Actualité générale

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Médaille des justes décernée à Joséphine et Léo Vieu
23-05-2017

Sur la photo on reconnait Mme BARTHELEMY, Mr Robert MIZRAHI,

Dominique TIAN 1er Adjoint et Guy TESSIER.

C'est une cérémonie d'hommage émouvante qui a rassemblé jeudi soir un grand nombre de personnes à l'hôtel de ville à la mémoire de Joséphine et Léo Vieu, qui ont reçu la médaille et le diplôme d'honneur des "Justes parmi les nations" remise à leur petite-fille, Nicole Rivière.

Les descendants de la famille Paoli, aidée pendant la guerre par leurs voisins, étaient présents en nombre pour témoigner de leur gratitude

Joséphine et Léo Vieu avaient caché six membres de la famille PAOLI dans leur maison de 1943 à 1944.

 

Discours de Serge COEN 

Délégué du comité Français de Yad Vashem

 

Le 27 janvier 1945, un détachement de l’armée soviétique découvrait, dans une forêt de Haute-Silésie, un lieu qui frappa ses libérateurs de sidération ; il s’agissait du camp d’Auschwitz-Birkenau. Des milliers de grabataires y agonisaient, alors que 60000 autres déportés avaient été emmenés dans les marches de la mort par les SS, qui fuyaient l’Armée Rouge.

En 1953, un Mémorial des Héros et Martyrs de la Shoah a été édifié sur le Mont du Souvenir à Jérusalem, avec une triple vocation :

-        Perpétuer le souvenir des six millions de Juifs assassinés par les Nazis et leurs collaborateurs de 1933 à 1945. Dans une salle mémorielle sont égrenés les noms des 1 million cinq cent mille enfants assassinés.

-        Honorer les actes d’héroïsme et de sauvetage se rapportant à la Shoah.

-        Transmettre cette histoire aux nouvelles générations, afin qu’elle leur serve de « balise d’avertissement contre l’antisémitisme, la haine et les génocides à travers le monde ».

L’institut Yad Vashem, où travaillent des centaines de chercheurs et d’historiens du monde, permet de mesurer l’ampleur du désastre que fut la destruction du judaïsme européen.

En 1963, l’Institut a commencé à rendre hommage aux héros civils non juifs, en leur décernant le titre de ''Justes parmi les Nations'', plus haute distinction civile de l'état d'Israël, traduction d'une expression hébraïque tirée du Talmud, pour qualifier les ''Non-Juifs vertueux, œuvrant avec compassion et Justice''.

Quel est le contexte dans lequel se déroulèrent les actions des Justes:

Entre 1940 et 1945, la France traverse une période très sombre de son histoire, car elle a capitulé devant l'Allemagne nazie.

Notre pays, c'est alors une grande majorité silencieuse préoccupée par le quotidien, passive, courbant le dos en attendant des jours meilleurs.

Mais le Pays connaît rapidement des lois d'exception.

Dès 1940, au nom d’un antisémitisme d’Etat, le régime de Vichy avait exclu et paupérisé tous ceux et celles considérés comme Juifs. A partir de l’été 42, ce même pouvoir, en concertation avec les autorités allemandes, arrête des milliers de Juifs promis à la déportation et à l’extermination.

Car la France sous occupation allemande, ce sont aussi des collaborateurs, qui aident les nazis et parfois même les devancent dans leur entreprise, dénonçant les Juifs, participant à leur fichage, aux rafles et aux persécutions.

La barbarie nazie ainsi secondée est une machine de mort qui n’épargne personne: hommes, femmes, enfants, vieillards ne pourront échapper à un destin tragique et seront exterminés dans les camps de la mort.

En France, il y avait environ 320.000 Juifs en 1940 ; 76000, dont 11400 enfants, furent déportés. Seules 2550 personnes revinrent, et aucun enfant ne se trouvait parmi elles.

C’est dans ce contexte de terreur et de délation qu’une « autre France » est émue et choquée que des policiers et gendarmes français arrêtent des vieillards, des femmes et des enfants, pour les transférer vers une destination inconnue.

S’opère alors un tournant dans l’opinion, ponctué par la petite voix d’un vieillard quasi infirme, Monseigneur Jules Saliège, Archevêque de Toulouse, qui trouve la force et le courage de dire publiquement dans sa cathédrale, le 23 août 1942 « Les Juifs sont des hommes, les Juifs sont des femmes, tout n’est pas permis contre eux ».

Cette prise de conscience progressive explique la singularité française et la préservation de la majorité de ses Juifs, alors que 80% des Juifs des Pays Bas et 45% des Juifs de Belgique ont été déportés et exterminés. 

La France, ce fut aussi des hommes et des femmes qui auraient pu fermer les yeux, passer en silence, mais qui ont été happés par le drame et se sont mis en grand danger, eux et leur famille, certains y laissant d’ailleurs la vie.    Leurs actions de sauvetage, ils les ont menées en conscience, avec toute leur âme, tout leur cœur.                                                                                                                                

C’est ce que firent Léo et Joséphine Vieu, qui prirent de grands risques en cachant, hébergeant et sauvant ainsi les familles Paoli et Saltiel. Grâce à ces Justes, Denise, Marcel, France et Jean-JacquesPaoli, Reine et Rachel Saltiel ont ainsi échappé à l’abomination.

 

Le 3 mai 2016, la distinction de « Justes parmi les Nations » leur a été attribuée par l’Etat d’Israël, et leurs noms seront gravés sur le Mur des Justes à Jérusalem, ainsi qu’au Mémorial de Paris. C’est à leur petite fille Nicole Rivière, que nous allons remettre la médaille et le diplôme.

Léo et Joséphine Vieu ont fait bien plus qu’héberger et cacher les familles Paoli et Saltiel; ils leur ont prodigué, malgré le danger de l’occupation allemande, un quotidien empli de sollicitude, de compassion et d’affection.

En les honorant pour leur comportement courageux, nous contribuons aussi au Droit à la Mémoire pour les nouvelles générations.

Je tiens enfin à saluer leur modestie, qui a fait qu’ils considéraient leur compassion comme naturelle.

Au 1er janvier 2017, plus de 26 500 « Justes parmi les nations » ont été recensés de par le Monde. Parmi eux plus de 4000 Justes de France, dont beaucoup dans le sud.

En 2007, le Président Jacques Chirac a donné, dans la Crypte du Panthéon, une place légitime aux Justes parmi les Nations de France ainsi qu'à tous ceux qui sont restés anonymes.         Y sont inscrits ces mots :

« Bravant les risques encourus, ils ont incarné l’honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité »

Alors certains disent que tout cela c’est du passé, et qu’il faut tourner la page. Mais quand on ignore le passé, la page suivante risque d’être semblable à celle que l’on quitte, ou peut-être pire…

Après les dizaines d’actes antisémites annuels auxquels on s’était presque habitués, nous avons subi des attentats terroristes visant des Juifs parce qu’ils sont Juifs, des policiers parce qu’ils sont policiers, des journalistes parce qu’ils sont journalistes, des Prêtres parce qu’ils sont chrétiens, des Français parce qu’ils sont Français, avec un lot de profanations d’églises et de cimetières. Nul ne peut ignorer que la liste de ces tragiques évènements n’est pas close.

A force d’occulter ou de minimiser ces exactions, ou d’excuser ceux qui les commettent, ce sont, au-delà de la communauté juive et de la diabolisation de l'état d'Israël, les forces vives de la République et notre Démocratie qui sont maintenant menacées, avec la montée en puissance de mouvements populistes se proclamant à nouveau "la voix souveraine du peuple", rejetant ceux qui ne sont pas d’accord avec eux.

L’étude de l’histoire des années 30 et 40 en Allemagne nous apprend comment leur message peut se répandre à travers la planète.      

Les Nazis avaient utilisé la propagande d’une façon subtile et sophistiquée, exploitant les techniques les plus modernes de l’époque pour diffuser leur programme – radio, cinéma, effectuant des sondages d’opinion afin de cibler les besoins, les espoirs et les peurs des travailleurs manuels, de la classe moyenne, des paysans, de la jeunesse, et des femmes, alors nouvellement électrices.

A travers les siècles, le déni de l’humanité de "l’Autre", le mépris de sa culture, de sa foi ou de ses traditions ont souvent précédé les massacres de masse et les génocides.  Tout récemment, c’est ce processus qui a conduit au génocide des Tutsis au Rwanda, les mots précédant les mitraillettes, les machettes et les bombes.

Une action pédagogique est donc toujours nécessaire.

Dans cet esprit que le Comité français pour Yad Vashem a créé en 2010 le Réseau des "Villes et Villages des Justes".  Il permet de réfléchir ensemble aux moyens de pérenniser cette mémoire positive, en développant des initiatives culturelles et mémorielles en direction des populations.

Plus de 140 municipalités ont déjà créé des lieux de mémoire - rue, place, square, stèle - pour perpétuer le souvenir des «Justes parmi les nations». Le Comité Français pour Yad Vashem serait très honoré de voir la ville de Marseille rejoindre ce réseau.

N’oublions pas que c’est grâce à des Justes que les enfants cachés Albert Barbouth, Pierre Osowiechi et Robert Mizrahi sont ce soir avec nous.

N’oublions jamais l’injonction prémonitoire de Winston Churchill : « Se souvenir du passé pour forger l'avenir ».



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