Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

JEAN MOULIN. Par Francis AGOSTINI , président de l'Union Fédérale
06-10-2015

 EXTRAITS des  ESSAIS SUR LES MOUVEMENtS DE RESISTANCE DANS LES BOUCHES DU RHONE

Par Francis AGOSTINI , président de l'Union Fédérale

Tous droits réservées.

 JEAN MOULIN.

On ne peut pas parler de la Résistance sans que le nom de Jean MOULIN n'y soit associé.

Jean MOULIN est né le 20 juin 1899 dans une famille républicaine intallée à Béziers , son père étant enseignant et membre important de la Ligue des droits de l'homme , franc-maçon du Grand Orient et conseiller municipal de la ville. Le futur Préfet de la III° République sort ainsi d'un moule dont il lui sera difficile de se dégager. Après de solides études , il gravit ,grâce il faut bien le dire à nombre d'appuis les divers échelons de la préfectorale- Attaché au cabinet du Préfet de l'Hérault , puis chef de cabinet en 1920 , puis près du Préfet de Savoie en 1922 , Sous-Préfet d'Albertville en 1925 .

En 1932 il devient, après sa rencontre avec Pierre COT , Sous-Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères , son chef de cabinet jusqu'en 1937- En 1937 il est nommé Préfet de troisième classe dans l'Aveyron.

Les qualités qui sont les siennes vont le conduire à devenir un grand serviteur de la République , et notamment durant la période 1938-1939 , où il seconde activement son Ministre alors Ministre de l'Air en apportant toute l'aide possible aux républicains espagnols.

Le 21 février 1939 , il est nommé Préfet de l'Eure et Loir à Chartres où la guerre le surprend. C'est en mai 1940 que ses qualités d'organisateur vont se montrer au grand jour face aux flots de réfugiés qui déferlent sur son département avec les problèmes que l'on connait- Hébergement ,ravitaillement , service de santé etc.. d'une population particulièrement traumatisée par les bombardements , la situation se dégradant un peu plus chaque jour avec l'arrivée de nouveaux réfugiés ,des parisiens fuyant maintenant l'avance allemande en juin. Par voie d'affichage , le Préfet Jean MOULIN , tente d'endiguer l'exode en essayant de rassuer la population en exaltant le courage de nos soldats.

Le 14 juin la situation s'aggrave encore , les fonctionnaires affectés spéciaux de la Préfecture ayant reçu l'ordre de se replier vers le Sud.

Pourtant démuni de tout , sans ordres de son ministère de l'Intérieur, il demeure à son poste.

Le 17 juin les Allemands de la 8° Infanterie Division entrent à Chartres , leurs services de renseignements arrêtent le Préfet , le conduisent au quartier général de la division où il est sommé de signer un document accusant des unités de tirailleurs sénégalais d'avoir massacré des femmes et des enfants.

Jean MOULIN refuse de signer-Il est roué de coups , conduit

sur les lieux où se serait déroulée la tuerie incriminée aux sénégalais , il constate que les corps des victimes ont été tuées au cours d'un bombardement ; enfermé en compagnie d'un tirailleur sénégalais et craignant de céder sous les coups , le Préfet Jean MOULIN tente de se suicider en se tranchant la gorge avec des morceaux de verre.

Découvert au petit matin baignant dans son sang , il est ramené à la Préfecture et soigné par des religieuses qui le sauvent.

Le 12 juillet 1940 , Jean MOULIN réussit à rendre compte des évènements au Ministère de l'Intérieur à Vichy et reste en poste , logeant à la conciergerie de la Préfecture, cette dernière ayant été réquisitionnée au profit de la FeldKommandantur 751.

Ayant été victime de la vague d'épuration menée par Vichy contre tout ce qui pouvait représenter la République, Jean MOULIN est révoqué le 2 novembre 1940 par arrêté signé de la main même du Maréchal PETAIN.

Haut fonctionnaire en retraite , bataillant pour faire valoir ses droits , Jean MOULIN fera de brefs séjours à Paris , il tente d'obtenir un passeport pour se rendre à l'étranger,qu'il ne peut avoir car dénoncé par un fonctionnaire un peu trop zélé.... Les renseignements relevés sur cette période sont assez flous , mais d'où il ressort qu'il prend beaucoup de contacts avec des amis peu enclins de pactiser avec les idées de Vichy ou celles des allemands. Il semble également qu'il ait cotoyé nombre de petits groupes de résistants jusqu'à sa rencontre avec Henri FRENAY à Marseille chez le docteur RECORDIER au 67 rue de Rome le 15 juillet 1941 , après avoir témoigné au procès de Riom le 5 mai en faveur des ministres de la IH° République.

Il réussit à gagner Lisbonne par l'Espagne le 12 septembre 1941, se présente le 13 septembre à l'ambassade de Grande Bretagne et éveille l'intérêt des services secrets anglais et notamment le SOE. Il rédige un rapport assez long durant son séjour à Lisbonne sur les mouvements de résistance qu'il a rencontré Libération , le MLN, et Liberté. Il arrive à Londres le 20 octobre.

Sur place il multiplie les contacts , est reçu par le général de GAULLE et les différents commissaires , mais surtout celui de l'Intérieur et les responsables du BCRA. Il sera même reçu par le Premier Ministre britannique Winston CHURCHILL.

Venu pratiquement en messager , animé de sa seule foi , le Préfet Jean MOULIN allait être nanti d'une mission hautement importante car de celle-ci allait naitre- après bien des péripéties une Résistance à peu près unie.

En effet ,c'est doté d'un ordre de mission en bonne et due forme , signé de la main du général de GAULLE qu'il va effectuer sa première mission en étant parachuté dans les marais de la vallée des Baux dans la nuit du 1° au 2 janvier

1942 en compagnie de son radio Herve MONTJARET et de Raymond FASSIN.

Quelques jours plus tard , dans les tous premiers jours de

janvier , il rencontre à nouveau à Marseille , à l'initiative du docteur RECORDIER , au 103 rue Kléber , chez Agnès BIDAULT, soeur de Georges BIDAULT , Henri FRENAY et Maurice CHEVANCE ; là il sort d'une boite d'allumettes , le micro-film de son ordre de mission rédigé le 24 décemebre 1941.

« Je désigne Jean MOULIN comme mon représentant et comme délégué du Comité National Français pour la zone non directement occupée de la métropole.

M. MOULIN a pour mission de réaliser dans cette zone l'unité d'action de tous les éléments qui résistent à l'ennemi et à ses collaborateurs. M. MOULIN me rendra compte directement de l'éxécution de sa mission »

Charles de GAULLE.

Le 12 janvier, soit quelques jours plus tard , une nouvelle rencontre a lieu au 32 rue Saint Férréol à Marseille regroupant Jean MOULIN , Henri AUBRY , Henri FRENAY , Maurice CHEVANCE et Hervé MONTJARET.

Cette unification de la Résistance n'allait pas se faire sans heurts ; il faut cependant noter que l'action de Jean MOULIN s'éffectue sur deux périodes bien précises- Celle de sa première mission que l'on peut dater de janvier 1942 à fin novembre 1942 , où il est le représentant personnel du chef de la France Libre et son délégué.

C'est durant cette période où l'envoyé du général de GAULLE va grâce à son habileté , son sens de l'Etat et de la psychologie humaine réussir un premier tour de force car les obstacles ne manquent pas.

Si l'adhésion des mouvements à la France Libre est acceptée avec enthousiasme , les perspectives qui en découlent pour les responsables de ces

mouvements sont moins brillantes , car en effet dorénavant , ils allaient devoir compter sur les directives données par Londres et peu à peu se sentir déposséder de leur pouvoir de décision , et même de leurs troupes notamment plus tard pour l'Armée Secrète- l'AS-. D'où des incompréhensions qui iront jusqu'à se transformer en conflits internes; en fait les chefs des mouvements acceptaient bien le système de la coordination , mais n'étaient pas tellement chauds pour être subordonnés à Londres.

Choquait également la séparation du politique et du militaire.

La deuxième période fut celle de la dernière mission de Jean MOULIN- Fin novembre 1942- 21 juin 1943 , date de son arrestation à Caluire , où il exerce une véritable autorité ayant structuré solidement la Résistance , il arrive à créer le Conseil National de la Résistance.

Critiqué certes- Mais qui ne le serait pas dans de telles conditions ? Il s'est véritablement montré homme d'Etat puisque en peu de temps , il créé des services techniques , une agence de presse, le BIP-Bureau d'information et de presse en avril 1942 , le comité d'études générales-CGE en juillet , la centrale radio-WT- et le service des opérations aériennes.

C'est lui également qui comprenant , l'opposition des alliés au général de GAULLE et notamment celle du Président B.F. ROOSEVELT , va faire entrer les anciens partis au sein de la Résistance malgré les réticences de certains mouvements , donnant ainsi à la France Libre l'aval démocratique dont elle a besoin pour être reconnue internationalement , et cela sera chose faite lors de la première réunion du CNR le 27 mai 1943 à Paris , bien que cela ait été annoncé plus tôt par un télégramme du 8 mai à Londres, télégramme qui allait changer bien des choses en faveur du général de GAULLE vis à vis de la position du général GIRAUD et des alliés.

Jean MOULIN ne devait pas profiter trop longtemps de son succès puisque le 21 juin 1943 , soit moins d'un mois après la création du CNR , il est arrêté à Caluire près de Lyon par BARBIE , et torturé , il mourra vraisemblablement à Paris au cours de son transfert.



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