Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

LA LÉGION D'HONNEUR NOTRE PREMIER ORDRE NATIONAL
29-04-2015

Par le chef de bataillon Francis AGOSTINI ©

Officier de l'Ordre National de la Légion d'Honneur.

Président Départemental des Membres de la Légion d'Honneur Décoré au Péril de Leur Vie

Président de la Coordination des Combattants des Bouches-du-Rhône.

Président départemental de l'Union Fédérale des Bouches-du-Rhône

 

AVANT PROPOS

LES ORIGINES LOINTAINES

Il existait bien avant que Bonaparte, Premier consul ne crée cette magnifique décoration, différents ordres de chevalerie datant pratiquement du Moyen Âge.

Ainsi Louis XI avait fondé l'Ordre de Saint Michel en 1469, Henri III l'Ordre du Saint-Esprit en 1578 et l'Ordre de Saint Louis créé lui par Louis XIV.

Tous ces ordres avaient un lien commun, ils avaient une consonance royale et religieuse qui ne pouvait plus être tolérée lors de la révolution de 1789 et l'abolition des privilèges qui abolit toutes les décorations de l'ancien régime, les révolutionnaires de 1789 estimant que ces ordres n'étaient réservés qu'à la royauté et à la noblesse.

Mais l'idée de recréer un jour une décoration nationale ne fut pas enterrée loin de là, l'assemblée se réservant le droit de statuer sur la possibilité de créer une décoration nationale unique qui pourrait être accordée aux vertus, aux talents, enfin aux services rendus à la Nation.

Le Directoire avait compris qu'il fallait récompenser les militaires qui s'étaient distingués sur les champs de bataille, et à l'époque ces derniers étaient fort nombreux, avait institué de donner comme récompenses des armes d'honneur, pistolets, sabres, fusils, portant une plaque au nom du récipiendaire- Arrêté du 4 nivôse de l'an VIII- le 25 décembre 1799. En outre ceux qui recevaient ces armes d'honneur étaient gratifiés d'un brevet et un complément de solde.

Bonaparte alors général avait lui aussi compris que ses hommes ayant participé pour la plupart d'entre eux à la campagne d'Egypte et d'Italie avaient besoin de récompenses.

L'idée de la création d'une médaille est lancée par Joachim Murat qui s'en ouvre à Bonaparte par une lettre écrite en 1801.

Bonaparte devenant Premier Consul va se rendre compte que beaucoup de français étaient restés sensibles aux décorations que certains consuls et militaires étrangers portaient lorsqu'ils étaient reçus par le Premier Consul.

Cette idée va donc germer dans la tête du Premier Consul qui va mettre son projet à exécution, partant du principe que la constitution de 1791 avait inscrit dans son texte la promesse de récompense nationale ; il fallait donc la tenir et tenter de créer un ordre qui devait honorer la vertu, l'honneur, l'héroïsme.... Mais cette décoration devait à la fois honorer les militaires mais également les mérites civils.

En fait c'était toute la création d'un ordre qu'il fallait instituer, unique et universel qui serait ouvert aux militaires et aux civils, mais qui ne sera pas transmissible par les familles comme l'étaient les ordres royaux qui représentaient toute une chevalerie...

Le terme de chevalier de l'ancien régime ne devait plus apparaître, mais remplacé par celui de légionnaire.

Bonaparte va donc créer une commission qu'il va confier à Cambacérès, qui malgré ses réticences, va élaborer rapidement un texte, immédiatement contesté notamment par les républicains qui voient là, la renaissance des ordres abolis et donc forment une opposition très forte à la mise en œuvre de ce projet.

Le Premier Consul va devoir se battre face à cette opposition républicaine très dure, menée notamment par le conseiller d'état Théophile Berlier.

Pour le futur empereur il s'agit à travers cet ordre de :

:• Réconcilier les Français épuisés par dix ans d'instabilité politique, par la terreur et les conflits militaires avec l'étranger.

v  Fédérer autour d'un idéal républicain l'honneur de chacun avec l'honneur national.

v  Unir le courage des militaires et la capacité pour les civils de s'investir dans l'état, que lui Bonaparte imagine très fort- Ce sera l'empire.

Le Premier Consul va donc se voir attaquer par ses propres amis qui répétons-le, voient un retour à l'ancien régime et notamment par les interventions du conseiller d'état, Théophile Berlier, qui déclare que l'ordre proposé ne convient pas- Je cite- à une république, que les croix et les rubans n'étaient que des hochets de la république et demande que la magistrature soit servie en premier- C'est alors l'intervention du Premier Consul qui déclare-Je cite- C'est avec des hochets que l'on mène les hommes, devant Cambacérès et Roederer, lequel considère que l'on va vers la création d'une nouvelle noblesse...

Jean-Jacques de Cambacérès, Second Consul lui s'inquiète que les assemblées risquent de s'opposer au projet ; Bonaparte persiste et malgré cette opposition réussit à imposer ses vues- Le projet ne fut adopté par le Conseil d'état que par 14 voix contre dix, au Tribunat par 56 voix contre 36 et au Corps législatif par 170 voix contre 110, le 29 prairial de l'an X- (Le 19 mai 1802.)

En dehors des militaires, les récompenses devaient aller aux citoyens qui par leurs qualités et leur vertu avaient contribuer à établir ou à défendre les institutions de la révolution- Le légionnaire devait jurer, de non seulement se dévouer à la patrie, c'est-à-dire à la République, mais également de combattre par tous les moyens- Je cite- que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise tendant à rétablir le régime féodal, à reproduire les titres et qualités qui en étaient l'attribut, enfin de concourir de tout son pouvoir au maintien de l'égalité et de la liberté.

La première remise des croix eut lieu le 14 juillet aux Invalides, et ce fut le naturaliste Lacepède qui fut choisi comme premier grand chancelier de la Légion d'honneur.

Lors de son intronisation, il déclara d'ailleurs que cette date avait été choisie à dessein pour démontrer que la Légion d'honneur était la consécration de la victoire du 14 juillet 1789 et donc de la révolution.

À l’époque l'organisation de la Légion d'honneur était bien plus complète qu'elle ne l'est à l'heure actuelle-Les temps ayant changé- Et comportait :

Un grand conseil d'administration de 7 membres, de 15, puis de 16 cohortes auxquelles il était affecté des biens nationaux, s'élevant à 200.000 francs de rente.

v  Y siégeaient : les trois Consuls, Napoléon Bonaparte, Cambacérès et Lebrun.

v  Le sénat avait désigné le général Kellermann.

v  Le Tribunat, Lucien Bonaparte.

v  Le Conseil d'état Joseph Bonaparte.

v  Le Corps législatif, Bernard Germain Etienne Lacepède.

Sur le territoire de chaque cohorte il avait été créé un ou plusieurs hospices ou logements destinés à recueillir les membres de la Légion d'honneur, vieillissant, handicapés par des blessures reçues au combat ou des maladies et se trouvant dans le besoin, incapable de trouver un emploi du fait de leur condition physique.

Chaque cohorte comportait au moins, 7 grands officiers, 20 commandants, 30 officiers et 350 légionnaires.

Le siège de la Légion d'honneur fut le Palais de Salm situé à Paris- Actuellement dans le 7ème arrondissement. Le palais fut détruit lors de la commune de Paris, ayant brûlé, toutes les archives antérieures disparurent dans l'incendie.

La remise des premières croix eut lieu aux Invalides le 14 juillet mais comme ce jour était un samedi la cérémonie se déroula finalement le dimanche 15 juillet 1804 ; le grand chancelier, marquis de Lacepède prononça un long discours qui se termina par cette phrase « Honneur, Patrie, Napoléon ! Soyez à jamais la devise sacrée de la France et le gage de son éternelle prospérité ».

Puis les grands officiers furent appelés et l'empereur s'adressa à eux leur demandant de prêter serment « Commandants, officiers et légionnaires, vous jurez sur votre honneur de vous dévouer au service de l'empire et à la conservation de son territoire dans son intégrité, à la défense de l'empereur, des lois de la république et des propriétés qu'elle a consacrées, de combattre par tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise qui tiendrait à rétablir le régime féodal, enfin jurez de concourir de tout votre pouvoir au maintien de la liberté et de l'égalité, bases premières de nos institutions, vous le jurez ?

Le même cérémonial se déroula au camp de Boulogne le 16 août 1804, où comme aux Invalides, la réponse fut un immense Vive l'empereur !

LA LÉGION D'HONNEUR AU FIL DU TEMPS

Après la chute de l'empereur, Louis XVIII revint sur le trône et de par l'ordonnance du 19 juillet 1814 et garantira les droits des légionnaires, mais rétablira les Ordres royaux, l'ordre du Saint-Esprit et l'Ordre de Saint Michel. Mais il se fera à ce moment-là et durant le règne de louis XVIII une distribution effarante de Légion d'honneur à ses plus fidèles serviteurs et partisans ­10.000 croix- en moins de 8 mois.

L'empereur de retour de l'lled'Elbe va procéder à la suppression de toutes les croix n'ayant pas été signées par le grand chancelier Lacepède.

Après la défaite de Waterloo, l'abdication de l'empereur et son départ pour Sainte Hélène, Louis XVIII va nommer comme grand chancelier le maréchal Macdonald, duc de Tarente.

Le 26 mars 1816 est instauré l'Ordre de la Légion d'honneur, l'ordonnance du 22 mai 1816 incorporant dans le protocole les légionnaires derrière l'Ordre de Saint Louis.

Sous Charles X les choses n'évolueront guère.

Lors des trois glorieuses, la monarchie de juillet fait retrouver à la Légion d'honneur sa vraie place, le décret du 7 août 1830 faisant de la Légion d'honneur le seul Ordre National : elle le restera jusqu'en 1963, année où le général de Gaulle créera l'Ordre National du Mérite.

Certes le prince-président Louis Napoléon Bonaparte par un décret pris le 18 mars 1852, réorganise les règles de la Légion d'honneur, instaurant un conseil de l'Ordre qui devra veiller sur la régularité des propositions de décoration, ces règles restant en vigueur jusqu'en 1962- Elles seront partiellement modifiées par le président Sarkozy, règles permettant de nommer directement par promotion exceptionnelle un légionnaire à un grade supérieur sans passer par un grade intermédiaire.

Mais dans l'histoire de la Légion d'honneur certains faits sont venus ternir un tant soit peu son image de marque.

ü  J'ai cité la distribution qui en fut faite par le roi Louis XVIII à son retour.

ü  La troisième république faillit faire disparaître la Légion d'honneur cette dernière ayant été attaquée par Jules Ferry.

ü  En 1872 les députés et sénateurs se virent écarter de toute nomination sauf pour fait de guerre.

ü  11 y eut un premier scandale avec l'affaire du gendre de Jules Grévy, le député Wilson, reconnu coupable d'influence sur des attributions de Légion d'honneur, le président de la république touché par ce scandale dut démissionner....

ü  Quelque temps plus tard, l'affaire du général Boulanger qui fut radié de la Légion d'honneur pour tentative de putsch, alors qu'il avait été un brillant combattant en 1870.

ü  L'affaire de panama défraya la chronique mondaine avec la radiation de nombre de condamnés légionnaires, sauf Gustave Eiffel, ce qui entraina la démission du conseil de l'Ordre.

ü  Emile Zola, ayant soi-disant diffamé le conseil de guerre ayant condamné le capitaine Dreyfus fut radié alors, l'attaché militaire allemand à Paris auteur du faux bordereau ayant fait condamné le capitaine Dreyfus, était élevé au grade d'officier dans l'Ordre de la Légion d'honneur, le grand chancelier touché par ce scandale dut démissionner.

Tout cela va se traduire par un renforcement du conseil de l'Ordre en matière de surveillance accrue des dossiers de proposition qui feront l'objet d'examens beaucoup plus rigoureux.

Mais on ne peut passer sous silence le rôle social de l'Ordre de la Légion d'honneur, notamment par la création de la Maison d'Éducation de Saint Denis et celle de la Maison d'Éducation des Loges.



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