Actualité générale

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Discours de Denise TOROS-MATER lors des cérémonies commémorant le 73 eme anniversaire de la déstruction du quartier du Vieux Port et des rafles du quartier de l'Opéra
24-01-2016

 

22 Janvier 1943, nous habitons l’appartement du Garage de mon Père ou la guerre nous a confinés lors de sa mobilisation en 1939.

Au petit matin, on sonne !

Grande frayeur provoquée par les arrestations qui sévissent maintenant dans la zone sud de la France, après celles de Juillet 1942 dans la zone nord occupé.  

On vient seulement chercher mon frère René qui fait partie de la « Défense Passive ». Pourquoi ?

C’est la destruction des « vieux quartiers » de Marseille dans lesquels la Police française pense trouver des réfractaires au S.T.O.

En vérité, cette police dirigée par Bousquet se met au service de la Gestapo et lui propose de profiter de cette rafle pour arrêter les familles Juives du Centre-Ville, Opéra, Grand Rue.

Le premier jour, on chasse tous les habitants des quartiers du Vieux Port pour les parquer à Fréjus dans des baraquements d’internement. Ils n’emportent que quelques frusques et leurs souvenirs.

René fait partie des jeunes gens qui vont les aider à transporter ce qu’ils peuvent sauver.

Le deuxième jour le 23, alors que nous sommes ignorants de ce qui se passe réellement dans le centre-ville, la deuxième partie du plan de l’État de Vichy, passe au niveau supérieur, et offre sa complicité pernicieuse aux occupants allemands en envoyant sa propre police, les G.M.R., pour « cueillir » la population israélite dans ses foyers.

On sait à présent que sans la proposition des sbires de Pétain et Laval, l’armée d’occupation nazie n’aurait pu opérer un si grand nombre d’arrestation parmi la population marseillaise.

Et que se dessine aussi un projet urbain pour enrichir certains promoteurs immobiliers proches du gouvernement de Vichy.

Quelques gestes d’humanité se produiront parmi la police française, mais la plupart des gens raflés seront convoyés à Compiègne et aussi à Drancy, les camps d’internement pour les Juifs de France,  et de départ pour les camps d’extermination de l’Est de l’Europe

Qui était au courant ?

Sans doute, les Alliés, et leurs Renseignements.

Mais, plus certainement les autorités vendues à Pétain, et qui dans beaucoup de cas, reprendront leurs postes à la Libération sans en être inquiétés, après avoir fait main basse sur les biens volés aux familles juives.

Pour notre part, nous n’avions pas écouté les avertissements de personnes proches de la Résistance qui nous incitaient à nous cacher dans les maquis des Cévennes.

Mon Pére avait eu sa carrière d’Ingénieur brisée par la Guerre en 1916 et n’osait affronter l’incertitude de tout quitter pour s’enfuir ! Ou !

Une amie du Lycée m’offrait une cache chez ses parents, et au moment où avec l’accord de ma famille, j’allais le faire, 2 hommes de la Gestapo française frappaient à notre porte…

C’était le 13 Avril 1944. J’allais avoir 16 ans !

Notre cursus fut bien sûr, la Gestapo Marseille, la prison des Baumettes le camp de Drancy et puis…. L’enfer d’Auschwitz…

Seuls mon frère André et moi, en furent rescapés.

Notre cadet René se réfugia et se battit dans les FTP de la région gardoise.

Mon Père, ma Mère et ma Grand-Mère furent assassinés dans les chambres à gaz de Birkenau.

Nous étions alors 3 orphelins

Il fallait panser nos plaies et nous reconstruire sans beaucoup d’aide des services sociaux, de l’Etat.

A notre retour, en 1945, le leitmotiv des 3% de rescapés de France était

« Plus Jamais ça »

Qu’en est-il advenu ?

Bientôt, les survivants auront disparu

Seules les Institutions comme le Mémorial des Milles, celui de Paris et Yad Vachem à Jérusalem, celui de Washington,  rappelleront aux Hommes ce qu’aura été le Génocide des 76.000 juifs de France, celui de 6 millions de victimes déportées et assassinées, celui de 1.500.000 enfants juifs qui ont péri dans les chambres à gaz.

Celui des antifascistes opposants au régime hitlériens, celui des Résistants français et européens,  celui des tziganes exterminés en masse,  celui des enfants arriérés allemands, celui des prêtres qui se sont élevés contre les génocides perpétrés par les nazis,

Nous avons échappé à l’arienisation planifiée par Hitler et ses sbires.

Sans l’aide des Alliés et des Russes qui ont ouvert les portes de notre enfer d’Auschwitz et des autres camps, nous étions tous condamnés…

Et voici que maintenant, 70 ans après la libération de l’Europe du joug nazi, se pose encore la tragédie du terrorisme et du radicalisme islamique, et son accompagnement d’attentats du Djihad, du Daesh, et de ceux qui se laissent convaincre par un engagement diabolique.

Encore ces derniers jours à Marseille, un Enseignant juif qui portait la Kipa est agressé par un garçon de 15 ans armé d’un couteau et proférant par son geste le nom d’Allah..

Voici 10 ans qu’était torturé était assassiné Illiam Halimi auquel nous pensons très fort aujourd’hui.

Face à ces kamikases, la France et l’Europe soutenue par les Etats Unis et les pays de l’Est, montrent leur résolution à annihiler ces forces de destruction qui se déchainent.

Nous vivons à nouveau une ère terrifiante contre laquelle il va nous falloir nous armer de vigilance, et en appeler à la solidarité mondiale si nous ne voulons pas que nos enfants revivent ce que nous avons vécu voici 70 ans.

Pour les Juifs, toujours les premiers concernés par ces tristes événements, l’alyah n’est pas pour tous une solution, bien qu’Israél soit maintenant un rempart contre l’agression raciste.

Nous allons affronter des jours difficiles auxquels il faut nous préparer, mais notre Peuple a toujours surmonté les tragédies auxquelles il a été confronté.

Il continuera à le faire avec l’aide de tous les Hommes qui sont prêts à se battre contre les forces du Mal, afin que notre Société, malgré ses différences obtienne le droit du « Vivre Ensemble ».

Denise Toros-Marter

24 janvier 2016



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