Résistants, Personnalités liées à la Résistance

Résistants, Personnalités liées à la Résistance

30 mai 1907-19 avril 2008

 GERMAINE TILLION

Germaine Tillion est née le 30 mai 1907 à Allègre, bourg de la Haute-Loire proche de Puy-en-Velay. En 1919, la famille déménage dans la région parisienne ; au cours des années vingt, Tillion entreprend des études d’ethnologie. En 1933, elle obtient une bourse pour aller étudier la population berbère habitant dans les Aurès algériens. Entre 1934 et 1940, elle accomplit quatre longs séjours chez les Chaouias, d’une durée totale de trois ans, elle poursuit aussi la rédaction de sa thèse.

Elle rentre en France de sa dernière mission le 9 juin 1940. Une dizaine de jours plus tard, elle décide qu’« il faut faire quelque chose ». Avec un colonel à la retraite, Paul Hauet, ils commencent leurs activités de résistance sous couvert d’une association d’aide aux prisonniers de guerre, l’Union nationale des combattants coloniaux. Cette cellule entre en contact avec des groupes analogues, comme celui de quelques collaborateurs du Musée de l’Homme, avec à sa tête Boris Vildé. Au moment où Tillion s’occupe de l’homologation administrative du réseau, en 1946, elle lui donne le nom de Réseau du musée de l’Homme, hommage à grand nombre de ses fondateurs. Ce groupe aux dimensions fluctuantes se livre à des actions multiples : collecter des informations pour les transmettre à « Londres », accueillir les soldats évadés ou organiser des évasions, héberger des parachutistes anglais, fabriquer des faux papiers, diffuser des appels au combat, liquider des traîtres et des agents de la Gestapo.

Bien que patriote dévouée, Tillion n’oublie pas un autre principe directeur dont elle se réclame, le dévouement à la vérité et à la justice, dont l’horizon est universel. Dans un tract elle destiné à la presse clandestine, elle constate que des informations nombreuses mais contradictoires concernant la situation du moment circulent dans la société française, ce qui s’explique par les intérêts divergents de leurs sources. Elle enjoint à ses camarades résistants de ne pas biaiser avec la vérité, de ne rien cacher, de s’efforcer de comprendre et de juger impartialement. « Sur le plan des idées, nous ne connaissons d’emblée qu’une cause qui nous est chère, celle de notre patrie, c’est par amour pour elle que nous nous sommes groupés, c’est pour essayer de maintenir sa foi et son espérance. Mais nous ne voulons pas, nous ne voulons absolument pas lui sacrifier la vérité, car notre patrie ne nous est chère qu’à la condition de ne pas devoir lui sacrifier la vérité ».

Très vite, une première dénonciation entraîne l’arrestation de plusieurs membres de la cellule du musée de l’Homme ; en avril 1941, une seconde trahison provoque celle de ses autres membres. Leur procès se tiendra un an plus tard, en février 1942. Dix personnes, dont plusieurs proches amis, sont condamnées à mort. Tillion, qui a échappé à ces deux vagues d’arrestation, fait tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir leur grâce, mais sans succès : les sept hommes du groupe sont fusillés, les trois femmes partent en déportation. En août 1942, elle-même sera arrêtée dans la rue par la police allemande : elle a été trahie, à son tour, par un prêtre français qui se faisait passer pour résistant. Elle sera détenue pendant plus d’un an dans les prisons françaises, à la Santé et à Fresnes.

Déportée au camp de Ravensbrück en octobre 1943, elle en sortira en avril 1945. Après son retour en France, elle se consacrera essentiellement à l’histoire de la résistance et de la déportation, sur lesquelles elle publiera plusieurs études ; mais elle n’abandonne pas son engagement civique et participe à la campagne contre les camps toujours en activité, ainsi dans les pays communistes en Europe et en Asie.

En 1954, elle est envoyée par le gouvernement français en mission d’observation en Algérie, où l’on assiste aux premiers pas de l’insurrection. Au début, Tillion propose de renforcer l’enseignement délivré à la population indigène - garçons et filles, enfants et adultes - pour lui permettre de sortir de la misère provoquée par le développement économique du pays. Le conflit s’intensifiant, à partir de 1957, Tillion se consacre exclusivement à atténuer les effets de la violence, elle milite contre la torture, les exécutions, elle rencontre aussi les dirigeants du FLN pour les convaincre d’interrompre les attentats aveugles.

 Elue Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en 1958, elle consacre les décennies suivantes à l’étude des sociétés d’Afrique du Nord, elle publie également une édition refondue de Ravensbrück, son livre sur la déportation. Elle est décédée le 19 avril 2008 à son domicile. Après sa mort est paru son ouvrage autobiographique, Fragments de vie (2009).

Texte de  Tzvetan Todorov avec son aimable autorisation.



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