Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Forces Françaises de l'Intérieur par le Général Maurice BARRET
16-02-2018

 Général Maurice BARRET

Délégué ORA/

Alpes de Haute Provence

 

  1. Les FFI dans la résistance française.

 

À compter du 25 juin 1940, jour d'exécution de l'armistice entre la France et les états de l'axe, Allemagne et Italie, Il n'existe plus, en France, d'unités régulières combattantes et, conformément aux conventions internationales et aux codes militaires, tout combattant français, avec ou sans uniforme, sera considéré comme irrégulier et justiciable devant la justice militaire.

Avec la reprise du combat en novembre 1942, consécutive à l'invasion de la zone "libre" par la Wehrmacht et à la rupture de l'armistice, la situation évolue en ce qui concerne les combattants en uniforme mais les francs-tireurs sans uniforme demeurent passibles de sanctions pouvant aller jusqu'à la peine de mort. Pour les combattants extérieurs des Forces Françaises Libres la question sera réglée avec le rattachement vestimentaire à l'armée britannique et le statut, vite récusé par le général de Gaulle, de "Légion Française".

La situation est complètement différente avec les Forces Françaises de l'Intérieur agissant sans uniforme et en opposition au gouvernement "légal" de Vichy, qualifié par la suite d'"autorité de fait" mais reconnu initialement par la communauté internationale, y compris la Grande Bretagne, les U.S.A. et l'U.R.S.S.

Dans ses mémoires, le Général de Gaulle a parfaitement précisé la situation :

« Tant que les forces clandestines ont à agir spontanément au hasard des occasions et par bandes séparées, il ne saurait être question de leur imposer une hiérarchie régulière ni de leur fixer depuis ALGER ou LONDRES des missions précisées dans le temps et sur le terrain. Mais il y aurait de graves inconvénients à les laisser à elles-mêmes sans les rattacher à l'autorité centrale. Car on risquerait alors, soit de les voir glisser à l'anarchie des "grandes compagnies", soit de les livrer à l'influence prépondérante des communistes."...

C'est pourquoi, en mars 1944, je crée les "Forces Françaises de l’Intérieur", prescris qu'elles soient organisées à mesure du possible en unités militaires conformes au règlement : sections, compagnies, bataillons, régiments, décide que les officiers qui en ont le commandement prendront à titre temporaire des grades correspondant aux effectifs qu'ils ont sous leurs ordres. » (Mémoires de Guerre, édition Plon, pages 126 et 128).

Ce statut décidé unilatéralement n'était, évidemment, pas reconnu par l'ennemi allemand. Mais, à la limite, il n'était pas reconnu non plus par les alliés anglais et amé­ricain. C'est seulement après la libération, fin août 1944, que les unités FFI ont pu bénéficier d'un statut "régulier", soit dans le cadre de la 1 ére Armée Française, par amalgame avec les formations "régulières", soit d'une manière autonome dans les "Forces Françaises de l'Ouest", face aux poches allemandes de l'Atlantique, soit dans la "Division Alpine FFI" sur les Alpes, face aux Allemands et Italiens néo Fascistes.

C'est dans ce cadre que, dans la mesure du possible compte tenu des zones d'ombre couvrant encore certaines actions clandes­tines menées dans le cadre de la résistance, sera abordée l'histoire des FFI, composante en armes de la résistance française.

  1. Des mouvements aux armées clandestines : AS, FTP, ORA. De l'armistice (juin 40) à l'atta­que de l'URSS (juin 41).

Contrairement à la création, pratiquement à partir de rien, des FFL, celle des FFI a concrétisé la prise en compte et la "régulari­sation" d'un phénomène de résistance animée par des acteurs initialement indépendants de l'action du Général de Gaulle. Une brève histoire de la résistance armée semble donc nécessaire avant d'aborder celle des FFI.

Evidemment, il n'est pas question d'aborder le sujet d'une manière exhaustive, mais de prendre en compte les événements qui, de l'armistice de juin 1940 à la libé­ration d'août 1944, ont permis la formation d'une armée de 50000 hommes (en septembre 1944) apportant aux forces alliées débarquées une aide certaine que le Général Eisenhower put évaluer à une dizaine de divisions. Comme il a été écrit précédem­ment, à la date de l'armistice, le 25 juin 1940, il ne reste de l'armée française, forte de cinq millions d'hommes en 1939, que des tronçons épars.

Des millions de réfugiés sont sur les routes et plus de la moitié du ter­ritoire national est sans gouver­nement, à la merci du vainqueur.

Et pourtant, le Général de Gaulle ne sera pas le seul à faire appel à la "résistance" à partir de l'étran­ger. En France même, comme Ernst von Salomon l'avait écrit dans les circonstances analogues de l'écroulement allemand de 1918 : « la patrie brûlait sourde­ment au cœur de quelques cerveaux hardis .»

Et quelques hommes révoltés, civils et militaires, venant de tous les horizons politiques, noyés dans la masse des résignés pétai­nistes "par défaut", ont aussi rédigé des "appels".

Il est possible d'en nommer quelques-uns car ils furent vraiment peu nombreux : le Colonel Rémy initiateur du premier réseau de renseignement de la France Libre, Bloch Maart, un ancien de l'Action Française, qui créa par la suite 1"0CM"(organisation civile et militaire), Michelet, un démocrate-chrétien, d'Astier de la Vigerie, un progressiste à l'ori­gine de "Libération", Frenay, un capitaine breveté d'état-major non conformiste qui fondera "Combat" avec Berty Albrecht et le Lieutenant Chevance qui sera le général FFI Bertin, J.P. Levy fondateur de "Franc-Tireur", Cochet, un général aviateur qui sera le commandant des FFI du théâtre sud, G. de Bénouville qui sera le général FFI Lahire, Delestrain, général précurseur de l'arme blindée, qui sera le premier commandant de l'armée secrète et quelques autres ... Même les communistes, pourtant alliés "objectifs" des Allemands et saboteurs dans les usines d'arme­ment et d'aviation pendant la "drôle de guerre", affirment avoir lancé un appel attribué rétrospectivement à Tillon, Duclos et même Thorez pourtant déserteur à Moscou. Tous ces "appels" sont ronéotypés à quel­ques centaines d'exemplaires et diffusés confidentiellement.

Parfois ils reprennent les lignes de l'intervention du 18 juin qui, à l'époque, n'avait pas eu le reten­tissement qu'elle devait acquérir par la suite.

Au début, et pratiquement jusqu'à l'occupation totale du territoire national, la résistance a pris un aspect différent dans les zones où la Wehrmacht était pré­sente (Alsace Lorraine annexée, zone interdite, zone frontalière, zone côtière, zone occupée) et la zone dite, par comparaison, "libre", où la seule présence ennemie était celle des commis­sions d'armistice allemandes et italiennes. Dans les zones "occu­pées", les résistants sont passés

Immédiatement à l'action directe, essentiellement le renseigne-met, les filières d'évasion pour les pilotes anglais abattus et, déjà, quelques rares sabotages. Cette action s'est effectuée, prati­quement, "en prise directe" avec les centrales de Londres : le MI 6 de l'Intelligence Service du Général Menzies, le SOE (Special Operations Executive) britannique dont la section française "F" était dirigée par le Colonel Buckmaster, et une section "RF" adaptée au BCRA (Bureau Central de Renseignement et d'Action) des Forces Françaises Combattantes de la France Libre dirigée par le Lieutenant Dewavrin, devenu "Colonel Passy". Il y a eu donc création de réseaux du MI 6, du SOE et du BCRA, dont les plus connus sont la "CND"(Confrérie Notre Dame) du Colonel Rémy, le réseau "St Jacques", le réseau "Alliance", les réseaux "Jade" et une quarantaine d'autres moins connus. Sur le front aérien la bataille d'Angleterre bat son plein et la bataille de l'Atlantique se prépare. Les renseignements sur les bases aériennes et les bases de sous-marins sont immé­diatement exploités par des raids aériens et des sabotages inter­viennent sur les câbles téléphoni­ques. Dès août 1940 des agents et des postes radio sont parachutés. Par contre aucun sabotage n'a lieu dans les usines ou sur les voies ferrées. Dans la suite des mouvements apparaîtront : OCM (organisation civile et militaire) de Bloch Mascart, CDLR (ceux de la résistance), Libération "Nord". Bien évidemment le ser­vice de contre-espionnage de la Wehrmacht, l'Abwehr, réagit durement et les résistants arrêtés sont déférés à des cours martiales qui ne prononcent pas automati­quement la peine de mort. Il n'en est pas de même avec le SD de la SS et la Gestapo qui est déjà présente et qui ne s'embarrasse pas de subtilités juridiques et, le plus souvent exécute ou déporte sans jugement.

 

En zone "libre", par contre, la présence allemande et la néces­sité tactique sont pratiquement absentes. D'autre part, les autori­tés de Vichy bien souvent égale­ment acquises à une reprise du combat, mais décidée par le haut en fonction des circonstances, ne poursuivent que mollement les actions résistantes et, dans certains cas, camouflage d'armes, préparation de la mobilisation, renseignement et contre-espionnage, les favorisent ou les protègent. Plusieurs agents allemands ayant agi contre les réseaux et désirant poursuivre en zone sud seront arrêtés, jugés et fusillés. C'est donc dans l'ambiguïté, une certaine sérénité et, parfois, initialement avec la tolérance du gouvernement du Maréchal que vont se développer des "mouvements" dont le premier support sera souvent un journal clandestin. Le premier et le prin­cipal est le MLN (Mouvement de Libération Nationale) du Capitaine Frenay et du Lieutenant Chevance. Il rassemble des progressistes et des chrétiens de gauche. Son journal est "Combat". Ensuite vient « Libération » de d'Astier, dont le frère est général d'aviation, qui est nettement orientée à gauche. Son journal est "Liberté". Enfin existe « Franc-Tireur » de Jean Pierre Levy, également un ancien officier d'active. Ces mouvements se développeront de proche en proche au cours de l'année 1941, et Frenay pourra mettre en place des structures dans toutes les régions militaires de la zone sud baptisées alors R1 (Lyon), R2 (Marseille), R3 (Montpellier), R4 (Toulouse), R5 (Limoges), R6 (Clermont Ferrand). Ces appellations, héri­tées de Vichy, survivront dans larésistance jusqu'à la libération. Frenay poursuivra même son action en zone nord avec l'appui du 2éme Bureau de l'armée d'ar­mistice auquel il appartiendra jusqu’en janvier 1941.

 

De BARBAROSSA (22/5/41) à TORCH (8/11/42).

Le plan initial d'Hitler était de régler le compte de la France et de la Grande Bretagne avant d'envahir la Russie pour y conquérir un "espace vital". Cependant, malgré l'échec sur Londres, le 22 juin 1941, confor­mément à la doctrine déjà expo­sée dans "Mein Kampf" en 1930, Hitler rompt le pacte germano soviétique et passe à l'attaque. Malgré un rapport de forces (2,8 millions d' Allemands et d'alliés en 190 divisions contre 4,2 mil­lions de Russes en 300 divisions — 3500 chars contre 21000 ­4900 avions contre 9000) initia­lement défavorable mais avec l'avantage de la surprise contre un dispositif soviétique orienté sur l'offensive et une armée rouge encore désorganisée par les "purges «staliniennes. En applica­tion du plan "Barbarossa", les forces allemandes remportent des succès importants et progressent rapidement vers Leningrad, Moscou et l'Ukraine.

L'entrée en guerre de l'URSS va marquer le véritable départ de la résistance armée dans toute la France avec l'entrée en action du parti communiste. Mis hors la loi après le pacte germano soviéti­que, le parti était entré dès 1939 dans la clandestinité. Ses cadres avaient été arrêtés, étaient réfu­giés à l'étranger (Le secrétaire général Maurice Thorez avait déserté pour rejoindre Moscou par l'Allemagne) ou se cachaient.

Cependant, conformément à la politique         d'alliance avec l'Allemagne, des actions de sabotage avaient été ordonnées par la direction du parti dans les usines d'armement. L'un des régiments de la division de Gaulle fut immobilisé par le sabotage des boîtes de vitesse de ses blindés. Après l'armistice, malgré l'appel "rétroactif" de Tillon, l'Humanité clandestine dénonçait l'Angleterre capitaliste et le général "fasciste"De Gaulle en appelant à la fraternisation avec les soldats allemands). Par ailleurs Treand demandait à la "propagandastaffel" l'autorisation officielle pour le journal du parti. Simultanément, les sabotages cessaient et les membres du parti étaient même autorisés à aller travailler directement au profit des Allemands dans les usines en France ou même en Allemagne. Il est juste, cependant, de signaler qu'un certain nombre de commu­nistes se sont engagés, à titre personnel et sans révéler leur origine, dans les mouvements de résistance et les réseaux. Ils ne se dévoileront que dans les jours précédant la libération pour appuyer la prise de contrôle par le PC de nombreux comités locaux de libération à tous les niveaux (régions, départements, municipalités).

Avec l'agression allemande tout va changer. Le parti communiste, déjà bien organisé dans la clan­destinité va s'engager résolument dans le combat avec une très grande efficacité. Les ordres viennent de Moscou mais sont relayés sur place par les diri­geants ayant échappé à la répres­sion de 1939. Désormais, la stra­tégie du PC sera orientée vers deux objectifs :- maintenir en France le maximumd'effectifs allemands en établissant un état d'insécurité par sabotages et attentats terroristes, constituer une force armée clan­destine apte à appuyer une prise de pouvoir "révolutionnaire" à la libération.

À cet effet des actions seront entreprises contre les personnels et les installations de la Whermacht, sans soucis des représailles qui, au contraire, devraient contribuer à révolter la population survivante et la rameuter vers les organisa­tions du parti. Dès le 21 août 1941, Pierre Georges, dit « colo­nel Fabien », assassine un offi­cier allemand à la station de métro Barbès. Cette exécution sera suivie d'autres dont celle du commandant de la place de Nantes, le 21 octobre, qui sera à l'origine de la fusillade d'otages communistes détenus à Chateaubriant pour militantisme communiste et non pour faits de résistance, dont le plus jeune, Guy Moquet n'avait pas dix-huit ans. Le général de Gaulle condamnera aussi bien les atten­tats que les exécutions d'otages. Les actions ponctuelles sont exé­cutées par l'OS (organisation spéciale), mais un mouvement de résistance est également consti­tué avec quelques satellites : le Front National dont la branche armée sera les FTP, francs-tireurs et partisans. Les éléments mili­taires les plus actifs proviennent des brigades internationales de la guerre d'Espagne et des étran­gers immigrés : la MOI (main d'œuvre immigrée). Les commu­nistes agissent dans les deux zones mais, en priorité, dans les zones occupées où se trouvent des troupes allemandes.

  1. L'auteur a eu ce tract en main à Paris en octobre 1940.
  2. C'est le cas de Monsieur Georges Marchais, futur dirigeant du PCE

Il y aura, cependant, des dévelop­pements. en zone "libre" où se fonderont les premiers "maquis" avec les évadés des camps et pri­sons de Vichy. Dans un premier temps et pratiquement jusqu'au moment où ils pourront prendre le contrôle des autres mouve­ments sous prétexte d'unité, les communistes, le front national et les FTP mèneront une action indépendante.

Tout au long de l'année 1942 la résistance') va se renforcer et s'organiser en France, alors que les Allemands, après une dure campagne d'hiver, ont repris leur progression en Russie et en Tripolitaine et qu'à Vichy, Laval, écarté du pouvoir en décembre 1940, y est revenu en avril 1942 avec, conséquemment, un renfor­cement de la politique de colla­boration qui se traduira bientôt par l'envoi de travailleurs fran­çais outre- Rhin. Simultanément, les GAD (groupes d'action directe) de l'organisation clan­destine de renseignement de Vichy organisent l'évasion du Général Giraud pour assurer la suite du Général Weygand, mis sur la touche sur demande des Allemands. Fin 1941, l'attaque des Japonais sur Pearl Harbour et l'entrée en guerre des Etats- Unis n'ont pas de résonance directe sur la résistance, même si les services de renseignement des USA (OSS) du Colonel Donovan font une entrée discrète avec l'im­plantation d'une base en Suisse. C'est en janvier 1942 que Jean Moulin, délégué du Général de Gaulle pour la zone sue, rencon­tre les différents chefs de mouve­ments et d'anciens partis pour tenter de lui rallier l'ensemble avec la constitution d'un Conseil National de la Résistance (qui ne sera effective qu'en mai 1943) et de prolongements aux échelons locaux. C'est dans ce cadre que se forme une difficile coopération entre Combat, Libération et Franc-Tireur en zone "libre". Le prolon­gement en zone occupée, où la répression allemande devient de plus en plus féroce avec la subor­dination de l'Abwehr au RSHA (Service central de sécurité) est difficile mais existe avec la coor­dination de l'OCM (organisation civile et militaire), de CDLR (ceux de la résistance) et de cer­tains réseaux. Les communistes se contentent de contacts discrets ayant pour but principal d'obtenir des fonds et des armes. C'est dans ce cadre que, fin 1942, sont constitués des GF (groupes francs) pour l'action immédiate et une AS (armée secrète) pour se joindre aux alliés à la libération et donner une force à de Gaulle. Le Général Delestraint, spécialiste des chars et ancien supérieur du Général de Gaulle, est recruté par Frenay et, avec l'accord de Moulin, désigné comme premier chef de l'armée secrète.

Simultanément les réseaux du SOE et des FFC (BCRA de la France Combattante) vont organiser les premiers parachutages et les liaisons aériennes entre lesclandestins et Londres. Moulin contrôle les envois de fonds et d'armes par l'intermédiaire duBCRA mais le SOE britannique et l' OSS américain interviennent aussi.

Le débarquement allié en AFN (TORCH) : la fin des incertitudes. Après avoir préparé l'opération par un certain nombre d'actions clandestines sur place les alliés anglo- américains débarquent au Maroc et en Algérie occidentale le 8 novembre 1942. Après quel­ques soubresauts l'Amiral Darlan se rallie et proclame le retour dans la guerre de l'empire fran­çais. Les Allemands envahissent la zone sud le 11 novembre. L'armistice est rompu de fait et, le 29 novembre, la flotte se saborde à Toulon et l'armée d'armistice est désarmée.

Simultanément les Italiens et les Allemands débarquent en Tunisie, avec l'accord de Vichy, mais sont attaqués par les forces françaises de Giraud(5).

Désormais, la situation est claire : il n'y a plus d'autre armée fran­çaise que celle qui combat les Allemands. Le gouvernement Laval apparaît de plus en plus comme un intermédiaire qui transmet les ordres des Allemands en essayant, le plus souvent sans succès, d'en atténuer la rigueur et ses formations militaires (ler Régiment de France, Garde Mobile) ou para­militaires (Groupes mobiles de (9) Elle se développa aussi en zone nord mais principa­lement avec des cadres de réserve.

  1. Ce fait montre la stupidité qu'il y avait pour un président de droite de récupérer un mythe purement communiste.
  2. Le délégué pour la zone nord était Pierre Brossolette qui sera aussi arrêté et se suicidera pour ne pas parler.
  3. La première action, à Médgez el Bab est menée par le Colonel Le Coultezcs, auteur; un an aupanrvant ,en Syrie .,d'une contre- attaque victorieuse sur les forces Britanniques et Gaullistes,

Réserve, Franc Garde de la Milice) ne sont plus que les supplétives de plus ou moins bonnes volontés des forces de sécurité allemandes.

Le passage à la clandestinité des militaires, préparé dès juin 1940 par l' OMA (organisation métropo­litaine de l'armée), va se traduire par la création d'un nouveau mouvement de résistance purement militaire : l'ORA (organisation de résistance de l'armée) prolon­gement direct de l' organisation militaire de l'armée d'armistice dont le premier chef sera le Général Frère désigné par Giraud avant son départ pour l'AFN.

Comme les autres mouvements, l'ORA pratiquera le renseigne­ment, l'action et la constitution de maquis. Mais quand une cer­taine unification des mouve­ments de résistance armée se réa­lisera, les compétences techni­ques des militaires de l'ORA les mettront bien souvent en mesure d'occuper les postes de responsa­bilité dans les différents états-majors FFI.

Cependant, l'unité de commande­ment entre Giraud "commandant en chef civil et militaire" qui, avec l'appui américain permettant le réarmement de l'armée d'Afrique et de l'armée Coloniale, poursuit la lutte armée en Tunisie et en Corse, et de Gaulle qui se réclame du privilège de l'ancienneté dans le combat, ne se réalisera qu'en novembre par l'élimination de Giraud confiné aux tâches mili­taires puis définitivement écarté, échappant de peu au sort de Darlan (un attentat aura lieu, dont le bénéficiaire était évident mais dont les protagonistes, comme dans le cas Darlan, demeureront incon­nus et les auteurs vite fusillés). Dans cette lutte politique, le Général de Gaulle saura habile­ment se prévaloir du soutien de la résistance intérieure française, avec la constitution orchestrée par Moulin du CNR (conseil national de la résistance) et de l'existence, encore largement théorique de l' "armée secrète" du Général Delestraint, détaché par Moulin des MUR (mouve­ments unis de résistance) pour être rattaché directement à de Gaulle alors co-président du CFLN (comité français de libération nationale), tandis que l'ORA prenait ses ordres de Giraud, l'autre co-président. Les FTP, quant à eux, conserveront leur autonomie même si le PC (parti communiste) et le FN (front national) étaient représentés au CNR puis à son prolongement militaire, le COMAC, dont ils prendront progressivement le contrôle, parfois en opposition avec les "délégués militaires" du CFLN (comité français de la libération nationale) d'Alger.

3. Des armées "privées" aux FFI.

De l'hiver 1943 à l'été 1944, des maquis aux FFI. De l'hiver 1943, avec les revers d'El Alamein en Afrique, et de Stalingrad en Russie, suivis au printemps' par le débarquement en Italie et la douteuse bataille de Koursko), jusqu'à l'été 1944, marqué à l'ouest par la rupture du front ita­lien, les débarquements Alliés en Normandie et en Provence et à l'est par les grandes offensives soviétiques qui allaient libérer le territoire russe, les forces de l'axe, même si elles demeurent localement redoutables, vont éprouver défaites sur défaites. Les pertes en hommes et en matériel seront imposantes et, pour les compenser, les Allemands seront amenés à faire appel massivement à la main d'oeuvre en provenance des terri­toires occupés pour maintenir en marche leur industrie de guerre malgré les bombardements anglo-américains et la mobilisa­tion toujours plus impitoyable des travailleurs allemands appe­lés sans cesse pour reformer des unités combattantes.

Paradoxalement c'est cette mobi­lisation des jeunes français pour une cause qui leur était profondé­ment étrangère qui va provoquer massivement leur exode vers ce qui sera nommé maquis pour la première fois au cours d'une réu­nion du mouvement « Combat » le 31 décembre 1942. Le terme fera fortune et, aujourd'hui encore, on assimile facilement résistance et maquis. Dès l'au­tomne 1940 il y eut des travail­leurs volontaires, parfois un peu commis d'office mais leur nombre fut relativement limité. Jusqu'en mars 1942, retour de Laval au gouvernement.

  1. Arrêté, le Général Frère mourra en déportation au Stnithof.
  2. Arrêté, le Général Delestraint sera déporté et assassiné.
  3. Contrairement aux allégations de la propagande soviétique, la bataille de Koursk ne fut pas une défaite absolue pour la Wehrmacht.


En tenant compte des retours il s'établissait autour de 50000. Le premier départ massif, entre juin et septembre 1942, eut lieu dans le cadre de la « relève » un prisonnier de guerre âgé était libéré en échange de trois jeunes travailleurs, d'autres étant trans­formés en « travailleurs libres ». Mais c'est avec la création du ser­vice du travail obligatoire (STO) en février 1943 que trois classes (41,42,43) furent mobilisées et qu'il y eut une véritable déportation de 600000 jeunes, portant les effectifs cumulés de travailleurs en Allemagne à près de 750000.

Les jeunes français n'ont jamais été enthousiastes pour la conscription, à plus forte raison quand il s'agit d'aller travailler pour l'ennemi sous les bombes. Beaucoup eurent donc recours aux exemptions légales : usines travaillant déjà en France pour l'Allemagne, services publics, SNCF, police, pompiers, GMR (groupes mobiles de réserve : les ancêtres des CRS) et parfois même franc garde de la milice ou supplétifs de la Gestapo ou de l'Abwehr.

Après les solutions légales il ne restait que la clandestinité : sur 850000 requis il y eut 200000 réfractaires. Le plus grand nom­bre « prit le maquis » dans les campagnes et les montagnes car la survie en ville sans carte d'ali­mentation et sous la menace des contrôles d'identité (c'est à cette époque que fut inventée la carte nationale d'identité) était difficile.

C'est donc dans ce vivier de clan­destins, errant parfois de villages en forêts, car il y avait aussi quel­ques contrôles de la gendarmerie de Vichy que, au gré des filières, des circonstances locales et des possibilités d'encadrement, les trois composantes armées de la résistance , Armée Secrète (AS) et Groupes Francs (GF) des Mouvements Unis de Résistance , Francs Tireurs et Partisans (FTP) du Front National et unités de l'Organisation de Résistance de l'Année (ORA) vont recruter les effectifs qui leur permettront de passer de quelques milliers en février 1943 à plus de 100000 en juillet 1944 et plus de 500000 en septembre car l'histoire des FFI ne s'arrête pas avec la libération.

Malgré la création par Jean Moulin, en mai 1943, du conseil national de la résistance (CNR) et de son organe exécutif militaire, le comité d'action militaire, (COMIDAC ou COMAC), ras­semblant, en principe, tous les mouvements et leurs composantes militaires, une véritable unification ne sera réalisée effectivement que dans les semaines ou même les jours précédant la libération. Même si au sommet, au prix de divergences affichées, une cer­taine unité pouvait apparaître, à la base, ce qu'un général améri­cain (le Général Butler, brillant commandant de la Task Force agissant dans les Alpes) appelait les « armées privées », conser­vaient par rapport au commande­ment FFI une marge, parfois importante, d'indépendance sur les plans tactique et politique même si une fusion partielle AS/ORA fut réalisée en mai 44. Mais il convient de préciser que les divergences n'affectaient que les cadres supérieurs. Les cadres et maquisards de la base, recrutés au gré des circonstances locales, ne découvrirent bien souvent leurs organisations de référence qu'avec les procédures d'homo­logation. Dans l'action, l'impli­cation commune dans le combat contre les Allemands et Vichy transcendait toutes les divergences.

L'AS (armée secrète) fondée sui­vant le concept d'Henri Frenay et de « Combat», étendu aux MUR (mouvements unis de résistance) puis au MLN (mouvement de la libération nationale) devait, sur le plan politique, montrer aux for­ces alliées libératrices une force militaire organisée régulièrement aux ordres du CFLN (comité de la libération nationale) du géné­ral de Gaulle, capable de les appuyer au contact et de mainte­nir l'ordre sur leurs arrières après leur passage. Sur le plan militaire cette stratégie se traduisait par la constitution d'unités d'infanterie légère (sections, compagnies, bataillons, brigades) n'agissant qu'en autodéfense et dont la mise en œuvre n'aurait lieu qu'à l'ap­proche des forces alliées. L'action immédiate par sabotages et actions individuelles devait être assurée par les GF (groupes francs), un temps regroupés sous le sigle de CFLN (corps francs de la libération nationale) et fondus ensuite dans les FFI.

Cette politique de réserve de moyens qui auraient pu être utili­sés pour des actions plus impor­tantes que celles des GF a parfois fait taxer les dirigeants de l'AS d'attentistes.

Les FTP (francs-tireurs et partisans), dérivant à l'origine de l'OS (organisation spéciale) du parti communiste, étaient une émana­tion du front national, une suc­cursale multiple du PC. Sur le plan stratégique le but était d'as­surer, à la libération, une position dominante au PC si ce n'est même une prise de pouvoir tout en créant le maximum d'insécu­rité en France pour y maintenir loin du front de l'est le maximum d'unités allemandes. La traduc­tion en termes militaires se maté­rialisait par la multiplication des sabotages, des coups de main, des attentats terroristes et des embuscades. Les représailles sur les populations civiles n'étaient pas redoutées, bien au contraire, car elles devaient enclencher le mécanisme action — répression ­réaction que nous avons bien connu en Indochine et en Algérie. D'autre part, une action de masse était bien prévue à l'approche des forces alliées mais elle devait prendre la forme de soulève­ments urbains de milices ouvriè­res sommairement armées et encadrées par des FTP. Dans ce cas encore, les représailles n'étaient pas un obstacle. Ainsi pourrait être développé le mythe du pays se libérant tout seul et la mise en place d'autorités locales inféodées au PC pouvant, au minimum, tenir la place et, au mieux, s'opposer à celle's arrivant d'Alger. Naturellement cette politique était taxée d'aventuriste par les mouvements non commu­nistes ralliés au CFLN.

L'ORA, développée principale­ment en zone sue à partir de l'armée d'armistice, par contre, se voulait résolument apolitique et uniquement militaire. Suivant les mots mêmes du Général Frère, son premier commandant, mort en déportation, elle se considérait comme l'avant-garde sur le territoire français des for­ces alliées libératrices, au même titre que pourraient l'être des parachutistes ou des commandos. Elle obéissait donc strictement aux consignes et aux ordres du commandement FFI. Après sa fusion avec l'AS et la formation des états-majors FFI locaux, aux­quels elle fournit de nombreux cadres, ses dirigeants tentèrent de maintenir cette position, ce qui engendra parfois quelques crises. Il est intéressant de noter que dès sa création, et même après son intégration dans les FFI avec l'AS, elle conserva des liaisons directes avec Londres et Alger.

Enfin, il convient de noter que, quelques semaines avant le débarquement en Normandie, les formations dépendant directe­ment de l'Intelligence Service MI 6 (réseaux JADE) orientés sur l’enseignement ou de la section française du Special Operation Executive (réseaux Buckmaster), un service action organisé par Churchill en 1940 pour « mettre le feu à l'Europe » qui, jusque-là, n'avaient pas de liaisons avec le BCRA, demandèrent très offi­ciellement à être intégrées aux FFI, au même titre que l'étaient les autres réseaux des FFC (for­ces françaises combattantes). Au total : 266 réseaux regroupant 90000 membres consacrés prin­cipalement au renseignement (60%) mais aussi à l'action et aux évasions (20 %), les réseaux JADE (IS) et Buckmaster (SOE) représentant 20 % du total.(9) Elle se développa aussi en zone nord mais principa­lement avec des cadres de réserve.

La difficile organisation des FFI. L'organisation d'une armée, pra­tiquement à partir de rien, pose toujours des problèmes dans tous les domaines mais, avant de voir comment ils ont pu être résolus, il convient de garder en perma­nence à l'esprit que tout a du être réalisé sous la pression constante des Allemands et de leurs auxi­liaires français qui avaient déployé sur la France une capa­cité de répression peut être sans égale depuis la création de la nation française.

Le recrutement et les effectifs sont le premier problème et le plus important, car il n'y a pas d'armée sans soldats. Nous avons vu que les Allemands et le gou­vernement de Vichy y avaient pourvu en envoyant vers les maquis des dizaines de milliers de réfractaires au STO. Il restait à transformer en armée cette masse désorganisée et initialement motivée uniquement par sa sim­ple survie.

mmandement suprême était, en principe, assuré par le général Koenig, nommé par le général de Gaulle en avril 1944 commandant des forces de l'inté­rieur regroupant tous les résis­tants, y compris ceux qui, jusque-là, dépendaient des services alliés (Alliance, SOE, IS, etc.). Celui-ci, lui-même directement subordonné au          Général Eisenhower par l'intermédiaire du SFHQ (Spécial Forces Head Quarter) regroupant SOE anglais et OSS américain, disposait d'un état-major incluant le BCRABureau            Centralde Renseignement et d'Action) qui, jusque-là, avait actionné la résis­tance en France. Mais pour des raisons géographiques, le sud de la France avait été rattaché au théâtre "Méditerranée" commandé par le général (Anglais) Maitland Wilson, le général (air) Cochet y représentait le com­mandement FFI auprès du SPOC (Special Project Operation Center) sans avoir trop de moyens ou de considération puis­que c'est un de ses subordonnés exfiltré du Vercors, le Colonel Zeller, qui contribua directement à la modification des plans d'opérations sur le sud- est de la France. Le commandement FFI à Londres et à Alger aurait du être relayé sur place par le COMAC (Comité d'Action Militaire), organe militaire du CNR (Conseil National de la Résistance). Mais cet organisme où le commissaire communiste Villon (également membre du CNR) exerçait une influence primordiale, alors que le Général Revers de l'ORA n'avait qu'un strapontin de "conseiller", était trop souvent enclin à privilégier l'aspect politique par rapport aux  considérations militaires.

Contrairement aux directives de Koenig et conformément aux thè­ses communistes, il désirait tou­jours donner la priorité aux insur­rections urbaines et à l'armement des villes plutôt qu'à celui des formations militaires FFI dans les maquis. Le contrôle était assuré, tant bien que mal, par un ou plusieurs délégués militaires nationaux (DIVIN) et un représen­tant du général de Gaulle. Les différents bureaux du COMAC étaient armés par des officiers d'active, souvent brevetés, prove­nant de l'ORA, mais le chef d'Etat- Major Malleret Joinville qui, avec Chaban Delmas et Guillain de Benouville, sera un des trois généraux FFI, était un communiste. La dualité EM FFI et COMAC ne devait pas avoir, sauf dans le cas du soulèvement urbain de Paris, de conséquences graves, car les actions étaient obligatoirement décentralisées au niveau régional. Le principal tra­vail effectué en commun entre la résistance intérieure et l'EM FFI fut donc la mise au point de plans d'action :

  • plan vert, appliqué au sabotage des voies ferrées,
  • plan violet concernant le sabotage des lignes de télécommunication,
  • plan bleu de destruction des ins­tallations électriques,
  • plan tortue de coupures de rou­tes et de voies ferrées pour enca­ger les zones de débarquement,

Ces différents plans relevaient le plus souvent de l'action immédiate et ne mettaient pas en œuvre les formations FFI organi­sées en unités militaires, même si certaines étaient amenées à y par­ticiper. Il n'en était pas de même pour le plan rouge de mobilisa­tion des maquis et d'actions de force généralisées, ce terme ayant été substitué à celui d'in­surrection par une annotation personnelle du général de Gaulle dans une directive de mai 1944. Les présuppositions de ce plan étaient :

  • la proximité raisonnable (100 KM) de forces alliées débarquées, - des parachutages importants d'armes, de munitions et d'équi­pements sur la zone considérée,
  • la mise en place par voie aérienne (parachutage ou pla­neurs) d'unités régulières dotées d'armes lourdes pour encadrer et appuyer les unités FFI.

Naturellement tous ces plans avaient des applications régiona­les susceptibles d'être déclen­chées par des messages codés mis en place préalablement auprès des exécutants, et diffusés par la BBC, ce qui permettait, en fait, au commandement allié de court-circuiter le commandement FFI.

Le niveau de commandement le plus important était celui de la région (appelée inter région par les FTP). Elle comprenait un nombre variable de départements et, obligatoirement, reprenait les délimitations administratives imposées par le gouvernement de Vichy et les autorités allemandes. La zone sud comprenait six régions correspondant aux régions militaires de Vichy dont deux avaient été fusionnées : R1 (Lyon et les Alpes, R2 (Marseille, Méditerranée est et Alpes du Sud), R3 (Languedoc, Pyrénées est), R4 (Toulouse, Pyrénées cen­tre, R5 (Limoges et Massif cen­tral ouest), R6 (Vichy et Massif central ouest). En zone nord les zones A (Nord et Manche), B M1 M2 M3 M4 (Atlantique, Bretagne, Normandie) et C (Ardennes, Lorraine, Alsace) D (Bourgogne Franche Comté) couvraient les côtes ouest et la frontières nord- est. Le centre était partagé entre Pl P2 P3 et Paris constituait une entité dis­tincte.

L'organisation régionale suivait le niveau national : un comman­dement régional FFI, accolé au comité régional de libération avec un délégué militaire régio­nal, qui était en général un mili­taire d'active. Parfois deux régions étaient coiffées par un délégué militaire unique recevant une mission de "coordination" souvent transposée au moment de l'action en commandement effectif Il en était de même au niveau départemental où se retrouvent un commandement départemental FFI, un comité local de Libération et, pour cer­tains départements "sensibles", un Délégué Militaire Départemental. Les généraux Bigeard et Aussaresses ont commencé leur carrière comme DMD. Le dépar­tement était lui-même subdivisé en secteurs regroupant plusieurs maquis. Enfin, le maquis regrou­pait des effectifs variables entre la section et la compagnie. Notons que les FTP engerbaient sous ce dernier terme aussi bien des sédentaires (légaux) que des maquisards (illégaux) ne dépassant pas la trentaine. Les états-majors régionaux et départementaux, particulièrement en zone sud, employaient en majorité des membres de l'ORA, le plus sou­vent officiers d'active.

Le problème des liaisons était particulièrement compliqué.

Les liaisons internes passaient par l'emploi général d'agents de liaison ou de courriers' utilisant les transports en commun et la bicyclette ou la moto. Les cadres FTP, organisés en "triangles"(un politique, un militaire, un logisti­que) disposaient systématiquement d'un courrier attitré. Ceux de l'ORA employaient souvent leurs anciens subordonnés, anciens de la même section d'une école militaire par exemple. L'AS pro­cédait plus par affinités familia­les, sociales, ou politiques. Les réunions de responsables qu'il fallait bien organiser étaient tou­jours dangereuses : le Général Delestraint de l'AS, les Généraux Verneau et 011eris(10) de l'ORA et tant d'autres furent pris directe­ment ou indirectement, à l'occa­sion de réunions qui étaient autant de pièges.

Comparativement, les cadres FTP qui se réunissaient par cour­riers interposés ont souvent moins souffert, même si la Gestapo et la police de Vichy étaient particu­lièrement acharnées contre eux. Les liaisons externes avec les organismes alliés ou de la France Combattante furent assurées, dès l'été 1940, par des missions de liaison parachutées ou déposées par avions légers de la RAF, vedettes ou sous-marins qui pou­vaient fonctionner dans les deux sens. Le passage vers l'Espagne et la Suisse était aussi pratiqué pour le retour. Ces missions, qui se multiplièrent au cours des années et de la croissance des organisations de résistance, com­prenaient en général un ou plu­sieurs officiers ou agents de liai­son et un radio avec son poste et ses fréquences.

La technique du pilotage des émetteurs par quartz a beaucoup (simplifie les manipulations mais la goniométrie de l'Abwehr et de la Gestapo était toujours aussi menaçante. Leurs origines étaient multiples : BCRA (bureau cen­tral de renseignement et d'action) de la France combattante, puis DGSS (direction générale des services spéciaux du GPRF (gou­vernement provisoire de la République Française), services secrets de l'IS — MI 6 et SOE britanniques, OSS (Office of Strategic Services) américain, l'ancêtre de la CIA, Jedburgh de l'EM interallié. Il y eut même des Russes du GPU, amenés par bateau en Ecosse puis parachu­tés en France, en principe, pour agir sur les unités allemandes de volontaires de l'est. Ces officiers, qui remplissaient parfois aussi d'autres missions (renseigne­ment, actions ponctuelles, réseaux d'évasion pour les pilo­tes alliés) ne devaient pas, en principe, s'immiscer dans le fonctionnement des organismes FFI, mais ils étaient particulière­ment utiles pour obtenir des para­chutages et instruire les maqui­sards au maniement de certaines armes. Aux échelons supérieurs, ils étaient une possibilité plus versatile que les messages codés de la BBC pour transmettre les ordres et recevoir les comptes rendus. Cependant les fameux "messages personnels" de la BBC demeurèrent, dès les premiers jours de l'action résistante, le moyen privilégié de transmission des ordres et des informations entre les EM de Londres et Alger et les unités de base des FFI.

L'encadrement des formations FFI s'est posé en termes diffé­rents pour les différentes organi­sations et, en premier, il convient de rappeler que la majorité des cadres d'active et de réserve avait été capturée en juin 1940 et demeurait détenue dans les camps de prisonniers en Allemagne. Cependant, au moins en zone sud, l'ORA pouvait dis­poser des anciens cadres de l'ar­mée d'armistice. Le plus grand nombre partit par les Pyrénées et les prisons espagnoles pour rejoindre l'armée d'Afrique mais, très vite il leur fut demandé de rester en France pour encadrer les FFI. Beaucoup, cependant, répugnèrent à se mettre aux ordres des communistes ou des "politiques". La fusion ORA/AS de mai 1944 facilita les choses mais les unités les plus solides demeu­rèrent celles issues des anciens régiments démobilisés en novembre 1942. Au total, plus de 1000 officiers servirent dans l'AS, 1500 resteront dans l'ORA, mais plus de 4000 rejoignirent l'Afrique du Nord et l'armée régulière.

L'AS compris très vite l'importance de l'encadrement et créa plusieurs maquis écoles pour former des chefs de section. Ces structures qui formèrent d'excellents élé­ments disparurent avec la fusion avec l'ORA. Dans les deux orga­nisations les militaires ont payé un lourd tribut pour la libération de la France : 1300 morts au combat, 800 déportés, dont 27 officiers généraux exécutés ou morts en déportation. Ces sacrifi­ces demeurent, aujourd'hui encore, largement ignorés.

Les FTP demeurèrent, au moins en ce qui concerne les formations militaires, les plus mal encadrés. Les meilleurs éléments prove­naient des anciennes brigades internationales auxquelles

avaient appartenu, entre autres, les colonels Fabien et Rol Tanguy. Mais si ces anciens pouvaient exécuter des Allemands dans les villes, effectuer des sabotages sur les voies ferrées et dans les usines, et monter de petites embuscades, ils n'avaient que rarement la possibilité d'encadrer des formations régulières, même si quelques cadres d'active avaient, dès le début rejoint les FTP dont l'activisme séduisait plus les jeunes que l'attentisme supposé des autres formations. Après la libération, seules de rares unités FTP furent en mesure de participer aux com­bats, et l'exemple du "Colonel" Fabien se faisant exploser avec l'état- major de son régiment, le 151 éme RI, à la suite de la manipulation malen­contreuse d'une mine n'a pas été un cas isolé. Bien souvent ce sont les cadres des unités "réguliè­res «qui durent enseigner le fonc­tionnement des armes lourdes aux FFI/FTP qui les relevaient.

Les armes provenaient de diffé­rentes sources. La première était les armes détenues par les parti­culiers, non livrées aux autorités, armes de poing et de chasse. Contrairement à la légende, il y eut très peu d'armes prises sur l'ennemi. Il n'y eut jamais de grandes embuscades comme nous en avons connues en Indochine ou même en Algérie, et ce n'est qu'après leur départ que les dépôts allemands purent être utilisés avec la bénédiction des alliés. Les armes camouflées très officiellement par l'armée d'armistice furent plus nombreu­ses mais beaucoup de dépôts furent détruits par les détenteurs ou dénoncés aux Allemands en novembre 1942.

L'ORA bénéficia en priorité de ce qui restait. Mais la majorité de l'armement arriva par parachuta­ges. Les chiffres officiels sont impressionnants : 197480 mitraillettes Sten, 20518 fusils mitrailleurs Bren, 127330 fusils Enfield, 57849 pistolets Colt, 722271 grenades Mills, 113820 grenades Gamon, 2440 armes antichars PIAT, 285 mortiers Stoke, 594 tonnes d'explosifs, 1200 mines adhésives, soit de quoi armer plus de 400000 hom­mes. Ce chiffre doit être réduit, sans doute de moitié, car tous les parachutages n'arrivèrent pas au bon endroit. On a pu voir des uni­tés allemandes entièrement équi­pées d'armes provenant des para­chutages. C'est l'AS et l'ORA qui bénéficiaient de bonnes liai­sons avec Londres et Alger qui bénéficièrent principalement de cet armement. Les FTP, qui représentaient le tiers des effec­tifs, ne reçurent directement que 3% de l'armement, de gré ou, parfois, de force, ils arrivèrent le plus souvent à en obtenir leur part. Les parachutages comportaient aussi des vêtements, des chaussu­res et de l'alimentation, ce qui permit parfois d'éviter le pillage des dépôts des chantiers de jeu­nesse ou les "réquisitions" abusives. Il y eut aussi des fonds (francs récupérés en AFN ou dans les colonies ou, parfois, fal­sifiés très officiellement...) caractérisés par des parachutes noirs et qui, eux aussi, s'égarè­rent parfois pour être investis après la libération". D'autres fonds étaient déposés par avion, récupérés en Suisse ou même, tout simplement obtenus auprès des banques parfois par hold up patriotique. Le résultat : les FFI à la veille de la libération.

Finalement, malgré les ratissages des forces de sécurité alleman­des, la traque de la Gestapo et de la police, la chasse de la Milice et du PPF, les dissensions internes, les erreurs du commandement et tant d'autres aléas, une véritable armée clandestine existait à l'été 1944. La question des effectifs exacts demeure très controversée. Ce qui est certain c'est que, à partir du noyau initial de quelques milliers de réprouvés existant fin 1942, les effectifs au combat atteignaient plusieurs dizaines de milliers en juillet 1944.

L'effectif exact est difficile à pré­ciser. Une étude du SHAEF (Supreme Headquarter of Allied European Forces, commandement suprême des forces alliées en Europe), citée par tous les bons auteurs (entre autres, Henri Nogueres, « Histoire de la résistance française », de Bénouville, « Le sacrifice du matin ») indique des chiffres très précis pour tous les départements sauf Paris. À la date du 11 juillet 1944, le total donne 328000 "mobilisables" dont 117430 armés. Ce chiffre semble honnête, même en tenant compte du gonfle­ment des effectifs pratiqué par tous les EM pour obtenir le maxi­mum de moyens. Il cadre avec le nombre d'armes parachutées, ce qui semble normal car il a du être établi à partir des besoins exprimés par les agents de liaison sur place. Mais il doit être modulé dans le temps pour tenir compte de l'évolution de la situation sur le terrain. Si on compare les chif­fres avec la réalité observable à l'époque, il semble qu' à la veille du débarquement, en juin, les FFI aient compté 50000 hommes orga­nisés et en armes. Quelques semaines plus tard, en juillet, il y en avait 120000 et, la libération achevée, 300000 à la fin de l'été 1944. Ces chiffres sont en accord avec les effectifs en armes et mobilisables donnés par l'étude du SHAEF. Il correspond aussi avec celui de 10 divisions attribué au Général Eisenhower pour chiffrer le niveau de l'aide apportée par les FFI dans la libération du territoire français.

 

Général Maurice BARRET

Délégué ORA/

Alpes de Haute Provence



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