Actualité générale

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Obsèques de l'Amiral FLOHIC. Discours d'Hervé GAYMARD et de BF MICHEL
13-09-2018

CÉRÉMONIE D’HOMMAGE & D’OBSÈQUES

DU VICE-AMIRAL FRANÇOIS FLOHIC (1920-2018)

Mardi 11 septembre 2018 à La Seyne-sur-Mer*

 

 

 

 

DISCOURS DE M. LE MINISTRE HERVÉ GAYMARD

 

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis ici pour saluer le départ d’un Valeureux, d’un grand Français, d’un homme de Mer qui, au sortir de l’adolescence, a épousé la cause de la France Libre incarnée par le Général de Gaulle ; et à travers elle celle de la défense intraitable de l’indépendance et de la grandeur de notre pays. François Flohic, breton des côtes du Nord, aspirant à une carrière dans la marine marchande, n’avait pas 20 ans quand, le 18 juin 1940, il s’embarqua pour Londres sans autre perspective, sans autre guide que le NON ! du premier jour, que le refus acharné de la défaite et la volonté de se battre. Comme Christian Fouchet, comme Pierre Messmer, comme Jean Simon, comme Yves Guéna, comme d’autres encore, comme cette dactylo qui un lundi matin n’a pas rejoint son bureau rue Lafayette à Paris pour rejoindre Londres, il est part. On mesure difficilement le mélange d’ivresse, d’angoisse, mais aussi de joie primordiale de trouver son chemin dans ces saisons gâtées. Ils prirent tous les risques, sans aucune certitude de retour, avec une détermination qui nous émeut et nous oblige. Il me vient en mémoire cette photographie des premiers jeunes hommes signant leur engagement à Londres, au début du mois de juillet 1940. Bien peu verront la fin de la Guerre, peut-être le pressentent-t-ils, mais pourtant, un sourire illumine leurs visages. François Flohic fut de ces hommes, un français Libre au sens le plus pur du terme. De Mourmansk au Débarquement, la Guerre sera donc son expérience fondatrice, définitive, dans une fidélité à sa vocation maritime, au sein des FNFL.

Cette France libre, cette inlassable volonté de combattre, cette fierté ombrageuse portait un nom, celui du Général de Gaulle : celui-ci devînt donc pour François Flohic l’incarnation même de la France, et l’objet de son désir inlassable de servir. S’il n’avait croisé le Général, pendant la Guerre, qu’à une seule reprise, le 24 juin 1942, lors de l’inspection de Corvettes, à Greenock, le destin lui offre, en 1958, l’opportunité de servir encore le Général, au plus près, comme aide de camp. On ne souligne jamais assez l’importance de cette tâche, aussi ingrate puisse-t-elle paraître : de 1958 à 1963, puis de 1965 à 1969, de part et d’autre d’un commandement de frégate en Méditerranée, François Flohic sera l’un des hommes qui croisera le plus fréquemment la route du Général, qui veillera sur son emploi du temps quotidien, qui trouvera mille solutions à mille problèmes qui n’ont même pas atteint la connaissance de l’historien. Il sera aussi l’homme de la fidélité et de la confiance absolue et inconditionnelle, l’homme des secrets et des confidences du Général. Pour quelques-unes, fulgurantes, que François Flohic partage avec nous dans son bel ouvrage, Souvenirs d’Outre-Gaulle, combien partent avec lui, resteront à jamais entre lui et le Général ? Présent lors des moments de gloire, des initiatives qui choquèrent la planète, à Québec, à Moscou, comme lors des temps difficiles, de la retraite stratégique à Baden Baden, François Flohic fut dans l’ombre du Général à laquelle il n’eut jamais la tentation de se dérober, un acteur de l’épopée.

 Il restera enfin, comme l’homme que l’on voit apparaître aux côtés du Général, arpentant la lande irlandaise, dans la solitude des semaines suivant le grand départ de 1969, l’un des derniers fidèles, lui rendant une dernière fois visite en août 1970, sur le chemin du retour vers une carrière dans la marine militaire. Lors de cette dernière entrevue, le Général de Gaulle, évoquant l’importance de la dissuasion, conclut par cette phrase lourde de sens : « Assurez-vous que les prochaines générations soient bien pénétrées de son importance ».

 C’est pour l’ensemble de ce grand œuvre, pour cet effort surhumain pour « élever les français au-dessus d’eux-mêmes », que nous lutterons, reprenant le flambeau que François Flohic nous laisse aujourd’hui, pour faire vivre cet héritage français qui vient « de haut et de loin ».

 Où étiez-vous Amiral Flohic, en ce sombre Noël 1941, quand une banderole proclamait, en allemand, sur les colonnes de l’Assemblée Nationale « L’Allemagne vainc sur tous les fronts » ; quand les panzers allemands se ruaient sur la Russie ; quand Hong-Kong, et bientôt Singapour tomberaient ? Vous étiez sans doute au grand froid sur un bâtiment dans l’Atlantique Nord, l’Océan Glacial Arctique, ou dans la Mer de Barents vers Mourmansk. Vous avez dû entendre, ce message de Noël aux enfants de France du Général de Gaulle, un des plus émouvants qu’il ait prononcé pendant la guerre :

 

« Mes chers enfants de France,

Vous avez faim parce que l’ennemi mange notre pain et notre viande,

Vous avez froid car l’ennemi brûle notre bois et notre charbon,

Vous souffrez car on vous dit et vous fait dire que vous êtes des fils et des filles de vaincus.

Eh bien ! moi je vais vous faire une promesse, une promesse de Noël.

Chers enfants de France, vous recevrez bientôt une visite, la visite de la Victoire.

Ah ! Comme elle sera belle, vous verrez ! »

 

 

L’Ombre de la Grande Ombre s’est effacée

ELLE DEMEURE POUR NOUS DANS LA LUMIERE

 

Médecin en Chef® Bernard François MICHEL

Membre de la Convention de la Fondation Charles De GAULLE

Monsieur le Ministre,

            Mesdames et Messieurs les Elus,

                        Messieurs les représentants des associations patriotiques,

                                   Chers Compagnons,

 

L’Amiral François FLOHIC, était né en 1920 à Ploubazlanec, dans les Cotes d’Armor, ou une place porte désormais son nom, au sein d’une famille de marins bretons. André MALRAUX qui fut le premier Président de la Fondation Charles De GAULLE, de 1971 à 1976, avait surnommé François FLOHIC « l’Ombre de la grande Ombre », tant son dévouement au Général De GAULLE était total. L’Amiral François FLOHIC aurait pu prétendre, aujourd’hui, à un Hommage National et à une oraison funèbre, faite par un Chef d’Etat ou un Chef d’Etat-Major des Armées. Il a choisi l’humilité et c’est à moi, qu’il avait affectueusement nommé son « aide de camp », donc « l’ombre de l’ombre de la grande ombre » - c’est-à-dire bien peu de chose en vérité - que revient l’immense Honneur de prononcer ces quelques paroles, d’amitié et d’admiration, pour l’accompagner dans son dernier voyage au-delà des mers, au-delà de ce Cap HORN qu’il affectionnait et qu’il avait passé jadis, lorsqu’il commandait la Jeanne d’ARC. Hélas, en ce 5 septembre 2018, à l’hôpital d’Instruction des Armées Saint Anne, « L’Ombre de la Grande Ombre s’est effacée pour toujours », mais elle demeure pour nous, dans la lumière !

En effet, cher François FLOHIC, vous n’étiez pas un homme de l’ombre, mais bien un « être de lumière »,lumière que reflètent les magnifiques tableaux de la bretagne et de la campagne varoise que vous avez peints dans votre villa atelier, sur les hauteurs du BRUSC, avec l’association des peintres paysagistes provençaux. Et cette lumière n’est pas prête de s’éteindre, car elle s’est répandue dans le cœur de tous vos amis, ici présents. Lointain héritier de BONNARD et de MATISSE, vous apparteniez à l’école du « fauvisme », vous aviez l’art de faire hurler les couleurs et de personnifier la nature, comme dans ce tableau de la petite église de VAUGINE, ou les arbres peints en bleus semblent des personnages tout droit descendus du ciel sur la terre. C’est d’ailleurs probablement l’amour de la peinture qui nous a réunis, dans les dernières années de votre vie, car le militaire de carrière que vous étiez, de 33 ans mon ainé, n’avait a priori aucune raison de se lier d’une amitié aussi profonde, avec le Médecin des Hôpitaux que je suis, modeste réserviste du Service de Santé.

Je me souviens parfaitement de la première fois où j’ai entendu votre nom : c’était le 30 mai 1968, dans la bouche même du général De GAULLE. J’avais 16 ans et j’attendais de passer mon baccalauréat, vaguement anxieux devant le déchainement révolutionnaire de mes camarades dans la rue, hier lycéens comme moi qui s’étaient mués en petits soldats d’une pseudo-révolution qui a fait long feu. Tout à coup à 16 heures 30, la radio résonna du discours de Charles de GAULLE, revenant de BADEN-BADEN, où vous l’aviez accompagné, dans ce fameux hélicoptère, articulant et détachant chaque syllabe, de sa voix majestueuse et caractéristique ; écoutons ces paroles, gravées dans le marbre : « Je ne retirerai pas… partout et en tous lieux il faut que s’organise l’action civique… non la République n’abdiquera pas ! … ». Nous aurons, tous les deux, 50 ans plus tard, l’occasion de revenir longuement sur ces évènements, dont vous fûtes un acteur privilégié, dans le livre que j’eus la chance d’écrire avec vous « Charles De GAULE dernier Roi des Francs ».

Ce fut un grand bonheur pour moi de venir, presque chaque dimanche, pendant un an, avec mon épouse, à « Fenoua », votre belle demeure du BRUSC, pour discuter avec vous, chapitre après chapitre, de ce que fut la lumineuse trajectoire de Charles De GAULLE. Vous aviez l’art de mettre à l’aise votre interlocuteur et, comme les aumôniers de l’Armée, de prendre le grade de celui qui était en face de vous. Vous qui saviez tout, parce que vous en aviez vécu le moindre évènement, vous avez accepté sereinement mes remarques, mes interrogation et même mes critiques, pour que cet ouvrage soit, véritablement, une partition écrite à quatre mains. Quelle chance pour moi d’avoir pu ainsi m’imprégner de l’Histoire et de la personnalité d’un homme hors du commun, le Général De GAULLE, dont vous avez partagé la vie la plus intime, lorsque vous fûtes son aide de camp à l’Elysée, de 1959 à 1969 et dont le souvenir nous rassemble ici encore aujourd’hui ! Et si la peinture occupait le fond de votre âme, je peux affirmer que vous étiez aussi un écrivain de grand talent, comme en témoignent les nombreux livres que vous avez écrits, dont les plus célèbres ont pour titre « Ni chagrin ni pitié », « DARLAN », « Souvenirs d’outre-GAULLE », «  de GAULLE intime », « Charles De GAULLE dernier Roi des Francs »et l’ultime« 68 coté De GAULLE », paru cette année même. L’un des meilleurs souvenirs que j’emporterai de vous, inoubliable, c’est lorsque nous montâmes ensembles à PARIS en TGV, partageant comme de vieux complices le sandwich que vous m’aviez préparé, dans notre compartiment de deuxième classe, invités par l’Amicale Gaulliste et le Président du Sénat, pour une conférence dédicace extraordinaire, sous les ors du Palais du Luxembourg.

Bien sur mon père ait fait la Guerre, glorieusement et, tout enfant, j’avais vu les stigmates sur son corps des blessures reçues pendant la campagne d’Italie, sur la « route de la mort », dans le vallon de « l’Inferno », lors de la terrible bataille du BELVEDERE, ou tant de jeunes officiers d’artillerie français furent blessés. Mais à la maison nous ne parlions jamais de politique. En une fraction de seconde, la magie du Verbe du Général, en ce 30 mai 1968, a agi sur l’inconscient de l’adolescent que j’étais : je suis devenu « gaulliste », sans trop savoir ce que cela recouvrait. Et du reste, en 1984 j’ai milité au Rassemblement pour la République, dont la carte portait encore une Croix de Lorraine, soutenant la candidature de Jacques CHIRAC à la magistrature suprême. Mais le « Gaullisme » que vous incarniez était d’une toute autre dimension : c’était celui des hommes qui, au péril de leur vie, s’étaient battu sous les ordres du Libérateur de la Patrie. Je ne savais d’ailleurs pas, en ce 30 mais 1968, à quel point ma famille était « gaulliste »et comment ces valeurs que je pensais découvrir, en écoutant le Général, m’avaient été transmises par mon éducation. Bien des années plus tard, ce fut un choc quand je vous ai retrouvé, physiquement, représentation à la hauteur de ce que j’avais pu imaginer. C’était il y a 20 ans, lors d’un congrès de la Première Division Française Libre, organisé à HYERES, où j’avais accompagné mon oncle, Paul PIETRI, héros du premier Régiment de Fusiliers Marins, la première unité crée à LONDRES, début août 1940, par l’Amiral Emile MUSELIER. Dans ce Régiment, Compagnon de Libération, dont il avait fait toutes les campagnes, de LONDRES à l’AUTHION, en passant par BIR HACHEIM et le débarquement à La Croix VALMER,  il  avait été blessé 6 fois et cité 6 fois. Le patron de son escadron, portait comme nom de guerre un nom breton : « KERMADEC ». Compagnon de la Libération, il fut Préfet Maritime de TOULON.

En souvenir de Paul PIETRI, l’insigne de son Régiment est accroché aujourd’hui sur ma poitrine. Madame Sylviane MUSELIER, mère de Monsieur Renaud MUSELIER, Président du Conseil Régional de PROVENCE, est vous apporte, cher Amiral FLOHIC, un dernier hommage de fidélité, en souvenir de l’Amiral Emile MUSELIER, Compagnon de la Libération, créateur des Forces Navales Françaises Libres et de la croix de Lorraine, aujourd’hui posée sur votre cercueil. Car vous aussi, vous étiez un Homme libre, un Français Libre, engagé à 19 ans dans les Forces Navales Françaises Libres. Lorsque vous êtes parti pour LONDRES, le 17 juin 1940, vous vouliez rejoindre la « Royal Navy ». Comme beaucoup de jeune gens de cette période tragique vous aviez fait don de votre vie à la France, prêt au sacrifice suprême. D’abord affecté sur le vieux cuirassé COURBET, seul morceau deFrance en terre anglaise ou flottait le pavillon bleu blanc rouge, vous avez été le camarade de promotion, à l’école navale, de l’Amiral Philippe De GAULLE, fils du Général. Vous étiez le dernier officier survivant de l’escorte des dangereux convois de MOURMANSK, pendant la bataille de l’ATLANTIQUE. Du reste peu de gens savent que vous portiez, à côté de la Légion d’Honneur et de l’Ordre National du Mérite, une décoration soviétique. La corvette sur laquelle vous avez servi, portait un nom prédestiné : « la ROSELYS ». Et quels symboles, cher François FLOHIC pourraient mieux résumer ce que vous étiez, l’alliance étroite de la « Rose », pour décrire vos qualités de cœur, et du « Lys », pour résumer la noblesse de votre Esprit, qui s’élevait aussi haut que celui du général De GAULLE ! Votre esprit qui, soyons en certain, continuera à nous inspirer quand nous regarderons au loin la ligne d’horizon, là où la mer et du ciel ne font qu’un, au fond du Golfe de LA CIOTAT, ou règne majestueux le Cap CICIEZ, avancée la plus au Sud de notre chère France, que vous avez si bien servie, jusqu’à votre dernier souffle.  

Cher Amiral François FLOHIC, vous avez été mon parrain lorsque j’ai été coopté, comme membre de la Convention de la Fondation Charles De GAULLE que vous aimiez tant, il y a plus de 10 ans maintenant. Cette prestigieuse maison est représentée ici aujourd’hui par Monsieur le Ministre Hervé GAYMARD, Président de Fondation Charles De GAULLE, représentant « in fine » du Général De GAULLE, accompagné d’une délégation composée de Monsieur Bernard BOUCAULT Préfet et de Monsieur Jean-Baptiste BERQUE, Directeur de la Communication de la Fondation. Monsieur Hervé GAYMARD va s’exprimer maintenant, de façon encore plus solennelle que je ne l’ai fait, au nom de nous tous.

Vive la France, Vive la République !

 

Médecin en Chef® Bernard François MICHEL

Membre de la Convention de la Fondation Charles De GAULLE



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