Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Libération de Monique NOSLEY Résidente à Marseille Arrêtée à Paris, déportée à Ravensbrück
13-01-2016

par Renée Lopez-Théry

 

Déportée par le convoi des « 27 000 » le 31 janvier 1944, elle est libérée à Ravensbrück  par la Croix Rouge Internationale le 9 avril 1945.

En avril 1945 : «  Les SS ont demandé toutes les Françaises du camp de Siemens et en ont choisi un certain nombre. Le bruit courait qu’on était libérées. On nous a ramenées au grand camp qui s’était terriblement détérioré. Le toit de la baraque prenait l’eau, les matelas étaient trempés, la soupe n’arrivait plus.

Il y avait une pagaille noire. Il y avait des espèces de commandos de brigands. Finalement, le lendemain après comptage, on a eu une nouvelle baraque. Après trois à quatre jours, on a reçu un colis de la Croix Rouge Internationale.

Le 9 avril, dans le haut du camp, on a vu des camions blancs : c’était ceux de la Croix Rouge. On y est monté par numéro et nous sommes parties. C’était un retour extraordinaire car on a traversé l’Allemagne entre les deux fronts, il ne restait plus qu’un couloir ! Direction la Suisse. Il y avait une véritable pagaille, comme si on avait donné un coup de pied dans une fourmilière ; des soldats jetaient leur arme, des gens avec des voitures d’enfants chargées de leur richesse fuyaient. C’était inouï. Dans un village proche du Danube, à Hoff, on a couché dans une salle de fête avec de la paille par terre. Il y eu un bombardement. On ne se rendait compte de rien. Nous étions contentes et nous regardions. Nous avons vu des prisonniers français qui se baladaient. On a essayé de faire de la soupe pour les malades. Puis on nous a ramené de l’essence. Après avoir traversé le lac de Constance en bateau, on s’est rendu compte que nos chauffeurs étaient des prisonniers de guerre anglais. En Suisse, c’est la Gestapo qui nous a livrées cinq par cinq contre des Allemands faits prisonniers pendant la Campagne de France : c’était un échange, celui des 300. On a eu beaucoup de désillusions en Suisse. Ils étaient muets, ils ne savaient pas ce qu’étaient les déportés. Ils nous ont couchées dans une salle de gym, par terre sur de la paille. Trois ou quatre sont mortes pendant la nuit. Il y avait des douches : la femme de service nous demandait ce qu’on avait eu pour être aussi squelettique, couvertes de boutons et de plaies. On nous a donné une pomme, ce qui a déclenché la dysenterie. On nous a vite mises dans un train. Le long de la voie, le train s’est arrêté et de jeunes soldats français ont chanté la Marseillaise.

A Annemasse, le gouvernement français avait prévu des baraques, mais elles n’étaient pas encore construites : on rentrait trop tôt ! Les hôtels ont été réquisitionnés : les plus belles chambres pour les dames en uniforme et pour nous celles du troisième. Un syndicaliste a demandé l’inverse ».

 

C’était le premier train de retour des déportées.

Les femmes s’émerveillent de tout : « A la douche municipale, on chantait. A chaque arrêt on nous demandait des nouvelles, on nous apportait des cerises, de la viande et du pain. C’était l’accueil populaire. On nous a donné un drapeau tricolore. A la gare de Lyon, les cheminots nous ont chanté l’Internationale. On devait être reçues par le Général De Gaulle, mais le train avait trop de retard et il est parti. Le Lutétia n’existait pas. On ne savait pas vraiment ce qu’étaient les déportés. Ils avaient préparé un banquet avec des huîtres. Enfin, mes parents étaient là !

Ma sœur Anne qui a eu pour compagne Geneviève de Gaulle, a été libérée par des partisans polonais. Elle n’est rentrée qu’à la fin du mois de mai. Je ne l’ai pas reconnue tellement elle avait grossi car elle n’avait fait que manger, surtout des haricots. Moi, c’était le contraire, je n’arrivais pas à manger » .

 

Renée Lopez-Théry,  extrait du texte du bulletin n° 26 (décembre 2013)



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