Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Libération de Louis SERRE Marseillais. Résistant communiste arrêté à Paris. Déporté à vingt ans à Mauthausen d’avril 1943 à mai 1945.
13-01-2016
Extrait du texte sur Louis Serre , bulletin n°24 Renée Lopez –Théry

Le retour

Des camarades mouraient parce qu’ils avaient mangé une nourriture trop riche avec des saucisses et de la graisse. Le groupe des Français de Gusen a menacé de faire sauter le terrain s’ils ne partaient pas les premiers.« Après le célèbre appel d’Emile Valley (arrivé à Mauthausen le 25.03.1944, Matr 60652)  800 à 900 Français et Belges  de Mauthausen sont envoyés à Linzpour être rapatriés en France.  Là, il y avait 3 à 5000 prisonniers de guerre. Il y avait des paquets, des valises et les prisonniers voulaient partir les premiers car ils étaient en Allemagne depuis plus longtemps que nous. On n’était pas d’accord. Il n’y avait aucune organisation, les officiers n’avaient pas d’autorité. On dormait dans des hangars au milieu des avions et des mines 

On est parti les premiers dans les soutes des avions des forteresses[1] américaines. On a atterri à Beaumont sur Oise où personne ne nous attendait. On a traversé le village en guenilles. Les villageois fermaient les fenêtres. Qu’est-ce que c’est que ces bagnards ? Et puis quelqu’un a entendu parler français. Une maison s’est ouverte, puis deux, puis trois … Il fallait voir ce que les gens nous apportaient ! Ils mettaient de l’argent dans les poches. Puis un train nous a amenés à la gare du Nord. En arrivant j’ai descendu un cadavre. Pas de Croix Rouge. On n’était pas attendu. Des cars sont rapidement arrivés pour nous conduire à l’hôtel Lutétia pour passer devant le DGER  et où je suis resté deux jours. Je suis allé à la rue d’Albray pour avoir des nouvelles. Le concierge était  heureux de me revoir, il tenait absolument me rendre mon vélo utilisé par son petit-fils pendant la guerre. Je suis allé au marché de la rue Vaugirard. On me reconnaissait, on m’interpellait. Ma sœur Christiane se trouvait à Paris  pour le Congrès national des « Jeunes Filles de France ». Quand elle a su que j’étais rentré, elle est arrivée en courant : « Ce soir on prend le train et on rentre à Marseille.  Tu crois ? Je rentre dans un compartiment avec ma sœur. Personne d’autre ne l’occupera ! J’ai les dents déchaussées avec un début de scorbut qui me font terriblement souffrir. A Lyon, une infirmière de la Croix Rouge veut me retenir. Non, non, je pars, je vais rejoindre ma mère. J’avais un caractère infernal, j’étais révolté ; je ne pouvais plus voir les prisonniers de guerre … d’ailleurs je ne pouvais plus voir personne. Arrivé à Marseille, ma tante et un copain sont venus me chercher. Je pesais 36 kg. Mes sœurs Jeanne et Lucienne n’étaient pas rentrées. Puis on a su que d’Auschwitz, elles avaient été envoyées à Ravensbrück et  qu’elles avaient été évacuées et se trouvaient à Malmö en Suède. On a attendu qu’elles arrivent. Ma sœur aînée était mariée et avait un garçon que je suis allé voir à Saint Leu-la-Forêt chez ses grands-parents paternels. Son père, Georges Thevenin , soldat sur  la Ligne Maginot avait été fait  prisonnier et envoyé dans un camp disciplinaire à l’est de la Pologne».

 

Extrait du texte sur Louis Serre , bulletin n°24 Renée Lopez –Théry

 

 

 

 


[1] Ainsi appelées car les Américains survolaient en grand nombre les territoires à bombarder. 

 

Louis SERRE



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