Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

Les Faits d'Armes, Ecrits, Récits

L'attaque du Fort VAUBAN à Nîmes le 4 Février 1944
22-11-2014

Par Marilyne Andréo

 Les FTP du camp n°2 des Bouzèdes et les guérilleros coordonnèrent leurs efforts afin de libérer des prisonniers politiques de la Maison centrale de Nîmes.

Elle était une citadelle construite à partir des plans de Vauban et qui devint une prison en 1793.

Aujourd’hui, elle existe encore et elle accueille les étudiants de la Faculté des Lettres Vauban à Nîmes, annexe de l’Université Paul Valéry à Montpellier.

A l’époque, elle pouvait contenir 651 détenus.

Le jour de l’évasion, elle en comptait 850 dont des internés politiques.

Avec l’aide de surveillants complaisants, « Mistral » et le service B (service de renseignements) du Front national préparèrent l’opération.

Un des surveillants reçut des armes qu’il introduisit dans la prison et qu’il cacha dans l’atelier du fer.

L’évasion prévue avant la fin du mois d’octobre 1943 ne put avoir lieu en raison du transfert de 163 détenus politiques à la Centrale d’Eysses.[1]

Cependant, 20 détenus politiques demeuraient encore à la Maison centrale de Nîmes.

En janvier 1944, Rémy Sauer (« Marty »), commandant des FTP légaux, et le service B projetèrent un nouveau plan.

C’étaient les FTP des Bouzèdes et des guérilleros espagnols qui avaient été désignés pour cette attaque prévue à 21h15.

Après l’assaut, un camion devait les attendre à la sortie de Nîmes pour se rendre à Saint-Géniès-de-Malgoirès afin que les évadés pussent se changer avant de rejoindre l’Estréchure où des FTP les auraient conduits aux Bouzèdes.

Un contretemps intervint avec l’interdiction à partir du 2 février de la circulation de nuit de véhicules dans le Gard.

24 maquisards répartis en 3 équipes attaquèrent la Maison centrale : le groupe offensif (13 hommes), l’équipe de protection et l’équipe de sécurité.

Le groupe offensif était dirigé par « Marty » et Cristino Garcia.

« Marty » sonna à la porte surveillée par le gardien qui les avait aidés à monter l’opération.

Croyant ouvrir à un gendarme comme cela devait être le cas, il ouvrit la porte à un homme masqué car les FTP n’avaient pas eu le temps de trouver cette tenue de gendarme.

Le gardien perdit donc son alibi et éveilla le soupçon des policiers.

Les 13 hommes entrèrent dans le poste de garde et prirent en otage les gardiens.

Cristino Garcia se blessa à la jambe droite avec son revolver, l’équipe de sécurité l’évacua tandis que le groupe de protection le pansa.

Le directeur a été alerté par le bruit, des sonneries retentirent rapidement interrompues par le sabotage du central téléphonique de la prison.

Guidés par deux gardiens, le reste du groupe de choc déverrouilla les cellules, les gardiens qui les avaient guidés ont été jetés dans la fosse à sciure pendant que le directeur rejoignait les autres gardiens au poste de garde sous la menace d’une arme.

Une voisine alerta la police qui envoya 4 gardiens de la paix interpellés par le groupe de protection qui les prit en otage lors de son repli. Les cellules étant ouvertes, les prisonniers de droit commun pensèrent s’échapper mais les maquisards les en empêchèrent même si 3 parvinrent à se mêler aux détenus politiques que les maquisards étaient venus chercher.

L’opération terminée, ils pouvaient partir à 21h45.

Dans leur fuite, des évadés jetèrent leurs sabots pour ne pas se faire remarquer et marchèrent pieds nus ou en chaussette[2].

L’alerte donnée après leur départ, les Feldgendarmes et le service de sûreté allemand arrivèrent sur place trop tard.

L’attaque plus longue que prévue, « Marcel » quitta le point de rendez-vous où il devait leur annoncer qu’il n’y aurait pas de camion pour venir les chercher et qu’il les guiderait jusqu’à Saint-Géniès-de-Malgoirès.

Il partit à leur rencontre.

Ne prenant pas la même rue que les maquisards et les anciens détenus, il les rata.

Au point de rendez-vous, « Marty » décida de rentrer aux Bouzèdes à pied à travers la garrigue.

« Marcel » se rendit chez « Mistral » à Saint-Géniès-de-Malgoirès qui se mit à leur recherche avec son camion bravant l’interdiction mais en vain.

Au bout de 6 nuits de marche, le groupe atteignit son but malgré le froid et l’absence de chaussures pour les évadés.

Dans la nuit du 5 au 6 février, Nardo Della Valle, italien, a été envoyé à Nîmes avec le vélo de l’un des gardes pour ramener des sandales et du ravitaillement mais il a été arrêté en route. Le 6 février, les 4 gardiens de la paix ont été libérés sans leurs armes.

Dans la soirée du 6, c’est Casimir Jedrzejewski, polonais, qui a été arrêté près de Saint-Chaptes avec 3 des évadés Pierre Dupuis, Michel Fernandez et Joseph Maurin[3].

En réalité, 23 détenus s’évadèrent lors de l’attaque[4]. 3 étaient vraiment des droits communs. Les autres étaient des résistants qualifiés de prisonniers de droit commun parce qu’ils avaient été arrêtés en possession d’armes ou lors d’opérations au nom de la Résistance d’où le statut de droit commun[5].

Sur les 20 détenus politiques, 8 étaient français, 3 espagnols dont Gabriel Ascensio qui allait être fusillé à Badaroux, 1 polonais et 6 italiens dont Giuseppe Bassoto, futur chef de l’équipe spéciale FTP, et Giuliano Pajetta, futur sénateur de Rome. Une partie rejoignit les FTP-MOI[6].

Sur les 27 assaillants, 14 étaient des guérilleros Espagnols (Cristino Garcia, Martin Alonso, Aquilino Garcia, Joaquín Olmos, Manuel Carrasco, etc.) plus un Italien et un Polonais des FTP[7].

Le comité de Libération italien joua également un rôle.

Après la blessure de Cristino Garcia, ce fut Achille Galligani, secrétaire du CILN, qui le soigna chez lui puis le transporta dans une planque. Il contacta Georges Chouleur qui lui envoya le docteur Cabouat.

Celui-ci prit en charge le blessé à la Maison de Santé protestante pendant 3 semaines puis Cristino Garcia se cacha chez divers résistants[8].

Les évadés:

SANCHIS Abundio, né le 14/07/1910 à Valence (Espagne), fils de Jose et de Julia Aguiodo

28/10/1938, tentative de vol, qualifié et recel

SALICETTI Ange Marie, né le 14/10/1914 aux Iles du Salut (Guyane), fils de Louis et Maria Petri

17/01/1939, meurtre

ROSSI Jean Adolphe, né le 30/10/1909 à Marseille (BdR), fils de Vittorio et Fracassi Angele

26/10/1940, vol qualifié dans wagons, entrave marche des trains

MARIN Joseph Elie Marius, né le 10/04/1906 à Ollioures (Var), fils de Augustin Henri François et Cécile Alesandrine Mastellan, 27/01/1942, meurtre

CORNILLE Roger Alfred Marius né le 11/06/1903 à Paris (XIV), fils d'Eugène Jules et Simone Lelièvre

01/04/1943, vol de denrées destinées à des prisonniers de guerre

LIRIO Galera Antonio, né le 15/04/1918 à Horia (Espagne), fils de Joachim et Galera Agendaz

11/03/1943, détention de munitions

FERNANDEZ Michel, né le 19/12/1922 à Villeurbanne (Rhône), fils de Joseph et Servantes Maria

19/07/1943, vol qualifié, com., détention d'armes

ASCENSIO Gabriel, né le 15/04/1923 à Sète (Hérault), fils de Gabriel et Perez Marie

19/11/1941, coups et blessures, tentative d'évasion complicité

MAURY Pierre, né le 15/08/1922 à Pérols (Hérault), fils d'Etienne Baptiste et Cleano Marie Antoinette, 17/10/1941, vol au préjudice particulier

DZIENIATKOWOSKI Henri, né le 8/12/1917 aux Etats-Unis, fils de Vollar et Appolorm

16/12/1942, vols

MANGIAVILLANA Jérôme Stéphan, né le 17/04/1917 à Marseille (BdR), fils de Joseph et Parité Assensa, 16/12/1942 vols

DIAZ Baldoricio, né le 26/07/1924 à Pechina (Italie), fils de Gabriel et Albab Dolorès 27/01/1943, vols qualifiés

PAJETTA Juliano, né le 1/10/1915 à Turin (Italie), fils de Charles et Berini Elvire

29/01/1943, expulsion diss., identité falsifications usage carte, distribution de tracts

SCHIAPPARELLI Stéphane né le 20/10/1901 à Cochupo (Italie), fils de Pierre et Carano Angele

29/01/1943 inf. arrêté d'expulsion

CANAL Marcel Marius né le 10/01/1905, fils de Joseph Emmanuel et Suel Joséphine

01/12/1942 vol hausse illicite, vente denrées conting. sans ticket

ALEXANDER Edouard né le 16/02/1916 à Marseille (BdR), fils d'Alfred et Modiano Marcelle

26/05/1943 détention d'armes et d'explosifs

BERINA Jovani né le 14/03/1913 à Managada (Italie), fils de Francesco et Breane Louise

08/04/1943 tentative de vol qualifié, outrage à agents

BESSON Pierre né le 26/01/1903 à Arles (BdR), fils de Léopold et Fournet Léontine

26/05/1943 détention d'armes

MANIERA Aristodeno né le 5/08/1903 à Castelamare (Italie), fils d'Albert et Draguini Faustina

29/05/1943 Expulsion, usage de fausse carte

BASSOTO Giuseppe né le 28/01/1921 à Alberedo d'Adige (Italie), fils de Josue et Maria Baldin

18/06/1943, vol

CASES Thomas, né le 7/03/1913 à Sena (Espagne), fils de Joseph et Avera Villa, 25/02/1943,vol qualifié, complicité et recel

 

Marilyne Andréo

 


[1] Vielzeuf A., On les appelait « les bandits », pp. 109-114.

[2] Ibid., pp. 119-130.

1 W 255, A.D. Gard, « Rapport n°287/CAB du 5 février 1944 du préfet du Gard à Nîmes au chef du gouvernement, ministre secrétaire d’Etat à l’Intérieur, secrétariat général au maintien de l’ordre à Vichy ».

[3] 1 W 255, A.D. Gard, « Rapport n°296/CAB du 7 février 1944 du préfet du Gard à Nîmes au chef du gouvernement, ministre secrétaire d’Etat à l’Intérieur, secrétariat général au maintien de l’ordre à Vichy ».

1 W 255, A.D. Gard, « Rapport n°1140/A du 7 février 1944 du commissaire central de Nîmes au préfet du Gard à Nîmes ».

Vielzeuf A., On les appelait « les bandits », pp. 130-139.

[4] 1 W 255, A.D. Gard, « Liste nominative des détenus évadés de la maison centrale de Nîmes dans la nuit du 4 au 5 février 1944 ».

[5] Ibid.

Vielzeuf A., On les appelait « les bandits », p. 115.

[6] 1 W 255, A.D. Gard, « Liste nominative des détenus évadés de la maison centrale de Nîmes dans la nuit du 4 au 5 février 1944 ».

Bouladou G., op. cit., p. 169.

[7]Sanz M.A., op. cit., p. 169.

[8] 1 W 683, A.D. Gard, Associations de Résistance.

Vielzeuf A., On les appelait « les bandits », pp. 143-146.



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