Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

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La France libre les Compagnons de la Libération
27-10-2018

La France libre les Compagnons de la Libération

Mercredi 17 novembre 2010

Professeur Guy CHARMOT

Compagnon de la Libération

 

Je dois vous parler de la France Libre et des compagnons de la libération. En me faisant cet honneur vous m’avez arraché à ma quiétude marseillaise et je vous en remercie vivement : « vous m’avez fait revivre les plus belles et de loin, années d’une vie déjà longue, années dont je n’ai jamais parlé, ni à ma femme ni à ma fille, ni à mes camarades ».

C’est mon jardin secret, avec cette fraternité au sein des combats furieux. La guerre finie je ne me suis occupé de l’assistance médicale indigène et je ne suis pas historien.

Je n’ai lu l’appel, du 18 juin, du moins la version officielle, qu’à l’occasion de cette journée. « Le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive non. La France a perdu une bataille mais pas la guerre ».

Ainsi la France libre est l’organisation de la résistance extérieure, fondée à Londres le 18 juin, avec de Gaulle pour chef, et reconnue comme telle le 26 juin par Churchill : « Vous êtes tout seul et bien je vous reconnais tout seul » malgré la réticence des militaires.

La reconnaissance du général de Gaulle comme chef des français libre est confirmée le 7 août par la signature d’un accord avec le Royaume-Uni. La France libre vient de naître le 28 juin 1940.

Qu’ils aient entendu ou non les appels du général de gaulle quelques français avaient rejoint, ou essayé de rejoindre soit Londres, soit une colonie anglaise pour continuer la guerre aux côtés des anglais. Ceux qui avaient réussi se trouvaient donc être des Français Libres, avec de Gaulle pour chef.

Pour moi, je chassais le trypanosome dans le N-E de la Côte-d’Ivoire. Dès l’annonce de la défaite, les 5 européens du poste avons décidé de continuer la guerre au côté des anglais.

Nous sommes passés en Gold Coast où nous ont rejoint quelques français, jeunes, surtout des militaires, avec 50 tirailleurs volontaires pour continuer la guerre. Puis nous avons gagné le Cameroun qui venait de se rallier le 27 août sous l’influence décisive de Leclerc, après le Tchad (26 août), et suivi par l’Oubangui et leCongo. Le ralliement du Gabon se fit par les armes et fut pour moi le baptême du feu.

Ainsi la France libre, d’abord militaire est devenue territoriale à l’automne 1940, avec le bloc Cameroun- AEF, malgré Mer El Kébir (3 juillet) et l’échec de l’opération « menace » sur Dakar.

De Gaulle aura comme objectif d’engager ses troupes aux combats et d’être reconnu comme représentant la France.

Tout d’abord il charge le juriste Cassin de rédiger un statut des forces libres, en lui disant « nous sommes la France ». Le 23 juin 1940, Churchill reconnaît de Gaulle comme le chef des Français libres qui continuent la guerre, ce qui est entériné le 7 août par la signature d’une convention puis la création à Londres du Comité  National français, ébauche de gouvernement, reconnu par l’URSS 48h plus tard.

Une décision importante a été prise le 13 juillet 1942, La France libre étant dénommée France Combattante, de façon à englober des réseaux de résistance en France. Cependant seront considérés comme français libres ceux qui auront repris les armes avant le 31 juillet 43. A cette date la France libre comptait 53 000 hommes dont 30 000 « coloniaux ».

La direction était assurée d’abord par le Comité National de la France Libre, puis par le conseil de défense de L’Empire Siégeant à Brazzaville, il est une véritable ébauche d’un gouvernement. La fusion entre le comité national français de Londres et le Commandement Civil et Militaire d’Alger s’est faite le 1er août 1943, la 1ère division française libre gardant son titre jusqu’à l’armistice.

Venons-en aux opérations militaires.

La 1ère fut la prise du Koufra le 23 février 41 en plein désert sableux dans le S-E de la Libye par Leclerc avec seulement 300 hommes. On imagine les problèmes de logistique pour atteindre Koufra : on connaît le serment de koufra prononcé parLeclerc : « nous ne cesserons le combat que lorsque nos 3 couleurs flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ».

Parallèlement de Gaulle avait chargé Monclar de former une division pour attaquer l’Érythrée italienne. La formation n’avait de division que le nom. Après la prise de Cub-Cub elle atteignit le port de Massaoua. C’était la naissance de la 1ère DFL, à l’état encore embryonnaire

Pendant ce temps, se formait à Douala le BM4 dont je devais rester le médecin pendant toute la guerre. Fin décembre 40 nous partîmes pour Kastina, en Palestine, où se rassemblait l’ensemble des unités combattantes, sauf la force L de Leclerc, déçus d’être si peu nombreux, mais gardant tous le moral. C’était le début de la formation de la 1ère DFL. Quels étaient les caractères communs à ces volontaires ? Le jeune age, le patriotisme et le courage, une décision prise d’emblée. Ceux qui demandaient quelques jours de réflexion ne s’engageaient plus. Aucun n’a regretté, ne vouloir faire demi-tour. Ceux que j’ai interrogés m’ont tous dit que c’était la plus belle période de leur vie, et qu’ils n’en parlaient jamais. Outre le courage il fallait une conviction passionnée et une abnégation totale pour s’engager dans les FFL surtout au début.

Nous arrivons aux événements de la Syrie Liban, avec cette lutte fratricide, du 11 au 21 juin 41, faite pour éliminer un danger potentiel d’occupation par les Allemands. La paix fut signée entre les généraux Dentz et Wilson, sans participation des français libres. Un des résultats fut la séparation complète entre les FFL des troupes restées fidèles à Pétain.

Ce désaccord grave devait durer des années. Elle marque aussi la vraie naissance de la 1ère DFL. Nos pertes en Syrie furent 154 tués 1600 blessés.

Pour moi, atteint d’un ictère prolongé, hospitalisé à Jérusalem, je n’ai rien vu de cette guerre.

En août, le BM4 fut envoyé en Somalie britannique pour participer aux opérations contre l’Éthiopie Italienne. Il fut désigné pour la prise de Gondar après un très vague baroud d’honneur, les Italiens ne demandant qu’à se rendre.

Plongée dans une inaction totale pendant que nos camarades étaient en Libye, à force de réclamations, nous sommes rapatriés auLiban en juin 42. Nous voilà installés à Tripoli, avec la crainte de devoir y rester, jusqu’à la fin de la guerre.

En effet les militaires britanniques étaient depuis le début, très réticents à l’utilisation des français : caractère de rebelles, matériel insuffisant et inadapté, organisation différente.

De Gaulleà Londres auprès de Churchill, Catroux au Caire auprès d’Auchinleck insistaient pour l’emploi de la 1ère DFL dans le W (western desert) 

Certes, un bataillon avait participé à l’attaque de Soloum, puis avait été renvoyé au Liban peut être en raison de ce fond d’hostilité des militaires britanniques. D’ailleurs pour un jeune britannique actuel le 18 juin évoque 1815, Waterloo !

Lors de l’offensive de Rommel en mai 42, les Anglais avaient installé une brigade à Bir hakeim.

Bir hakeim,le puits du chef est à 16 Km de la côte, sur une piste abandonnée menant à Tobrouk. Ce point stratégique « capital » était tenu par une brigade britannique. Elle fut remplacée le 6 mai par une brigade française de 3200 hommes, commandée par Koenig avec « 54 canons de 25, et surtout les 24 canons de 75, qui ont joué le rôle principal contre les chars ». Installés comme défense anti-chars et 30 bofors anti-aérien.

L’attaque commence le 26 mai, avec des légionnaires et le BM2, à 9h, mené par la division blindée italienne Ariet qui fut repoussée. La position est pratiquement encerclée. Par 2 fois, Koenig refuse un ultimatum. Pendant 12 jours l’artillerie et la Luftwaffe (1100 sorties ce qui épuisera les réserves en kérosène), qui pilonnent la position et plusieurs attaques ont lieu, chaque fois repoussée, dont 1 fois par notre confère, le capitaine Messmer à la tête de sa compagnie de légionnaires par une manœuvre hardie.

L’ordre d’évacuation arrive le 11 juin et se fera dans la nuit du 11 au 12 avec de lourdes pertes, et lorsque Rommel attaque le 12, il ne trouve que des cadavres.

Au total, sur les 3200 hommes au départ, 2619 rejoindront les lignes britanniques, les pertes ont été plus lourdes pendant les quelques heures de la sortie que pendant les 10 jours du siège. Les prisonniers seront bien traités. Rommel leur fit donner à boire et Mussolini donna les mêmes ordres : bel exemple de la guerre sans haine, (Lidell-Hart) propre à cette guerre dans le désert.

Les pertes furent, plus lourdes chez l’ennemi : 3000 hommes, 51 chars, 49 avions, dont 42 abattus par les chasseurs de la Royale Air Force.

Surtout Bir Hakeim laissa plus de temps pour la préparation de la défense de l’Égypte, comme le reconnurent Churchill et surtout Auchinleck. En outre la résistance des français, la réussite de la sortie donna aux Britanniques une bien meilleure opinion des français et pour Auchinleck aurait sauvé la 8ème armée britannique d’un désastre.

La 1ère DFL reçut enfin l’ordre de se rendre dans le « Western désert » et le BM4 se retrouva à Tobrouk.

Dans l’ensemble les français restèrent en arrière garde et ce n’est qu’à l’arrivée en Tunisie en mai 1943  qu’elle fut chargée d’attaquer

Le BM4 fut chargé de prendre la position de Takrouna  réussie après de lourdes pertes. Je me revois encore debout sur la plate forme de départ, à côté du chef de bataillon, regardant la 3ème compagnie monter à l’assaut, conduite par le capitaine Defosse marchant en tête, revolver au point il fut gravement blessé en montant à l’assaut.

Après quoi, les autorités d’Alger nous ont renvoyés en Libye, jusqu’à la fusion le 1er août 43 entre les Français libres et ceux d’Alger. C’était la fin de la France Libre, mais la fusion fut difficile à réaliser.

Le résultat du « Non » du général de Gaulle avec une poignée d’hommes au départ, fut la présence de Delattre de Tassigny à l’armistice du 8 mai et surtout la présence de la France (1% de la population mondiale) au Conseil de Sécurité avec droit  de veto.

Ainsi, la période de la France Libre est le seul moment de notre histoire dont on peut être fier, grâce au courage de quelques uns, dont le but, totalement désintéressé était la libération de la patrie par la victoire et dans l’honneur. Tous, même les plus modestes sont fiers de ce qu’ils ont fait pendant leur jeunesse, la plus belle partie de leur vie : se dévouer avec désintéressement personnel, et dans l’honneur pour la libération de la France.

Les compagnons de la Libération

Le général de Gaulle fut naturellement désireux de récompenser les plus valeureux des résistants ne pouvant utiliser la Légion d’honneur il créa à Brazzaville le 29 janvier 1941 l’ordre de la Libération, destiné à récompenser les personnes ou les collectivités qui se sont signalés par leur valeur au cours de la libération de la France.

Ont ainsi été honorés, 1038 personnes dont 6 femmes, 5 communes et 18 unités combattantes. De Gaulle étant le grand maître sans successeur.

La parole rituelle de la remise de la décoration était « Nous vous reconnaissons comme notre compagnon pour la Libération de la France par la victoire et dans l’honneur ».

La décoration qui se place après la Légion d’Honneur est une croix de Lorraine imaginée par Thierry d’Argenlieu de couleur noire, avec les mots : PATRIAM SERVANDO VICTORIAM TULIT

Les compagnons formant un corps très uni, et homogène quel que soit le rang social.

Le dernier compagnon sera inhumé au Mont Valérien. Il en restera un exemple de l’honneur de la ténacité et du courage.

A noter que les Ÿ d’entre eux viennent de laFrance Libre et Œ de la résistance intérieure, 271 sont morts au combat, 250 sont des étrangers. Cinq communes ont été honorées de cet ordre : I’île de Sein, Nantes, Paris Vassieux et Grenoble.

Parmi les étrangers citons le roi du Maroc pour avoir refusé l’indépendance que lui proposaient Roosevelt, et Winston churchill.

A mon avis, churchill et de Gaulle sont de la même trempe : la défense des intérêts du pays dans l’honneur.



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