le Var reçoit de nombreuses missions parachutées ou débarquées. L'O.R.A. fournit souvent les équipes de protection, notamment pour les opérations Tube (sous-marins débarquant et embarquant hommes et courriers au large de Ramatuelle), interrompues après l'échec de l'opération du 26 novembre 1943 ; puis plus tard aux liaisons maritimes entre la presqu'ile de St. Tropez et la Corse par vedettes rapides (équipe RubensfPaul). Elle protège également l'équipe de radio Dominique/Ferdinand renforcée par Bertrand qui transmet les messages de Lécuyer et du D.M.R. Burdet depuis Barjols, Chateauneuf et Varages.


Le 5 juin lorsque les messages des Plans Vert et Rouge passent, chaque chef de secteur donne l'ordre d'occuper les points stratégiques prévus pour les coupures et les embuscades.
Des jeunes gens venant des villes et des villages, des gendarmes, des fonctionnaires et des ouvriers de l'Arsenal montent rejoindre les Maquis. Tout le monde est persuadé que des parachutages massifs d'armes, de matériels et de vivres promis imprudemment par la Mission Interalliée vont arriver, suivis bien entendu d'un débarquement sur les côtes varoises.
Ni l'un ni l'autre ne se produisant, Lelaquet donne l'ordre de dispersion et le retour au foyer de ceux qui le peuvent sans danger, ce qui n'est pas le cas notamment des gendarmes qu'il faut maintenir au Maquis, des réfractaires et des volontaires qui voulaient vraiment se battre.


Au nord cependant Aups est occupée par un groupe F.T.P.FJC.F. Ce village sera repris par les Allemands le 12 juin qui y exerceront un certain nombre d'exactions.


Des arrestations effectuées par la Milice et les Allemands suivent l'alerte du 6 juin. Lelaquet est recherché. Il doit passer pendant quelque temps le commandement à Lombard qui assure de nombreuses liaisons avec les chefs locaux O.R.A. de Fréjus, les Arcs, Méounes, Draguignan et s'occupe de la reconstitution du s/secteur Aups/Salernes pratiquement désorganisé après l'affaire d'Aups.


Jusqu'au 15 août l'activité consiste à la formation des groupes, la recherche de renseignements, la réception et le transport des armes, les parachutages se faisant plus nombreux notamment près de Lorgues ou Brue-Auriac, à entretenir les Maquis et les clandestins, malgré les nombreuses arrestations qui se poursuivent.


Dès le passage le 14 août des quatre nouveaux messages d'action, l'ordre est à nouveau donné de rejoindre les emplacements do combat.


Le Colonel Gouzy depuis son P.C. près de Trécastaux dirige les opérations des quatre sous-secteurs de sa région. Embuscades, accrochages, ratissages permettent la destruction de nombreux véhicules ennemis, la capture de nombreux prisonniers et la récupération de matériel divers (armes, vivres, voitures).


Ces combats rendent très difficile les mouvements ennemis sur les principaux axes routiers à l'intérieur du pays (Routes Nationales ou Départementales 7,560, 554) ce qui permet aux troupes alliées une avance plus rapide que prévue vers la Durance et les Bouches-du-Rhône. Le contact avec les Américains s'effectue le 18 août à Fox-Amphoux, le 19 à Brue-Auriac, le 20 à Pourrières.


La ville de Toulon, sous le commandement du Capitaine Salvatori, dispose d'un groupe armé de 140 hommes. Ils seront 750 le 24 août à l'entrée des troupes françaises grâce aux armes récupérées sur l'ennemi.


L'action armée est déclenchée le 20 août et vise à empêcher les Allemands de se regrouper dans les différents centres de résistance et à interdire aux convois la traversée de la ville.


À l’extérieur de la ville, les F.F.I. sont en contact avec les troupes françaises le 23. Ils participent aux assauts contre le château de l'Aiguillon et le Fort Lamalgue.


Ils fournissent de précieux renseignements sur les positions des batteries, les ouvrages défensifs et les champs de mines.


Dans le secteur d'Hyères, l'armement est extrêmement réduit. Cependant, les Allemands ayant modifié le 16 août, leur dispositif en établissant de nouvelles positions sur le Gapeau pour la défense de Toulon, les plans de ce nouvel ordre de bataille sont relevés par la Résistance et transmis à l'Etat-Major de la l D.M.I. par Lombard qui traverse les lignes allemandes épargnant ainsi, à Hyères un bombardement massif. Le nettoyage de la presqu'île de Giens est confié à un groupe du Maquis Sivirine qui obtient au bluff la reddition de 154 hommes.


À Carqueiranne plusieurs groupes d'Arméniens retournent les armes contre leurs officiers allemands et se joignent aux F.F.I.


À Puget-Ville, Carnouilles, Pignans, Collobrières ce sont des actions de guérilla qui sont entreprises contre camions, postes isolés et dépôts de vivres.


Il en est de même dans le secteur de Méounes sous le commandement de Ducret qui réunit 260 hommes armés.


Dans le secteur de Draguignan, on peut considérer trois zones d'action :

- La zone Aups-Salernes après les événements de Juin reste désorganisée et sans armes. Elle ne pourra entrer en action qu'après l'arrivée des Américains pour participer à des opérations de nettoyages.


Plus à l'ouest le Maquis F.T.P. du Camp Robert, très éprouvé par une attaque allemande, le 11 août, applique le Plan Vert en faisant sauter plusieurs ponts sur le Verdon coupant ainsi aux Allemands les possibilités de retraite vers le nord.


- La zone de Draguignan, sous les ordres de Fontes. Elle comprend au nord Bargemon, Trans, Fayence et Montauroux.


Dès le 15 août au matin, l'ordre est donné d'occuper Draguignan.


Les détachements allemands sont neutralisés, mais de fortes contre-attaques venant des lisières de la ville mettent la défense dans une situation critique jusqu'à l'arrivée des Américains le 16 au soir.


Au nord dans la région de Bargemon, Callas, Claviers, les F.F.I. participent aux missions de reconnaissance des éléments de parachutistes américains qui se dirigent vers Comps.


II en est de même au sud, à Trans et aux Arcs où, sous les ordres de Blanc, ils ont pour mission de regrouper et de guider les parachutistes dispersés. Ils participent à la prise du Muy. À Fayence, l'ordre est donné à Silvani de s'emparer de la Roche de Fayence, point fort tenu par les Allemands qui ne capitulera que le 21 août.


- La zone de débarquement. Là, le rôle des forces de la Résistance est simple : regrouper les éléments débarqués et les diriger sur des positions permettant de surprendre et attaquer l'ennemi.


La Brigade des Maures va s'occuper de cette tâche le 15 au matin. Conjointement avec un détachement de parachutistes américains, l'attaque de St Tropez est décidée. Les Allemands se réfugient dans la Citadelle et quelques points d'appui. ils capitulent en fin de journée.
Le 17 août les F. FI. sont passés en revue par le Général de Lattre de Tassigny et le Général Patch. Ce dernier remet au commandant de la Brigade des Maures la Silver Star et cite à l'ordre de l'armée américaine 7 officiers et soldats F.F.I

Guérillas généralisées partout où l'armement est suffisant, fournitures de renseignements, guides, liaisons, opérations de nettoyage, combats urbains, telle a été la contribution de 1'O.R.A. à la libération du Var.

© Boris de GUEYER



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